Gasps
308 pages
Français

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Description

Et une remorque pleine de squelettes supplémentaires, une ! Sans eux, le marché de Noël de Colmar retrouvera bientôt son allure d’antan. Plus vide, certes, mais moins morbide.
Je les plains. Pas les squelettes, mais ce qu’ils étaient avant de devenir des ossements démantibulés, dépourvus de chair. Quand des rêves les animaient encore... Et je les envie aussi. Eux, ils ne perçoivent pas les spasmes bruyants et inutiles de ce monde à l’agonie.
Je suis mal placée pour me lamenter. Au sommet de la chaîne alimentaire, je ne crains rien. Si ce n’est moi-même...


Qui a dit que c’était facile de rester humain quand l’humanité elle-même part à la dérive ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 26 octobre 2020
Nombre de lectures 5
EAN13 9782957084456
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0041€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon, aux termes des articles L.335-2 et suivant du Code de la propriété intellectuelle. Cette œuvre est un ouvrage de fiction. Les noms, les personnages et les événements sont le produit de l’imagination de l’auteur ou utilisés de façon fictive. Toute ressemblance avec des faits réels, des personnages existants ou ayant existé serait purement fortuite.




Correction : Marie la dompteuse de mots
Couverture et mise en page : 2Li ( www.2li.fr )

© Élodie Morgen, 2020
L’Alsacienne Indépendante
40 rue principale
68520 Burnhaupt-le-Bas
Cet épisode vous est offert dans le cadre des préventes de l'intégrale de la saison 1, dont la sortie est prévue le 26 octobre.

Épisode 1 Morne routine

pl
Les bras appuyés sur la rambarde de sécurité du pont surplombant l’autoroute, je contemple l’amas de voitures qui gît silencieusement au-dessous de moi. Si les secouristes existaient encore, il aurait fallu un bon paquet d’ambulances. Et aussi quelques médecins du SAMU, des pompiers, des policiers… Bref, l’embouteillage créé par une telle anarchie aurait duré des heures. Heureusement pour les victimes, elles sont mortes sur le coup pour la plus grande majorité.
Enfin, c’était il y a longtemps. Il me semble plusieurs centaines d’années, alors qu’en réalité seule une petite dizaine d’entre elles se sont écoulées. Après tout, les éveillés perdent la notion du temps. Celui-ci paraît ne pas avoir de prise sur eux et rien ne justifierait que ce soit différent pour moi.
J’identifie une odeur caractéristique et, un discret bruissement d’ailes plus tard, Mégane, une jeune femelle faucon pèlerin, se pose sur le métal inerte à côté de moi.
— Qu’as-tu d’intéressant à me rapporter aujourd’hui ?
Bien que lui parler ne soit pas nécessaire pour qu’elle me comprenne, dire ces quelques mots me permet d’éviter de m’enrouer. On a trop peu l’occasion de se dérouiller les cordes vocales dans ce monde désormais.
Mégane m’explique dans son langage archaïque que tout est calme pour le moment. Le groupe d’éveillés que je surveille depuis quelques jours se tient toujours à la frontière. Pour l’instant, ils attendent. S’attaquer à moi leur inspire peut-être de la peur.
Et ils ont raison.
Enfin, ils commencent à comprendre…
J’effectue un simple geste de la main pour appuyer mes dires silencieux et Mégane repart à tire-d’aile vers son poste d’observation.
Jamais je n’aurais cru la communication avec les animaux aussi utile, mais, de toute évidence, leur fidélité et leur fiabilité dépassent de loin celles des humains. Sans parler des autres éveillés...
Je soupire et, tout à coup, le calme environnant me pèse. C’est pour ce genre de situation que je garde toujours mon téléphone portable avec moi. Pas pour les appels, évidemment, je ne risque plus d’en recevoir. Le réseau, comme mes amis, est mort depuis longtemps. Il ne me sert plus que de base de données. Et puis… J’y suis attachée. Je branche les écouteurs et mets en route ma playlist en mode aléatoire 1 . Je préfère ne pas savoir à l’avance quelle chanson va m’être jouée, savourant ce petit côté imprévisible. Il m’arrive de tomber avec plaisir sur la musique adaptée à la situation comme d’être déçue, un peu à l’image d’un jeu de hasard.
Ça me rappelle ma vie actuelle, loin, tellement loin de ce que je m’imaginais. J’avoue que la routine que je vivais alors me manque…
Tout comme les personnes qui la partageaient avec moi…
Je chasse rapidement mes pensées moroses. Ces moments-là me font regretter d’être comme je suis. Les autres éveillés, eux, ne s’embarrassent pas de leurs souvenirs. Ils agissent comme si leur existence d’avant n’avait jamais eu lieu. Ils se sont simplement débarrassés de leurs chrysalides, laissant derrière eux leurs consciences, leurs sentiments…
Et peut-être leurs âmes qui sait ?
Je quitte la rambarde et me remets en marche. Je longe une route, je ne saurais pas dire où je me trouve exactement. Je me suis arrêtée ici parce que j’en avais envie, pas parce que j’en éprouvais le besoin.
L’endroit ne devait pas être très fréquenté. Je progresse une éternité avant de croiser un véhicule accidenté sur le bas-côté, le flanc cabossé par la barrière de sécurité comme si son conducteur s’était soudain endormi. Je trouve encore des corps dans la plupart des voitures que je rencontre, mais leur aspect est moins répugnant maintenant que les chairs se sont désagrégées et ont été dévorées par les animaux… Ou les insectes. L’odeur paraît moins forte aussi, ce qui me soulage puisque depuis mon éveil, mon odorat est sensiblement plus fin.
Je me laisse porter un instant par la musique et regarde le ciel. L’après-midi s’étire avec les ombres engendrées par le soleil, l’air est agréablement frais. Ce mois de septembre m’offre une belle journée et me permet d’ôter mon blouson. Je l’aime beaucoup celui-là, je ne voudrais pas le déchirer. Un frisson me parcourt la colonne vertébrale, et, anticipant ma demande, mes ailes se déploient. Cette façon de les dénommer est loin de correspondre à leur apparence. Elles n’ont rien à voir avec des ailes d’oiseaux ou de chauves-souris. Ce sont plutôt des sortes de longs bandeaux de quelques centimètres de large — la taille d’une vertèbre environ — que j’agrandis à loisir. Leurs souplesses n’ont d’égal que leurs tranchants. Elles s’échappent de chaque côté de ma colonne vertébrale dans une symétrie parfaite.
Je ne les sors pas toutes. Pour voler, une dizaine suffit amplement.
Douze de mes élégantes lames s’abattent sur le bitume. Je les incline à 90 degrés pour créer un effet de ressort et me propulser dans les airs. Une intense sensation de liberté m’envahit, me donnant presque le vertige. J’étends mes ailes, les courbant afin qu’elles forment une voûte, et augmente la chaleur sous chacune d’elles, me maintenant ainsi en l’air sans effort.
Quand je vole, j’oublie tout. Qui je suis, pourquoi je suis ici. Ce que je suis…
J’envoie l’une de mes ailes s’accrocher à un pylône électrique et je l’utilise pour me tirer en avant. Mes yeux se remplissent de larmes sous l’effet de la vitesse et du vent.
L’horizon s’assombrit progressivement. Je n’aime pas beaucoup la nuit. Si mon odorat s’est développé, ce n’est pas le cas de ma vision. Ce que je regrette ; j’aurais adoré avoir la vue nocturne de mes rapaces.
J’entame un virage pour m’orienter en direction de Colmar. J’y ai établi mes quartiers depuis la fin de mes déprimantes recherches. Ce n’est pas si loin de là où j’habitais avant, probablement un élan de nostalgie de ma part. J’en ai connu plusieurs au début. Ce même sentiment m’a contrainte à prendre le parti des humains, le plus souvent tout du moins.
Je profite du coucher de soleil en hauteur tandis que je parcours une partie de ce territoire de la France sous un ciel dépourvu de nuages. Je passe au-dessus de paysages que je contemplais autrefois en train ou en voiture : des forêts, des champs désormais en friches, des villages, quelques villes plus imposantes. Mais peu importe l’altitude à laquelle je me trouve, l’ambiance a changé. Tout ce qui devrait bouger, démontrer la présence d’une activité humaine, s’est arrêté. Les véhicules ne circulent plus, les rues sont vides, les trains restent immobiles dans leurs gares ou couchés sur le côté au bord d’une voie ferrée. J’ai même déjà repéré l’emplacement de plusieurs crashs aériens avec leurs morceaux de tôles répandus un peu partout, comme on aurait jeté les pièces d’un énorme puzzle au hasard. Une épaisse couverture nuageuse s’installe lorsque j’approche de Belfort puis s’effiloche à mesure que ma destination se profile.
Avant de rentrer, il me prend soudain l’envie de faire un petit tour en ville. Après tout, je ne l’ai pas nettoyée de tous ces cadavres pour rien.
J’amorce ma descente vers le centre-ville de Colmar et, alors que j’atteins la cathédrale Saint-Martin, j’allonge deux de mes ailes et les plante brutalement dans le clocher. L’édifice ne bronche pas tandis que j’atterris sur son faitage en douceur, me servant de mes autres ailes pour stabiliser ma progression. Il porte les stigmates de mes passages précédents dans cette ville et quelques morceaux de pierres se détachent, roulent sur le toit pour achever leur course dans la rue. Je retire ensuite mes lames du clocher et reproduis ce que je viens de faire dans le béton plus dense de l’avenue en contrebas.
Une fois au sol, je rentre avec une précaution infinie mes ailes dans mon dos. Les fois où je m’y suis prise trop rapidement, je me suis coupée et les plaies sur les cicatrices de mon éveil saignent plus qu’ailleurs sur mon corps.
J’enfile mon blouson et reste un instant immobile. Je ferme les paupières, puis bascule légèrement la tête en arrière. J’inspire à fond. Je me sens en paix lorsque je suis ici. Les odeurs familières qui s’y trouvent me rassurent. Je rouvre les yeux et débute ma visite. Je me balade entre les baraquements du marché de Noël, qui demeurent quelle que soit la saison. À jamais accessibles ils proposent l’artisanat local, les vins et alcools de la région… Même quelques traces moisies de vin chaud reposent encore dans leurs récipients en métal.
Pouvoir se promener ainsi, seule, au sein de l’un des marchés de Noël les plus populaires d’Alsace… C’est une chose qui n’aurait jamais pu être possible auparavant. Je souris à cette pensée alors que je m’attarde devant un stand présentant des objets en bois.
J’hésite devant une horloge avant de me raisonner. À quoi bon rapporter ça chez moi ? Personne ne me la volera ici.
Je descends ensuite jusqu’au marché couvert, où je déambule rapidement, puis termine ma visite à la petite Venise. Je m’accoude à la barrière e

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