Lima
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Description

Loana Hoarau continue de déployer son univers inquiétant, amoral et cruel. On est invités ici à découvrir trois nouvelles, intitulées Duel, Gabi et Fardeau. L’inquiétude s’installe dans le cadre de ce monde ordinaire contemporain au sein duquel le paramétrage des interactions humaines — notamment des relations intimes — est fracturé, fêlé. L’homme (entendre : l’individu de sexe masculin) est désaxé. Il ne gire plus sur son axe. Le dispositif des conventions (patriarcales notamment, mais pas que), qui le maintenaient jadis rectiligne, est en faillite. Tout est possible. Tout est permis... et le permissif est devenu implicitement délétère. Les enfants ne peuvent plus faire confiance à des adultes qui, de toutes façons, ne se font plus confiance entre eux. Tout est si banalement imprévisible que l’innocence et la bonne foi deviennent les plus suspectes des valeurs humaines. La plume vénéneuse de Loana Hoarau dessine, en grinçant, la trame précise d’un monde hachuré, qui a bel et bien perdu ses repères. Veuillez palper du goût acidulé de Lima.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 7
EAN13 9782924550571
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0026€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Lima
Loana Hoarau

© ÉLP éditeur, 2020 www.elpediteur.com ecrirelirepenser@gmail.com
ISBN : 978-2-924550-57-1
Conception graphique : Allan E. Berger
Image de la couverture : © David Heinis, 2019
« L'addiction a trois destinations :La prison, l’hôpital et le suicide. »
Nasser Berkous
DUEL
1.
Condésur Sarthe – Lundi 23 septembre 1996 – 13h30

Enflure.Crevard. Pourriture. Sale merde. Pédale. Pédé.Ordure. Chien. Gros con. Abruti. Tapette. P'tite bite. Sale con.Salope. Bastringue. Trou du cul. Fils de pute. Bâtard. Enculé.
Voilà.C'est à peu près tout. Il y a des variantes, bien sûr,mais ça reste toujours ces insultes-là qui ressortentle plus souvent. C’est ces insultes-là qui font le plusd'effet. Tu n'es pas le premier à te les bouffer en pleineface, tu sais. Et tu ne seras sûrement pas le dernier. Mais ence moment, c'est pour toi. Nous remercie pas. C'est cadeau. Et tudevras t'y faire. Parce que t'as pas le choix. T'as pas le choix. Ona décidé que ce serait toi. Pourquoi ? Parce que.C'est comme ça. T'es pas d'accord ? On en a rien àfoutre.
Jecrois que ce qui a tout déclenché, c'est le fait de tevoir débarquer trois semaines après nous à larentrée des classes. T'avais une petite maladie des bronches,et t'avais des rendez-vous importants. Maladie des bronches, mon cul,oui. Nous, tout ce qu'on a vu, c'est qu'on en a chié avec lesprofs, leurs discours à la con, leurs contrôlessurprises pour évaluer notre niveau. Même en première,ils nous foutent dans les pattes des contrôles surprises. Etque toi, tu y as échappé. Tout ça, t'y aséchappé. Toi, t'as gentiment débarquécomme une fleur. Putain. Et le discours de la prof principale. Écouteztout le monde, voilà un nouvel élève, j'espèreque vous saurez l’accueillir avec bienveillance et nia nia nia. Tu parles. On va te montrer, nous, comment qu'on labaise, la bienveillance.
Etpuis ce look, sérieux. On est en 1996, merde ! Çaexiste plus, des looks pareils, non ? La coupe de cheveux dugenre coupé en brosse. Ça te donne un air crétin.Ah bordel. Ces cheveux noirs et cet air d'ahuri et ce corps gringaletd'ado attardé, il y a toute la panoplie du parfait débilequi va tenter de se trouver des potes. Oups. Désolé. Çamarche pas avec nous. En trois semaines, des groupes s'étaientdéjà formés, les sportifs avec les sportifs, lesgoths avec les goths, les beaux gosses avec les meufs bien calibréeset tout. Y'avait bien les trois premiers de la classe qui t'ont faitde l'œil pour que tu les rejoignes, mais putain, tu les assnobé en beauté, ou alors tu les avais pas vu, t'espassé droit devant eux et tu t'es installé deux rangsavant le mur au bout de la salle, seul, juste devant nous. Je suissûr qu'on t'aurait même pas remarqué si tu t'étaisplacé à côté des triple Einstein, mais là,tu cherchais déjà, pauvre con, tu nous provoquais.C'était primordial de faire partie d'un groupe, ici. Mais toi,crétin, tu annonçais la couleur. T'es un marginal,hein. Un imbécile des beaux quartiers qui se mélangepas avec les autres. Ou peut-être que c'est pas ça.Peut-être que t'es un gros timide qui se mouche encore dans lesjupons de sa moman .Ah, ça fait bien notre affaire, ça. T'es du pain béni.
Ona vite remarqué ton allure précieuse et tes fringues demarque. Bien sûr, tout le monde ou presque porte des fringuesde marque, ici. Mais sur toi ça fait tache. Çafait bourgeois. Hé, le bourgeois. Unautre de tes surnoms. Hé, le bourgeois, t'as assez de place ou tu veux qu'on sepousse un peu ? Hé, le bourgeois, ton cul royal a besoind'un coussin ? Hé, le bourgeois, je suis sûr que tuveux qu'on te tienne la bite quand tu pisses .Ah merde. Cette façon que t'as de jeter un coup d'œilvers nous ! T'as rien moufté. Putain, t'aurais sorti unevanne, alors peut-être qu'on t'aurait pas pris en grippe.Peut-être qu'on se serait marrés et qu'on aurait mêmefini potes. Ou pas. Non parce que ta tronche nous revient vraimentpas.
Ont'a regardé à la récréation. Tu t'esfoutu dans un coin, et tu as sorti un livre de ton sac. Merde. Unintello, on dirait bien. Fallait bien te trouver quelques tares.Voilà. On s'est rapproché de toi. T'as pas eu l'air det'en rendre compte. Ou alors t'as fait semblant de pas nousremarquer. T'avais peut-être pas le but de te faire des amis.Tu t'es isolé toi-même, et bien sûr, çanous plaisait. On s'est penché vers toi, te donnant un petitcoup de pied pour attirer ton attention.
Hé,le bourgeois. Tu lis quoi ?
Bah,c'est un livre sur...
Ouais,je connais. Pas la peine de m'expliquer. C'est cette histoire demeurtres en série là, avec le médecin qui tuetout le monde.
Ouais,je me rappelle aussi, tiens. C'est le docteur le coupable, mais çaon le sait qu'à la fin.
Ahouais, c'est celui-là.
Oups.Désolé, le Bourgeois. Je crois qu'on a fait une bourde,les mecs. Bon bah, t'as plus qu'à jeter le livre et faireautre chose que ton intello de base.
Ons'est éloignés en se marrant. Putain, ton air de troudu cul quand t'as compris qu'on t'avait tout dévoilé letruc ! Putain, c'était drôle ! Le pire, c'est qu'onconnaît rien de la fin du bouquin, je savais juste qu'il yavait un médecin dans le lot, j'avais une copine super canonqui avait une sœur pas mal du tout qui lisait ce livre et quinous avait expliqué qu'il était prenant parce qu’undocteur tuait des gens. Ah, ça t'a bien perturbé,hein ! Enfin, on dit ça, mais tu as continué àlire le bouquin. Quel crétin j'te jure !
Àl'heure de midi, tu es venu au réfectoire. Y'a de quoibouffer, c'est assez varié. Et toi t'étais là,avec ton assiette de crudités et le plat chaud. On est passésderrière toi. On a renversé ton verre d'eau dans tescarottes et on t’a enfoncé la tête dans tonpoisson en sauce. Très rapidement. Pour que tu n'aies pas letemps de voir qui t'emmerdait et que les cantinières neremarquent rien. Et elles ont rien remarqué, ces connes. Maisquelques-uns des élèves se sont foutus de ta gueule. Tut'es levé, tu as cherché du regard après avoirpassé ta serviette en papier sur tes yeux. On étaitdéjà assis. On faisait semblant de discuter d'un sujetquelconque. Tu t'es déjà rassis et tu as essuyétoute la merde autour de ton plateau. Ça y est. On est dans levif du sujet, hein. T'es le crétin maladroit qui va faire rireune bonne partie du bahut toute cette année scolaire. On estravis.
Premièreheure de cours de l'après-midi. Mathématiques. On n'apas pu s'en empêcher. Ça a fait rire une bonne partie dela classe. C'est un truc bien basique, pourtant, le croche-pied. Tut'es étalé de tout ton long, putain, ils ont tous bienri. Toi aussi, d'ailleurs. Tu t'es relevé comme si rienn'était, t'as ramassé tes affaires et t'as dit au profqui a levé des yeux tout curieux Désolé,j'ai glissé, c'est rien monsieur. Nonmais quel abruti tu fais ! Ça a encore plus fait rirel'assemblée. On a les trois quarts des gens avec nous. C'estun bon début.
Deuxièmeheure de cours de l'après-midi. Sport. On te traque. On tevoit te changer dans les vestiaires. On a deux heures de sport. Deuxheures où on va devoir courir et suer. On aime pas trop ça.Il fallait bien trouver un truc marrant à faire. Deux d'entrenous ont fait le guet. Les autres en ont profité pour fouillerdans ton sac à dos, déchirer tes cahiers, pisser dansta trousse, donner de grands coups de ciseaux dans tes affairespropres. C'était du joli, crois-nous ! Qu'est-ce qu'ons'est marrés, quand on a vu ta tronche découvrir lefléau ! Ah, c'était vraiment fun !
Troisièmeheure de cours de l'après-midi. Histoire-géo. Tu asgardé ta tenue de sport, et qu'est-ce que tu puais ! Laprof t'a demandé pourquoi tu ne t'étais pas changé,et toi t'as dit Désolé,j'ai oublié de prendre des affaires de rechange. Mickaël, celui qui est assis à côté de toipendant cette heure de cours n'arrêtait pas de grimacer. Àun moment donné, il a dit M'dame,faut que je change de place, là, ça pue trop,vraiment ! Toutela classe a ri, forcément. Et la prof excédée, afait un signe de tête en levant les yeux au ciel.
T'esfort en Histoire-Géo. En plus de te la péter intello,tu fais le fayot en répondant à toutes les questions dela prof. Et t'as juste. Et la prof te sourit. T'as trois semaines deretard, et tu marques des points avec la

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