Les trois pendus de la Tour Eiffel
52 pages
Français

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Les trois pendus de la Tour Eiffel , livre ebook

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Description

Au petit matin, deux promeneurs découvrent trois hommes pendus aux branches d’un marronnier du Champ-de-Mars, en face de la Tour Eiffel...


Les journaux se font des gorges chaudes de cette affaire, d’autant qu’une lettre de Théodore ROUMA, le célèbre cambrioleur, revendique le triple assassinat allant jusqu’à fournir l’identité et l’adresse des trois victimes.


Pourtant, le commissaire Larbart, connaissant bien son ennemi de toujours, sait que celui-ci n’est pas du genre à commettre des crimes. Mais, pour une fois, Larbart est déchargé de l’enquête...

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 1
EAN13 9791070033968
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LES TROIS PENDUS DE LA TOUR EIFFEL

Par
Jean d’AUFFARGIS
CHAPITRE PREMIER
MACABRE DÉCOUVERTE
 
Même si l'on avait voulu appeler ce 5 octobre d'une façon plus suggestive que « la journée des trois pendus », l'opinion publique, soudée à sa presse, s'y serait refusée. Il y a comme cela des journées qui font date dans la vie d'une cité, qui s'inscrivent ineffaçablement dans l'histoire d'une capitale. Pour M. Potier et son ami M. Duguet qui, ce matin-là, s'en allaient prendre leur service au poste météorologique de la Tour, comment auraient-ils pu baptiser autrement cette fameuse journée ?
La plupart des gens, ici-bas, consacrent une bonne partie de leur temps et de leur argent en des efforts parfaitement inutiles pour sonder l'avenir. Cela fait généralement la fortune des fakirs et des tireuses de cartes. Mais les sages, eux, estiment comme un bienfait des Dieux que le futur nous soit caché, parce que nous ne serions pas assez forts pour le regarder en face. On peut, en effet, imaginer ce que seraient nos nuits et les cauchemars qui les habiteraient, si nous pouvions savoir ce qu'il adviendra par la suite aux personnes que nous côtoyons durant notre existence.
N'allez cependant pat croire que Jules Potier et Gaston Duguet se livraient à de semblables méditations ce 5 octobre, alors que, sur le coup de 6 heures 30 du matin, ils suivaient d'un pas placide l'allée centrale du Champ-de-Mars, déserte à cette heure et au bout de laquelle le Trocadéro paraît filtrer sous la paupière de la Tour. Non, c'étaient deux quinquagénaires et pour tout dire des fonctionnaires méticuleux et exacts. Or, ils étaient de quelques minutes en avance et M. Potier, arrivé au milieu de l'allée, s'adressa en ces termes à son vieux camarade :
— Voici, en automne, le plus joli point de vue de Paris, Duguet ; j'espère que tu as l'âme assez parisienne pour l'admettre.
Ils aimaient à se taquiner, mais ne s'en estimaient que plus.
C'était un demi-jour hésitant et sale, mais enfin on y voyait. Gaston Duguet, comme chaque fois que son ami manifestait cette opinion, pointa son regard sur l'axe de la Tour et ouvrit la bouche pour répondre : « moi, je préfère… », lorsqu'il s'arrêta soudain :
— Qu'est cela ?
— Quoi ? Où ?
— À gauche, là… Ces sacs qui se balancent aux arbres ?
— Aux arbres… des sacs ?
L'incrédulité de M. Potier était d'autant mieux légitime que, toutes constatations faites, ces soi-disant sacs allaient bel et bien se révéler des corps branchés haut et court.
Ils étaient trois, suspendus au même arbre, à deux mètres environ du sol, les yeux pareillement clos, le visage grimaçant, le menton comme soudé à la gorge sous l'effet de la corde qui gonflait la nuque. Les mains étaient attachées dans le dos. Ce qui ajoutait, si possible, à l'horreur de la situation, c'est que les trois pendus étaient disposés en demi-cercle : ainsi chacun n'avait-il rien perdu du spectacle offert par les deux autres.
Après s'être approchés ce qu'il fallait pour se convaincre qu'ils ne rêvaient pas, Duguet et Potier ne restèrent pas longtemps à contempler ce spectacle. Le commissariat du quartier est assez éloigné, mais les gardiens de square ont un poste à proximité de la Tour : ils y furent d'un trait…
« Les trois pendus de la Tour Eiffel », c'est sous ce titre, on s'en souvient, que les feuilles parisiennes, puis la presse de province et, enfin, les principaux organes d'information du monde consacrèrent pendant de longs jours une rubrique permanente à la marche de l'enquête. On peut même dire que la macabre découverte de Jules Potier et de Gaston Duguet – auxquels un quotidien américain offrit cinquante mille dollars pour qu'ils consentissent à décrire, à l'usage du public yankee, les sensations qui les avaient habités ce matin-là – oui, l'on peut en toute certitude assurer que trois tronçons de corde supportent désormais le journalisme avide de sensationnel que nous connaissons aujourd'hui. Entourés et parfois précédés d'un bataillon compact de reporters de toutes langues, de photographes et de cameramen, les policiers partirent à la bataille avec le sentiment que l'Univers entier avait les yeux fixés sur eux. Leurs moindres gestes, leurs plus infimes glanes étaient immédiatement captés, analysés, interprétés et livrés par la magie des ondes, de la pellicule et des câbles, en pâture à des auditeurs et des lecteurs haletant d'en être au dénouement.
Et l'on sait si le dénouement devait se faire attendre !
D'abord, le premier moment d'émotion passé, les trois pendus entrèrent avec une lenteur désespérante dans la voie judiciaire. Potier et Duguet s'en étaient revenus avec leurs gardes, passablement incrédules. À leur tour, ceux-ci avaient alerté les agents, lesquels firent appel aux pompiers. À huit heures, un millier de personnes contenues à grand-peine par un service d'ordre qu'affolait la nouveauté de la chose, suivaient le va-et-vient du commissaire de police, de son secrétaire, d'un docteur du quartier, du capitaine des pompiers et – déjà ! – de plusieurs journalistes prévenus on ne sait comment. Toutes ces personnalités et pas mal de resquilleurs mêlés à elles attendaient le Parquet, sans trop se résoudre à prendre une décision, voire à émettre une conjecture.
Le Parquet tomba vers neuf heures, au beau milieu de cette réunion agitée et bruyante, assez semblable à une foire annuelle de chef-lieu d'arrondissement. Quatre voitures, pas moins : le procureur, M. Mercier, le juge d'instruction Gaussard et son greffier Chausson, le médecin légiste Pierre, le commissaire principal Savignon et une suite éloquente d'inspecteurs, tous chapeautés de feutre et de spécialistes de l'identité judiciaire portant des appareils lourds et compliqués. Cinq ou six minutes après arrivait une puissante limousine, cocarde tricolore au pare-brise : M. Gaudin, préfet de police, donnait, pour la circonstance, de sa personne. Et collant sa voiture, la meute des rédacteurs et des photographes de la presse et des agences, empilés dans une demi-douzaine de taxis Renault.
On pouvait commencer et, d'abord, rendre à la position horizontale, ces cadavres qui n'avaient pas fini de faire parler d'eux.
 
* * *
 
C'est à peine si on signala que, pour la première fois depuis fort longtemps, une affaire aussi déconcertante que celle des trois pendus était confiée à quelqu'un d'autre que le commissaire Larbart.
Ferdinand Larbart, dont la silhouette massive et puissante était familière à tous les chroniqueurs judiciaires, avait sollicité et obtenu un congé – demande suggérée, affirmaient les mauvaises langues. Rival obstiné autant que malheureux de l'insaisissable roi de la cambriole, Théodore Rouma, qui venait encore de ranger les rieurs de son côté dans cette mémorable histoire des lingots de la Banque d'Angleterre (1) , Larbart, pour la vingtième fois peut-être, avait perdu la face. Il semblait qu'un sort contraire s'acharnait sur ce policier, cependant habile et consciencieux, dès lors...

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