Une piscine à Jalalabad
92 pages
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Une piscine à Jalalabad , livre ebook

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Description

Un thriller afghan au rythme hallucinant. Grand prix du Pays du Mont-Blanc 2022 et sélection nationale du Prix Hors Concours, Une piscine à Jalalabad, fait partie des cinq "coups de coeur" des clubs Hors Concours 2022.


James n'assume rien : ni sa famille de narcotrafiquants avides de dollars, ni son adolescence en Afghanistan entre rafales de kalachnikovs et règlements de comptes sanglants. Pour s'extraire de cette violence, il s'expatrie en Suisse et se noie dans les mathématiques. Mais son passé resurgit lorsqu’il apprend que son père a été enlevé. Aura-t-il la force de surmonter ses peurs pour venir en aide à ceux qu’il aime ? Peut-on, seul, vaincre les talibans ?


Écrit à quatre mains, ce roman noir au rythme effréné ménage le suspense et enchaîne les rebondissements jusqu'au dénouement, dévoilant progressivement les secrets d'une famille hors norme. Une ambiance de western afghan où se mêlent amour, brutalité et tensions psychologiques dans un pays en guerre depuis plus de quatre décennies.


Cécile et Julie Gaillard sont sœurs. Très proches l’une de l’autre, elles partagent un univers littéraire sombre, caustique et réaliste. Cécile est historienne et vit à Rennes. Julie est sage-femme et vit à Paris.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 15 mars 2022
Nombre de lectures 2
EAN13 9782491996963
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

COLLECTION NOIRE & SUSPENSE
 
 
 
 
 
Crédits photographiques : Unsplash : Anwar Merzaie
Composition du livre : Valentine Flork/Les éditions d’Avallon
 
Distribution papier : SODIS
Distribution numérique : Immatériel
 
ISBN papier : 9782491996956
ISBN numérique : 9782491996963

Première édition
 
Dépôt légal : mai 2022
 
Éditeur : Les éditions d’Avallon
342 rue du Boulidou
34980 Saint-Clément-de-Rivière
 
Imprimé en Allemagne par BoD (Norderstedt)

© 2022 Les éditions d’Avallon
 
 
UNE PISCINE À JALALABAD
 
Cécile et Julie Gaillard
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Une piscine à Jalalabad

 
R O M A N
 
 
 
 
 
 
De Cécile Gaillard
 
Aux éditions d’Avallon
 
Sœurs de sang (nouvelles) , Collection « blanche », 2022
 
Nouvelles
 
Cléopâtre VII, 2022
Peau de Louve , Coup de cœur du jury au concours de nouvelles Femmes qui écrivent avec les loups (2020), 2022
Sarabande , 2022
La pochtronne de Belval , 2022
Sœurs de sang , Lauréate du concours de nouvelles Brèves de Sang d’encre (2020), 2022
31 août, tard dans la nuit , 2022
Duumvirus , 2022
 
 
 
 
 
 
De Julie Gaillard
 
Aux éditions d’Avallon
 
Sœurs de sang (nouvelles) , Collection « blanche », 2022
 
Nouvelles
 
Épouse-moi en bleu , 2022
Ensevelis , Finaliste du concours de nouvelles Quais du polar/Kobo by Fnac (2021), 2022
 
Chez IGB é dition
 
L’irrésistible Marion L., 2022
 
 
 
 
 
 
 
 
 
À Luc ,
 
 
 

 
Chapitre 1
 
 
Mercredi 19 mai 2010 - Genève
 
 
— J’ai peur à en crever et les autres s’amusent. Quand je pense à la nonchalance avec laquelle ils affrontent le danger, ça me rend dingue. Mon père, je préfère ne pas vous en parler. C’est révoltant… Il est révoltant. Même la petite … Enfin ma sœur … faisait des trucs insensés. Déjà quand elle avait deux ans, rien ne pouvait l’arrêter. Ce qui l’amusait, c’était de cacher les cartouches de papa dans sa couche. Elle allait les piquer dans le tiroir de son bureau et mon père lui courait après. Il se mettait à quatre pattes et galopait derrière elle en hurlant. Ouh, ouh, rends-moi mes munitions, j’en ai besoin pour aller au travail . Elle riait comme une folle … Elle s’approchait de la piscine et les jetait dans l’eau, le plus loin possible. Papa plongeait la tête la première, tout habillé et gobait les balles. Et puis il nageait jusqu’à Scarlett et les recrachait sur le bord. Et ma sœur, haute comme trois pommes, en le regardant droit dans les yeux, les attrapait et les remettait à la flotte. Leur manège pouvait durer des heures.
— Et vous, que faisiez-vous pendant ce temps ?
— Je restais sur le bord, assis en tailleur, sur un transat. Le plus souvent, je faisais des maths. C’était une façon de me donner une contenance. Un truc à moi, qui me démarquait des autres. Ce n’était pas seulement une façade… Je faisais vraiment des exercices ! Et de plus en plus compliqués !
James se lève et contourne le canapé. Les images lui reviennent. Ce début d’adolescence où sa vie a basculé, ce moment où il s’est senti poussé dans un bain de violence démesurée. Il ne savait pas nager, il n’avait pas la maturité pour se défendre. Il a cherché une bouée, une perche à laquelle s’agripper. Mais rien ni personne n’est jamais venu à son secours. Depuis, il se noie doucement.
C’est pour cela qu’il raconte, encore et encore, ses souvenirs traumatiques au docteur Michelle Midiani.
— Les chiffres, les calculs me rassuraient. J’ai établi mon premier rituel en regardant nager maman. Je m’étais fixé un objectif : terminer une page du manuel pendant qu’elle faisait ses longueurs. Vingt, toutes les heures. Puis elle s’allongeait sur la chaise-longue, à côté de moi. Elle était enceinte d’Henri et voulait garder la ligne. Pendant qu’elle enchaînait les brasses, mon stylo courait sur la page. J’avais treize ans et j’étais déjà à l’aise avec le programme de géométrie de la classe de seconde.
— Et vous arriviez à rester concentré ?
— Quand maman était dans l’eau, oui. Son activité physique me donnait l’impression d’une normalité. Mais quand Scarlett s’agitait, non !… Non, pas du tout… Elle jouait avec des balles comme si de rien n’était, ça me rendait fou. Comme si ces projectiles ne pouvaient pas tuer. Ma sœur ne percevait pas cette violence, c’était normal, elle était petite. Mais papa aurait dû le lui interdire. Et au contraire, il l’encourageait par ses pitreries. Il la grondait, mais en faisant le clown. Oh non, elles sont trempées, tant pis pour le Beretta, il n’aura rien à manger aujourd’hui !
En s’entendant parler, James est surpris par sa voix d’homme. Son timbre lui rappelle celui de son père. L’embarras le gagne presque aussi nettement qu’il y a vingt ans, lorsqu’il était sur son transat, son classeur sur les genoux, au bord de ce fichu bassin.
— Et moi, moi, je ne pouvais pas terminer mes devoirs. J’arrivais seulement à compter, de façon brute… Je comptais les carreaux sur le mur, les minutes avant que maman ne retourne se baigner, les munitions que Scarlett balançait et celles que papa lui rapportait. S’il en manquait une, je paniquais. S’il y en avait un nombre impair dans la piscine ou pire, un nombre premier, j’étais au bord de la crise d’angoisse.
James reste prostré, face à la fenêtre, les deux poings crispés au fond des poches de son pantalon. Il s’en veut de déformer la toile de son costume Armani, de martyriser les coutures, d’étirer le tissu. Le docteur Midiani, impeccable sous son brushing, les épaules réchauffées par un châle en laine angora, soulève très légèrement la main posée sur l’accoudoir de son fauteuil.
— Vous me parlez souvent de cette habitude de tout calculer.
— Ça a commencé quand on est arrivé à Jalalabad avec maman. Je me suis mis à faire de l’algèbre tout le temps, ça me calmait. Avec les mathématiques, j’étais à l’aise, j’avais l’impression d’être dans un autre monde, où tout était sûr, prévisible, sans risque. Je demandais à papa de me commander des livres de maths, de physique…
Il s’interrompt et rejoint le présent un instant, s’accroche à l’horizon qui se déroule devant lui. Son regard se perd sur la courbe du lac. Les bateaux dodelinent sous leur bâche, le panache s’élève au milieu des eaux paisibles du Léman, le paysage a la régularité d’une équation. Puis il replonge dans son passé tourmenté.
— J’ai fait tout mon collège à Jala. Là-bas, je me suis noyé dans les études. Pourtant, ça avait mal commencé. Le jour de ma première rentrée, papa est allé voir le directeur et lui a demandé combien il fallait payer pour passer directement en cinquième. Comme le gars a mis une seconde de trop à répondre, papa a posé son Beretta sur le bureau. Alors j’ai sauté une classe et j’ai dû m’accrocher pour suivre. Et puis c’est devenu une habitude… une sorte de refuge. La seule réponse que je pouvais opposer au déchaînement des armes. En milieu d’année, je maitrisais le programme de la classe supérieure. Je bossais tout le temps.
Nouvelle pause, nouvelle respiration. Pour un taiseux comme lui, parler autant est douloureux. S’il se plie à cet effort hebdomadaire, c’est uniquement parce qu’il garde l’espoir que ces confidences faites au docteur Midiani l’aideront à accepter la brutalité du monde dans lequel il a vécu et auquel il tourne le dos avec obstination. Balbutiant, il continue.
— De toute façon … je n’avais pas le cœur à jouer. Pourtant au début, j’ai essayé … de me faire des amis, de me comporter comme les autres enfants de mon âge …
— Des amis que vous aviez rencontrés au collège ?
— Oh non, pas au collège, pas du tout ! Tout le monde avait peur de mon père et personne ne m’approchait. Je vous parle plutôt de mes cousins, qui vivaient avec nous à la maison ou dans la même rue. Ils traînaient le soir en bande dans le quartier. Mes parents m’encourageaient à faire connaissance. Pour leur faire plaisir, je les ai suivis plusieurs fois. On zonait dans Jalalabad… c’était l’enfer … j’avais peur de tout. Je sursautais dès qu’un chien aboyait, dès qu’un scooter pétaradait. Même l’appel du muezzin me terrorisait.
James fait les cent pas. Il va et vient devant le divan, s’arrête une seconde, hésite à s’allonger puis repart. Il fait grincer les lattes du vieux parquet, ce qui lui déplaît fortement. Il soulève son pied, se concentre pour trouver l’endroit exact où il doit le poser pour ne pas faire gémir le bois. Plusieurs minutes passent avant qu’il ne reprenne la parole.
— Je me souviens qu’ils tiraient en l’air, juste pour s’amuser. Ça encore, j’arrivais à l’encaisser. Mais des fois, ils s’acharnaient sur des chats errants. Pourquoi, hein, pourquoi ? Le corps des pauvres bêtes sursautait à chaque impact, le sang venait se coller aux poils, j’avais envie de vomir, j’osais plus respirer. Je me cramponnais au plus grand pour qu’il me protège, mais j’étais tétanisé par sa kalach. J’étais désespéré. Alors, j’ai trouvé une tactique. Encore une. Je retenais mon souffle jusqu’à tomber dans les pommes. Les autres rigolaient, ils me traitaient de mauviette. Parfois, ils m’imitaient. Mais je m’en fichais, j’avais réussi à ne plus participer à leur jeu. Pour expliquer mes malaises, je m’inventais des maladies. L’asthme, la tachycardie, n’importe quoi. Je potassais vite fait un truc dans un livre de sciences et je sortais un mot savant aux cousins. Ça n’a jamais vraiment marché. Tout le monde a vite compris que je crevais de trouille. À chaque fois, je mimais les mêmes signes physiques… la sensation d’étouffer, la vue qui chavire, les larmes. Alors je demandais à ce qu’on me ramène à la maison.
— Et vos parents ? Comment réagissaient-ils lorsqu’ils vous voyaient revenir ?
James reprend sa place à la fenêtre, fixe le lac, essaie de se rappeler l’expression de leur visage lorsqu’il rentrait de ses excursions nocturnes. Rien de vraiment distinct ne lui revient.

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