Vol de milouins en baie de Somme
183 pages
Français

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Vol de milouins en baie de Somme , livre ebook

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Description

Aux aurores, entre terre et eau, une jeune fille est étendue, morte… La panique gagne le promeneur qui la découvre ; néanmoins, son regard ne peut éviter des traces de lacération bien visibles sur les poignets de la petite, qu’il n’a aucun mal à reconnaître, puisqu’elle est pensionnaire dans l’institution dans laquelle il travaille.
Ce n’est vraiment pas de chance pour Jérôme, c’est la deuxième fois que semblable mésaventure arrive sur ses terres, et ce, pratiquement au même endroit.
Les vieux démons resurgissent, un passé trouble, qu’il croyait avoir enterré. Sonné, Jérôme se rend chez Pauline, sa sœur jumelle qui tient un bar à proximité de là. Pauline connaissait bien la jeune Clara : une orpheline, devenue sa protégée.
La gendarmerie est prévenue et commence ses investigations, tandis que Pauline tente de surmonter sa peine afin de répondre à ses obligations : ce soir-là, on célèbre le centenaire de Mona, une figure emblématique du coin, et la fête doit rassembler tout le gratin de la région… impossible de se dérober…
Peu après ces évènements tragiques, Damien, le fils de Jérôme découvre le corps de Pauline dans la bergerie appartenant à la famille.
Les histoires de Clara et de Pauline vont se mêler, révélant des secrets qui ébranlent les protagonistes, avec, en toile de fond, la baie de Somme, insaisissable, changeante…, avec sa beauté et sa rudesse, ses traditions, ses personnages hauts en couleur.

Informations

Publié par
Date de parution 24 octobre 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782312055671
Langue Français

Extrait

Vol de milouins en baie de Somme
Martine Pellegrina
Vol de milouins en baie de Somme
LES ÉDITIONS DU NET
126, rue du Landy 93400 St Ouen
© Les Éditions du Net, 2017
ISBN : 978-2-312-05567-1
Pauline
Tout était bien calme ce matin-là ! Les clients ne s’étaient pas bousculés…, normal pour un vendredi matin ! C’était fort heureux, car elle avait eu quelques difficultés à s’arracher du lit. La nuit avait été rude, il était souhaitable de passer à autre chose. Elle avait à peine enfilé un pantalon et passé un tee-shirt bien moulant en se trémoussant – elle aimait sentir le tissu à même la peau qui lui titillait la pointe de ses seins –, elle entendit quelqu’un l’interpeller. Elle risqua une percée à travers le rideau de bambou qui séparait la salle de café de la cuisine ; un client aussi matinal, c’était le père Réglisse, assurément !
Elle l’appréciait, celui-là : un vieux bonhomme, une figure emblématique, probablement mi naïf/mi filou, qui passait quasi quotidiennement prendre son p’tit canon chez elle avant d’aller travailler au jardin, situé à l’extrémité du village, une véritable aubaine pour lui, que ce lopin de terre… L’homme vivait chez sa fille, depuis son veuvage, une situation qui ne datait pas d’hier… la drôlesse le surveillait en le rationnant, pour son bien, évidemment… alors, avec le temps il s’était adapté : il se débrouillait donc pour boire en douce, sans pour autant avoir jamais un sou vaillant en poche ! Il s’échappait aux aurores, pressé de faire l’ouverture de l’estaminet pour s’octroyer une bonne rincette. Pauline, hostile à l’intransigeance dont souffrait le pauvre vieux, selon elle, avait pris son parti. Elle le régalait volontiers, par indulgence ou provocation – probablement les deux à la fois, d’ailleurs, c’était bien dans son caractère… cela lui valait de temps à autre des scènes intempestives qui venaient apporter un peu d’animation auprès de la clientèle, de préférence lors des périodes d’affluence. La fille du vieux, excédée, faisait irruption, exprimant violemment sa vindicte à l’adresse de Pauline, devant un parterre d’hommes plus ou moins avinés, jouissant sans retenue du spectacle : deux jolies petites loulouttes hargneuses comme des renardes qui glapissent à qui mieux mieux…, régal sans pareil ! Pauline attisait volontiers le feu, forçant sur son air dédaigneux ; cela procurait du spectacle, déchargeait les batteries et n’était nullement préjudiciable aux affaires… les compensations n’étaient pas négligeables, d’autant que le vieux avait sa fierté : ne voulant pas être redevable, il proposait en échange de sa consommation, des produits de sa récolte, de fameux légumes, il fallait bien le reconnaître ! Bon, durant l’été il n’était pas trop à plaindre, les occasions ne manquaient pas d’aller ici et là, afin de proposer sa marchandise, ce qui lui permettait de satisfaire un vice, somme toute, bien compréhensible à cet âge ! Chacun s’y retrouvait, on n’hésitait pas à forcer sur la dose, histoire de faire bisquer la fille, alors le vieux rentrait le soir passablement éméché, paré à affronter les foudres domestiques.
Pauline était assurément la plus fidèle cliente du paysan émérite, les rôles étaient inversés, ils en riaient souvent tous les deux ! L’hiver elle faisait crédit, prenant une option sur les beaux jours en quelque sorte…
Il lui en savait gré, mais elle ne perdait pas au change, et puis… Il avait toujours quelque chose à raconter, de bien gentilles histoires se rapportant à son coin de campagne qu’il appelait son paradis. Elle l’écoutait d’une oreille distraite, le métier voulait ça : tous ces perpétuels insatisfaits gangrenés par la solitude, planqués derrière le comptoir, à la lorgner à longueur de journée en étalant pêle-mêle d’une voix tonitruante clarifiée par le jaja une flopée de récriminations…, et leur tableau de chasse… ; à force, ça use la santé, corrode les méninges et émousse l’attention… Mais la voix paisible de ce vieux bonhomme la berçait agréablement, son débit régulier suffisait à lui seul, comme un ronron lénifiant qui laissait libre cours aux pensées. Alors, la plupart du temps elle le laissait à son bavardage, une cigarette maïs pendouillant aux coins des lèvres, ce qui lui avait valu le surnom de Réglisse… Il s’inquiétait de la pluie et du beau temps, livrait d’admirables secrets de jardinier qui tombaient invariablement dans une cruelle indifférence, contait son émerveillement de voir la nature se régénérer après un été par trop suffocant et lâchait négligemment sa cendre sur son bourgeron et quelques exclusivités en matière de potins… allez… finalement la journée s’annonçait plutôt bien.
Elle se mit à laver la vaisselle qui trempait depuis la veille. Jamais ça ne lui était arrivé d’aller se coucher en laissant un tel chantier derrière elle, mais les excuses ne manquaient pas, certes non ! S a colère la reprit, elle entrechoqua violemment les verres ! L e vieux remarqua son énervement, elle éclata :
– Cette petite peste de Clara, cette sale gamine m’a fait faux bond hier, et ce, un pareil jour ! Quelle ingrate, vraiment elle abuse, pourtant j’ai toujours été bonne avec elle, et voilà qu’elle me lâche en plein concours de belote ! C’est vraiment honteux de sa part, pourtant elle m’avait promis de venir me donner un coup de main. Et le mieux dans tout ça, c’est qu’elle va revenir toute penaude, et moi, bonne poire, je passerai l’éponge comme d’habitude ! N’empêche, je l’ai mauvaise, père Réglisse. En plus, pour l’occasion je sers des parts de tartiflette, vous imaginez le boulot à réaliser, pour moi, seule là-dedans ?
– Pour sûr, Pauline, mais tu n’as pas dû écouter ce que je te disais, c’est d’elle dont je te cause depuis tout à l’heure, ça fait plusieurs nuits qu’elle a découché ! Ils ne vont pas être contents, au centre, de voir qu’elle a encore fugué ! Ça va chauffer pour son matricule ! C’est Janvier, son voisin, qui me l’a dit, et pas plus tard qu’hier au soir.
– Excuse-moi, père Réglisse, je suis un peu cassée ce matin… lâcha Pauline, dans une certaine confusion, sérieusement décontenancée d’avoir laissé échapper pareille information… Elle tressaillit, ne sachant trop si elle s’épanchait sur elle-même ou s’inquiétait du sort de la petite. Bien décidée à se ressaisir, elle reprit sur un ton péremptoire : c’est couru d’avance, la donzelle est allée à la ville, un beau parleur l’y a entraînée, une de ces petites frappes qui va lui promettre monts et merveilles, et la laisser choir après avoir obtenu d’elle ce qu’il voulait ! Décidément, elle est, et restera incorrigible ! Tu verras, père Réglisse, elle ne va pas tarder à réapparaître dans la journée, et dans quel état ! Ah ! Je peux dire que la connais bien, celle-là ! Pourtant, elle m’avait promis de rester bien tranquille, et j’y ai cru, figure-toi ! À chaque fois elle me fait le même cinéma et je tombe quand même dans le panneau, pourtant je devrais être vaccinée à force d’entendre à longueur de temps toutes sortes de bobards débités avec ses faux airs de martyre !
Pauline retourna à ses griefs contre Clara en malmenant la vaisselle. Cette colère occultait son propre tourment, elle reprit pour elle seule :
– A u fond, je l’aime bien cette gamine… elle m’émeut… elle a l’air toute lisse, comme ça, mais elle charrie en dedans des émotions formidables, il suffit de plonger dans ses grands yeux pour le constater, ils changent de couleur au gré de ses humeurs…, comme la baie, avant que la tempête ne se déchaîne… de bleus ils deviennent gris, comme s’ils raclaient des fonds troubles venant assombrir la surface…
Le père Réglisse claqua les lèvres bruyamment après avoir sifflé la dernière lampée, comme il faisait à chaque fois qu’il avait terminé son verre :
– À la bonne heure ! J e ne l’ai jamais assez regardée pour m’en rendre compte, mais pour saisir ces subtilités-là, faut être bonne fille comme toi, Pauline ! M oi je ne suis plus dans le coup auprès de la jeunesse, c’est pas toujours rose avec mes petits-enfants, d’

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