Le Grand Dédé
104 pages
Français

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Description

Dans l’amour a quitté le pré, le grand Dédé, détective de choc à Belvier, va pour les besoins de l’enquête se transformer en gardien de nuit à la ferme-château de Sybille de Mirniac, sur les instances d’une journaliste venue à Marnier pour couvrir une célère émission de télévision. Mais une femme pouvant en cacher une autre, elle exerce en réalité le métier d’inspectrice en assurances. L’action se passe à la ferme-château de madame Sybille de Mirniac où elle est aidée par son fils Jean-François.


Deux de leurs vaches ayant été égorgées la nuit, les propriétaires parlent de vengeance. Il faut savoir qu’un fait divers avait déjà défrayé la chronique quelques années au paravant. Il s’agissait de produits illicites découverts dans de la viande bovine certifiée bio venant de la même exploitation. Produits qui avaient valu le retrait du label à Madame de Mirniac. La dame avait contesté toute participation de sa part en accusant une équipe de médias présente sur les lieux. Il s’en était suivi une enquête d’experts en assurances. Le jugement concernant cette affaire vieille de trois ans devrait être rendu prochainement. Loi des séries ou coïncidences ? L’inspecteur Martin reste très évasif sur la suite à donner...

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 4
EAN13 9782376920267
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

cover.jpg

 

L’esprit des aigles

Chaussée de Forest, 22

1060 Saint Gilles

Bruxelles

http://espritdesaigles.e-monsite.com

http://qasida.e-monsite.com/

 

ISBN (version papier) : 978-2-87485-025-7

ISBN (versions numériques) : 978-2-37692-026-7

 

Versions eBooks réalisées par IS Edition via son label Libres d’écrire.

Tous droits de traduction et d’adaptation réservés.

 

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur, de ses ayants-droits, ou de l’éditeur, est illicite et constitue une contrefaçon, aux termes de l’article L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Chapitre I

Cette nuit-là, le calme régnant habituellement sur Belvier était aux abonnés absents. Un tracteur, conduit par un fou chantant, avait sillonné les rues du village dans tous les sens jusqu’aux petites heures du matin.

 

Chez René, le patron du bistrot en face de l’église, des suppositions plus folles les unes que les autres allaient bon train. Malgré l’heure matinale, Mathieu, Ferdinand et Arthur étaient bien entendu au courant de tout. Leurs infos venaient en droite ligne de Suzanne, leur commune maîtresse, donc…

– C’est la vérité ! D’ailleurs, elle ne pouvait pas le louper, vu qu’elle m’attendait, lâcha Ferdinand en portant la main à sa bouche, conscient qu’il avait gaffé.

– Elle dit peut-être la vérité ; mais toi, pour la discrétion, tu repasseras ! sanctionna Mathieu.

Arthur ne disait rien, il fixait la porte d’entrée espérant l’arrivée d’André Gard, le détective du village. Osmose ou transmission de pensée, le bruit caractéristique d’un moteur ne pouvant appartenir qu’à Gertrude, l’ancêtre à deux roues du grand Dédé, rendait les armes sur le parking du café. À peine entré, le jeune homme lança un grand bonjour aux nombreux clients agglutinés au comptoir, et se dirigea immédiatement vers la table de ses vieux copains.

– Salut gamin ! lancèrent les vieux briscards au nouvel arrivant.

– Joyeux matin… répondit le gamin en souriant devant la mine renfrognée des trois acolytes.

– Déjà debout ? demanda Mathieu, étonné.

– Ça fait un bail ! Pas facile de faire la grasse avec le ramdam de cette nuit, répondit Dédé en s’installant sans façon à la table des vieux.

– Qui c’est, ce con-là ? interrogea Ferdinand.

– Tiens, me semblait que la Suzanne, toujours à l’affût d’une nuit d’amour avec le coq du village, était au courant de tout. Faut croire que l’effet des petites pilules bleues n’a pas fonctionné. Tu n’as même pas fait le déplacement. Puis on s’en fout, on n’est pas jaloux, cracha Mathieu en faisant un clin d’œil à Arthur.

– Ben, parle pour toi ! Moi, quand je tiens la forme…

– Et voilà, c’est reparti pour un tour. Il s’y croit déjà, grinça Ferdinand.

– C’est pas tout ça, quelqu’un sait à qui appartient ce véhicule flambant neuf ? demanda Dédé

– Pourquoi, tu enquêtes déjà là-dessus ? demanda Mathieu.

– Pas encore, mais je sens que ça ne va pas tarder.

– En tout cas, c’était une fameuse bête ! Blanc et noir comme les bagnoles de maintenant. Puis la banderole… Je n’ai pas tout capté, juste le premier mot : ‘l’amour’. Le reste était tout chiffonné.

– Peut-être un tracteur garni pour un mariage, souleva Arthur.

– Et voilà, l’intello se réveille pour dire des conneries. T’as déjà vu qu’on célébrait des noces un dimanche, toi ? cracha Mathieu.

– Ça dépend des pays, avança Arthur.

– Cré tonnerre ! Commence pas à nous les gonfler avec ta culture à la noix. Allez René, fait sec ! Tu mets ça sur l’ardoise de môsieur. Ça calme, hein ? dit-il en fixant Arthur d’un regard moqueur.

– M’en fous ! Je t’aurai au tournant, grommela l’intello entre ses dents.

– Qu’est-ce qui dit ? demanda Ferdinand dont la surdité ne s’arrangeait pas avec les années

– Quelle enflure, celui-là ! Je lui ai déjà dit au moins dix fois qu’on faisait des tests auditifs gratuits à Marnier. Va savoir ce qu’il a encore compris ? Évidemment, si j’avais parlé de la rue de la Joie… souligna Mathieu.

– Quoi ? On va rue de la Joie ? demanda Ferdinand déjà tout excité rien qu’à l’idée…

Sa question resta sans suite. Une voiture de TéléScoop, suivie d’un autocar rempli de passagères, passaient à une vitesse cortège devant le Bistrot.

– On n’aura pas besoin de bouger. On vient nous les livrer à domicile, lâchèrent les vieux en se précipitant vers la terrasse.

 

André Gard ne bougea pas. Il se demandait ce qu’un autocar flanqué d’une voiture d’une télévision voisine pouvait bien venir faire à Belvier. À part les trois figures locales en train de faire le beau sur le trottoir, il n’y avait pas grand-chose à voir au village. Ayant probablement été obligée de suivre le convoi depuis un bout de temps, Josette, la patronne du Bistrot, descendit de la camionnette, l’air furibard. Au passage, elle bouscula sans ménagement les trois compères toujours plantés sur la terrasse.

– Les poux de la route sont de sortie ! Dix minutes que je les suis à pas d’homme. Pas moyen de les dépasser. Des cantonniers, un qui travaille et deux qui regardent, sont en train de faucher les accotements. Je n’allais quand même pas les bourrer au fossé, attaqua-t-elle en laissant tomber ses sacs de courses à même le sol.

Pensant qu’il valait mieux lui laisser vider son trop plein de colère sans en rajouter une couche, les vieux prirent la tangente. Faisant mine de rentrer chez eux, ils empruntèrent une servitude derrière la maison de Mathieu. Bien vu ! Sans l’avoir prémédité, ils se retrouvèrent face aux deux véhicules inconnus en train de manœuvrer dans la cour de la ferme de Maximilien. Fier comme un coq, l’inconnu de la nuit se pavanait sur son nouveau joujou : le fameux tracteur noir et blanc, objet de la curiosité de tous les habitants de Belvier. En première ligne : Suzanne ! À la vue de ses trois vieux compagnons d’aventure, elle afficha un large sourire édenté.

– Merde ! Elle en a encore perdu deux, souffla Arthur.

– Pas grave, plus qu’une et on nagera dans le velours, explosa Ferdinand.

– Fermez-la ! Il y a mieux là-bas, dit Mathieu en indiquant l’autocar de la tête.

 

Un troupeau d’une vingtaine de donzelles entre dix-huit et quarante-cinq ans paradait en se pinçant le nez d’un air dégoûté, à quelques mètres d’une grosse remorque remplie de fumier. Il y en avait pour tous les goûts. Ça allait de la petite minette couverte de piercings et de tatouages, à la paysanne coiffée d’un chapeau de paille, de quelques autres au look BCBG, jusqu’à la nonette toute vêtue de noir et blanc. Manquait plus que les cornettes pour confirmer le tableau.

Un homme muni d’une caméra, et celle qui devait être la présentatrice d’une émission de télévision populaire, descendirent à leur tour de la voiture. Après la distribution de rafraîchissements, la présentatrice demanda à trois jeunes filles d’avancer vers elle. Il s’agissait de Charlotte, une jolie blonde au visage percé de petits brillants à plusieurs endroits et aux bras entièrement tatoués , de Marie-Hélène, tailleur et sac à main de marque, pour terminer par Marielle, une jeune femme à la quarantaine assurée, vêtue d’un legging moulant des formes plus qu’enrobées, qu’elle tentait de camoufler sous un long tee-shirt informe et bariolé.

Interloqués, bouche ouverte et yeux écarquillés, les vieux n’en revenaient pas.

– Il a le choix, susurra Arthur.

– Psssst ! fit Mathieu, attentif à la suite des événements.

– Mesdemoiselles, votre voyage se termine ici. À vous de faire en sorte de séduire le patron des lieux. Nous vous souhaitons une bonne semaine. À vous de jouer et que la meilleure gagne ! Nous avons encore beaucoup de chemin à faire, termina-t-elle en faisant signe aux autres de regagner leurs places dans l’autocar, pendant que l’autocariste s’empressait de sortir du coffre les valises des trois élues.

Puis se tournant vers le caméraman :

– C’est dans la boîte ?

L’homme hocha la tête affirmativement, replia son matériel et s’engouffra dans la voiture, suivi de près par la jolie présentatrice. Le chauffeur démarra aussitôt et quitta la cour de la ferme dans un nuage de poussière.

– En avant ! Inutile de rester ici à crever de soif, on aura toutes les infos plus tard, dit Mathieu en parlant de Suzanne, la commère de Belvier.

 

Ils arrivèrent au Bistrot au moment où la voiture de la télévision se garait sur le parking. Ses trois occupants entrèrent directement au café et demandèrent à René s’il était possible de commander un jambon-beurre ou autre chose pour se caler l’estomac. Josette, panier de viennoiseries à la main, se précipita vers eux en leur disant qu’ils étaient au bon endroit. S’ils le désiraient, elle pouvait même leur faire une omelette. N’en attendant pas autant d’un estaminet de campagne, ils répondirent tout joyeux :

– Va pour l’omelette ! Mais en attendant, on veut bien un croissant. Nous sommes affamés, ajouta la jeune femme.

– Et nous, assoiffés ! claironnèrent les trois compères en rejoignant la table près de la fenêtre où Dédé les attendait.

 

Les trois personnages, accompagnés par un jeune homme dont la tête ne leur était pas inconnue, attirèrent immédiatement les regards des nouveaux arrivés. Les yeux de la jeune femme allaient du visage d’André Gard à la pancarte accrochée au dessus de la porte de la maison en face du Bistrot. N’y tenant plus, elle se leva et s’approcha du quatuor.

– Vous êtes qui je pense ? demanda-t-elle à Dédé d’une voix suave.

– C’est possible, répondit laconiquement le jeune homme.

Je parle de celui-là, précisa-t-elle en pointant la pancarte où il était écrit « Le Grand Dédé et Compagnie. Enquêtes et Filatures en tous Genres ».

– Oui, c’est bien lui ! Et nous, c’est la compagnie… insista Arthur en bombant le torse.

– Enchantée, messieurs. Je suis Estelle, journaliste à TéléScoop, pour l’émission que vous savez.

Afin de ne pas passer pour des ignares, Dédé et les vieux firent comme s’ils étaient au courant de tout ce qui concernait l’arrivée des trois jeunes femmes à la ferme de Maximilien. Ferdinand allait la ramener quand un coup de pied bien placé par Mathieu le rappela à l’ordre.

Estelle allait continuer, mais les narines titillées par l’odeur des omelettes bien baveuses apportées par Josette, elle regagna sa table.

– Désolée, le devoir m’appelle. Puis se ravisant : on ne sait jamais, vous avez une carte ? demanda-t-elle à Dédé.

– Oui, bien sûr, dit le jeune homme en fouillant dans son portefeuille.

– Merci ! Je reviens vers vous dès que possible, assura la miss de TéléScoop.

 

Estelle avait à peine terminé son repas quand son portable se mit à sonner. Elle répondit juste : « Ok! ». Puis, s’adressant à ses deux collègues, elle leur intima de se dépêcher. Les autres étaient déjà sur place. On n’attendait plus qu’eux. Sans terminer son assiette, elle s’approcha du comptoir et régla l’addition sans oublier de demander une souche. Elle devait se faire rembourser par la maison mère. Puis, suivie du chauffeur et du cameraman, elle ouvrit la marche vers la sortie en lançant un grand : à bientôt ! Faisant preuve d’une agilité dont il n’était pas coutumier, Arthur se précipita à sa suite pour lui demander sa prochaine destination.

– Une ferme-château à une dizaine de kilomètres au nord de Marnier. À lundi prochain ! cria-t-elle en sautant dans la voiture.

Tout rose d’émotion, l’intello reprit sa place à la table sans faire aucun commentaire.

– Cré tonnerre ! Deux cuisses de nymphe à l’horizon, et envolée, la sciatique ! cracha Mathieu.

– Fallait bien que quelqu’un pose la question. Si on attend ce grand couillon-là…

– Alors, ils vont où ? demanda Dédé sans relever la vanne.

– Une ferme-château au nord de Marnier, vous connaissez ? questionna Arthur en s’adressant à l’assemblée.

Silence total… Personne n’avait l’air de savoir de quoi il parlait. Puis, après un moment de réflexion, Ferdinand sortit de son mutisme :

– Moi, je sais ! Je me trompe peut-être, mais ce doit être là. Réfléchissez, vous connaissez aussi.

– Arrête ton cirque. Crache le morceau !

– Il y avait un étang. On allait s’y baigner quand on était jeune. Arthur avait bu la tasse. On pensait même qu’il s’était noyé ! Si le châtelain de l’époque n’était pas passé à ce moment-là, il y a longtemps qu’Arthur se serait réincarné en crapaud. Alors, ça vous revient ?

– Bordel ! On avait à peine quinze ans. T’es sûr de l’endroit ? Me rappelle pas d’une ferme, pourtant, dit Mathieu.

– Y avait pas de ferme ! décréta Arthur.

– Peut-être qu’ils en ont construit une depuis. Va savoir, supposa Ferdinand.

Comme à chaque fois qu’une question sans réponse enflammait le trio, René consulta l’ordinateur portable qui ne quittait plus le comptoir. Il fit signe à Dédé de le rejoindre.

– Tout le monde a raison ! Dans le temps, il n’y avait plus que les deux tours du château. La ferme se trouvant au centre avait brûlé. Le nouveau proprio en a fait reconstruire une. ‘Certifiée bio’, qu’ils disent. Mais, d’après un ancien article du Quotidien de Marnier, tout ne serait pas bon dans le cochon ! Si vous voulez en savoir plus, interrogez le Net ce soir, termina René.

 

Il était treize heures. Tous les curieux étaient partis. Il restait juste les vieux et Dédé. Suivant un rituel maintenant bien ancré, Josette s’installa pour regarder les infos distillées par TéléMarnier. Météo, faits divers, et bien sûr, l’arrivée de TéléScoop venue piétiner leurs plates-bandes, étaient au programme. Ils auraient bien fait une telle émission ; mais vu le niveau, cela risquait de déplaire à leurs nombreux auditeurs plutôt branchés ‘culture’ !

– Toujours le mot pour rire, eux ! Là-dessus, je m’en vais voir ce qu’on cultive au nord de Marnier, s’esclaffa Dédé.

 

Arrivé à Marnier, André Gard se renseigna auprès d’un passant. Celui-ci se fit un plaisir de lui faire un itinéraire détaillé du chemin à suivre :

– Vous ne prenez pas la route à gauche au rond-point, puis vous verrez une école. Là, vous roulez à trente mais vous continuez tout droit. Un peu plus loin, environ deux kilomètres, il y a encore une route à gauche, vous ne le prenez pas non plus. Attendez que je ne me trompe pas. Ah oui, ben c’est tout le temps tout droit. Vous roulez encore cinq ou six kilomètres, puis vous verrez un panneau sur votre droite. Il doit être écrit ‘Étang de la ferme du château’. Si mes souvenirs sont bons, ça doit être par là. Enfin voilà, bonne route ! termina le gars.

Dédé remercia puis partit dans la direction recommandée par cet homme qui n’avait sûrement pas travaillé pour le guide Michelin. « Pourquoi faire facile… » pensa-t-il.

 

Un quart d’heure plus tard, il aperçut le fameux panneau. Il indiquait bien ‘Étang de la ferme du château’, malheureusement on y avait ajouté : ‘Propriété privée’. « Tant pis, j’y vais ! » décida le jeune homme. Il n’avait pas fait cinq cents mètres lorsqu’un homme en uniforme de garde-forestier lui fit signe de s’arrêter en lui intimant de faire demi-tour. Dédé lui répondit qu’il faisait partie de TéléScoop. Il s’était trompé de route. C’est pour cela qu’il avait pris du retard. Sur quoi, l’autre le laissa passer avec un grand sourire. Ce n’est pas tous les jours qu’il avait l’occasion de côtoyer des gens de la télévision, ajouta-t-il tout heureux.

« Imbécile ! Encore un qui s’y croit… », pensa Dédé.

 

Quand il fut en vue de la ferme-château, il gara Gertrude sur l’accotement et continua à pied. L’endroit était comme René l’avait décrit. Deux tours d’allure moyenâgeuse, hautes de deux étages, cernaient un bâtiment en briques rouges nouvellement construit, dont l’effet n’était pas concluant. La cour était fermée d’un côté par des étables ou des écuries et de l’autre par une immense grange et autres hangars. Sur place, l’effervescence régnait. Trois jeunes femmes d’allure différente avaient déjà été débarquées. Estelle interviewait un jeune homme, accompagné d’une dame d’un âge certain, qui devait être sa mère. On n’était plus chez Maximilien. Rien qu’à voir les vêtements des propriétaires, on les aurait crus sortis tout droit d’un magazine de mode. Lui vêtu en gentleman farmer et sa mère en grande duchesse, ça valait bien une interview. Des gens pareils allaient faire remonter l’audience.

Dédé se préparait à faire demi-tour quand on lui tapa gentiment sur l’épaule. C’était le gars qui servait de chauffeur à la présentatrice et au caméraman.

– Ne partez pas trop vite. Je pense qu’Estelle aimerait vous parler, dit-il.

– Ah ! Me parler de quoi ? demanda André Gard, surpris.

– Je ne suis pas dans le secret des dieux, mais ça a l’air sérieux. Elle avait l’intention de repasser à Belvier.

– Elle ne doit pas accompagner les autres candidates ?

– Elles vont passer la nuit dans un gîte. Les autres fermes sont beaucoup plus loin. Nous, on dort à Marnier. La tournée recommencera demain. On les rattrapera facilement. Suivez-moi, invita le chauffeur.

 

Les blablas terminés avec les propriétaires, Estelle faisait les recommandations d’usage aux trois filles sélectionnées pour la ferme-château quand le chauffeur et Dédé arrivèrent à sa hauteur. Elle coupa court en souhaitant un bon séjour aux aspirantes fermières, puis entraîna immédiatement le détective vers la voiture.

– Vous tombez bien. J’avais l’intention de venir chez vous, annonça-t-elle.

– Je sais, votre chauffeur…

– Mettons les choses à plat ! J’ai été engagée par TéléScoop pour animer cette série d’émissions. En réalité, ce n’est qu’une couverture. Dans la vraie vie, je suis inspectrice dans une société d’assurances. Il y a trois ans, cette ferme a fait l’objet d’un reportage sur l’élevage bio. D’après les propriétaires, une ou plusieurs personnes mal intentionnées venant sans nul doute d’une équipe de médias passée sur place, se seraient arrangées pour altérer la nourriture destinée au bétail à grands coups d’antibiotiques, d’hormones et de pesticides. Cela leur aurait valu, toujours d’après leurs dires, une perte de crédibilité lors d’un contrôle de routine pour la certification bio de leur viande. L’histoire s’étant ébruitée, il s’en serait suivi un gros manque à gagner pour la ferme. Assurés jusqu’aux oreilles, les propriétaires n’ont pas hésité à réclamer un fameux pactole à la chaîne de télévision incriminée, par laquelle je suis mandatée. Une enquête a été diligentée par les flics du coin, mais a été rapidement fermée faute de preuves. Mais ce n’est pas tout : d’après mes recherches, les deux plaignants ne seraient pas des aristos et encore moins mère et fils comme ils le prétendent. Celle qui se fait appeler Sybille de Mirniac ne serait rien d’autre qu’une cougar férue d’escroqueries en tous genres. Quant à son soi-disant fils répondant au prénom pompeux de François-Xavier, ce serait un gigolo loué pour l’occasion. Mais tout cela, il faut le prouver. C’est là que vous entrez en jeu…

– J’entends bien, mais comment voulez-vous que je m’incruste ici ?

– Vous êtes jeune et beau, pourquoi ne pas tenter votre chance auprès de Sybille ?

– Le grand Dédé, le retour ! Je claque des doigts et c’est dans la poche… Faut pas rêver ! Je suis connu ici. Ils ne seront pas dupes. En plus, j’ai croisé le garde-forestier en entrant dans la propriété. Je me suis fait passer pour un de vos collègues. Quand il me verra, il aura vite fait le rapprochement. Pour corser l’affaire, ils pourraient décider d’organiser une soirée avec Maximilien et l’autre imbécile. Je suis de Belvier, ne l’oubliez pas !

– Oui, je n’avais pas pensé à ça. Mais la soirée entre fermiers, ça m’étonnerait. On ne mélange pas les culs-terreux et la noblesse, même de pacotille. Pour ce qui est du forestier, je peux toujours vous avoir licencié pour votre retard. Je reviens à Belvier dans une semaine. À vous de voir ! En attendant, laissez-vous pousser la barbe et la moustache, peut-être que…

– Avec le système pileux que je me paie, je vais avoir l’air d’un homme des bois…, rigola Dédé.

– Pas grave, j’aime le rustique. Peut-être à ce soir…, termina la belle en lui lançant un clin d’œil prometteur.

 

Amusé, André Gard sortit de la cour, suivi de loin par le regard gourmand de Sybille de Mirniac.

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