Le crime du Parc Monceaux
61 pages
Français

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Description

En janvier 1849, pour fêter l’achèvement de son hôtel, le Comte de N... offre un dîner de remerciement à ses entrepreneurs et à leurs principaux ouvriers.


Ensuite, comme chaque soir, il s’en va à son Cercle, laissant femme et enfants dans leur nouvelle demeure.


À son retour, il découvre les corps de son épouse, de ses deux chérubins et de leur nounou, sans vie, les crânes fracassés, leurs visages en bouillie...

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Informations

Publié par
Date de parution 25 mai 2023
Nombre de lectures 0
EAN13 9782385011703
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0011€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LE CRIME DU PARC MONCEAUX
Histoire de Confession

par Alexandre MERCEREAU
À mon ami MARCEL BATILLIAT,
noble esprit et cœur généreux.
LE CRIME DU PARC MONCEAUX
 
Quoiqu'il y eût déjà soixante-trois ans que, sur le rapport de Messieurs les Fermiers Généraux, Mousseaux (1) avait été réuni à Paris, il avait intégralement gardé son caractère champêtre.
Celui qui n'a connu le quartier Monceau qu'au début de son état actuel aura peine à admettre que, moins d'un demi-siècle plus tôt, on y rencontrait plus de bestiaux que de gens, de paysans que de citadins ; moins de limousines élégantes que de charrettes lourdement chargées de fumier ou de foin.
Où sont maintenant des rues droites, monotones, froides comme en enfante, depuis une centaine d'années, le cerveau géométrique et sans fantaisie des édiles, s'entrelaçaient des sentiers buissonneux, serpentaient des routes heureuses de ne s'étaler aux dépens d'aucun caprice du terrain.
À la place du bitume glacial, de l'asphalte sans vie, des rectangles de bois chauves s'étendaient tantôt des routes cailloutées, tantôt la voie romaine, entre les grossiers pavés de grès desquels poussait l'herbe, rase, mais drue, insuffisante, certes, à amortir le bruit des carrosses, des coucous, des diligences, des coches qui se suivaient de loin en loin, mais si plaisante à l'œil ; tantôt un simple sol de terre battue où se vautraient, il faut bien le dire aussi, d'interminables ornières, profondes, inégales, traîtresses, et qui faisaient jurer postillons, cochers et charretiers.
Au lieu des carrefours d'où émergent, comme des îles découpées à l'emporte-pièce, les refuges surmontés d'un phare tout droit, riaient des mares à l'abri d'un rideau de saules pleureurs, d'aunes, de trembles aux formes fantasques. Un peuple de canards y prenait ses ébats, effrayant tout à coup des grenouilles qui, d'un bond, se précipitaient au fond de l'eau, asile plus sûr que les hautes herbes fleuries des rives.
Où se dressent des bâtisses hautaines, impénétrables, compassées, dont les façades sinistres, encastrées les unes dans les autres, donnent l'impression d'un immense columbarium, s'étalait la plaine, parsemée de fermes attrayantes, de logis de plaisance, de joyeuses guinguettes, de maisonnettes pimpantes, de plain-pied, ouvertes et de bon accueil. Sous leur benoîte coiffe de tuile plate ou tuyautée, sous leur capuche pointue de chaume où la mousse mettait ses fanfreluches, elles montraient les unes une face blafarde de pierrot enfariné, d'autres un visage souriant de marquise poudrée. La bouche rieuse et avenante de la porte ; les grands yeux des fenêtres, naïfs entre leurs cils de treilles et de rosiers grimpants ; les pommettes rouges des volets repeints à neuf chaque année, tout composait aux façades une physionomie agréable qui vous donnait envie d'entrer et de passer là le restant de vos jours.
Chaque coin était un tableau où tout aimait, chantait, vivait.
Des poules picoraient devant les seuils, caquetaient dans les granges, gloussaient au milieu de leurs poussins, pendant que les coqs, prétentieux, plastronnaient, se jetaient de bruyants défis, se livraient des combats épiques, claironnaient leur victoire. Sur le chaperon en dos d'âne des murs de clôture, des chats lissaient d'une langue infatigable leur houppelande, guignant d'un œil sournois pigeons et tourterelles qui, élevant et abaissant alternativement leur jabot, roucoulaient ou se faisaient la cour, bec en bec.
Des chiens aboyaient contre les troupeaux mugissant, bêlant, grognant que bouviers, bergers, porchers menaient paître dans les prairies enrubannées de ruisseaux ou sur le flanc abrupt du Mont de Mars.
Sans doute, les eaux ménagères, croupissant dans les rigoles, dégageaient des relents moins dissimulés encore que ceux de nos égouts contemporains, mais il y avait dans l'atmosphère une si bonne odeur de sainfoin, de tilleul, d'acacia, d'érable, un si suave parfum de lilas, de jasmin, de lys, de chèvrefeuille, selon la saison, que, devant ces douces compensations, les promeneurs ne pensaient pas à se révolter.
Depuis soixante-trois ans, les événements s'étaient précipités avec tant de rapidité, la physionomie sociale avait tant de fois changé ; les hommes, leurs projets, leur pouvoir s'étaient succédé si vite, qu'aucune transformation radicale n'avait pu être apportée aux choses.
C'est pourquoi Mousseaux, tout en subissant le contrecoup des drames de l'histoire, n'avait pas profité du fait le plus décisif de sa vie : le décret de 1786 qui le métamorphosait de faubourg en quartier, de hameau en parcelle de la capitale.
Seules les fortifications, que Louis-Philippe 1 er venait d'achever en six ans, témoignaient, par leur énorme ceinture blanche et verte, que les vœux des Fermiers Généraux n'étaient pas restés lettre morte.
En effet, à peine le territoire champêtre avait-il obtenu droit de cité, à peine l'édit royal était-il mis en vigueur, que le régime qui l'avait promulgué était précipité par terre.
Épilogue d'une aventure dont les prémices étaient à Versailles, dans la Salle des Menus Plaisirs (oh ! ironie du sort) le 5 mai, à l'Assemblée Nationale le 17 et, surtout, au Jeu de Paume le 20 juin, la mémorable journée du 14 juillet 89 préparait toute une série d'événements qui allaient fondre sans répit les uns sur les autres : le magnifique 4 août, l'abolition de tous les privilèges personnels, corporatifs, provinciaux et « l'immortelle proclamation des Droits de l'Homme » à l'exemple de celle des États-Unis récemment libérés du joug anglais ; la Constitution et l'égalité de tous devant la Loi ; les seigneurs, tant de siècles tout puissants, fuyant devant leurs serfs, révoltés depuis quelques heures seulement ; le 30 septembre et la Législative offrant en vain sa collaboration à l'autocrate, la fuite du Roi ; le 10 août 92 et l'abolition de la monarchie ; le 18 septembre et la Convention ; le 22 et la République ; le 17 janvier 93 et la condamnation à mort de Louis XVI ; le 31 mai et la chute des Girondins ; la Dictature de Robespierre et le règne de la Terreur.
La Terreur... Des têtes montaient, tombaient, roulaient ; des esclaves devenaient dieux et tout aussitôt disparaissaient dans le néant, des pauvres devenaient riches et des riches tendaient la main, en attendant, les uns aussi bien que les autres, d'être décapités.
À peine Louis Capet, puis l'Autrichienne, puis leurs amis, puis les amis de leurs amis, puis leurs défenseurs étaient-ils guillotinés que leurs bourreaux eux-mêmes n'avaient plus de tête. On luttait pourtant au nom de la Fraternité !
Ceux qui avaient été en haut étaient mis en bas et servaient de marchepied à ceux qui grimpaient prendre leur place au nom de l'Égalité. Ceux qui pensaient comme on pensait hier ou comme on penserait demain étaient traqués au nom de la Liberté par les protagonistes de la pensée du moment.
La Terreur... Mais le hameau de Mousseaux ne connut pas les heures sanglantes. C'était dans les quartiers lointains où grouillait le populaire : Saint Marceaux, Saint Antoine, le Temple, que se formait la Révolution. C'était de là qu'elle déferlait sur les quartiers aristocratiques. Hors des féroces journées de septembre, il n'y eut à déplorer que le massacre d'une seule famille, dans un château situé tout près de la barrière. Pour le reste, c'est tout au plus si la main des patriotes effaça des habitations seigneuriales, armoiries et blasons, tout ce qui symbolisait les privilèges du régime exécré, s'empara du mobilier des ci-devant, brisant, brûlant ce qu'elle n'emportait pas.
Mais c'était tout, Mousseaux était trop perdu dans les champs pour être troublé jusqu'au sang par le sursaut d'un peuple rendu maître de ses destinées, tout à coup, sans y avoir été préparé, et qui voyait sous ses coups s'effondrer un ordre social millénaire, avant d'avoir même réfléchi au plan d'un nouvel ordre social répondant à ses besoins ; cherchait son équilibre à travers un dédale de maximes contraires, de principes incompatibles, de visions inconciliables, de conceptions aussi étroites, de fanatismes aussi intolérants, d'intérêts aussi opposés, de désirs aussi égoïstes que ceux qui avaient suscité l'état de choses périmé, dicté les anciennes lois ; de passions aussi impérieuses, aussi néfastes, aussi injustifiables que celles qui avaient amené la décadence, puis la destruction des institutions d'hier et qui ne tarderaient pas à amener la ruine de celles du jour.
Quand l'Assemblée Nationale Législative, refusant plus longtemps le pouvoir, eut remis le sort du pays entre les mains de la Convention et du peuple, la Révolution jusqu'alors bourgeoise et pacifique fit place à la Révolution sociale et sanguinaire. La Plaine et la Montagne, les Girondins et les Jacobins, les Feuillants et les Cordeliers, les Ventres et les Philosophes s'entre-dévorèrent, laissant au bout de quatre ans la place nette pour le Directoire qui, lui-même, âgé de quatre ans, fut dévoré par le Consulat, qui ne dura pas davantage et disparut devant l'Empereur. Disons que Mousseaux en avait reçu quelque écho. Mais ce ne fut que par la pioche des fossoyeurs. C'est dans un de ses terrains vagues (2) que furent, en effet, ensevelis Charlotte Corday d'Amians, Saint-Just, les frères Robespierre, Couthon, Gombeau, Dumas, Simon, geôlier de Louis XVII, Henriot, commandant de la Garde Nationale, et Philippe-Égalité.
Il ne fallut rien de moins que toute l'Europe ensanglantée pour ramener le calme dans Paris, mais on pensait à pacifier l'Europe, non à coloniser le hameau qui continuait à filer des heures douces.
Puis ce fut 1812 et la conspiration du Général de Malet ; 1814 et la funeste bataille du 30 mars, 1814 et les alliés, et derrière les alliés ce fut le Roi Citoyen, frère du guillotiné, et derrière le Roi Citoyen, ce fut la Terreur Blanche, fille tardive de la Terreur Rouge ; 1815 et de nouveau pour cent jours l'Empereur, puis encore Louis XVIII qui mourut à propos pour laisser le trône à Charles X. Puis le flot révolutionnaire de j

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