La lecture à portée de main
77
pages
Français
Ebooks
Écrit par
Claude Ascain
Publié par
Oxymoron Éditions
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Daniel MARSANT, agent du Deuxième Bureau, est envoyé à Nice pour retrouver un prince de la cour Royale de Baroniast enlevé durant le Carnaval.
Mais, alors que Daniel MARSANT débute à peine son enquête, le tuteur du disparu reçoit une lettre écrite par le Dauphin expliquant qu’il a fait une fugue pour rejoindre une jeune femme rencontrée pendant la soirée et qu’il refera surface dans quelques jours.
Pourtant, Daniel MARSANT décide de rester sur place pour s’intéresser à une tout autre affaire, celle d’un homme poignardé dans la nuit...
- 13 -
UN PRINCE A ÉTÉ ENLEVÉ
Récit policier
Claude ASCAIN
CHAPITRE PREMIER
AU BAL MASQUÉ
Tout contribuait à faire de cette soirée un enchantement exceptionnel.
Quiconque a assisté au Carnaval de Nice peut comprendre le degré de joie et d'exaltation de la foule, sous un ciel criblé d'étoiles, par une température exceptionnellement douce.
Lumières, chants, rires, confetti, serpentins, bousculades, tout cela sans arrêt dans les rues, plus particulièrement les avenues. Des haut-parleurs dissimulés dans la ramure des arbres ne cessaient de déverser couplets et refrains, repris en chœur par les passants.
À l'Opéra municipal, c'est le bal masqué.
Pierrots et Pierrettes, Fausts et Marguerites, Tristans et Isoldes, nymphes, fées, gnomes, toréadors, mousquetaires, etc., etc., tourbillonnaient aux accents d'un inlassable orchestre.
Dans les loges, pleines à craquer, se trouvaient des spectateurs, la plupart revêtus de dominos, et, bien entendu, portant le loup traditionnel sur le visage.
Ceux-là voulaient prendre part à leur manière à la gaieté générale. Ils ne tenaient pas à être enveloppés dans le tourbillon de folie, mais s'amusaient, eux aussi. La vue de cette cohue bigarrée leur était suffisante. Leurs yeux brillaient autant que ceux des autres, et le sourire les égayait au même degré.
— Ah, beau ténébreux !... Je te connais !...
C'était une odalisque richement vêtue qui venait de prononcer ces paroles, accompagnées d'un rire argentin. Sous la culotte bouffante de soie brochée, sous le costume chatoyant, on devinait un corps souple, jeune, idéalement moulé.
Deux yeux étincelants apparaissaient à travers les trous du masque enrichi de pierreries. Des yeux d'un noir de jais, aux cils étonnamment longs et recourbés.
Elle avait placé une main fine et délicate, gantée, sur le rebord de velours rouge d'une loge du rez-de-chaussée.
Deux hommes s'y trouvaient. Ils étaient en domino noir. Ils se tenaient à demi cachés sous un rideau, depuis une heure environ.
Le plus grand des deux se dressa vivement, se pencha, essaya de deviner qui était la jeune femme. Il répondit en riant, lui aussi :
— Vraiment, belle odalisque ? Eh bien, je t'invite à me joindre dans cette loge et nous verrons si tu me connais, comme tu l'affirmes !
Mais, déjà, elle avait disparu aussi vite qu'elle avait surgi. L'homme au domino resta debout, essayant, mais en vain, de distinguer l'inconnue parmi la foule mouvante.
— Je me demande, murmura-t-il en se rasseyant, ce qui lui a pris de m'adresser la parole. Et pourquoi elle s'est enfuie si vite...
— Oh, reprit l'autre, c'est une coutume ici, Monseign..., je veux dire, mon cher Miasta, corrigea-t-il avec hâte, d'interpeller les gens qui se trouvent dans les loges.
L'autre prit des jumelles de nacre, les porta à ses yeux et chercha de nouveau à retrouver l'odalisque. Mais il y avait de nombreux travestis turcs féminins et il y renonça.
— Pourquoi chercher si loin ce qui est à portée de la main ? fit une voix moqueuse tout près de la loge.
Miasta eut un haut-le-corps, se retourna vivement et parvint à saisir la menotte qui avait apparu contre un pilier proche. L'odalisque qu'il avait crue dans la foule était là, et riait à gorge déployée.
D'une petite secousse elle se dégagea et happée par un groupe qui passait en courant.
— Bah, fit l'homme au domino noir de haute taille, qui était manifestement beaucoup plus jeune que son compagnon, elle reviendra, j'en suis sûr !...
— Miasta, chuchota l'autre, d'une voix anxieuse, je vous en supplie, pas d'imprudences. Vous savez que vous êtes à Nice totalement incognito et que je suis le seul qui vous accompagne...
— Hé !... Raison de plus pour n'avoir rien à craindre et pour me permettre, au moins une fois, une petite fantaisie !...
Il avait à peine prononcé ces paroles à voix basse que le rire provocant de l'odalisque retentit une fois de plus. Cette fois, il provenait de la loge voisine, désertée par ses occupants.
Miasta, avant que son compagnon pût protester, se dressa d'un bond, enjamba, la balustrade et, avec agilité, pénétra à côté. Quelques joyeux masques, à proximité, applaudirent à ce trait d'audace. Tout était permis en temps de Carnaval.
Mais Miasta ne trouva personne dans la loge !... Il avait entendu le claquement d'une porte et compris que la capricieuse avait fui, encore. Il se piqua au jeu et fonça à son tour.
Le couloir derrière les loges était vide, mais il avait eu le temps, grâce à sa rapidité d'action, de voir, à environ cinquante mètres, courant, vraisemblablement en direction du foyer, la plus jolie paire de babouches qu'il n'eut jamais connues.
Le foyer était aussi encombré que la salle. Il eut un geste de dépit. Des masques l'aguichaient au passage, mais il ne leur prêtait aucune attention. C'était cette odalisque seule qu'il voulait...
— Ah, la voilà, là-bas !... murmura-t-il avec feu.
Effectivement, la fugitive semblait hésiter sur ce qu'elle allait faire. Elle se trouvait à l'extrémité opposée du hall. Miasta se fraya un passage et profita de ce que la jeune femme était elle-même prisonnière d'un sultan qui prétendait vouloir l'adjoindre à son harem, pour gagner considérablement du terrain.
Mais lorsqu'elle le vit arriver, elle s'arracha des mains qui la retenaient, poussa un petit cri d'émoi et franchit la porte menant vers le principal couloir de sortie...
Miasta, toujours rieur, et certain de la rejoindre, accéléra son allure et gagna encore quelques mètres.
Tout cela était chose fort naturelle. Personne parmi les masques qui se trouvaient là ne s'en souciait. Et pourquoi y aurait-on prêté la moindre attention curieuse ?
Un domino qui poursuit une odalisque ? Et puis après ? Le contraire, c'est-à-dire une sage réserve ou un sermon moralisateur, eût été matière à étonnement, mais pas ça...
Cependant, le compagnon de Miasta, qui était sorti à son tour de la loge et qui avait vu, de loin, le fougueux domino dans sa galopade effrénée, s'essoufflait pour atteindre le foyer à son tour.
— Quelle folie !... Quelle folie !... marmonnait-il, en proie à une inquiétude écrasante.
Beaucoup de dominos noirs. Et ceux qui étaient de la taille de Miasta n'étaient pas rares. Fort heureusement, Léri Domitch, le compagnon de Miasta Lepariu, avait réussi à obtenir de ce dernier, avant le départ du palace, qu'il adjoignît un ruban rouge assez large et court à son domino, sur l'épaule gauche.
Domitch avait fait de même, de sorte, qu'en cas de séparation, comme actuellement, les deux hommes pourraient se retrouver sans trop de difficultés. Domitch soupira :
— Mon Dieu... Je ne le vois pas... Qu'est-il devenu ?
Il chercha des yeux, bousculé, rejeté de tous côtés par les turbulents qui avaient deviné un homme d'un certain âge, en proie à une perplexité attribuée à un manque d'habitude de ce lieu.
Une haute silhouette surgit subitement. Domitch réprima une exclamation soulagée.
— Ah... Enfin... Vous voilà... Je vous en supplie, ne...
— Laisse-moi tranquille !... Tais-toi... Et rentre à l'hôtel. D'ailleurs, j'y vais aussi.
Miasta avait parlé, les dents serrées. Il paraissait se trouver sous l'empire d'une violente fureur contenue, Domitch inclina la tête, sourit fugitivement et suivit respectueusement le jeune homme.
— Il n'a pas retrouvé son odalisque, songeait Domitch. Tant mieux...
Arrivés sur la place, Miasta héla subitement un taxi, jeta un ordre et la voiture démarra. Son compagnon resta seul.
Mais ce dernier haussa les épaules philosophiquement. Il savait que l'autre était de caractère fantasque et emporté. Une grande excuse : ses vingt ans, à peine révolus…
— Hep taxi !... Au Florimond Palace !...
Il s'était installé à son tour. Quelques minutes plus tard, il franchit le seuil du somptueux établissement. Un coup d'œil au tableau des clefs fut confirmé par l'information d'un employé qui paraissait verni depuis les cheveux jusqu'à la pointe des souliers.
Domitch avait ôté son loup.
— M. Lepariu est arrivé il y a quelques instants, et il est monté directement dans son appartement, lui dit-on.
Domitch gagna ses pénates et commença de se dévêtir. Il avait eu chaud durant cette folle poursuite au bal masqué. Décidément, il lui faudrait prendre d'autres mesures. Dès le lendemain matin, il télégraphierait pour qu'on l'aidât dans sa tâche.
— Il y a évidemment Stepan... Mais il est trop reconnaissable...
Stepan était une sorte de colosse de près de deux mètres de haut, attaché comme domestique personnel au service de Miasta Lepariu.
Il couchait dans l'antichambre du jeune homme et veillait sur lui la nuit. Ce que désirait Domitch, c'était autre chose... Accompagner seul le fougueux Miasta n'était pas une sinécure.
* * *
À onze heures du matin, on vint avertir M. Domitch que M. Lepariu n'avait pas encore sonné pour son petit déjeuner.
...