Un éclair à l as
54 pages
Français

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Un éclair à l'as , livre ebook

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Description

Le brigadier ROMBAL, alias « Le brigadier gris » s’est engagé dans une lutte contre ce qu’il nomme « la crise du Faubourg Montmartre », un quartier épicentre d’un trafic de drogue, terreau de toutes les tares de la société : vols, meurtres, perversions en tous genres.


Le noyau du problème, d’après lui, en est la pâtisserie-bar Truber, une boutique où les gâteaux sont aussi bons que les habitués peuvent s’avérer louches.


Et, parmi les clients, un, tout particulièrement, retient l’attention du policier, celui qui occupe sans cesse la première table, numérotée « l’as », et qui commande chaque fois ce qu’un siècle auparavant on appelait encore un « pain à la duchesse ».


« Un éclair à l’as », clame tous les soirs la serveuse !

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 22 novembre 2021
Nombre de lectures 0
EAN13 9791070037782
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

COMMISSAIRE ROMBAL


« UN ÉCLAIR À L'AS »

Par
E. L. RICHARD
I

— Une femme a été tuée, cité Trévise !...
Dans les bars du faubourg Montmartre, cette nouvelle courut de bouche en bouche. Les « poulets » apparurent dans la journée. Ils se mêlaient aux consommateurs, parlaient à des gens qu'ils abordaient à propos de rien ; visiblement, ils écoutaient les conversations. Mais leur travail de recherche paraissait vain dans un milieu averti.
À la pâtisserie-bar Truber, on fut plus ému qu'ailleurs. Cette femme, une fille qui avait dansé autrefois à l' Alca, venait parfois y prendre un gâteau.
On se la rappelait : une longue femme, maigre et souple, des yeux obliques, mais faite d'une peau douce et ambrée, mais légère et bonne, ne vivant que pour son art, danseuse de genre et acrobate par aventure, parfois emportée par une fièvre de plaisir, une période d'ivresse.
Madame Lucie, la gérante, s'approcha des habitués qui, aux tables du fond, avalaient un steak pommes et une tartelette amandine, ou bien un sandwich roastbeef et un baba au rhum blanc, en buvant des vins exotiques, avant de regagner leur domicile sur la Butte ou ailleurs :
— Pauvre Gine ! dit-elle en joignant ses mains délicates… Quand elle avait bu, il est vrai… Mais quoi ?... Ce n'est pas une raison valable pour la tuer…
Ils hochèrent le front sans répondre.
— Il paraît qu'elle a beaucoup souffert ! ajouta-t-elle, avant de mourir. Mais elle n'a pas parlé.
— Une balle dans le foie ! expliqua Alfred, dit « Fred-la-Pointe ».
— Punition ? Ou méprise ? demanda gravement le patron qui, vêtu de blanc, se tenait à la porte de la cuisine.
C'était un bonhomme moustachu, sec et malade de l'estomac, qui se plaignait toujours de la température, du marasme des affaires et du manque de conscience de la plupart des hommes.
Le docteur Pouze s'agita. Appuyé des deux bras à son guéridon, il écrivait activement sur un chiffon de papier, comme à l'habitude, en soupant. Son nez touchait presque sa plume. Il fut pris soudain d'un tremblement extraordinaire.
Les habitués se regardèrent. Fred « La pointe », assis devant une omelette aux confitures, riait avec cette bouche noire, ébréchée, qui surprenait chez ce garçon vêtu avec goût.
— Nicolas ! cria-t-il, Nicolas est tout ému !... Il cache son jeu ! Je suis sûr qu'il avait des faiblesses pour Gine !...
Et il ricana de plus belle.
Le vieil homme se tourna vers le mur, saisit parmi ses paperasses amoncelées un morceau de pain aux raisins, son souper, et le porta à sa bouche. Il tremblait si fort qu'il ne parvenait pas à l'introduire entre ses dents.
— Docteur, murmura Lulu, toute remuée par cette scène, Docteur, qu'est-ce qui vous prend ?...
— C'est du gâtisme ! appuya Fred.
— Laissez-le ! conseilla Truber. Laissez-le !
Un homme assez mal vêtu se tenait devant le comptoir de marbre ; il avalait des biscuits en suçant une glace ; il expédia soudain sa collation, paya et sortit.
— Oh ! Oh ! dit en riant le patron, « Monsieur le poulet » va faire son rapport !
Antoine Lopez, un chanteur mulâtre qui venait là, au sortir de Florida, fit entendre un zézaiement :
— Yé l'aurais parié !...
Haut et épais, un inconnu entra, traversa de son large pas la salle rutilante de lumières, regarda en passant les longs rectangles de fer chargés de gâteaux de toutes sortes que des mitrons mi-nus apportaient du sous-sol, et vint s'asseoir, en quittant ses gants, à la première table (celle qu'on appelait l'as).
Madame Lucie – Lulu pour les habitués – sourit doucement et s'avança vers lui. On entendit sa voix légère lancer vers les serveuses qui se tenaient les mains pendantes près de la porte :
— Un éclair à l'as !
D'un seul mouvement, toutes tournèrent vers le nouveau venu leur belle tête admirablement coiffée par Baptiste, le friseur de théâtre qui était voisin.
— Un éclair à l'as ! répéta le patron en appuyant sur le clavier de la machine à compter.
La petite phrase devait demeurer gravée dans l'esprit de ceux qui assistaient à cette scène. Cela devint même un sujet de plaisanterie.
On y mettait un sens ironique, un sens grivois, un sens mystérieux même lorsqu'on parlait de M. Doucet. (C'était le nom du nouveau client).
— Un éclair à l'as…
Les habitués reprirent leurs conversations :
— Pauvre Gine !... Tout de même, on est peu de chose dans ce Paris inhumain !
Le fatalisme imprégnait leurs pensées. Ils ne s'indignaient pas – ou à peine. Il semblait que, dans le faubourg, les événements de cette sorte ne fussent pas tenus pour extraordinaires, simplement, ils étaient fâcheux. Cela pouvait frapper l'un ou l'autre, comme on peut recevoir sur la tête, lorsqu'on passe au coin d'une rue, une corniche détachée.
D'ailleurs, il y avait dans l'air de l'électricité, comme l'on dit. La police envoyait régulièrement dans les bars, brasseries, pâtisseries, dancings et autres établissements publics ses poulets, ses « indics » sur les traces de réfugiés politiques, de marchands de drogue, de « tueurs », même. Parfois un homme était emmené par un inspecteur. On le regardait passer sans émoi apparent. D'autres venaient d'on ne sait où pour disparaître à leur tour dans le néant – ou bien, accompagnés d'un policier ou deux, dans le couloir qui menait au commissariat, tout proche de la maison Truber.
Le docteur Pouze, qui semblait lui aussi attendre ce moment, s'en alla très vite. On remarqua son visage mouillé de larmes. Le mulâtre sifflota en dépliant son journal.
— Habite-t-il toujours à l' hôtel des Girls, rue Buffault ? demanda-t-il en montrant le vieillard d'un mouvement de tête… Gine devait s'occuper souvent de lui…
— Un porto à l'as ! annonça une serveuse.
Lulu s'approcha de l'homme qui, assis à la table n° 1, la regardait et elle parla longuement avec lui. On eût dit qu'elle le connaissait, tant elle mettait de gentillesse dans ses gestes. Ils s'entretenaient à mi-voix, plaisantaient presque cordialement.
Il touchait à la cinquantaine. Ses yeux gris étaient durs ; sa bouche épaisse mâchait les mots comme une pâte.
Et la vie de la maison Truber reprit son cours monotone, normal. Les gens entraient, consommaient rapidement et repartaient sans parler ou presque. À minuit et demi, les girls de l' Alcazar vinrent les unes après les autres boire un cocktail ou manger un peu de poulet froid. Et la mort de Gine ne fit pas plus de bruit, n'eut pas plus de retentissement.
II
 
Le docteur Pouze suivit le faubourg Montmartre. Il était affreusement triste. Dans le vieil hôtel où il avait trouvé un refuge depuis l'hiver, il avait connu bien des filles, girls, chanteuses ou barmaids ; souvent, elles avaient recours à ses conseils, soit pour des bobos, soit pour des affections beaucoup plus graves ; il savait faire un pansement et donner un bon conseil pour éviter les ennuis qu'on peut avoir dans un hôpital ; mais aucune ne l'avait intéressé comme cette Gine.
Il l'avait soignée pour une bronchite ; depuis, elle venait le voir dans sa chambre tous les matins.
...

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