Le dossier Stork
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Description

Journal TV BBC News / Flash spécial -17 août


« L’affreuse nouvelle tombe à l’instant : Bob Dickens, le chanteur, guitariste et leader de Stork est mort. Il était huit heures trente ce matin quand son secrétaire particulier a découvert son corps sans vie dans son manoir, une merveille du onzième siècle nichée dans les collines du Dorset à quelques miles de Dorchester. »


Quand les vieilles gloires du rock mondial sont assassinées, la police anglaise fouille intensément leurs finances, leurs relations, leur passé... qui peut très bien la mener à appeler à l’aide l’équipe du commissaire Yacine Belkala, dit Pénélope, à Strasbourg.



Une plongée haute en couleurs dans le monde de la musique et du rock progressif des années 70.

Informations

Publié par
Nombre de lectures 5
EAN13 9782845742680
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Joël Henry Le dossier Stork roman Collection Les enquêtes rhénanes
CHAPITRE 1
Un avion barrait d’un trait blanc diagonal le ciel bleu pâle d’automne. Quand il eut atteint le centre de la fenêtre, le commissaire Yacine Belkala alias Pénélope appuya sur le déclencheur. Depuis plus de trois mois, depuis l’accident, cette fenêtre était sa seule ouverture sur le monde extérieur. Il n’en voyait que le ciel, les nuages, la pluie, quelquefois une escadrille d’oiseaux migrateurs, un sac plastique, des feuilles mortes emportées par une bourrasque ou, comme maintenant, un avion. Il photographiait la fenêtre à toute heure du jour et toujours selon le même cadrage. Après s’être adonné à la broderie – ce qui lui avait valu son surnom de Pénélope – et au dessin, il s’était lancé dans la photo au grand dam de sa copine Claire qui venait de lui acheter toute une collection de crayons, mines de plomb, sanguines et plusieurs blocs de beau papier pour l’occuper à l’hôpital. Il s’y était remis pour lui faire plaisir mais sans grand enthousiasme et, au bout de quelques jours, il lui avait demandé de lui acheter un appareil numérique. — J’en ai marre de dessiner, là, toujours dans le même décor. J’en ai fait le tour. Qu’est-ce que tu veux que je dessine d’autre ? — Tu pourrais dessiner ta main gauche. Les mains c’est ce qu’il y a de plus difficile à faire. — Super. — Et qu’est-ce que tu feras de plus avec un appareil photo ? — Au moins j’aurai un zoom, je pourrai voir un peu plus loin. Ça faisait plus de trois mois qu’il était immobilisé dans un lit au quatrième étage du CHU de Hautepierre, service chirurgie orthopédique et traumatologie. Chambre 423. Depuis trois semaines il pouvait s’asseoir à nouveau à l’aide d’une potence suspendue au-dessus de sa tête. C’est à partir ce moment-là qu’il avait entrepris un véritable épuisement photographique de sa chambre qu’il traitait par séries. Les photos de la fenêtre. Des portraits de toutes les personnes qui entraient et qui acceptaient de poser pour lui au pied de son lit : infirmières, médecins, amis venus lui rendre visite… Des images abstraites aussi d’ombres portées sur les murs ou de jeux de reflets sur les tubes chromés de la table de chevet. Et puis des autoportraits, façon selfie, pris tous les jours au même moment, juste après la visite du médecin, où son regard était de plus en plus chargé de colère et de lassitude. Cette nouvelle activité frénétique inquiétait bien un peu son entourage, Claire bien sûr et « les Berbères », Bernard et Bérengère, ses deux lieutenants de la brigade criminelle qui étaient devenus des amis. Mais ils pensaient tous que si cette photomanie était la seule séquelle de l’accident, ce n’était pas bien grave. Pénélope était en vie, il semblait même bien récupérer de ses nombreuses blessures. C’était l’essentiel. Le 5 juillet il avait été transporté là en hélico dans un état critique. Il avait passé les cinq premières semaines en réanimation dans le coma, entre la vie et la mort. Cinq semaines entre parenthèses, hors de la marche du monde et son lot d’attentats, conflits sociaux, déraillements de trains, sorties de films et de livres. Il avait aussi manqué deux défaites à domicile du Racing, un énième incident à la centrale nucléaire de Fessenheim, la vente des Bains municipaux aux groupe de casinos Barrière et surtout, à la fin de l’été, l’événement qui avait éclipsé tous les autres : la mort de Bob Dickens, le chanteur et guitariste de Stork, assassiné chez lui, dans son manoir du Dorset. Une aubaine pour la presse et la télévision. C’était la plus grosse affaire criminelle de l’histoire de la pop music. Un fait diverspeoplede mystère. Non seulement l’assassin nimbé courrait toujours, mais il n’était même pas identifié. Scotland Yard ramait. Un ou deux vagues suspects étaient régulièrement arrêtés pour la forme puis relâchés à la déception générale. Car le meurtre de l’une de ses plus grandes stars avait d’abord révolté l’Angleterre puis l’avait plongée dans une immense tristesse et déclenché des manifestations de ferveur populaire comparables à celles qui avaient accompagné les obsèques de Lady Di. Celles de Bob Dickens avaient été grandioses, retransmises elles aussi à la télévision. Il y avait eu une foule considérable. Le samedi suivant un immense concert gratuit improvisé à Hyde Park avait rassemblé un demi-million de spectateurs venus écouter U2, Paul McCartney, Elton John, Sting, Radiohead, Pink Floyd, Genesis et tant d’autres venus rendre un dernier hommage en musique à « Bobby ». Le lendemain, une vidéo de Phil Collins, le rival de toujours, chantant a capella sur un tempo jazzy un déchirant « Ce n’est qu’un au revoir mon frère » faisait le tour de la
blogosphère. Pendant tout le temps où Pénélope avait été dans le coma, Claire, sa compagne, était restée à son chevet. Elle lui avait parlé comme on lui avait conseillé de le faire, de tout et de rien, et surtout elle lui avait lu tous les après-midiLa recherche du temps perdu. Une véritable preuve d’amour quand on sait à quel point c’est une œuvre difficile à lire à haute voix tant ses phrases peuvent être longues. Le trente-troisième jour, en plein chapitre IV deSodome et Gomorrhe II, au moment où le narrateur a décidé de quitter irrévocablement Albertine mais ne semble pas encore tout à fait prêt à passer à l’acte, Pénélope bailla, premier signe de son réveil suivi par quelques tentatives d’ouverture des yeux. Puis après avoir marmonné un laborieux « qu’est-ce qui se passe ? » il se rendormit. Mais cette fois-ci d’un sommeil tout à fait naturel. Le retour au réel l’avait épuisé. En moins de vingt-quatre heures, stimulé par l’équipe soignante, il avait peu à peu repris conscience. On lui avait ensuite fait passer toute une série de tests qui avaient permis de découvrir avec bonheur et soulagement que ses facultés sensorielles, cognitives et motrices n’étaient pas atteintes. Même si les fractures multiples des deux jambes le condamnaient encore à garder le lit les pieds solidement entravés par des plâtres à ailettes pour l’empêcher de bouger et surtout de se retourner. Il lui fallut encore une bonne quinzaine de jours pour être capable de se concentrer, comprendre et écouter jusqu’au bout un journal à la radio. C’est seulement à ce moment-là qu’il entendit pour la première fois parler de l’affaire qui occupait le monde : l’assassinat de Bob Dickens, le leader de Stork dont on n’avait toujours pas retrouvé l’assassin. À la fin septembre, et cette fois-ci tout à fait conscient, il apprit la mort d’un second membre du groupe, Brian Cook, le claviériste, assassiné lui aussi, en Inde. Comme Bob Dickens, il avait été abattu d’une balle dans la tête et selon la police par le même assassin. Cependant l’Angleterre pleurait moins Brian Cook que le charismatique et multi « disque de platine » Bob Dickens. En revanche elle se passionnait de plus belle pour ce double meurtre au sein d’un même groupe de rock et maudissait l’incapacité de Scotland Yard à élucider l’affaire et arrêter le coupable. Et bien sûr quand les Berbères venaient lui rendre visite, c’est à dire à peu près tous les jours après le boulot et parfois aussi entre midi et deux, ils parlaient de l’affaire Stork et se moquaient un peu des déboires de leurs collègues britanniques. Ce jour-là, Bernard et Bérengère étaient venus avec un paquet cadeau de la part de Jo Winter, le vieux médecin légiste, directeur du service de police scientifique, un anglophile impénitent qui avait une affection particulière pour Pénélope. Bernard lui tendit le paquet. — Tiens, c’est pour toi, un vieux whisky choisi par Jo. Avec soin, tu le connais. Il est pas venu te l’apporter lui-même rapport au serment d’Hippocrate. Il dit qu’il n’a pas le droit d’encourager un malade à consommer de l’alcool à l’hôpital. — Tu parles, dit Bérengère, il devait avoir rencart avec une nana. T’as vu comment il était sapé et pomponné ? — Non, je crois pas qu’il s’intéresse aux nanas. — Et pourquoi ? — Parce qu’il est gay. En tout cas il vit avec un mec. Très sympa d’ailleurs. Il s’appelle Fabrice. — Comment tu sais ça ? — J’ai bouffé avec eux le mois dernier. Jo m’a demandé de lui filer un coup de main pour monter une armoire de salle de bain. Il est pas super bricoleur. — Son copain non plus ? — Si, peut-être, mais il était pas d’accord avec le modèle qu’a choisi Jo alors il a refusé de participer au montage. Pendant tout le temps qu’on se débattait avec les planches, les vis et la notice à la con il lisait peinard sur le canapé. Ils sont marrants tous les deux. Ils font vieux couple. Après, pendant l’apéro, Jo est allé à la cuisine préparer le repas et Fabrice m’a dit en loucedé « je vous préviens ici on ne mange qu’anglais. S’il vous plaît, dites-lui que vous trouvez ça bon. Il est persuadé de savoir cuisiner et depuis vingt-trois ans j’essaye de ne pas le détromper ». — Et c’était comment ? demanda Pénélope. — Ça cassait pas des briques mais c’était pas mal. Une sorte de hachis Parmentier avec des
petits pois. Il appelle ça un « chapeau de paille » ou un truc comme ça. Après avoir goûté auTubermoryoffert par Jo puis échangé quelques nouvelles, les Berbères prirent congé de Pénélope qui découvrit avec horreur son repas du soir. Potage au tapioca, choux rouge et bœuf bouillis, dessert chocolaté. Tout ce qu’il détestait. Physiquement parlant, Pénélope se sentait de mieux en mieux et il en avait marre d’être coincé au lit. Le chirurgien lui promettait depuis quinze jours qu’il allait bientôt pouvoir se lever mais il n’en donnait pas l’ordre à Mathilde, son assistante, une infirmière très sympa, joviale et diplomate. Pénélope perdait patience et il s’en plaignit à Claire venue l’aider à finir son plateau et lui remonter le moral. — Fais-lui confiance. Pour l’instant il s’est plutôt bien occupé de toi. Non ? — J’ai l’impression désagréable qu’il me balade. — Ça doit être mes amants qui l’ont soudoyé pour qu’il te garde. Je vais voir ce que je peux faire. Le lendemain matin, vers dix heures, un moment où en principe les visites sont interdites, Victor, le patron du SRPJ, entra dans la chambre. — Eh bien Yacine, je vois que vous êtes comme un coq en pâte, dit-il en laissant son regard s’attarder sur les jambes de Mathilde qui venait d’annoncer une fois de plus à Pénélope qu’il devrait encore patienter un peu avant de se lever, passer une radio et attendre les résultats d’une ixième analyse de calcification. — J’en ai marre Victor, si vous saviez. Je n’ai envie que d’une chose : me lever et me tirer d’ici. — Je comprends Yacine, mais ça ne peut pas aller plus vite que la musique. Victor avait ce petit air faussement ennuyé qu’il avait habituellement quand il avait quelque-chose de délicat à dire ou à demander. Tout en parlant il tapotait nerveusement du bout des doigts sur une pochette jaune en carton à rabats élastiques. — À propos de musique, je vous ai apporté ceci. Je me suis dit que ça pourrait vous distraire. Et il lui tendit la pochette sur laquelle était écrit au marqueur : « dossier Stork ». Pénélope était interloqué. — Qu’est-ce que c’est ? Pourquoi on s’occupe de ça ? — Lisez-le tranquillement jusqu’au bout, vous comprendrez. Je repasserai ce soir, on en discutera.
DOSSIERSTORK
Stork (groupe) - Wikipedia Stork est un groupe de rock anglais considéré comme un des pionniers du genre progressif avec Pink Floyd et Genesis. Fondé en 1969 à Londres par Jack Raleigh (voix et guitare), Bob Dickens (guitare et voix), Stephen Hodge (batterie) et Brian Cook (claviers) il a connu un succès important à partir des années 70. Jusqu’à son départ du groupe en 1973, Jack Raleigh a été la figure emblématique du groupe. Il a ensuite été remplacé par Bob Dickens. Avec environ 250 millions de disques vendus de par le monde, Stork se classe parmi les 20 artistes ou groupes ayant vendu le plus d’albums de tous les temps. L’Astéroïde nº 7044 a été baptisé Stork en l’honneur du groupe. Pièce nº1 Journal TV BBC News / flash special - 17 août L’affreuse nouvelle tombe à l’instant : Bob Dickens, le chanteur, guitariste et leader de Stork est mort. Il était huit heures trente ce matin quand son secrétaire particulier a découvert son corps sans vie dans son manoir, une merveille du onzième siècle nichée dans les collines du Dorset à quelques miles de Dorchester. Une intense activité policière règne encore sur les lieux et l’accès est toujours interdit aux journalistes mais selon des sources proches de l’enquête, le meurtre ne ferait aucun doute. La nouvelle a plongé le monde dans la stupeur. Les réactions fusent de toutes parts. Du palais de Buckingham où Sa Majesté a fait en fin de matinée une courte déclaration : « C’est avec une vive émotion que j’ai appris la mort d’un des plus grands artistes britanniques. Un homme qui par son immense talent a tant œuvré au rayonnement du Royaume-Uni dans le monde. À titre posthume je proclame ici solennellement monsieur Bob Dickens pair du Royaume ». Phil Collins, leader de Genesis et de tout temps son rival à la fois à la tête de leurs groupes respectifs et dans leurs carrières en solo a eu beaucoup de mal à contenir ses larmes quand notre correspondant en Suisse est venu l’interviewer dans sa propriété au bord du lac Léman. « Pauvre Bob. C’est affreux. Je perds à la fois un ami et le musicien que j’ai toujours le plus admiré ». Voici quelques images d’un des derniers concerts de Stork. C’était en juin 2007, au festival de Glastonbury. Les premières mesures deTonight or never, l’un des plus beaux slows de l’histoire de la pop music sur lequel de nombreux couples se sont dit pour la première fois : « je t’aime ». Quatre minutes de pure extase musicale distillée par la voix unique de Bob Dickens. Plus de cinquante millions d’exemplaires vendus. Pièce nº 2 Premières constatations relatives au décès de Mr Robert K. Dickens Le corps de la victime gît sur le dos dans le salon près de la cheminée. Une importante quantité de sang s’est répandue sur le sol par un trou dans le front vraisemblablement perforé par un projectile tiré avec une arme à feu. La thèse du suicide ne semble pas raisonnablement pouvoir être retenue. En effet aucune arme n’a été retrouvée dans les mains de la victime ni à proximité du corps. La maison était vide de tout occupant autre que la victime, Kim Cyrus, son épouse était absente. Elle séjourne actuellement aux États-Unis. Aucun désordre suspect n’a été constaté. Aucun signe d’effraction n’a été relevé et compte tenu du système de protection dont est équipée la maison il est probable que Mr Dickens a ouvert lui-même la porte à son assassin. Le corps a été découvert par Mr Philipp Jones, domicilié à Dorchester, employé en tant que secrétaire et majordome par la victime depuis seize ans. Pièce nº 3 Bob Dickens – Wikipedia Robert Kieran Dickens dit Bob Dickens, né à Londres en 1951, est un auteur-compositeur, chanteur et guitariste britannique. Co-fondateur avec Jack Raleigh, Stephen Hodge et Brian Cook
du groupe Stork qui connaît un grand succès depuis sa formation à la fin des années 60. Après le départ de Jack Raleigh en 1973, il devient la voix de Stork et poursuit en parallèle une carrière solo. La gloire sourit toujours au musicien britannique qui a été récompensé par dix Grammy Awards et quatre Golden Globes (…) Pièce nº 4 Expertise balistique Le projectile qui a provoqué la mort de Bob Dickens est une balle de calibre 22 LR. Selon son coefficient d’écrasement et les traces de poudre retrouvées à la surface de l’impact on peut considérer qu’elle a été tirée à une distance d’environ 5 yards1 Commentaire : le calibre 22 LR dont la létalité est aléatoire en fonction de la distance de tir, la vitesse du projectile et les parties du corps atteintes, n’est généralement pas utilisé par les tueurs « professionnels ». Cependant, dans le cas présent, la précision de l’impact dans une zone où le cerveau est particulièrement vulnérable du fait de la minceur de la protection osseuse ainsi que l’usage d’une unique munition peuvent laisser supposer que l’assassin dispose à la fois d’un bon entraînement au tir et de quelques connaissances anatomiques. Pièce nº 5 Rapport d’interrogatoire de Mr Philip Jones Monsieur Philip Jones déclare avoir découvert le corps de son employeur le 4 août vers 8 h 30 A.M. en prenant son service. Il dispose des clés de la propriété. Il dit qu’il a passé la nuit précédente, seul, chez lui à regarder la télévision. Il dit qu’il a regardé trois épisodes de la sérieMan seeking womans’est couché vers minuit ce dont puis personne ne peut témoigner. Cependant il a répondu de façon satisfaisante à des questions très précises sur les trois épisodes deMan seeking womandiffusés hier soir pour la première fois sur ITV. C’est en traversant le salon pour se rendre à la cuisine afin de préparer lebreakfastde son employeur qu’il a trouvé le corps près de la cheminée. Il a immédiatement appelé la police. À 8 h 35. Un relevé de nos communications internes le confirme. Monsieur Philip Jones dit qu’il ne connaissait pas spécialement d’ennemis à monsieur Dickens mais qu’il lui semblait avoir quelques regrettables fréquentations. Il a cité le nom de plusieurs personnes défavorablement connues de nos services : un célèbre gangster londonien, un proxénète bulgare et un couple de faux témoins de Jéhovah impliqués dans la revente de substances psychotropes prohibées. Pièce nº 6 Fiche de l’Intelligence Service nº B-456893 Dickens (Bob). Popstar. Fortune évaluée à 550 millions de £. Fraude fiscale : non avérée. Usage de stupéfiants : occasionnel. Activisme politique : néant. Vie privée : tumultueuse. Marié cinq fois. Fréquente plusieurs personnalités du grand banditisme, notamment Ronnie Biggs, Frankie Frazer et Freddie Foreman dit « Brown Bread Freddie ». Pièce nº 7 Expertise médico-légale. La mort est consécutive à une hémorragie cérébrale causée par l’intrusion selon un axe horizontal d’un projectile dans la boîte crânienne au niveau du frontal. Elle est intervenue aux alentours de 23 h hier soir. Aucun autre signe – griffure, hématome, contusion – n’a été relevé sur le corps, ce qui semble indiquer qu’il n’y a pas eu de contact physique entre la victime et son agresseur. Pièce nº 7 Enquête de voisinage. La maison où a été commis le crime est isolée. Les plus proches voisins habitent à près d’un mile. Ils n’ont rien vu ni entendu d’anormal pendant la soirée d’hier. Le portail de leur propriété est équipé d’une caméra vidéo braquée sur une portion de la D66 qui dessert aussi le manoir de Mr Dickens. Les enregistrements décodés et analysés par la cellule numérique montrent le passage à 22 h 42 d’une Golf VW gris métallisé roulant en direction de la résidence de Mr Dickens. Et un second passage du même véhicule dans la direction opposée à 23h35. Aucun autre
véhicule n’a circulé dans l’intervalle sur cette route de catégorie C peu fréquentée. L’agrandissement des images permet, malgré une forte pixellisation, de lire le numéro de la plaque d’immatriculation qui, après vérifications, s’avère être fausse. S’il est impossible de distinguer les traits du conducteur il est visible que le poste de conduite est situé à gauche du véhicule comme sur les modèles continentaux. Pièce nº 8 Relevés vidéosurveillance du véhicule suspect L’itinéraire du véhicule suspect a pu être tracé grâce aux caméras vidéo de Dewlish, l’A35 en direction de Bournemouth, Poole, l’A31 jusqu’à Ringwood, la M27 en direction de Londres, London Orbital, la M20 vers Maidstone, Chatham, Ashford et l’A299 jusqu’à Dover et Ramsgate où il a embarqué sur un ferry de la P&O pour Ostende qui a appareillé à 6 heures A.M. Nous avons transmis à la police belge une requête pour lui demander de poursuivre la vidéotraque sur son territoire. Pièce nº 9 Note de la gendarmerie de Namur La seule Golf grise métallisée filmée à la descente du ferry Ramsgate-Ostende portait des plaques d’immatriculation belges dont le numéro ne correspond à aucun enregistrement officiel ce qui nous conduit à penser qu’elles sont fausses. Nous l’avons tout de même traquée avec notre réseau de video-surveillance qui est malheureusement beaucoup moins performant que celui du Royaume-Uni. Nous avons réussi à pister le véhicule jusqu’à Bruxelles et un peu au-delà en direction de Luxembourg mais nous sommes au regret de vous informer qu’il est sorti de nos écrans à Namur. Pièce nº 10 Article du Sun du 18 août L’actrice Kim Cyrus, la jeune veuve de Bob Dickens, est arrivée ce matin à Heathrow. Elle revient de Los Angeles où elle était en plein tournage du nouveau film de Quentin Tarentino quand elle a appris la mort de son mari. Bob et elle s’étaient rencontrés en mars dernier à la Barbade où ils séjournaient tous les deux, invités par leur amie commune Rihanna. Ce fut un coup de foudre réciproque et ils se marièrent dès leur retour à Londres. Kim, alors âgée de 23 ans, devenait la cinquième épouse de Bob Dickens. Épuisée et abattue, les yeux dissimulés par de ravissantes lunettes noires Chopard avec une monture incrustée d’éclats d’émeraude, elle n’a fait aucune déclaration aux nombreux journalistes qui l’attendaient (…). Pièce nº 11 Rapport de la police scientifique de Dorchester L’examen minutieux des lieux du crime nous a permis de relever un indice que nous nous permettons de juger d’une importance capitale. Il s’agit d’un masque chirurgical en polypropylène non-tissé trouvé sur le sol en bordure de l’allée qui mène de la porte principale du manoir au portail du domaine et à la route D66. Un chemin qu’a selon toute vraisemblance emprunté l’assassin en quittant les lieux. La présence de cet objet insolite à cet endroit nous conduit à envisager l’hypothèse selon laquelle l’assassin l’aurait utilisé pour éviter d’expulser sur la scène du crime, en parlant, des particules salivaires porteuses de son ADN. En quittant les lieux il aurait, par mégarde, par excès de précipitation ou pour toute autre raison, laissé tomber le masque. L’examen des fibres au microscope nous permet d’affirmer que le masque n’a séjourné que quelques heures dehors à l’endroit où il a été trouvé. Les analyses biologiques ont permis d’isoler un ADN d’excellente qualité. Il ne correspond cependant à aucune des empreintes répertoriées dans le fichier génétique national et les banques de données d’Europol et Interpol. Pièce nº12 Transcription de l’audition de Kim Cyrus par le chief inspector Jeffrey Marlowe. — Madame, je vous prie d’accepter mes condoléances et de m’excuser par avance pour la brutalité des questions que je suis dans l’obligation de vous poser dans ce moment
particulièrement douloureux. Vous vous appelez bien Jessica Ashley Gonzales, née le 20 février 1994 à Santa Fe au Nouveau-Mexique, de nationalité américaine ? Plus connue sous votre nom d’artiste Kim Cyrus ? — Oui. — Au moment du meurtre de votre mari vous étiez aux États-Unis pour des raisons professionnelles ? — Oui. — Savez-vous si votre mari se sentait menacé ? S’il avait des ennemis ? — Non, pas que je sache. Mais je ne le connaissais pas depuis très longtemps. On n’est mariés que depuis trois mois et mon métier est très prenant. Le sien aussi. — Vous êtes en train de me dire que vous n’avez pas encore eu l’occasion de passer beaucoup de temps ensemble ? — Oui, c’est ça. — D’après nos renseignements, votre mari a quand même trouvé un moment de libre pour souscrire une assurance vie en votre faveur pour une garantie de trente millions de dollars. — C’est ce que font les maris en général, non ? Pas vous ? — Juste ciel, je ne suis pas marié ! C’est une jolie somme. — Bob était un mari prévenant. — Et prévoyant. Il a signé le contrat mardi dernier et il est décédé vendredi. — J’imagine que vous n’êtes pas en train d’insinuer quoi que ce soit de désobligeant. — Pas du tout, madame. J’essaye de comprendre des faits. — Mais c’est incroyable. Mon mari vient de mourir. Assassiné par un bâtard qui en ce moment est parfaitement libre et au lieu de le rechercher vous vous acharnez sur moi. Vous me traitez comme une criminelle. — Tenez, prenez un mouchoir. D’après nos statistiques, dans 85% des affaires de meurtre l’assassin est un proche de la victime. Nous commençons donc toujours par enquêter sur les proches. C’est une simple formalité. Vous avez un excellent alibi et vous étiez à dix mille kilomètres. Mais cette assurance-vie nous fait un peu de soucis. — Mais enfin pourquoi ? On est mariés. Si c’était moi qui était décédée c’est Bob qui en aurait profité. — Dans ce cas c’est lui que nous interrogerions. Vous n’avez pas d’idée ? Même un vague soupçon ? — Non, je vous l’ai dit. Je ne lui connaissais pas d’ennemi. En tout cas il ne m’en a jamais parlé. Peut-être un rôdeur ? Je lui ai souvent dit que je trouvais le manoir très isolé et que j’aimerais bien qu’il y ait toujours quelqu’un sur place. — Des gardes du corps ? — Non, des domestiques. Mais ça l’a fait rire. — Vous connaissez un peu ses amis ? Les plus proches ? — Je commençais tout juste à les rencontrer. J’en connais deux ou trois. — Qui ? — Mais enfin en quoi cela vous regarde ? — Pour avancer et découvrir qui a tué votre mari on a besoin d’indices. Quelqu’un qui lui était proche détient peut-être une information capitale pour faire avancer l’enquête. — On a été invités plusieurs fois chez les Mac Cartney. La dernière fois il y avait aussi Boris Johnson, sa femme Marina et un écrivain je crois, Jonathan Coe. Ils se sont disputés toute la soirée à propos du Brexit. Pièce nº 13 E-mail de l’inspector John Livingstone au chief inspector Jeffrey Marlowe. Cher Jeff, J’ai interrogé, comme tu me l’as demandé, par téléphone Sir Paul McCartney et Jonathan Coe. Ils disent en gros tous les deux la même chose. Ils sont abasourdis par le meurtre de Dickens. Ils ne voient absolument pas qui a pu faire ça. Ils disent qu’il n’avait manifesté aucune inquiétude relative à sa sécurité et ne donnait pas du tout l’air de se sentir menacé. Je n’ai pas jugé absolument indispensable d’interroger le ministre des affaires étrangères ni sa femme. Will
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