Chroniques Verticales - Saison 2 épisode 6
35 pages
Français

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Chroniques Verticales - Saison 2 épisode 6 , livre ebook

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Description

Le clan est exsangue, mais Vol Parfait est de retour et avec lui, l’espoir d’atteindre enfin le Sommet. Le Sommet et ses fantasmes, mais aussi ses vérités. Il est temps, enfin, d’apprendre le sens de l’ascension.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 0
EAN13 9791095442363
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Chroniques verticales
Laurent Copet
Saison 2 - Épisode 6
1
 
Lentement, très lentement, Chilam Balam se releva. Elle avança vers son fils. Personne ne parlait. Certains pleuraient en silence, comme s’ils réalisaient, une fois sortis de leur transe meurtrière, l’étendue du massacre.
Chilam Balam tendit une main fébrile, pressée de toucher l’apparition, dans l’espoir de confirmer ce que ses yeux voulaient lui faire croire. Ses pieds refusèrent de la porter plus loin, et Vol Parfait dut faire un pas en avant pour la rattraper lorsqu’elle s’effondra.
« Alors c’est réel », murmura-t-elle.
Il hocha la tête. Chilam Balam le trouva plus fort. Sa silhouette s’était épaissie, toute en muscles. Ses cheveux bruns lui tombaient sur les épaules ; les poils de sa barbe étaient courts et bien plus abondants qu’auparavant. Ses yeux, sombres, placides, observaient Chilam en silence. Puis il sourit, à peine, mais cela suffit à éclairer son visage.
Chilam ne résista pas davantage et fondit en larmes.
Salto Angel se planta face à lui, l’air hagard, le visage tuméfié. Il se mit à danser d’un pied sur l’autre. Ses lèvres s’agitaient dans tous les sens, comme s’il ne savait pas s’il devait rire ou pleurer. Il fit un pas en avant, recula, avança de nouveau. Puis il donna une tape sur l’épaule de Vol Parfait, et pour finir le serra dans ses bras aussi fort qu’il le put.
« Merde, cousin ! Je t’attendais plus… » Il se dégagea, soudain gêné par sa démonstration d’affection.
Vol Parfait prit conscience des dizaines de regards posés sur lui. Il décela dans nombre d’entre eux de la crainte, de l’espoir et autre chose qu’il assimilait à un respect d’ordre religieux qui lui semblait étrange et déplacé. Il choisit de ne pas s’en préoccuper et chercha le visage de ses proches. Son sourire s’étira un peu plus lorsqu’il vit Raja glisser sa main dans celle de Salto Angel. Mendeku approcha lui aussi. Tous lui donnèrent l’accolade en silence.
Et puis, vidés de leurs forces, les membres survivants des deux clans se laissèrent tomber sur le sol les uns après les autres. Beaucoup se prirent la tête entre les mains. La cassure, baignée de sang, comptait plus de morts que de vivants. L’omniprésence des cadavres devint soudain étouffante.
« Je suis désolée, murmura Chilam Balam. Vois l’accueil que nous te faisons. »
Vol Parfait ne répondit rien. Il venait d’apercevoir le corps sans vie de Gringo Loco. Puis celui du vieux Salathé. Et celui de Fleur de Solstice. Cela semblait ne jamais devoir s’arrêter. Son regard se porta sur les hommes et les femmes aux corps peints ; il les reconnut à peine, mais comprit aussitôt l’histoire du clan.
« Nous avons poursuivi notre ascension, dit Mendeku, et pourtant, nous sommes tombés si bas.
— Qu’est-ce qu’on fait, maintenant ? demanda Salto Angel.
— Rien, répondit Chilam Balam. On dit adieu à nos morts. Les dieux puissent nous pardonner nos agissements. »
Cette dernière évocation ralluma son regard et elle se tourna vers Vol Parfait. « Est-ce que tu as bien parlé du… Sommet ?
— Plus tard », répondit-il dans un souffle.
 
2
 
Ils consacrèrent toute la fin de matinée aux morts. Un par un, tous les corps furent déplacés au bord de la cassure. Chaque clan s’occupa des siens. La venue de Vol Parfait avait mis un terme à la tuerie ; pour autant, les anciens ennemis évitaient de se parler ou même de se croiser. La honte, qui remplaçait désormais la haine, les obligeait à baisser les yeux.
À la fin, les corps disposés en bord de cassure formaient un gigantesque et macabre alignement. Alors Mendeku passa et eut un mot pour chacun d’eux. Salto Angel et Chan Thé suivirent le vieux shaman et, une fois son rituel terminé, firent basculer les morts dans le Néant.
Mendeku s’efforça de rester digne. Il ne put cependant empêcher sa voix de trembler au moment de déclarer la fin de l’ascension de sa propre femme. D’un geste las, il écarta Salto Angel et Chan Thé pour saisir lui-même le corps de Fleur de Solstice, qu’il envoya rejoindre le Néant.
Après la funeste cérémonie, les clans se regroupèrent. Ils ne se mélangèrent pas et s’installèrent chacun à une extrémité de la cassure. Seul Vol Parfait resta à l’écart. Au milieu des deux groupes, il s’adossa à la paroi, ferma les yeux et attendit.
« Nous sommes indignes du Sommet, finit par dire Chilam Balam.
— Ils nous ont attaqués, protesta quelqu’un. Nous nous sommes défendus. »
Chilam Balam eut un sourire triste. « Crois-tu vraiment que nous n’avons fait que nous défendre ?
— On n’allait pas se laisser égorger, rétorqua l’homme. Ceux qui n’ont pas réagi à temps ont terminé leur ascension.
— J’ai tué, intervint Salto Angel d’une voix blanche. J’ignore combien d’hommes et de femmes, mais… je ne voulais plus m’arrêter. » Il baissa la tête et serra les poings.
« Pareil pour moi, dit Chilam. Et je défie quiconque de dire autre chose. »
Cette fois-ci, tout le monde regarda ses pieds. Salto Angel se demanda ce que les hommes et femmes au visage peint pouvaient bien se dire. Il tendit l’oreille. Rien. Et pourtant, eux aussi avaient ressenti le besoin de se rassembler. Même s’il en restait moins de cent, ils étaient toujours les plus nombreux. Allaient-ils recommencer ? Il ne le pensait pas. Quelque chose dans leur élan s’était brisé. Ils venaient de prendre conscience d’eux-mêmes.
Tout comme nous autres réalisons ce que nous sommes.
Il chercha sa mère parmi eux, mais ne la trouva pas. Kallistée avait disparu. L’effroi s’empara de lui lorsqu’il pensa qu’elle avait sans doute sauté dans le vide, rongée par les remords.
La voix de Mendeku le tira de ses pensées.
« Nous devons repartir, dit le shaman. La vie nous a accrochés à cette Falaise ; l’Hayman qui nous habite encore doit nous porter vers le Sommet. Renoncer serait pire que tout.
— Je l’ai vu, fit une voix derrière eux. J’ai vu le Sommet. »
Le groupe ne réalisa pas immédiatement. Seule Chilam se redressa et tourna la tête vers Vol Parfait. Un sentiment étrange se faufila au milieu de l’amoncellement d’émotions négatives qui menaçaient de la submerger. Elle parla, sans reconnaître sa voix rauque : « Le Sommet… Tu as vu… »
Sa phrase resta en suspens. Autour d’elle, les autres commencèrent à s’agiter. Ces deux mots revinrent, encore et encore, se plantèrent sur toutes les lèvres dans un murmure continu.
« Le Sommet…
— Il l’a vu… le Sommet…
— Tu y es… allé ? »
Chilam ferma les yeux. La présence de son fils ici avait quelque chose d’irréel. Il avait disparu depuis si longtemps… Comment avait-il pu survivre ? Et voilà que maintenant il revenait, et qu’il disait avoir vu le Sommet. Avait-il perdu la raison ?
Cette idée la contraria, mais elle s’efforça de la considérer malgré tout. Vol Parfait semblait sain de corps et d’esprit, mais tout ce temps passé loin des siens, en proie à l’hostilité de la Falaise, avait forcément laissé des traces. Et puis elle réalisa qu’elle avait peur de le croire.
« Après mon départ du clan, j’ai continué, dit Vol Parfait. J’ai grimpé. Sans corde. J’ai grimpé. Vite. »
Sa voix était calme, mais on y décelait une fêlure, une cicatrice que son ascension effrénée s’était efforcée de combler.
« Aussi stupide que cela puisse paraître, je me suis juré de ne jamais m’arrêter avant d’atteindre le Sommet. » Il eut un petit rire sans joie. « De toute façon, je n’avais plus aucune raison de m’arrêter. Quand on n’a pas de clan, l’intersaison ne sert à rien.
— Tu… tu as atteint le Sommet ? fit Salto.
— Non. Je n’ai pas pu tenir ma promesse. Je l’ai pourtant vu. Au début, je n’y croyais pas. C’était comme si… »
Il s’arrêta, cherchant les mots justes, et tous les autres se penchèrent en avant, comme pour ne rien rater de ses propos. Leurs visages étaient tendus devant lR

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