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Description
Sujets
Informations
Publié par | Québec Amérique |
Date de parution | 01 août 2012 |
Nombre de lectures | 1 |
EAN13 | 9782764418697 |
Langue | Français |
Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
Du même auteur
Pour les adultes
La Note de passage , Boréal, 1985.
Benito , Boréal, 1987.
L’Effet Summerhill , Boréal, 1988.
Bonheur fou , Boréal, 1990.
Les Black Stones vous reviendront dans quelques instants , Québec Amérique, 1991.
Ostende , Québec Amérique, 1994.
Miss Septembre , Québec Amérique, 1996.
Vingt et un tableaux (et quelques craies) , Québec Amérique, 1998.
Fillion et frères , Québec Amérique, 2000.
Je ne comprends pas tout , Québec Amérique, 2002.
Pour les jeunes
Corneilles , Boréal, 1989.
Zamboni , Boréal, 1990 • P RIX M . C HRISTIE
Deux heures et demie avant Jasmine , Boréal, 1991. • P RIX DU G OUVERNEUR GÉNÉRAL
Granulite , Québec Amérique, 1992.
Guillaume , Québec Amérique, 1995. • MENTION SPÉCIALE PRIX S AINT- E XUPÉRY (FRANCE)
Le Match des étoiles , Québec Amérique, 1996.
Kate, quelque part , Québec Amérique, 1998.
David et le Fantôme , Dominique et compagnie, 2000 • P RIX M . C HRISTIE
David et les monstres de la forêt , Dominique et compagnie, 2001.
David et le précipice , Dominique et compagnie, 2001.
David et la maison de la sorcière , Dominique et compagnie, 2002.
Série « Klonk »
Klonk , Québec Amérique, 1993 • P RIX A LVINE- B ÉLISLE
Lance et Klonk , Québec Amérique, 1994.
Le Cercueil de Klonk , Québec Amérique, 1995.
Un amour de Klonk , Québec Amérique, 1995.
Le Cauchemar de Klonk , Québec Amérique, 1997.
Klonk et le Beatle mouillé , Québec Amérique, 1998.
Klonk et le treize noir , Québec Amérique, 1999.
Klonk et la queue du Scorpion , Québec Amérique, 2000.
Coca-Klonk , Québec Amérique, 2001.
La Racine carrée de Klonk , Québec Amérique, 2002.
Le Testament de Klonk , Québec Amérique, 2003.
Albums
L’été de la moustache , Les 400 coups, 2000.
Madame Misère , Les 400 coups, 2000.
Fillion et frères
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Gravel, François
Fillion et frères
(Collection QA compact ; 15)
Éd. originale : 2000.
Publ. à l’origine dans la coll. : Collection Littérature d’Amérique. Roman.
ISBN 978-2-7644-0307-5 (Version imprimée)
ISBN 978-2-7644-1498-9(PDF)
ISBN 978-2-7644-1869-7 (EPUB)
I. Titre.
PS8563.R388F54 2003 C843’.54 C2003-941457-4
PS8563.R388F54 2003
Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d’édition.
Gouvernement du Québec — Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres — Gestion SODEC.
Les Éditions Québec Amérique bénéficient du programme de subvention globale du Conseil des Arts du Canada. Elles tiennent également à remercier la SODEC pour son appui financier.
Québec Amérique
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Montréal (Québec) Canada H2Y 2E1
Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010
Dépôt légal : 3 e trimestre 2003
Bibliothèque nationale du Québec
Bibliothèque nationale du Canada
Mise en pages : Andréa Joseph [pagexpress@videotron.ca]
Conception graphique : Isabelle Lépine
En couverture : © Karine Raymond
Réimpression : août 2011
Conversion au format ePub : Studio C1C4
Pour toute question technique au sujet de ce ePub :
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Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés
© 2003 Éditions Québec Amérique inc.
www.quebec-amerique.com
François Gravel
Fillion et frères
roman
1 Les confitures
J e ne sais plus ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas dans cette histoire, mais je sais que je parle toujours de lui, quelle qu’en soit la manière. Et de moi, bien sûr, mais autrement.
Et je sais que tout cela commence à l’automne 1929, lorsqu’une poignée d’hommes en noir déchirent des bouts de papier et les jettent par terre, quelque part dans Wall Street. Au bout d’une longue chaîne de dominos qui s’étend sur tout le continent, mon grand-père Étienne, jusque-là contremaître dans une conserverie, se retrouve à la rue.
Étienne n’avait que treize ans quand il a quitté la ferme de ses parents, à Louiseville, pour aller vivre seul à Montréal. Depuis, il n’a rien fait d’autre que travailler. Travailler toute la journée et rentrer tard, exténué. Recommencer, encore et encore, jour après jour, sans jamais arrêter. Économiser tout ce qu’il peut, se marier, puis remettre tout ce qu’il gagne à son épouse. Toute sa paye, chaque semaine, sauf quelques sous pour donner à la quête, le dimanche, et de quoi se procurer ses billets de tramway. Travailler, il sait ce que c’est. Il ne connaît rien d’autre.
Le soir, il ne reste à table que le temps qu’il faut pour manger et fumer une pipe. Ensuite, il répare les murs de plâtre, remplit la fournaise de charbon, rafistole des tiroirs et des chaises, ou bien il fabrique des jouets en bois, dans le hangar. Il sait toujours comment les choses fonctionnent, ou pourquoi elles ne fonctionnent pas, et il a tout ce qu’il faut pour les réparer le cas échéant. Son établi est couvert de rabots et de varlopes, de limes et d’égoïnes, de vilebrequins et d’équerres, et de dizaines de pots de tabac débordant de clous, de vis, de boulons et de pentures. Autour de lui flottent en permanence des odeurs de bran de scie ou de limaille de fer, de térébenthine ou de vernis. Il aime ces odeurs, qui lui donnent l’impression de vivre, d’être utile.
Mais depuis que les hommes en noir ont déchiré leurs papiers, il ne sait plus rien ; il n’est plus qu’un fantôme qui marche dans les rues du matin au soir, se fatiguant bien plus à chercher du travail qu’il ne l’aurait fait en travaillant vraiment. Lorsqu’il rentre à la maison, il n’a même plus la force de bricoler.
Il cherche pendant un an, puis il finit par abandonner. En novembre 1930, il n’a plus le courage de rester dehors, à chercher des emplois qui n’existent pas. Qui donc engagerait un homme qui a depuis longtemps passé la quarantaine, et qui sait à peine lire et écrire ? Il se résigne à rester chez lui, et il découvre alors que le seul endroit qui soit moins accueillant que la rue, pour un homme de sa trempe, c’est la cuisine. La cuisine où règne Annette.
Je n’ai pas beaucoup connu ma grand-mère, mais mon père, mes oncles et mes tantes re-dressaient toujours le dos quand ils prononçaient son nom : une femme fière, disaient-ils. Leur posait-on des questions à son sujet qu’ils y allaient de longues circonlocutions : sévère, oui, sans doute, mais pas plus que les autres, il y avait bien pire si on cherchait un peu, et puis il fallait être dur pour traverser une époque aussi dure. Les années trente, c’était toujours novembre, il faisait toujours froid, on ne peut pas comprendre, il ne faut pas juger.
Mal accueilli dans sa propre cuisine, Étienne se réfugie le plus souvent possible dans le hangar, mais il n’a plus envie de scier du bois, de ranger des clous ni de réparer quoi que ce soit. Il a tous les outils, pourtant, et du temps à revendre, mais le bricolage n’est pas une affaire d’outils ni de temps, c’est une disposition d’esprit, une paix intérieure, une envie de sourire, de siffler, de se faire du bien, et c’est tout cela qu’il ne sait plus. Il fait donc semblant de bricoler, sans conviction, puis il revient à la cuisine, désœuvré. Il s’aménage une place, entre la fenêtre et la radio. Une place à l’écart, pour ne pas déranger Annette. Il rapetisse, il se ratatine.
Lorsqu’il essaie d’aider son épouse en écossant des pois, en équeutant des fraises ou en lavant la vaisselle, Annette le rabroue :
Ce n’est pas comme ça, mon Dieu que tu es gauche, donne-moi ce couteau et va donc t’asseoir, il n’y a rien de plus sans-dessein qu’un homme dans une cuisine, c’est toujours dans les jambes, une vraie nuisance, voir si ça l’a de l’allure, qu’est-ce que j’ai fait au ciel pour mériter ça, mon Dieu ?
Étienne retourne à sa berceuse, il regarde par la fenêtre, il écoute la radio, parfois il allume une pipe, ce qui provoque immanquablement, de la part d’Annette, une longue série de soupirs s