Chroniques Verticales - Saison 2 épisode 4
28 pages
Français

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Chroniques Verticales - Saison 2 épisode 4 , livre ebook

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Description

Le clan est désormais scindé en deux. Si les rebelles doivent se réorganiser, le clan originel, désormais dirigé par Fantomastic, ne fait que péricliter. Les valeurs morales se perdent au profit de l’envie, la jalousie et la soif de pouvoir. Comment cela pourrait-il bien se terminer ?

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Informations

Publié par
Nombre de lectures 0
EAN13 9791095442349
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Chroniques verticales
Laurent Copet
Saison 2 - Épisode 4
1
 
Lorsqu’ils s’arrêtèrent en fin d’après-midi, Salto Angel mit un moment à comprendre qu’il n’était pas recouvert de cette pellicule grasse et collante où se mélangeaient le sable, la poussière et la sueur. Contrairement aux autres jours, El Cap ne l’avait pas calciné sur place. Il commença à croire qu’ils allaient peut-être quitter le désert un de ces jours.
Son visage se fendit d’un large sourire. Le temps était au changement. Pour un peu, le Sommet…
Une autre voix s’éleva en lui et lui ordonna de se calmer. Une voix qui ressemblait à celle de sa mère et qui lui enjoignait de ne pas oublier la gravité de la situation avant de dire, ou de penser des bêtises. Son sourire ne disparut pas pour autant. Sa bonne humeur lui faisait du bien, trop de bien pour qu’il l’abandonne. C’était comme retrouver la vue après avoir été plongé dans l’obscurité pendant si longtemps.
Leur nouveau clan n’irait peut-être pas bien haut, ils ne pourraient peut-être pas se débrouiller sans chiffreur, mais au moins, ils l’avaient fait. Cette idée insensée, suicidaire, qui avait vu le jour au début de tout ce merdier avait pris forme, en fin de compte. Après une longue période de ténèbres où il était tombé plus d’hommes que de gouttes de pluie.
Partir. Rompre l’unité du clan. Une petite partie de lui (celle qui parlait comme Kallistée) s’en offensait encore. Ils étaient allés à l’encontre de la volonté des dieux et risquaient de s’en mordre les doigts. Mais si un type s’y connaissait en dieux, c’était bien Mendeku, et le shaman ne se montrait pas troublé par leur décision. Non. La majorité des gens qu’il avait pu entrevoir au cours de cette journée si particulière d’ascension avaient l’air soulagé. Les visages reflétaient bien une certaine inquiétude, il avait même surpris une dispute au sein d’une cordée quand un des gars avait émis le souhait de revenir. S’en était suivi une explication musclée. Gringo Loco était passé par hasard et avait remis les choses en ordre. La cordée était repartie.
Alors qu’il se remémorait ce moment de cette journée si particulière, une partie de sa bonne humeur se transforma en quelque chose de beaucoup moins agréable. Cette personne, il ne se souvenait même plus de qui il s’agissait, avait voulu partir. Et on l’en avait empêché. Car ils avaient besoin de tout le monde au sein de leur tout nouveau clan.
Pas de frondeurs.
Ses poils se hérissèrent sur ses avant-bras. Un goût étrange rôdait dans sa bouche. Puis il repensa au moment où il avait vaincu son démon personnel en envoyant Lost Arrow mordre la poussière, et son sourire se déploya de nouveau. Il avait des centaines de clous de sourire à rattraper, et il ne comptait pas laisser sa mère ni quiconque lui gâcher son plaisir.
Il mit cependant un point d’honneur à réfléchir de façon responsable. Comme l’avait dit Brouillard Givrant lui-même, il était désormais un homme. Le fait que cet enfoiré ait dit ça pour l’amadouer ne changeait rien à la donne ; Salto Angel savait, au moment où il avait pris la décision de quitter sa vire pour celle de Lost Arrow, qu’il partait affronter son iguane à lui. Les dieux lui avaient imposé une autre épreuve pour son passage dans le monde des adultes. Sortir du rang. Son véritable acte de courage avait été de se décider. Pour le reste, c’était trop facile. Ramasser une pierre, la fracasser sur le crâne de Lost Arrow, encore et encore, pour se libérer, pour vaincre la bête.
« Salto Angel, fit une voix dans son dos.
— Hein ? » Il se retourna. Mendeku se tenait là, visage impassible. Il avait pris le temps de mettre un peu d’ordre dans sa tignasse grise et noué sa barbe en plusieurs tresses reliées entre elles. Il avait rajeuni de cinq saisons en une journée d’ascension.
« Mon ami, dit le vieux shaman, je pense qu’il ne serait pas de trop de faire le point sur la situation, qu’en dis-tu ? »
Mendeku me demande mon avis. À moi…
Le shaman plissa les yeux dans une expression énigmatique.
« Ouais, ben… merde ! s’exclama Salto Angel. Ça fait bizarre qu’on me demande mon avis. »
Il se tut, ne sachant pas quoi ajouter. Mendeku ne dit rien non plus et Salto se rendit compte que l’ancien attendait réellement son analyse. Il se mit à réfléchir à toute vitesse pour prononcer au moins une phrase qui n’ait pas l’air complètement stupide. « Eh bien, je dirais que… putain, ça fait du bien ! »
Sa main se plaqua aussitôt sur sa bouche et ses joues prirent feu. Il haussa ses sourcils dans une expression aussi surprise que désolée. Voilà la seule analyse pertinente qu’il était capable de fournir. L’idée qu’il n’était pas prêt pour le monde des adultes s’empara de lui. Un petit bruit lui parvint, quelque chose qui aurait pu ressembler à un rire ; il regarda Mendeku et comprit avec un temps de retard.
En fait, il ne s’attendait pas à revoir Mendeku rire un jour. Mais le shaman avait bel et bien entrepris de se laisser aller à une franche rigolade. Doucement au début, avec toute la distinction que requérait son âge et son statut, puis de plus en plus fort, le visage se tordant au fur et à mesure que jaillissaient les saccades incontrôlées.
Salto Angel cessa soudain d’être désolé et se joignit à lui. Son ventre se contracta, ses côtes lui arrachèrent une douleur délicieuse. Il vit Mendeku se plier en deux et cette vision improbable décupla son rire. Non loin d’eux, Fleur de Solstice les regardait, silencieuse. Elle ne riait pas à gorge déployée, mais Salto Angel parvint à distinguer, à travers les larmes qui lui brouillaient la vue, l’expression d’amusement qui éclairait son visage. Il pensa à la douleur vécue par ces deux anciens auxquels il était désormais encordé, se demanda comment ils avaient fait pour survivre, pour continuer, encore et encore, alors que leur ascendance avait été décimée, qu’ils avaient été humiliés, malmenés. Son fou rire se calma et un profond respect émergea en lui. Il s’essuya les yeux, laissa encore échapper quelques salves, puis regarda Mendeku. Ce dernier se calmait lui aussi. « Tu as raison, finit-il par dire. Ça fait du bien.
— Il faudrait… qu’on mette un peu d’ordre dans tout ça », fit Salto Angel.
Mendeku acquiesça. « On va devoir s’organiser. Se réunir au plus vite.
— On doit trouver un espace assez grand.
— Nous ferons avec ce que nous aurons, dit l’ancien. L’important, c’est que quelqu’un prévienne les autres. Il nous faut un messager, dès à présent. »
Le regard de Salto Angel s’illumina. « Tu veux dire que… »
Mendeku hocha la tête. « Je vais partir chasser avec Fleur de Solstice. Pendant ce temps, tu feras le tour des cordées avec Chan Thé. Tu informeras les gens et tu écouteras ce qu’ils auront à te dire pendant que Chan Thé soignera les blessés. »
 
2
 
Sur les vires, les gens s’étaient rassemblés par petits groupes. On trouvait souvent deux ou trois cordées réunies, mais des cordées qui paraissaient à présent minuscules après les interminables processions de la saison précédente. Des campements réduits à moins de dix individus ; l’espace disponible autour d’eux s’étalait, délicieusement inutile. Les uns faisaient le feu, les autres préparaient le gibier, personne n’osait plaisanter, mais tous les visages, éclairés par les flammes naissantes, rayonnaient d’une excitation mêlée de soulagement, à certains moments assombrie par une inquiétude fugace.
Si personne ne parlait vraiment, les campements n’étaient pas pour autant silencieux. Les plus jeunes, comme s’ils redécouvraient le goût de l’espace et de la liberté, se couraient après, escaladaient les...

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