La liberté des uns
73 pages
Français

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Description

Entre son métier de prof, son goût pour l'histoire et son engagement dans les associations, Jean-Philippe vit une existence heureuse, agrémentée de sport et de promenades à cheval, dans une habitation de charme au bord de la rivière. Ce bel équilibre est chamboulé un jour par l'apparition dans sa vie de Lola, une jeune beauté brune à la sensualité exacerbée. Dans son environnement jusqu'à présent préservé, se succèdent alors disparitions et meurtres inexpliqués.

Informations

Publié par
Date de parution 11 septembre 2014
Nombre de lectures 1
EAN13 9782312024721
Langue Français

Extrait

La liberté des uns
Loïc Kergroac’h
La liberté des uns












LES ÉDITIONS DU NET
22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes
© Les Éditions du Net, 2014
ISBN : 978-2-312-02472-1
1.
Lycée de Vermars, 1 er septembre.
La réunion de pré-rentrée était commencée depuis trois quarts d’heure. Au début de la matinée, le chef d’établissement avait laissé les 80 profs se retrouver, pour les anciens, ou découvrir leur cadre de travail, pour les nouveaux. Tout le personnel était maintenant assis dans la salle polyvalente et écoutait la bonne parole du proviseur, debout face à eux, encadré de son adjoint, de la CPE, de l’intendante, des secrétaires… Les dames du personnel de service et les ouvriers d’entretien ne cachaient pas qu’ils avaient hâte de vaquer à leurs véritables occupations, sérieuses et concrètes. Ils avaient mieux à faire que d’écouter blablater à propos des projets pédagogiques du lycée. En première ligne, les profs syndicalistes prenaient des notes et ricanaient à chaque annonce de baisse de moyens ou de suppression de poste. Planqué au dernier rang, un prof d’éducation physique, un ancien, lisait l’Équipe sur ses genoux. Et l’ensemble des profs n’attendait qu’une chose, moment que le proviseur retardait sadiquement : la distribution de leur emploi du temps.
Le discours durait, dans la salle montaient l’ennui et la rumeur, qui soudain cessa. Le silence figea l’assistance.
Le proviseur se tut. L’adjoint resta bouche ouverte. La CPE se leva sans raison. L’assemblée se retourna vers le fond de la salle. Le journal tomba des genoux du prof d’EPS.
Lola faisait son entrée.
Une apparition dans cette matinée grise. Silhouette de publicité, toute vêtue de noir, collant luisant sur des jambes fuselées, jupe bandeau sur des fesses rebondies. On aurait pu enserrer sa taille en joignant les mains. Son T-shirt échancré révélait la présence d’une croix en or, l’absence de soutien-gorge, et pourtant ses seins ne bougeaient pas quand elle traversait la salle, démarche chaloupée de danseur de tango. Ses cheveux de jais flottaient sur les épaules. Sa sensualité frisait l’indécence. Son sourire éclata sur des dents parfaites pour souffler :
– Veuillez m’excuser… La circulation…
L’adjoint finit de rougir, la CPE faillit rater sa chaise en se rasseyant, la salle chuchota, le provi-seur se reprit :
– Je vous en prie, Mademoiselle… Chers collègues, je vous présente Mademoiselle Lola Fon-tana. Mademoiselle Fontana sera notre assistante en espagnol pour les classes de seconde. Vous êtes historienne, Mademoiselle, n’est-ce pas ?
Lola, s’assit au premier rang, croisa les jambes, posa sur ses cuisses son mini sac noir et acquiesça d’un battement de ses longs cils.
– Vous nous arrivez d’Amérique du sud, vous êtes Bolivienne, Mademoiselle Fontana, n’est-ce pas ?
– Franco-Bolivienne, Monsieur le proviseur…
– Veuillez m’excuser. Bienvenue dans notre équipe, Mademoiselle.
Ainsi m’apparut Lola.
2.
Fille d’une mère française et d’un diplomate bolivien, Lola a vingt-trois ans, elle est super jolie, elle a le teint mat, elle parle un français parfait, d’une voix contralto voilé, juste avec une pointe d’accent qu’elle cultive, consciente de l’effet produit sur les mâles.
Pour l’instant, Lola se prend pour un pilote de rallye. Si elle croit m’épater en faisant son numéro, elle se rend ridicule. Je n’ai vraiment aucune admiration pour une petite idiote au volant d’une vieille Peugeot 106 empruntée (à qui ?), qui conduit pied au plancher en prenant tous les risques.
– Tout va bien, Jean-Philippe ?
Non, Lola.
Mais il n’est pas question que je m’abaisse à le lui avouer, Lola n’attend que cela. Je croyais cette attitude exclusivement masculine.
De Vermars jusqu’aux abords de Nantes, la circulation est fluide en ce samedi soir. Mais l’entrée dans l’agglomération est plus difficile. Lola n’a pas ralenti. Son pied ne se lève de la pédale que lorsqu’elle change de vitesse. Deuxième ligne de ponts, Lola chantonne, double à droite, repart à gauche. La voiture s’envole sur les ralentisseurs tous les cinquante mètres. Les amortisseurs sont pourris. Trois fois, mon crâne nu a heurté le plafond mal capitonné de la voiture. Trois fois Lola a éclaté de rire.
– Tu veux un casque, Jean-Philippe ?
Je garde le visage impassible. Je serre les dents et les fesses.
Comment ai-je pu accepter qu’elle me trim-balle dans sa voiture ? Pourquoi n’ai-je pas emprunté la mienne ? Elle avait les larmes aux yeux quand elle m’a prié de l’accompagner chez elle, à Nantes.
– S’il te plaît, Jean-Philippe, je veux te montrer quelque chose, j’ai besoin de ta présence à côté de moi pour partager un moment de recueillement. Tu sais que nous sommes aujourd’hui le 2 novembre. C’est la fête des défunts. S’il te plaît, viens, je suis seule…
Elle inclinait la tête et ressemblait à cet instant à la Piéta de Michel-Ange. Comment refuser à une Piéta de Michel-Ange ?
Son numéro de conduite acrobatique se pour-suit. Si je montre le moindre geste d’agacement, c’est elle qui aura gagné. Je me rencogne sur le siège défoncé de la 106, je tente de prendre l’air dégagé, indifférent. Je garderai mon calme, je ne crisperai pas les mâchoires, je ne fermerai pas les yeux… elle empiète sur la piste cyclable, là… je ne craquerai pas, je ne ferai pas une remarque, ce serait lui faire trop plaisir, à la petite poupée brune.
Je vais donc « partager un moment de recueillement… » Le recueillement, ce n’est pas vraiment mon affaire… Bon, j’ai accepté, mais après, basta ! elle reste chez elle, je retourne à la maison par mes propres moyens, je vais me coucher seul, et finie l’aventure avec cette excitée. À 36 ans, j’ai passé l’âge de ces conneries-là !
Ce genre de faiblesse pour une Lolita n’est pourtant pas dans mes habitudes. Les femmes que j’ai connues jusqu’alors avaient mon âge. Nous nous séparions après une semaine ou quelques mois. Sans colère, sans excitation, chaque liaison effaçait la précédente. Le record de durée a été d’un an. Pas de ruptures, pas de fâcheries, des simples sépa-rations. À chaque fois j’en ai été soulagé, sachant gré à chacune de me laisser reprendre le cours de ma vie, libre et indépendant. Cette rencontre avec Lola, je ne l’ai pas cherchée. C’est elle qui s’est imposée, hier soir en débarquant chez moi. À vrai dire, je n’ai pas beaucoup résisté. Moment de défaillance regrettable… j’ai été piégé. Mais qui ne l’aurait pas été ?
Lola négocie par à-coups la courbe d’un rond-point (rectangulaire). Les pneus crient, la caisse s’embarque à gauche, à droite, Lola rit. Elle a le visage mobile d’une enfant.
– Un sourire, Jean-Philippe ?
Sa voix est profonde et rauque comme un souffle.
Devant nous, le flot de la circulation s’épaissit. Un embouteillage entrave la course de notre véhicule. Pourquoi s’embêter ? Un coup de volant, la voiture avale une bordure en granit et se retrouve sur la voie centrale.
– Rompe muelle ! claironne Lola.
Cette chaussée est réservée au busway, un hybride de bus et de tramway qui roule en site pro-pre sur plusieurs lignes à Nantes. La chaussée est un billard parfaitement rectiligne, pratique pour les ados du coin qui font des roues arrière sur leur scooter. Lola écrase l’accélérateur.
Collé au siège, je m’agrippe à ma ceinture. Il n’y a pas d’airbag dans les vieilles 106.
Tiens, elle n’a pas bouclé la sienne… Première et dernière fois que je monte avec elle. C’est peut-être comme ça qu’on roule à La Paz, mais ici on est civilisés !
Lola est une enfant gâtée. Elle ne sait parler que d’elle, elle est le centre du monde. Elle est arri-vée en France il y a huit jours, son père est riche et exauce tous ses caprices. Elle possède dans son pays, en Bolivie, un petit cabriolet de sport, elle n’a pas l’habitude de se plier à des règles valables pour le commun des mortels.
Lola se présente comme historienne, spécia-liste de la période précolombienne en Amérique latine. Si elle le dit… En même temps qu’elle poursuit ses études à la fac de lettres à Nantes, elle donne quelques heures en tant qu’assistante d’espa-gnol au lycée de Vermars, où moi-même je suis prof d’histoire-géo. Hier soir, elle a débarqué chez moi sans avertir. Elle désirait « recevoir les conseils d’un prof chevronné ». Elle disait avoir des difficultés d’ordre disciplinaire. Ça ne m’avait pas échappé. Battements de longs cils, regards mouillés et voix feutrée :
– Jean-Philippe, j’admire ton autorité face à tes élèves. Comment fais-tu ?
Le prétexte était un peu gros, la flatterie était un peu évidente.
Des difficultés ? Tu m’étonnes ! J’aurais p

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