Les ruffians de Paris
446 pages
Français

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Description

Maurice Drack (1834-1897)





"C’était dans le bois de Vincennes...


La troisième allée à droite, donnant sur la route du Grand-Maréchal.


Le 25 juin 1878, à huit heures trente-cinq minutes du soir.


Je n’y étais pas. Il n’y a pas eu de procès-verbal. Mais vous pouvez m’en croire : l’heure et le jour sont restés gravés dans ma mémoire.


Au pied d’un chêne de belle apparence, un jeune homme assez mal couvert, mais fort beau, tenait en main une corde de moyenne grosseur et confectionnait gravement, un nœud coulant, tout en considérant avec intérêt une branche qui s’avançait horizontalement au-dessus de sa tête.


La corde était neuve, la branche solide et l’homme parfaitement résolu.


Histoire triviale, direz-vous ! Peut-être. Mais je n’invente pas, je raconte. D’ailleurs, attendez la suite.


Le jeune homme prenait ses dispositions avec un soin particulier.


Il calculait à la fois le jeu de la corde, la hauteur de la branche et sa propre dimension.


C’était sage.


N’avait-il pas un intérêt direct à ce que les choses ne traînassent pas en longueur ?


Quand tout fut prêt, il s’assit, jetant un dernier coup d’œil satisfait sur son arbre et sur sa corde."



Pourquoi Urbain a -t-il décidé d'en finir avec la vie ? Pourquoi a-t-on voulu enlever Pervenche et son frère muet Thaddée ? Jacques Caillebotte va devoir trouver des réponses à ces deux questions et à bien d'autres...


A suivre : Tome II - "La revanche de Caillebotte"

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Informations

Publié par
Nombre de lectures 0
EAN13 9782384420001
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0019€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Les ruffians de Paris

I
La dent du rat


Maurice Drack


Décembre 2021
Stéphane le Mat
La Gibecière à Mots
ISBN : 978-2-38442-000-1
Couverture : pastel de STEPH'
lagibeciereamots@sfr.fr
N° 998
I
Comment il advint qu’en croyant se lancer dans l’éternité, Urbain retomba dans les bras d’un oncle

C’était dans le bois de Vincennes...
La troisième allée à droite, donnant sur la route du Grand-Maréchal.
Le 25 juin 1878, à huit heures trente-cinq minutes du soir.
Je n’y étais pas. Il n’y a pas eu de procès-verbal. Mais vous pouvez m’en croire : l’heure et le jour sont restés gravés dans ma mémoire.
Au pied d’un chêne de belle apparence, un jeune homme assez mal couvert, mais fort beau, tenait en main une corde de moyenne grosseur et confectionnait gravement, un nœud coulant, tout en considérant avec intérêt une branche qui s’avançait horizontalement au-dessus de sa tête.
La corde était neuve, la branche solide et l’homme parfaitement résolu.
Histoire triviale, direz-vous ! Peut-être. Mais je n’invente pas, je raconte. D’ailleurs, attendez la suite.
Le jeune homme prenait ses dispositions avec un soin particulier.
Il calculait à la fois le jeu de la corde, la hauteur de la branche et sa propre dimension.
C’était sage.
N’avait-il pas un intérêt direct à ce que les choses ne traînassent pas en longueur ?
Quand tout fut prêt, il s’assit, jetant un dernier coup d’œil satisfait sur son arbre et sur sa corde.
Puis il tira de son gousset un cahier de papier Job qui n’avait plus que trois feuilles, prit une pincée de tabac dans un vieux fond d’hectogramme, presque réduit en poudre, roula alertement une cigarette, et allumant, – comme naguère Grenier dans son rôle de Boirot, – sa dernière phosphorique à la couture de son pantalon, il se mit à fumer lentement, en homme qui savoure la seule jouissance qui lui reste, tandis que la corde, ballante, allait et venait au bout de la branche, à un mètre au-dessus de lui.
Quand la cigarette lui brûla les doigts, il la jeta.
Et sans s’attarder à réciter la moindre élégie sur sa fin prochaine, il grimpa à l’arbre.
Il y grimpa même comme un chat, avec une prestesse et une grâce parfaites. Mais il faut tout dire : il avait eu, en rhétorique, le premier prix de gymnastique au lycée Louis-le-Grand.
Aussi jamais n’avait-il mieux compris qu’à ce moment les bienfaits de l’éducation universitaire.
Une fois à cheval sur sa branche, il attira la corde à lui, se la passa au cou, jeta un coup d’œil circulaire à travers la feuillée, comme pour dire adieu à ce monde qu’il quittait sans regret, puis, le sourire aux lèvres, écartant les jambes brusquement, il fit la culbute.
Outre son prix de gymnastique, il avait eu un second accessit de géométrie et un quatrième d’histoire naturelle, ce qui lui avait permis de calculer que le poids de son corps, combiné avec la longueur de la corde et la rapidité de la chute, devait avoir pour résultat la rupture immédiate des vertèbres cervicales et la mort sans agonie.
Seulement, comme on ne saurait tout prévoir, surtout l’invraisemblable, il lui arriva une chose surprenante, qu’il n’avait pu calculer.
Il resta à mi-chemin, en l’air, à peine étranglé.
Suffisamment pourtant pour perdre connaissance.
Quand il revint à lui, il était couché sur le gazon, au pied du grand chêne.
Un gentleman ganté lui soutenait la tête d’une main, tandis que de l’autre il lui ingurgitait quelques gouttes d’un cordial renfermé dans une gourde.
À deux pas, un groom en livrée, le chapeau à la main, semblait attendre les ordres de son maître.
En lui voyant rouvrir les yeux :
– Bon cela... Prenez la gourde, John, dit le gentleman, la cure est faite... Il en sera quitte pour un bleu au pli du cou... Dans huit jours, tout sera oublié...
Et secouant la main du jeune homme, qui ouvrait de grands yeux, ne se rendant pas bien compte de ce qui se passait :
– Toussez un peu, mon cher Urbain, la voix reviendra, je sais ce que c’est, j’ai passé par là...
Le groom fit la grimace et poussa un « aoh ! » qui fit retourner le gentleman... Il y avait comme un reproche d’inadvertance dans l’exclamation de l’Anglais.
Mais le jeune homme, tout surpris de s’entendre appeler par son nom, n’y fit pas attention. Il regardait cet homme qui le soignait, et se disait que bien certainement il ne l’avait jamais vu.
Puis, le sentiment de la situation lui revenant tout à fait avec la voix, il s’écria en se dressant sur son séant :
– Qu’est-ce qui s’est permis de me décrocher ?
Et, fronçant les sourcils, il dit à l’homme qui venait de le secourir.
– Est-ce vous, animal ?
– Bonne nature ! répondit l’autre avec un sourire ; c’est moi, en effet, qui passais fort à propos pour vous empêcher de faire une sottise...
– Je ne sais ce qui me retient, dit le jeune homme, qu’avant de me rependre je ne vous donne une leçon... Mais je suis pressé, allons rendez-moi ma corde et passez votre chemin.
Et il tendait la main vers le gentleman, qui, l’arrêtant du geste, jeta la corde qu’il tenait au groom...
– Mon cher neveu, trêve de plaisanterie...
– Hein ! comment dites-vous cela... ? Votre neveu... moi... Ah ! la farce est bouffonne. Mais regardez-moi donc... Vous faites erreur, mon brave homme. Jamais je ne fus le neveu de personne.
– Il y a commencement à tout, dit l’autre avec flegme.
– Alors vous prétendez me prouver...
– John, qui est monsieur ?
– Master Urbain Ribeyrolles.
– N’est-il pas mon neveu ?
– Yes , monsieur le baron, certainly .
Urbain se frotta les yeux.
– Je rêve, et je suis en purgatoire, pensa-t-il.
– Depuis combien de temps le cherchons-nous ?
– Depuis trois ans, répondit John.
– Quand l’avons-nous découvert ?
– Il y a trois jours...
– Et nous le surveillons ?
– Depuis trois heures.
– Vous voyez, mon cher Urbain, que si John est si bien au fait, c’est qu’il y a déjà longtemps que je m’inquiète de ce que vous étiez devenu. Il faut parbleu bien vous résigner, et vous dire que c’est assez de se pendre une fois en un jour. Je ne prétends pas enchaîner votre liberté ; plus tard, si le cœur vous en dit, vous pourrez reprendre l’opération au point où je l’ai interrompue. Imaginez-vous qu’au moment de sortir, vous recevez une visite ; pestez, si cela vous soulage, contre l’importun... mais accueillez-le comme on accueille un oncle millionnaire... Soyez tranquille, John aura soin de votre corde, et vous la rendra quelque jour, quand vous l’exigerez absolument.
– Hum ! fit Urbain, moi qui ne croyais pas aux contes de fées... Ainsi vous tenez beaucoup à être mon oncle... et vous êtes baron ?
– Célestin Nargeot, baron de Coppola, le propre frère d’Eulalie Nargeot, votre mère. Ma baronnie est bien à moi, d’ailleurs, je l’ai payée en beaux écus comptant, et n’en tire pas vanité. Affaire de mode, mon neveu. Pas autre chose. Il le fallait pour tenir mon rang dans le monde où j’ai vécu. Ah oui, l’on ne vous a jamais parlé de moi, je le comprends... J’ai quitté père et mère et sœur à quinze ans, et j’ai couru quarante ans les pays les plus étranges, faisant la boule de neige, sans qu’on sût chez vous si j’étais vivant ou mort. Aussi me devait-on croire bel et bien enterré, dans quelque coin, comme un chien perdu... Depuis trois ans, installé à Paris, j’ai pris des informations pour retrouver les miens, mais sans succès ; il y a trois jours, un hasard m’a appris votre existence, mais déjà vous prépariez sans doute le joli voyage que j’ai fait rater, car je ne pus mettre la main sur vous : vous aviez disparu de votre chambre d’hôtel !... Et sans John, à qui vous devrez, je l’espère, des remerciements, un jour, peut-être serais-je arrivé trop tard.
Le prétendu baron mentait tout au moins sur un point, car du fourré où il était caché il avait surveillé fort à l’aise les préparatifs d’Urbain Ribeyrolles et n’avait voulu se montrer que juste au moment de l’exécution. Fort prestement alors, il s’était élancé de sa cachette, avait soutenu le jeune homme en l’air dans sa chute avant que la corde ne fût tendue, et, aidé par John, il l’avait décroché et posé à terre.
Urbain l’avait considéré en silence et écouté sans plaisir. Tout cela sonnait faux à son oreille, et la personne même de cet oncle improvisé lui revenait médiocrement.
Le baron de Coppola était de grande taille, maigre, nerveux, la figure basanée ; les cheveux, crépus et indociles, se redressaient au milieu du front, formant un toupet excentrique. Il était habillé avec un goût parfait, mais la tournure était plus cavalière que distinguée, le geste surabondant ; il y avait, en somme, dans son allure, quelque peu de l’aventurier... Il est vrai qu’il l’avouait lui-même. Il avait couru le monde pour chercher fortune et sans doute fait bien des métiers.
Urbain se dit qu’après tout, n’ayant rien à perdre, il pouvait se laisser faire, voir venir le baron ; mais, par acquit de conscience, il tint à formuler ses réserves :
– Mon bel oncle, puisque me voici à la tête d’un oncle, je ne vous dirai pas que je vous suis reconnaissant.
– C’est inutile...
– Je mentirais... car, tout au contraire, je vous enverrais volontiers au diable pour m’avoir empêché...
– D’y aller par le plus court chemin.
– Je ne sais trop ce que vous voulez faire de moi...
– Eh ! eh ! beau neveu, l’amour de la famille a ses regains dans un vieux cœur...
Urbain le regarda un instant sans mot dire, puis tranquillement :
– Vous m’étonnez...
Et le baron, sans se démonter, toujours souriant, répondit :
– Je réserve à votre scepticisme, mon cher Urbain, de bien autres surprises.
– Soit, vous obéissez à la voix du sang... et à quelque autre mobile, je me permets de le supposer. Mai je vous préviens que si vous avez cru décrocher de cette branche un pantin, acquérir une créature, quelque automate dont vous tirerez les fils sans difficulté, vous vous êtes trompé...
– C’est entendu.
– Je ne sais quel rôle vous me destinez, mais il faudra qu’il soit net de toute tare et me convienne de tous points.
– Il vous conviendra.
– Je vous parais peut-êt

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