Meurtres sans meurtrier
59 pages
Français

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Description

Le château de Plantac semble victime d’une terrifiante malédiction : chaque propriétaire meurt en proie à une étrange maladie.


Au décès de Mlle Edmée de Clerque, la châtelaine en titre, le docteur refuse d’accorder le permis d’inhumer, soupçonnant un meurtre par empoisonnement.


En attendant les résultats des analyses, la police enquête, mais les suspects se font rares jusqu’à ce que la dame de compagnie pointe du doigt le fils de l’intendant.


Cependant, la jeune femme a un comportement louche et échappe à la surveillance des policiers pour envoyer un télégramme réclamant l’aide d’un curieux personnage et de son acolyte.


C’est ainsi que bientôt, à Plantac-sur-Isle, débarquent Monseigneur et son clebs...


Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 2
EAN13 9782373474121
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Monseigneur et son « clebs » - 7 -
MEURTRESSANS MEURTRIER
De Marcel PRIOLLET
— Je refuse le permis d'inhumer.
— Vous refusez...
I
— Catégoriquement ! Et je vous demande d'alerter, s ans délai, le Procureur de la République, à Périgueux.
— Docteur, réfléchissez encore...
— C'est tout réfléchi ! Songez-y vous-même ; en moi ns de six années, dans la même famille, trois morts... trois morts mystéri euses, suspectes, inexplicables...
— Inexplicables... pour vous !
— Une dernière fois, je vous demande de faire le né cessaire. Sinon je m'en chargerai moi-même. Je prends toutes mes responsabi lités.
— Soit !
La scène se passait à la mairie de Plantac-sur-Isle , Dordogne, dans le bureau du maire, M. Pativet.
C'était par un clair matin de printemps — le 13 avr il, exactement. Les prés se dégageaient des brumes qui montaient de la riviè re. Les oiseaux pépiaient dans les verdures neuves. Une belle journée s'annon çait. Mais M. le maire ne s'était guère attendu à ce que cette journée fût ma rquée par un événement qu'il jugeait fort désagréable.
À Plantac-sur-Isle — gros bourg d'environ trois mil le habitants — les passions politiques sévissaient. M. Pativet avait é té accusé dernièrement de faire le jeu des partis de gauche. Ne le serait-il pas encore si, par ses soins, un scandale venait à éclabousser l'une des plus honora bles familles du pays, mais cataloguée, elle, parmi les gens de droite ?
Cette crainte, qu'il avait exprimée, n'avait été d' aucun effet sur son interlocuteur. Celui-ci tenait bon. Et le magistrat municipal venait de se résigner à téléphoner à Périgueux. Il confirmerait par une n ote officielle.
De quoi s'agissait-il au juste ?
Il s'agissait d'un décès que le docteur Janin, en s a qualité de médecin de l'état civil, avait été chargé d'aller constater.
Ce matin, de très bonne heure, il s'était donc rend u au château. Là, il avait lle été mis en présence du cadavre de M Edmée de Clerque, la châtelaine,
terrassée la veille au soir par une syncope qui n'a vait été que la brève antichambre de la mort.
Bien qu'il n'eût jamais été appelé à lui donner per sonnellement ses soins, le docteur connaissait bien cette vieille demoiselle, qui était venue s'installer et vivre à Plantac après la mort de son oncle, M. Hipp olyte Dumaz, le précédent châtelain. Il l'avait vue souvent promener sa maigre silhouette et son visage pâle dans les rues de la petite ville.
lle II n'avait pas été sans remarquer que, selon l'expr ession populaire, M de Clerque se « décollait ». Des bavardages lui avaien t appris qu'elle ne croyait ni aux médecins ni à la médecine, et qu'il lui arrivai t d'aller réclamer les lumières des rebouteux, guérisseurs et autres sorciers qu'on trouve encore dans cette région. Le docteur Janin n'en avait conçu nul dépit . Il n'avait pas besoin d'agrandir sa clientèle, déjà nombreuse et éparpill ée. Les journées n'étaient jamais assez longues pour lui. De quoi était morte la châtelaine ?
C'est précisément ce que le médecin n'était pas arr ivé à déterminer. Mais il avait relevé, sur les mains et sur le corps, d'étra nges érosions dont il n'avait pas su deviner l'origine. Il s'était souvenu du passé... Il ne s'était pas reconnu le droit de conclure à une mort naturelle.
De là sa démarche auprès du maire...
Ces messieurs du Parquet et de la Police Judiciaire arrivèrent le lendemain matin. Le procureur avait dépêché son substitut, qu 'accompagnaient deux médecins légistes et deux policiers, l'inspecteur p rincipal Estival et le brigadier-chef Mougel.
L'autopsie, pratiquée en présence du médecin de l'é tat civil et du maire, eut lieu au dépôt mortuaire de l'hôpital. Aussitôt aprè s, une conférence réunit tous ceux qui pouvaient avoir à dire leur mot sur cette affaire.
En manière de préambule, le maire tint à affirmer q ue c'était, de mémoire d'homme, le premier drame qu'on ait eu à enregistre r dans la commune,
— Encore faudra-t-il le prouver, ce drame ! ajouta-t-il.
Les médecins légistes prirent la parole. Ils pronon cèrent le mot de « radiodermite ». Certes, ils faisaient les réserve s d'usage. Une erreur est toujours possible. Mais cette desquamation de la pe au des mains et du visage, cette teinte violacée des doigts, ces ongles qui s' exfoliaient, bien d'autres symptômes encore venaient à l'appui de leur supposi tion. L'examen des viscères avait révélé aussi de très graves lésions.
Le docteur Janin, à son tour, s'expliqua :
— Mes chers confrères, j'ai eu la même impression. Mais j'ai dû la repousser, car je suis en mesure de vous affirmer q u'il n'existe pas la moindre
parcelle de radium dans notre commune. Pas la moind re installation radioélectrique, ni médicale ni industrielle. Lorsq ue les gens d'ici ont besoin d'une radiographie ou d'une radioscopie, ils sont o bligés d'aller à Périgueux.
— Empoisonnement, alors ? intervint le substitut — un tout jeune homme qu'on sentait avide de se signaler en cette affaire .
Le mot était grave, lourd de conséquences. Il fourn it un aliment aux trois médecins qui, longuement, en discutèrent.
Ils convenaient que cette thèse de l'empoisonnement , empoisonnement volontaire ou non, n'était pas à dédaigner. Quel po ison ? Sur ce point, ils différaient d'avis. Mais des prélèvements avaient é té faits. Leur analyse lle révélerait peut-être la nature de la drogue à l'abs orption de laquelle M de Clerque avait succombé. Le fait certain — le docteu r Janin tint à le souligner —-c'est que l'intoxication avait été lente et progres sive. La manière dont la vieille demoiselle avait décliné, la façon dont les tissus étaient corrodés et rongés le prouvaient surabondamment.
— Quelle histoire ! soupira le maire.
— Mais vous ne savez, pas tout, messieurs ! s'excla ma le médecin de Plantac. Cette mort offre de saisissantes analogies avec deux autres morts dont il convient que je vous entretienne. Et c'est là le fait troublant, le point sur lequel j'ai le devoir d'attirer votre attention. Ajoutez à cela que des liens d'étroite parenté existaient entre les trois personnages. Mie ux encore : le second était l'héritier du premier, comme le troisième était l'h éritier du second.
— Renseignez-nous mieux, docteur ! adjura le substi tut.
Le docteur Janin sortit de sa poche une liasse de p apiers dont il se servit comme d'un aide-mémoire. Il raconta :
— Le 10 octobre 1939 — au début de la guerre — décé dait, en ce même château de Plantac, M. Jean Dumaz, âgé de soixante ans, veuf depuis une année. Il avait hérité le château de ses parents et vivait là du revenu de ses terres et fermages. Belle fortune. J'ignorerais les circonstances de sa mort si je n'avais trouvé, parmi les paperasses oubliées dans la maison que j'habite actuellement, une lettre signée de mon prédécesseur , le docteur bourgeois, et adressée par celui-ci à sa femme. Cette lettre est édifiante. Avant de vous donner lecture d'un des passages, permettez-moi de rappeler que le docteur Bourgeois, mobilisé le 2 septembre 1939, allait tro uver une mort héroïque sur le front des Vosges. Auparavant, voici ce que cet homm e de haute conscience écrivait à son épouse, laquelle, après son veuvage, devait, quitter Plantac en me laissant acquéreur de sa villa. Écoutez, messieurs, écoutez bien...
Le docteur Janin se prit à déchiffrer :
... J'ai dû partir très précipitamment, tu le sais, ma pauvre chérie... Et il
me vient un remords. Le dernier malade auprès de qu i j'aie été appelé à me rendre est le châtelain : M. Jean Dumaz. J'ai recon nu qu'il souffrait d'une affection toute particulière, très grave aussi. Pou r un observateur superficiel, on pourrait croire qu'il s'agit de brûlures de radiodermite. Mais il faudrait une cause. Et cette cause serait recherché e vainement à Plantac. Il y a donc plutôt lieu de croire à un empoisonnement. .. Je te prie donc, ma chérie, dès qu'un remplaçant me sera donné, de bien vouloir attirer son attention sur le cas de M. Dumaz. Celui-ci n'a pas l'air de se rendre compte de la gravité de son état. Je lui ai parlé de la po ssibilité d'une lente intoxication. Il a souri d'un air sceptique...
Le docteur Janin abandonna la lettre.
— Le remplaçant auquel il est fait allusion dans ce s lignes, reprit-il, ce fut moi. Mais je ne m'installai à Plantac, qu'au mois d e mars 1910. La commune resta donc sans médecin pendant près de sept mois. Entre temps, M. Jean Dumaz avait succombé. Je ne sais trop par qui fut d onné le permis d'inhumer. Peut-être fut-il donné à la légère. C'était une épo que troublée...
me Quant à M Bourgeois, écrasée de douleur depuis qu'elle avait appris la mort de son mari, elle négligea totalement de me fa ire part des scrupules de ce dernier. Elle ne me montra pas cette lettre. C'est seulement le hasard qui l'a fait tomber entre mes mains.
— Et vous vous êtes souvenu de ces lignes, hier, lo rsque vous vous êtes lle trouvé devant le cadavre de M de Clerque ? supposa le substitut.
— Je m'en suis souvenu beaucoup plus tôt ! J'ai com mencé d'attacher quelque importance à cette confidence, lors de la m ort d'Hippolyte Dumaz, frère de Jean, décédé lui-même six années plus tard, exac tement le 20 décembre 1945. Celui-là fut mon client. Oh ! pas longtemps. Je dois vous dire qu'après la mort de Jean Dumaz, le château, bien que devenu la propriété de son frère Hippolyte, demeura inhabité jusqu'à la libération. Un notaire de Périgueux assurait la gérance des biens. Fin août 1944, Hippo lyte Dumaz vint enfin s'installer ici. C'était un homme assez déplaisant et qu'on n'avait jamais vu jusqu'alors dans le pays, car il vivait en mauvaise intelligence avec son frère Jean, son aîné de quatre années. Hippolyte Dumaz vi nt un jour me consulter. Il y avait alors un an, environ, qu'il était devenu le châtelain de Plantac. II faisait des crises d'accident sérique. La chose semblait sé rieuse. Je lui conseillai d'aller voir un dermatologue. Il ne fit tout d'abor d aucun cas de mon conseil et j'appris même, par des bavardages, qu'il m'avait traité d'âne bâté ! Peu importe ! N'empêche que, le mal empirant, Hippolyte Dumaz se rendit à Paris pour solliciter les soins d'un célèbre spécialiste. Et c 'est à Paris qu'il mourut, dans les derniers jours de 1945. Cette mort parut si suspect e qu'elle fil l'objet d'une information. On crut à une tentative criminelle. Fa ute de pouvoir découvrir un coupable, l'affaire fut classée. Hippolyte ne laiss ait qu'une seule héritière :
Edmée de Clerque, fille unique d'une sœur aînée déc édée depuis longtemps.
— Cette demoiselle de Clerque, crut bon de se faire préciser le substitut, était donc à la fois la nièce de Jean et la nièce d 'Hippolyte ?
— Oui...
— Ainsi, en l'espace de six années, le château est passé de l'aîné des deux frères au cadet, puis du cadet à la nièce commune. Et les deux transferts se sont effectués à la faveur, si j'ose dire, de morts qui ont eu le même caractère. Et voici que cette demoiselle de Clerque vient de s uccomber au même mal un peu mystérieux. Évidemment, c'est troublant ! Qu'en pensez-vous, Estival ?
L'inspecteur était un homme trapu, sanguin, d'une rare inélégance. Rien qu'à le voir, avec son visage mafflu, on le devinait rud e, peu enclin à s'émouvoir. Sans répondre directement à la question du magistra t, il demanda, un pli d'ironie sur sa lèvre épaisse :
lle — M de Clerque a-t-elle un héritier ?
— Pas que je sache ! fit le docteur. On raconte mêm e, dans le pays, qu'elle a souvent dit et répété que ses dispositions étaien t prises pour laisser tous ses biens à sa ville natale.
— C'est heureux ! ricana Estival. Autrement, il n'y avait plus de raison pour que ça finisse ! Le coup du poison eût pu servir en core.
— Vous croyez donc à l'empoisonnement ? questionna le maire.
— Faute de mieux, oui ! Mais je ne garantis rien. Il faut voir, étudier, flairer...
L'inspecteur principal se leva. Il répugnait aux lo ngues parlotes. Il le dit. Il annonça aussi qu'une visite du château s'imposait. S'adressant au docteur Janin, il interrogea :
-— Il y a du monde, là-bas ?
— La domesticité est au complet. Cette domesticité se compose de...
— Vous me raconterez ça en cours de route !
Le château de Plantac date du moyen âge. II dresse sa masse épaisse sur le roc où viennent s'effriter les eaux vertes de l' Isle. Flanqué de deux tourelles encapuchonnées de tuiles rougeâtres...
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