Pitié
192 pages
Français

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Description

La vie de Xavier Lacour bascule un samedi matin pluvieux lorsqu’un inspecteur sonne à sa porte et lui annonce la disparition de sa femme. Ravagé par le chagrin, révolté par l’incompétence des équipes de police, il trouve la force de se lancer dans la traque du meurtrier. Son enquête le mènera sur les traces du professeur Pierre Ferrand, inventeur d’une nouvelle technique qui révolutionne les neurosciences. Désormais l’implantation d’électrodes au cœur du cerveau permet de guérir les maladies neurologiques les plus lourdes. Courtisé par l’industrie pharmaceutique, admiré et jalousé par ses pairs, le neurochirurgien vient tout juste de rencontrer Alexandra, une mystérieuse sociologue. Leur relation, attisée par l’érotisme, pourrait ne pas être uniquement liée au hasard ; elle coïncide avec les meurtres qui s’enchaînent des principales collaboratrices de Ferrand. Un tueur en série hante les murs de l’hôpital, traque ses victimes et ne laisse aucune trace. Un premier roman à l’écriture limpide, directe, au ton sulfureux mais aussi drôle – bref, d’une efficacité redoutable –, qui nous plonge dans l’univers fascinant des neurosciences et dans les tréfonds de nos terreurs intimes. Karine Alavi est neurologue dans un grand centre hospitalier parisien. Pitié est son premier roman. 

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 10 août 2016
Nombre de lectures 1
EAN13 9782738160010
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB , AOÛT  2016 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN 978-2-7381-6001-0

Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
1

Pierre Ferrand essayait de se concentrer sur les propos de son interne. Elle lui présentait les prochains patients qu’il verrait en consultation. L’accent de la jeune femme perturbait son attention. D’où venait-elle déjà, Roumanie ? Moldavie ?
— Vous dites que sa maladie a commencé il y a combien de temps ?
— Quinze ans, monsieur.
— Il n’a pas de détérioration intellectuelle ?
Elle fouilla dans le dossier, inspecta une feuille.
— Il est à la limite, sur les tests.
Il tapa du plat de la main sur son bureau, en secouant la tête.
— Dans quelle langue faut-il le dire ? Je ne veux pas opérer de patients détériorés ! Ni même à la limite ! Vous savez bien que l’opération ne leur est pas profitable à ce stade. Il y a suffisamment de parkinsoniens qui attendent pour ne pas perdre de temps ainsi.
La jeune Slave risqua une réponse :
— Vous comprenez, monsieur, quand ce patient a été admis sur la liste d’attente pour l’intervention, il y a deux ans, ses tests étaient parfaits.
Pierre Ferrand soupira.
— Que voulez-vous que je vous dise, Leïla ? C’est regrettable, mais il est trop tard pour lui maintenant ! Le drame, c’est que le budget alloué aux stimulations cérébrales ne permet de couvrir que trente opérations par an. Les patients sont obligés d’attendre des années pour bénéficier d’un traitement qui peut transformer leur vie !
— Oui, c’est choquant, dit l’interne, surtout dans un pays comme la France, on ne s’attend pas à cela.
Leïla roulait les « r ». Pierre Ferrand leva les yeux vers elle sans faire de commentaire. Il pensa que sa liberté de ton était plus liée à ses origines qu’à une réelle intention d’être insolente. Le physique de la jeune femme était intéressant, il l’avait déjà remarqué. Ils avaient, depuis deux mois, une consultation commune pour planifier les interventions. Un mélange de Méditerranée et de Balkans, de longs cheveux sombres ondulés qui tiraient sur l’auburn, des yeux verts trop maquillés. De quelle nationalité était-elle, déjà ?
— Bon, à part ça ? fit-il sur un ton qui signifiait la fin de l’entretien.
— Juste une chose, répondit-elle, les deux derniers patients que vous avez opérés au mois de septembre sont revenus pendant que vous étiez absent.
— Il y avait un problème ?
— Ils ne se sentaient pas bien, ils avaient une sensation d’énervement permanent, du mal à dormir.
— Un peu comme une surtension ? Vous avez vérifié les réglages de l’électrode cérébrale ?
— Le voltage était bon.
— Ils savent bien se servir du boîtier maintenant ?
— Apparemment. Nous n’avons pas observé de troubles majeurs quand ils étaient là, mais le soir nous avons réduit la fréquence et la durée des impulsions. Je ne sais pas s’ils savent bien s’adapter au nycthémère.
— Eh bien, écoutez, il vaudrait mieux, sinon vous me les renvoyez en réadaptation fonctionnelle !
— Ils viendront en hôpital de jour prochainement pour que vous puissiez les voir. J’ai lancé la programmation.
— Très bien. Autre chose ?
— Non, c’est tout, monsieur.
— Bien. Je vous remercie. Leïla, cela ne vous embête pas de débuter ma consultation ? J’ai une réunion avec la direction de l’hôpital. Je n’en aurai pas pour longtemps.
Sans attendre sa réponse, il lui indiqua un bureau qui jouxtait le sien en ajoutant :
— Ma secrétaire va vous apporter les dossiers.
 
La jeune femme ramassa ses fiches et tourna les talons. Elle portait toujours des talons hauts d’ailleurs. Cette particularité, associée à son maquillage appuyé, la faisait ressembler à une icône publicitaire. Une féminité un peu tapageuse, pensa Pierre Ferrand.
2

Pour Xavier Lacour, le luxe du père de famille était de prétexter l’achat d’un paquet de cigarettes et de s’installer dans un café, pour lire le journal, un samedi matin.
 
«  Papy Pierre et tonton Marty
sont fous de joie d’annoncer l’arrivée de :
Rafaël
Chez Nathalie et Roland Fiertaux
qui nagent dans un océan de bonheur.  »
 
C’était à la page 18. Comment pouvait-on imaginer un faire-part aussi niais ? « Un océan de bonheur »… Elle ne devait pas être bien profonde, la mer dans laquelle ils se baignaient, ces gens-là !
Jeanne était née sept ans auparavant. L’émotion de sa naissance était toujours indicible. L’intensité de ce moment lui paraissait unique. A posteriori , il avait constaté que c’était un bouleversement communément partagé, et il en voulait à tous ces parents de venir vivre la même chose que lui, ils polluaient son souvenir.
Il regretta de ne pas avoir acheté L’Équipe . Il avait eu une vague envie de suivre l’actualité. En période d’élections, à défaut de voter, il pouvait bien suivre la campagne et lire les commentaires politiques. Au lieu de quoi, il tournait machinalement les pages, et les seules choses qui fixaient son attention étaient les faire-part et les petites annonces. Découragé par sa velléité, il pensa rentrer plus tôt que prévu chez lui, mais la perspective d’aider sa femme à déballer les courses le fit rester vissé sur sa chaise et commander un autre café. Finalement, il récupéra L’Équipe abandonné sur la table voisine et se délecta des chroniques sportives, véritable antidépresseur du travailleur en week-end.
 
 
Deux heures plus tard, dans la rue, la pluie s’abattit sur Xavier avec violence, il courut pour rejoindre son immeuble. Dans le hall, il croisa sa voisine trempée, en train de revenir du marché, les bras chargés de victuailles. Il eut un relent de culpabilité et la soulagea de quelques sacs. Dans l’ascenseur, la promiscuité était difficilement supportable, il dit : « Quel temps de chien », elle acquiesça. Elle demanda des nouvelles de la petite, elle et son mari nourrissaient une vraie passion pour sa fille. Quand il arriva, la maison était déserte. Les plombs sautèrent lorsqu’il appuya sur l’interrupteur. Il pesta en restant dans le noir, Christine n’avait pas pensé à acheter des plombs de rechange. D’ailleurs que faisait-elle ? Il commençait à avoir faim. Il se sentait de sale humeur, il pensa que sa femme se laissait aller ces derniers temps. Était-elle obligée de porter ce jogging informe tout le week-end ? Il lui sembla qu’elle avait grossi depuis quelques mois. Quand il songeait à elle ainsi, il se disait qu’elle engraissait. Mais, au fond, au toucher, elle n’était pas désagréable. Plus épaisse, plus molle, elle devenait même plus désirable. Pour lui, comme pour beaucoup d’hommes, il en était ainsi : une femme plus grosse était un peu moins belle à regarder, mais elle était meilleure sous la main, à palper, c’était une question de générosité, la générosité du gras en quelque sorte, comme pour la viande. Cette idée lui amena quelques pensées tendres pour celle qui partageait sa vie depuis bientôt dix ans. Et il revit son regard désabusé quand il s’était avisé de sortir, ce matin-là. Il se décida à préparer des pâtes en l’attendant.
 
 
Christine resserra la parka de la petite. Le temps était effroyable. Sur le parking du supermarché, le vent avait failli les emporter, le chariot bondé de marchandises n’avançait plus, des bourrasques de pluie s’abattaient sur elles. Christine venait d’un pays où les averses amenaient la douceur. Là-bas, la pluie était changeante, fine, drue, légère ou abondante, mais l’atmosphère demeurait chaude. Tout le contraire de ce qu’elle vivait ici. Elle n’avait jamais vraiment réussi à s’acclimater. Et maintenant elle ne trouvait plus les clés de la voiture, il ne manquait plus que ça. Xavier allait être furieux si elles n’étaient pas rentrées pour le déjeuner. Jeanne, frigorifiée, la regardait d’un air anxieux fouiller ses poches. Elle en extirpa enfin le trousseau, et ouvrit le coffre qu’elle se mit à remplir.
 
 
Lui aussi était venu faire ses courses ce jour-là, comme un toutou bien éduqué. « Pas bouger, bien sage ! », vociféra-t-il pour lui-même. Il avait vu passer la mère et la fille et les avait immédiatement repérées. Depuis le matin, il se sentait électrifié, comme neuf. Les plus folles pensées traversaient son esprit, un vent nouveau, inattendu, soufflait en lui, et le portait. Il les avait suivies, dans le supermarché, efficace, transparent, à aucun moment elles n’avaient senti sa présence. Tout d’un coup, il était doté d’un nouvel art, celui de la dissimulation. Il était tout simplement doté ! Dieu l’avait enfin gratifié ! Tous ses sens étaient en alerte, et toutes ses sensations amplifiées. Toutes les odeurs convergeaient vers lui et il avait envie d’humer l’air comme un animal. Son corps était parcouru de petites décharges et son humeur oscillait entre jubilation et excitation. Oui, Dieu l’avait pourvu et, en pensant cela, il passa une main sur son sexe, qu’il n’avait pas senti aussi turgescent depuis bien longtemps. Il observait la scène avec attention dans son rétroviseur. Cette rencontre inopinée, ses facultés retrouvées, décuplées, étaient un signe. Dieu, en ce matin mémorable, lui adressait un message. Il avait déclenché une tempête, les éléments se déchaînaient dehors mais aussi dans son corps, et il était, ainsi, enfin à l’unisson avec la Nature. Il se lécha les lèvres. Son sexe, coincé dans son pantalon, le démangeait, il défit sa braguette et commença à se caresser. Il ne lâchait pas des

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