Quartier Chinois
52 pages
Français

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Description

André Vallier, reporter français, arrive dans la ville chinoise de Chien-Men alors que celle-ci s’apprête à subir un pillage de l’armée du terrible général Li-Tsang.


Regroupé avec d’autres Européens, dans l’Hôtel Intercontinental, le journaliste fait la connaissance de Crawer, un sympathique Belge, et de Janette, sa ravissante fille.


Quand Li-Tsang débarque dans l’établissement et s’approche de trop près de la jeune femme, André Vallier tente de s’interposer, provoquant la rage de Li-Tsang et ne doit la vie qu’à l’intervention de Crawer qui le présente comme son associé...


Obligé alors d’assister à une entrevue entre Li-Tsang et Crawer, Vallier apprend que ce dernier est un trafiquant d’armes en affaire avec le tyran...

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 0
EAN13 9782385010645
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

I
UN VENT DE PANIQUE
 
Ce fut à la fin de l'après-midi qu'un coolie déchaîna la panique parmi les marchands loqueteux et puants qui s'agitaient sous la porte sud, au pied de la colline du Dragon blanc. L'homme filait comme si tous les démons de la Chine — et ils sont quelques-uns ! — eussent été lancés à ses trousses.
— Li-Tsang ! hurlait-il, Li-Tsang !
Alors, le Dragon blanc, du haut de son temple en ruines, put assister à une magnifique débandade. Pendant une seconde, Chinois et Chinoises se dévisagèrent, les yeux dilatés par la frousse, puis soudain, comme mus par un même mécanisme, ils détalèrent aussi vite que le leur permettaient leurs jambes flageolantes.
Les uns foncèrent droit devant eux, sans même savoir où ils portaient leur carcasse tremblante ; d'autres s'enfoncèrent sous la première porte venue ; d'autres encore se ruèrent en direction du quartier européen. Marchands, clients, mendiants, femmes, enfants, toute cette pouillerie colorée et jacassante disparut en moins d'une minute, s'enveloppant d'une clameur sans fin.
— Li-Tsang ! Li-Tsang !
Il ne resta plus devant la porte sud que quelques éventaires de papier aux parois éventrées, deux ou trois minuscules cochons roses, une demi-douzaine de poulets étiques et un fusil. Le fusil qu'un soldat de l'honorable général Fu-Sun, le vaillant commandant de la garnison, avait abandonné pour fuir plus à son aise.
Pendant ce temps, à l' International Hôtel où le whisky vespéral réunissait les quelques blancs de Chien-Men autour du comptoir d'acajou traditionnel — que l'on se trouve à Paris, en Chine ou au Grand Nord, un bar est toujours un bar — on se préoccupait surtout de doser, selon les règles, alcool et soda. Agrippé au bar, un jeune homme brun, à l'agréable tournure de sportif, buvait mélancoliquement, les yeux fixés sur le mince filet de fumée qui s'élevait de sa cigarette. Le train bihebdomadaire venait de le débarquer, aussi sa présence défrayait-elle les conversations qui trouvaient enfin un aliment nouveau. C'est qu'à Chien-Men, l'apparition d'un Européen prenait figure d'événement sensationnel et rompait pour un temps la monotonie des jours si tristement semblables.
Le buveur solitaire sursauta. Une main venait de se poser sur son épaule en même temps qu'une voix lançait :
— Français ?
Il se retourna et se trouva face à face avec un homme d'une cinquantaine d'années, grand, fort, dont le regard net et souriant adoucissait la dureté du masque.
— Français, oui... Compatriote ?
— Non, mais presque... Je suis Belge... Enchanté.
— Et moi donc ! Un whisky ?
— Bien sûr !
Les deux hommes trinquèrent. Le Belge considérait son compagnon avec un léger sourire.
— Alors, lança-t-il, comment trouvez-vous Chien-Men ?
L'autre sourit à son tour.
— Je vous avoue que je n'ai vu de la ville que la rue qui conduit de la gare à l'hôtel.
— Vous ferez toujours assez tôt connaissance avec ce patelin de sauvages... Voilà, en deux mots, ce qu'est Chien-Men : d'un côté, cinquante mille Chinois, voleurs, menteurs et paresseux qui dorment, mangent, bavardent et crèvent dans des baraques de bois et de papier huilé. Et, enveloppant cette engeance, la crasse, car vous n'avez pas idée de la saleté de ces messieurs... De l'autre côté, soixante blancs qui vivent comme ils peuvent dans les quelques maisons à peu près habitables qui entourent cet hôtel...
Il éclata de rire et ajouta :
— C'est ce qu'on appelle pompeusement le quartier européen ! Ne vous y trompez pas, ça ne vaut pas Shanghai, Canton ou Macao...
— Peut-être, mais quel pittoresque !
— Ah ! si vous chassez le pittoresque...
— Je suis ici pour ça, c'est mon métier.
Le jeune homme saisit son verre, le choqua contre celui de son interlocuteur et se présenta :
— André Vallier, reporter à l' Agence P.P.P., ce qui veut dire, comme vous devez le savoir, Paris-Presse-Partout.
— En effet...
Le Belge s'inclina en murmurant simplement :
— Fred Crawer... négociant.
Il avait hésité avant d'énoncer sa qualité, mais une si brève hésitation que le reporter la remarqua à peine. Après tout, il n'était pas forcé de se confier au premier venu. Sa figure était sympathique et cela suffisait à Vallier qui ne redoutait qu'une chose au monde : la solitude.
Crawer frappa dans ses mains.
— Boy, apporte-nous encore de ton whisky frelaté ; il vaut mieux s'empoisonner en buvant que s'ennuyer toute une vie sans boire, n'est-ce pas ?
Le jeune homme approuva sans réserve. Le boy qui vint les servir tremblait si fort qu'il répandit la moitié de l'alcool à côté des verres. Crawer leva les yeux sur lui. Le visage du chinois était terreux ; son teint tournait au vert.
— Li-Tsang ! bredouilla le jaune. Avant la nuit, il sera ici.
— Li-Tsang ! le plus bandit des généraux chinois ! Eh bien, mes amis, les obus ne vont pas tarder à pleuvoir ! C'est vrai, cette histoire ?
Pour toute réponse, le boy alla au pick-up et stoppa un fox lascif.
— Écoute, fit-il.
Dehors, la clameur allait crescendo et le nom redouté volait de bouche en bouche en une obsédante litanie de terreur. Le bourdonnement informe qui parvenait jusqu'au bar semblait le murmure sauvage d'une mer en folie.
— En effet, ça a l'air sérieux, approuva le Belge. Eh bien, cher monsieur Vallier, préparez votre stylo, un magnifique reportage vous attend.
— L' Agence P.P.P. m'a justement envoyé pour tâcher d'y voir clair dans les affaires de la Chine...
Crawer leva les bras...

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