Les poissons rouges ne parlent pas
41 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Les poissons rouges ne parlent pas , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
41 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description


LES POISSONS ROUGES NE PARLENT PAS


Jean-Baptiste Pierrefontaine, pharmacien de son état, rentre d’un congrès à Bruxelles et apprend que sa belle-mère, qui est venue dîner avec sa femme, en son absence, est morte d’une péritonite foudroyante selon le médecin dépêché sur place.


Mais le potard se refuse à cette conclusion et s’en va voir le Commissaire Odilon QUENTIN pour lui livrer ses doutes, les symptômes de la péritonite aiguë ressemblant, selon lui, à ceux de l’empoisonnement à l’arsenic, un produit qu’il détient dans son officine et dont son épouse était la seule à posséder la clef pour y accéder quand il est en déplacement...


Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 5
EAN13 9782373471311
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

couve

Odilon QUENTIN

 

* 15 *

LES POISSONS ROUGES NE PARLENT PAS

Roman policier

 

par Charles RICHEBOURG

CHAPITRE PREMIER

 

Confortablement installée devant la table de la cuisine, la jeune Yvonne Kloarec épluchait paresseusement des salsifis, tout en songeant avec amertume à la stupidité qu’elle avait commise.

Elle était si bien à Quimper ! Tout le monde la connaissait, et, dès qu’elle mettait le nez à la porte, c’étaient des « Hé, Vonnette » à n’en plus finir ! On l’aimait bien là-bas, et puis, il y avait aussi Jean-Marie, son promis, qu’elle allait embrasser tous les quinze jours à Pont-Labbé, où il était matelot sur un thonier.

Maintenant, elle devait se contenter de ses lettres... Ils se marieraient après son service militaire ; dans la marine évidemment, puisqu’il était breton, comme elle. Il lui avait même affirmé qu’au moment de la cérémonie, il serait quartier-maître. C’est ça qui serait chic !

Et dire qu’elle avait quitté le Finistère ; qu’elle avait abandonné de gaieté de cœur cette petite vie de province, calme et régulière, sans joies tumultueuses certes, mais reposante, sans heurts et sans tracas. Qu’elle avait été sotte de vouloir à toutes forces, venir à Paris... soi-disant pour faire des économies et gagner plus d’argent, mais en réalité, pour voir la capitale.

À dix-neuf ans, on ne réfléchit pas plus loin que le bout de son nez. Vonnette s’était laissée bourrer le crâne par des copines qui avaient été en service dans de grandes villes. Mais quelle déception ! Enfin, lorsque le vin est tiré, il faut le boire !

Yvonne Kloarec détestait Paris ; en dépit de la place de la Concorde, de la Madeleine, des grands boulevards et de la Tour Eiffel ! Il y avait trop de monde, trop de rues, trop de bruit, malgré les récentes ordonnances du préfet de police.

C’est peut-être pour cela qu’elle se sentait si bien dans sa cuisine. Là, elle était vraiment chez elle. Cependant, où que se pose son regard, il ne rencontrait à l'extérieur que des paysages tristes à faire pleurer : des murs lépreux percés de fenêtres sans joie, une cour grise et sale, où des poubelles alignées débordaient de papiers gras, de détritus puant l’aigre, et de boîtes à conserves éventrées.

La jeune fille était bien payée ; mais cela ne compensait pas le revers de la médaille ! Elle vivait dans un enfer perpétuel ; dans une atmosphère irrespirable de disputes et de criailleries.

Madame adressait à son mari des reproches continuels ; à propos de tout et de rien : il fumait trop, il avait une tache sur son veston, il mettait trop de beurre sur son pain, il exagérait, il buvait sans modération... En un mot, Madame avait le grand tort de se croire le nombril du monde et l’incarnation de la sagesse universelle.

Pourtant, Jean-Baptiste Pierrefontaine, pharmacien de première classe, était un brave homme plutôt rigolard, qui ne demandait qu’à bien boire et bien manger. Le reste de son temps, il le passait dans son laboratoire, d’abord pour avoir la paix, ensuite pour préparer ses pilules purgatives et ses poudres, panacée universelle contre les maux d’estomac.

Il en avait bêtement relevé la formule dans le codex, et elles avaient consacré sa réputation, tout en lui laissant un bénéfice net de sept cents pour cent, ce qui ne gâte rien !

Assez bel homme bien que, frisant la cinquantaine, le potard était philosophe, et vingt ans de vie commune lui avaient appris la vanité des choses de ce monde en l'habituant aux orages conjugaux. En tous cas, les remarques acides de son épouse glissaient sur la carapace de son indifférence.

Ernestine Pierrefontaine, née Darmoise, n’était cependant pas une méchante femme ; c’est surtout sa voix qui était désagréable, et sa manie de crier ; elle glapissait sur un ton pointu, comme s’il lui était impossible de parler comme tout le monde.

Pourtant, elle tenait à son mari, c’était indiscutable, puisqu’elle était jalouse comme une tigresse. Il est vrai que l’on pouvait attribuer ce sentiment trop exclusif à l’amour-propre, tout aussi bien qu’à l’amour tout court !

Quoi qu’il en soit, Ernestine détestait la solitude, et dès que le pharmacien s’absentait, ce qui du reste était infiniment rare, elle réquisitionnait sa mère ; or, ces visites, pour Yvonne Kloarec, c’était la fin des haricots !

Veuve d’un petit fonctionnaire qui, en l’épousant, avait conquis la palme du martyre et l’auréole des bienheureux, Irma Darmoise était l’image vivante de ce que serait sa fille trente ans plus tard.

Cette vieille femme anguleuse et revêche avait élevé au degré de perfection ce qui, chez son enfant, n’existait encore qu’à l’état de promesse. On la considérait, dans le voisinage, comme un entrepôt de fiel tant elle cultivait la médisance, et au cours de ses intarissables bavardages chez la crémière et le boucher, elle distillait le vitriol tout naturellement, comme les serpents secrètent leur venin.

Aujourd’hui précisément, la mère de Madame venait dîner, et la douce Vonnette s’en souvint en sursaut, lorsqu’elle entendit sa patronne vitupérer son indolence :

— Dormez-vous, ma fille ? Vous êtes là à rêvasser, alors que Maman peut arriver d’un instant à l’autre. C’est inconcevable ! Vos salsifis ne sont même pas encore nettoyés ! Et la sauce blanche ? Avez-vous acheté un citron ainsi que je vous l’avais recommandé ?

— Oui, Madame.

— Et l’oxtail ? Vous en retirerez la queue de bœuf dans une heure, puis vous séparerez la viande des os. Nous la mangerons froide demain, avec une mayonnaise, des pommes de terre rissolées et une salade. Ah !... N’oubliez pas d'ajouter une cuillerée de petits pois dans le potage. Au moment de servir, n’est-ce pas ?... Pas avant !

— Bien, Madame.

— Vous mettrez un tablier propre pour servir à table. Pour une fois que...

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents