Clech le Loup
46 pages
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Clech le Loup , livre ebook

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Description

Le narrateur, homme du futur vivant au XXIIe siècle, parle de Louis Le Clech, dit Loulou, dit le Loup, homme du passé vivant à la fin du XIXe siècle dans cet endroit magique qui berça mon enfance, dans la vallée du Jabron.

Informations

Publié par
Date de parution 16 octobre 2017
Nombre de lectures 1
EAN13 9782312055831
Langue Français

Extrait

Clech le Loup
Éric Brès
Clech le Loup
LES ÉDITIONS DU NET
126, rue du Landy 93400 St Ouen
Du même auteur

En route vers Shakti ( Éditons du net)
Trois nouvelles sur l’enfermement ( Éditons du net)
Le Grain de Sel ( Édition N 7, Nîmes )
© Les Éditions du Net, 2017
ISBN : 978-2-312-05583-1
À tous ceux que j’ai aimés et qui se sont éparpillés…
Chapitre 1
Qui plus solitaire que le Loup sinon l’auteur de ces quelques lignes ? Perdu dans ses pensées, il tente de faire revivre ici celui qui vécut sans témoins. Cela se passait, si ma mémoire est bonne, à la fin tourmentée de ce siècle, quelques années après que le Loup (ou Loulou) se soit échappé des barricades de la rue Fontaine-au-Roi alors que les Versaillais fusillaient le père au côté du fils et l’enfant dans les bras du vieillard. Louis Le Clech, tel est son vrai nom, avait réussi à se faufiler dans les mailles du filet ; ayant étranglé un soldat de Mac-Mahon et dérobé son uniforme, il put ainsi faire semblant de tirer sur ses amis, et discrètement battre en retraite. L’homme était rusé. Comment ce Communard parvint-il à arriver dans cette vallée verdoyante et si paisible ?… ma mémoire ne s’en souvient pas, ni la sienne. Il a du galoper la nuit, se cacher le jour, suivre les lisières des forêts, se sustenter de peu, un mouton égorgé de ci-de là – le fier soldat savait manier son couteau – chiper au passage fruits et légumes dans les vergers et les jardins, toujours aux aguets, toujours prêt à déguerpir à la moindre alerte si… De cette fuite vers le sud, il en garda une trace indélébile celle de ne jamais parler. Il avait appris à se débrouiller tout seul sans demander son compte à personne.
C’était un homme de grande taille au visage anguleux, à la barbe de plusieurs jours qui lui recouvrait la face en collier, moustaches et favoris se réunissant pour donner à ce visage un air sombre et ténébreux, comme une griffure noire à l’aplomb des boucles noir corbeau qui lui encadraient le visage ; les sourcils broussailleux et renforcés se touchaient à leur extrémité juste au-dessus du nez qu’il avait fort et busqué, première séquelle d’une de ses premières bagarres ; l’œil vif, rond, inquiet ; sa tignasse rejetée sur sa nuque formait un catogan grâce à un ruban de drap délavé ; sa silhouette imposante s’agrandissait dans une vielle redingote délabrée et il portait les bottes qu’il avait usées sur les trottoirs parisiens. Il ressemblait à un indien aux yeux bleus dans une longue houppelande. D’où tenait-il le bleu de ces yeux ? Avait -il trop bu le bleu du ciel à force de rester couché dans les prés à écouter crisser les cigales ? D’ailleurs il n’y avait que ça de beau chez lui : ses yeux !… brillants la nuit comme ceux d’un loup… Il adorait, pendant son périple qui le mena de la capitale à ce bled perdu de la Drôme , aller se cacher dans des bories isolées, ces cabanes de pierre que l’on appelle ici des capitelles, construites pierre par pierre par le berger pour que le berger puisse s’y réfugier, le jour par temps de trop de soleil, ou de trop de vent quand la bise se fait noire et qu’elle est capable d’arracher une corne à un bœuf, ou quand trop de pluie transforme les ravins en cascades rugissantes, ou quand la nuit s’étoile et qu’il s’y réchauffe devant un bon feu de bois. Sa démarche était chaotique, tenant plus de la fuite à grandes enjambées que du pas cadencé ; il avançait, l’air égaré comme s’il voulût s’échapper de quelque enfer. À sa rencontre les hommes s’écartaient, les femmes se protégeaient, les enfants criaient. On l’houspillait, on le conjurait, on le maudissait. Et ainsi la déambulation de Louis Le Clech l’amena-t-elle jusqu’à ce petit hameau dit des Rouberts où coexistent à côté d’une grande ferme un cottage de genre anglais et, entre la ferme et le cottage, un petit abri où logeait le pasteur. Peut -être celui-là lui sera-t-il d’un bon secours ?
C’est en bas, dans la vallée, que l’on a chassé le Communard, quand il est venu demander de l’aide au château Brotin… On lui indiqua le chemin pour aller se faire voir (chez le pasteur). Après avoir reçu une miche de mauvais pain tout sec, Louis Le Clech s’était rendu vers le hameau en suivant le chemin de mules qui mène du Poët-Laval à une ville nommée Dieulefit et l’animal s’était dit qu’avec un nom pareil, il y ferait forcément fortune. À condition que. Ses conditions, c’était de pouvoir survivre, c’est-à-dire ne pas mourir de faim et de froid, de survivre aux attaques des molosses et des loups, et d’échapper à la police qui aurait vite fait de l’envoyer au bagne à Cayenne. Il suivit donc ce replat qui mène à la montagne et, de pas en pas, il arriva au pied d’une côte et, en haut de la côte, à la ferme reconnaissable à son tas de fumier fumant et odorant, aux caquètements des poules, aux hennissements du cheval, à la fumée claire qui s’élevait dans le ciel pourpre. Le soir tombait ; on s’affairait à rentrer les bêtes à l’abri de.
Louis Le Clech passa discrètement comme il savait le faire, sur la pointe des pieds, à tel point que le chien de la maison l’ignora, tant il était occupé avec les vaches et les brebis. Dans un silence total – Clech savait marcher doucement, en évitant les branches et les pierres qui roulent – l’homme se dirigea vers la masure qui jouxte la ferme. Après avoir suivi une sente herborée, il atteignit le seuil de cette maison qui allait changer le cours de sa vie. Le pasteur, dérangé dans la préparation de son repas, ne le reçut pas, effrayé fut-il par l’aspect de cet hôte et par la soudaineté de son apparition. Il lui dit tout simplement qu’il n’avait pas le temps, qu’il avait une soupe sur le feu, qu’il aimerait bien mais que ça tombait mal, etc., etc. Il lui donna quand même du pain et des pommes, ainsi qu’un morceau de lard, le tout dans une petite boite en bois cloutée, ça pourra toujours servir, qu’il lui avait dit, et puis il lui avait aussi proposé de continuer son chemin et de monter jusqu’aux Plaines parce que là-bas, ils avaient, paraît-il, besoin d’un berger…
Le ciel était dégagé et l’on pouvait admirer la kyrielle d’étoiles, toutes aussi scintillantes les unes que les autres bien que (une fois que les yeux s’habituaient à cette lumière noire) certaines semblaient vouloir se distinguer en brillant encore plus que les autres, et, en levant encore un peu plus la tête vers ce ciel qui semblait jeter des poussières de diamants immobiles, Clech aperçut la trace de lait qui se perd dans l’infini. À ce moment-là une étoile filante fila ; il ne fit pas de vœu ; il ne croyait pas à ces conneries… Le sentier devant lui, tout en blancheur pâle dans le sombre des arbres, l’appelait à poursuivre sa voie. Il dépassa un bosquet d’où surgit tout-à-coup un bassin et il vit les reflets irisés de la lune claboter à sa surface. Le chemin s’enfonça entre des pins. Une odeur de résine lui monta à la gorge ; le sol était jonché d’aiguilles ; puis il atteignit le rocher des safres, qu’il fallût escalader en faisant attention de ne pas déraper sur sa surface dure mais friable ; devant lui le chemin s’illunait… Mais , arrivé au gué du petit ruisseau, le ciel s’assombrit d’un coup et, alors que l’homme-loup s’abreuvait accroupi parmi les ajoncs, un coup de vent soudain fit trembler la ramière toute entière. Au loin un éclair zébra l’horizon et le tonnerre tonna quelques secondes plus tard. Juste après le gué, le chemin tournait d’un coup et présentait une petite côte en courbe. Le sentier se réduisait ici à une trace laissée dans le bas-côté d’un pré, trace laissée par le passage répété des renards, des sangliers, des chevreuils et d’un cheval, comme le conclut Clech à la vue d’un tas d’excréments. Les premières gouttes lui giclèrent sur le visage alors qu’il passait à côté d’un marronnier centenaire. En même temps : l’éclair qui éclaire d’un coup, tout le décor s’allume, et il s’éteint aussitôt. En même temps : le coup de tonnerre qui déchire l’air et qui fait hérisser les poils sur la peau des bras. En même temps : dans un craquement géant, le ciel qui s’ouvre en deux et une inondation de pluie qui s’abat brusquement. Louis Le Clech

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