Mitraillade à Montmartre
67 pages
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Mitraillade à Montmartre , livre ebook

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Description

Après une nuit de beuverie, alors qu’il dort sous la banquette d’un bistrot, un homme surprend la discussion entre trois malfrats qui planifient un vol de diamants le soir même, lors d’une grande première au Moulin Rouge.


Ne sachant quoi faire, il va se confier à Monseigneur, un curieux personnage bourgeois-bohème qui apporte parfois, avec son berger allemand, son aide à la police.


Celui-ci convainc l’ivrogne d’aller tout raconter à son ami le commissaire pour qu’une souricière soit rapidement organisée.


Cependant, la curiosité pousse Monseigneur, accompagné de son clebs, à assister à l’arrestation.


Sur place, qu’elle n’est pas sa surprise de constater que, non seulement le vol a lieu, que la foule est dispersée à coup de mitraillette et qu’aucun dispositif n’a été prévu par les forces de l’ordre.


Décidément, Monseigneur ne sera jamais mieux servi que par lui-même... et par son clebs.


Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 4
EAN13 9782373474022
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Monseigneur et son « clebs » - 2 -
MITRAILLADEÀMONTM ARTRE
De Marcel PRIOLLET
I
Quand La Pesée — de son vrai nom Victor Capron — éc happa à sa torpeur, il se crut dans son lit et s'étonna seulement de ne pas entendre le tic-tac familier du réveille-matin.
Une minute encore, il balança entre le rêve et la r éalité. Puis, il s'aperçut qu'il était étendu tout habillé et que sa tête repo sait sur du carreau. Au-dessus de son visage, tout près, il y avait des traverses de bois avec de la grosse toile qui laissait passer par endroits des touffes de cri n.
Alors, La Pesée se souvint...
Il se souvint que, la veille, il avait fait une bon ne journée. Exténuante, mais bonne. Le matin, il avait aidé le crémier de la rue de la Huchette à ramener son chargement des Halles. Puis il avait donné un coup de main au boulanger qui rentrait du bois. Dans l'après-midi, deux fois le t rajet de la gare de Lyon avec des valises à coltiner. Le client s'était montré gé néreux.
Bref, le soir venu, Victor avait jugé qu'il pouvait s'offrir un bon petit gueuleton. On avait dû lui servir des plats épicés, car il était ressorti du caboulot avec une de ces soifs... une soif qu'il était allé étancher chez Luciani. Là, il avait bu un bon coup. Et même plusieurs.
Comment l'affaire s'était-elle terminée ? La Pesée le devinait sans peine. Il connaissait les façons de Luciani. Quand cet empois onneur, qui tenait boutique rue des Trois-Portes, découvrait un de ses clients fin soûl et ronflant le nez sur la table, il ne se donnait pas la peine de le jeter dehors. Il le déposait sous une banquette, où l'autre avait tout loisir de cuver sa cuite et d'achever sa nuit. C'était dans les traditions de la maison.
Ainsi donc, après des heures d'un juste sommeil don t il était incapable encore d'évaluer la durée, La Pesée, bouche pâteuse et front douloureux, se réveillait sous la banquette. On l'avait oublié là, bien que le jour fût revenu.
Oublié, oui. Il en doutait d'autant moins que des c lients occupaient la table, au-dessus de lui. Deux étaient assis sur la banquet te. Un troisième, sur un tabouret, leur faisait face.
De ces consommateurs, La Pesée ne distinguait que l es pieds et les jambes. C'était cocasse ! Ils ignoraient, eux, qu'i ls eussent un si proche voisin. Et ils bavardaient. Bien qu'assourdies, leurs voix arrivaient jusqu'à Victor Capron, qui n'avait pas encore bougé, car il se sen tait courbaturé. Dame ! une nuit passée sur le carreau...
Le plus bavard des trois était le possesseur de sou liers noirs, un peu éculés,
mais soigneusement cirés. De temps à autre, le disc oureur était interrompu par la voix du propriétaire de magnifiques chaussures t ête-de-nègre, toutes neuves, en vrai cuir. Un débrouillard, celui-là ! Du vrai c uir, à notre époque...
Le troisième — en souliers de ski de petite pointur e, à socquettes vertes rabattues sur l'empeigne — n'ouvrait la bouche que pour ponctuer d'exclamations chaleureuses ce que disaient les deu x autres.
Et ce qu'ils disaient était prodigieusement intéres sant ! Tout au moins La Pesée en jugea-t-il ainsi, car, bien que tout à fai t lucide à présent, il se gardait encore de tout mouvement et retenait même sa respiration.
Au fait, pourquoi l'appelait-on La Pesée ? L'histoi re était simple et connue de bien des gens, dans ce pittoresque coin du vieux Pa ris qui s'étend de la place Maubert jusqu'au petit bras de la Seine.
Naguère, le dormeur de dessous la banquette avait e u pour meilleur ami, pour frère presque, un grand diable d'homme qui éta it mitron. Un mètre quatre-vingt-cinq ! Victor Capron lui arrivait à peine à l 'épaule. Aussi, quand on voyait arriver les deux inséparables, on disait :« V'là le pain de quatre livres et sa pesée ! »coleur etmot avait fait fortune. Pour tous, Victor — bri  Le commissionnaire de son état, vrai Parisien de Paris — était devenu La Pesée. Quant à l'autre, il n'était plus de ce monde... Il s'était fait tuer proprement, en août 44, sur une barricade, du côté du carrefour de Buci...
Son ami était demeuré inconsolable. Et c'est peut-ê tre pour cela qu'il buvait un coup de trop, de temps en temps...
Cependant, dans le louche estaminet, le duo se pour suivait entre les souliers noirs et les chaussures tête-de-nègre. La Pesée n'en perdait plus une syllabe...
Mais pourquoi fallut-il, soudain, que Luciani se ra ppelât la présence de son client de la veille ? Ses espadrilles glissèrent su r le carreau, s'approchèrent. Il s'adressa aux clients :
— Pardon, excuses... Y a là-dessous un satané roupilleur...
La Pesée fut promptement délogé, Luciani — un costa ud à visage boursouflé et grosse tignasse noire — n'y allait pa s de main morte.
— Grouille ! Il va être dix plombes. T'as pas honte , feignant !
Victor Capron était debout. Il passait la main sur son crâne et sur ses vêtements fripés, comme un homme qui s'éveille et n 'a pas les idées bien nettes. Il les avait, pourtant...
Il accompagna Luciani jusqu'au comptoir, offrit un verre de blanc, paya et fila. Mais en se retournant, sur le seuil, il avait lorgné un instant en direction des trois clients, les seuls qu'on trouvât là à cette h eure encore matinale. Trois
paires d'yeux l'avaient mitraillé de telle façon qu 'il avait vite pivoté sur lui-même. Il était maintenant dans la rue.
« Y a pas... y a pas... Faut faire quéqu' chose ! »
Ainsi monologuait le petit homme, tout en s'éloigna nt. Il semblait préoccupé. De toute évidence, un grave problème se posait à lu i, un problème qui était en liaison avec les propos qu'il venait de surprendre.
Il fit encore quelques pas, songeur, puis il sursau ta, comme saisi d'une inspiration. Il grommela, souriant cette fois :
« J'en connais un que ça peut intéresser... Sûr qu' il trouvera une combine pour se mettre en travers... »
Il n'acheva pas, mais partit d'un pas plus rapide q ui, quelques minutes plus tard, l'amena rue de la Harpe.
Là, sans hésiter, La Pesée pénétra dans une maison à la hautaine façade Louis XV, ouvragée et patinée au cours des ans. La façade était devenue un trompe-l'œil : tout n'était que vétusté, à l'intérieur.
Notre Parigot, alerte, gravit les cinq étages d'un escalier de pierre, puis un sixième étage auquel on accédait par un escalier de bois. Il frappa à l'unique porte.
— Entrez ! autorisa une voix qui vibra comme un gon g.
La Pesée poussa la porte. Il salua :
— Monseigneur...
L'étrange appellation avait résonné dans un décor é trange et s'adressait à un personnage plus étrange encore.
Le logis, très vaste, était aménagé dans un ancien colombier qui surmontait la maison. Il offrait un curieux mélange de pauvret é et de luxe, d'ancien luxe plutôt. Des caisses, des casiers en planches et un rudimentaire lit de camp voisinaient avec de fort beaux meubles. Quant au ma ître de céans, — Monseigneur, — c'était un homme de trente-cinq à qu arante ans, bâti en athlète, avec un visage bien sculpté, qu'ornait une grosse m oustache soyeuse et blonde, aux pointes tombantes. Le regard était bleu , la chevelure châtain, abondante et indisciplinée. La simplicité du costum e — pantalon de velours bronzé et chemise à col ouvert — n'attentait en rie n à la fière allure de Monseigneur.
Auprès de lui se tenait un magnifique « loup de Lor raine », plus communément appelé berger allemand, à la robe beige et brune. Il avait grogné en apercevant le visiteur. Il se tut à la voix de s on maître.
— Silence, Diabolo ! Tu ne reconnais donc pas La Pe sée ? Et qu'est-ce que
tu ferais de lui, je te le demande ? À peine trois bouchées...
Si Victor Capron était connu dans le quartier, on p eut dire que Monseigneur, lui, y était légendaire. On savait qu'après une abs ence de plusieurs années, passées dans les bagnes allemands, où il avait été déporté pour faits de résistance, il était revenu de Buchenwald accompagn é de ce chien, qu'il avait adopté, élevé et dressé là-bas. En même temps qu'il retrouvait son pigeonnier de la rue de la Harpe, il avait repris son existenc e où s'amalgamaient curieusement des façons de bohème et de grand seign eur. De là son surnom. Mais on l'appelait aussi Joachim.
Il venait de serrer la main du commissionnaire-bric oleur et, d'une solide tape sur l'épaule, le faisait asseoir auprès de lui, sur le rebord du lit.
— Qu'est-ce qui t'amène, gringalet ?
— Ah ! Monseigneur, vous parlez d'une histoire ! J' savais plus quoi faire... Heureusement, j'ai pensé à vous. Et comme vous avez des relations à la police...
— N'exagérons rien !
— Si ! Tout le monde en jacte. Votre cabot et vous, c'est connu, vous avez donné un drôle de coup de main à la « rousse », dan s l'affaire de Pantin(1).
— Alors ? Explique-toi... Abrège ! Mon « clebs » a horreur des bavards !
— Eh bien ! voici, Monseigneur. Figurez-vous...
La Pesée raconta dans quelles circonstances il avai t passé la nuit chez Luciani et comment il s'était retrouvé, ce matin, c ouché sous une banquette, avec six pieds pour voisins...
— Six pieds ? s'égaya Joachim. Si je compte bien, ç a fait trois humains, à moins qu'il n'y ait eu des unijambistes parmi eux ?
— Trois qu'ils étaient, oui. Je les ai gaffés, en l oucedé, quand je me suis trotté. Çui-là aux chaussures marron, c'était un ty pe de bonne taille, bien fringué, ma foi, mais avec une sale gueule. L'autre — les ta tanes noires — était plus petit, avec des airs de larbin endimanché. Quant au troisième, — avec des souliers de ski à socquettes vertes, — c'était un l ardon, un môme dans les quinze à seize berges, bien balancé tout de même et l'air mariolle sous son petit béret basque...
— Tout ça ne me dit pas...
— J'y arrive, Monseigneur.
— Tu feras bien. Mon « clebs » commence à s'impatie nter.
La Pesée, par considération pour son auditeur, cher cha tout d'abord des mots qui fissent distingué. Il devait y renoncer vi te.
— Ces messieurs, sans se douter que j'étais toute o reille, s'entretenaient de leurs petites affaires. C'était surtout les « souli ers noirs » qui parlaient. Quand je dis les « souliers noirs »... vous me comprenez ? S 'agit de l'homme à tête de valet de chambre. Et c'est ça qu'il est : valet de chambre, à l'hôtelContinental. Un étranger, sûr ! J'ai repéré son accent. Un peu c elui du métèque qui tient le restaurant de la rue Saint-Séverin, vous savez ? Ce qu'il disait, ce tordu-là ? Il renseignait les autres sur un coup à faire. Et pas plus tard que ce soir...
— Un coup à faire ? répéta Monseigneur, soudainemen t intéressé.
— Y a pas d'autre mot ! Paraît que, ce soir, c'est la présentation, au Moulin-Rouge, d'un grand truc de cinéma qui s'appelleNederland, terre martyre. Y aura là toutes sortes d'huiles, des notabilités. Y aura aussi un Hollandais et son secrétaire, deux types qui travaillent dans les dia mants et les perlouzes. Or, c'est le secrétaire qui a les diam's. Il ne s'en sé pare jamais. Il les planque sous son gilet, dans une petite boîte métallique, rivée à une ceinture d'acier. Et y s'balade toujours avec ça. C'est le larbin qui a ve ndu la mèche. Il est bien renseigné, vu que c'est auContinental que crèchent l‘Hollandais et son scribouillard. Et comme cette figure de faux témoin sait écouter aux portes et zyeuter par le trou des serrures... Bien sûr, il a dit aussi des noms. Mais c'était des noms durillons à retenir...
— Attends un peu ! interrompit Monseigneur. Je croi s avoir lu ça...
Sur une table proche du lit, il y avait une pile de journaux dépliés...
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