Glauque - Là où la terre se termine : Récits et contes occultes
64 pages
Français

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Glauque - Là où la terre se termine : Récits et contes occultes , livre ebook

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Description

J’ai toujours eu l’impression que si ma sœur et moi on n’écoutait pas les terreurs anxieuses de ma grand-mère pis qu’on traversait entre chez elle et notre maison quand il commence à faire noir et surtout, surtout, l’hiver, les barbus allaient nous attraper, nous enlever, nous faire des choses terribles. En vieillissant, ces hantises suscitées par l’inquiétant terrain bordé d’arbres deviennent des supplices secondaires. On y verrait là de quoi se trouver chanceux, quand on connaît mieux la mesure des sévices cruels que l’on peut infliger à une femme seule dans le noir.

Depuis toujours, les Gaspésiens vivent entourés d’une nature menaçante qui alimente de nombreuses légendes. Fantômes, démons, vampires, sorcières et monstres; en neuf nouvelles, l’autrice invente un folklore moderne et angoissant qui puise sa source dans sa propre enfance et sa région natale, là où la terre se termine.


Joyce Baker est autrice et occultiste. Née en Gaspésie en 1989, elle vit au gré des saisons à Montréal ou à Grande-Rivière, son village natal. Elle est chercheuse en littérature et a codirigé le collectif Stalkeuses en 2019. Glauque est son premier ouvrage de fiction.
J’ai toujours eu l’impression que si ma soeur et moi on n’écoutait pas les terreurs anxieuses de ma grand-mère pis qu’on traversait entre chez elle et notre maison quand il commence à faire noir et surtout, surtout, l’hiver, les barbus allaient nous attraper, nous enlever, nous faire des choses terribles. En vieillissant, ces hantises suscitées par l’inquiétant terrain bordé d’arbres deviennent des supplices secondaires. On y verrait là de quoi se trouver chanceux, quand on connaît mieux la mesure des sévices cruels que l’on peut infliger à une femme seule dans le noir.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 25 janvier 2021
Nombre de lectures 6
EAN13 9782764439937
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Projet dirigé par Stéphane Dompierre, directeur littéraire
Conception graphique et mise en pages : Nathalie Caron
Révision linguistique : Flore Boucher et Sabrina Raymond
En couverture : Montage à partir des œuvres de CPD-Lab / shutterstock.com et 80’s Child / shutterstock.com, typographie Messina Sans de Nouvelle Administration

Ouvrage composé en Minion Pro , un caractère originalement créé par Robert Slimbach en 19 90.

Glauque a été achevé d’imprimer au Canada sur papier « Husky Offset » en décembre 20 20 sur les presses de l’imprimerie Gauvin à Gatineau , Québec, pour le compte des Éditions Québec Amérique .

Cette première impression a été tirée à 2000 exemplaires .

Québec Amérique
7240, rue Saint- Hubert
Mont réal (Québec) Canada H2R 2N1
Téléphone : 514 499 - 3000, télécopieur : 514 499 - 3010


Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada .
Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien.
We acknowledge the support of the Canada Council for the Arts.

Nous tenons également à remercier la SODEC pour son appui financier. Gouver nement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.



Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Titre : Glauque : là où la terre se termine : récits et contes occultes / Joyce Baker.
Noms : Baker, Joyce, 1989- auteur.
Collections : Shop (Québec Amérique)
Description : Mention de collection : La shop
Identifiants : Canadiana (livre imprimé) 20200092421 | Canadiana (livre numérique) 2020009243X | ISBN 9782764439913 | ISBN 9782764439920 (PDF) | ISBN 9782764439937 (EPUB)
Classification : LCC PS8603.A456 G53 2021 | CDD C843/.6—dc23

Dépôt légal, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2021
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives du Canada, 2021

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés

© Éditions Québec Amérique inc., 2021.
quebec-amerique.com


À mes arrières-grand- mères, mes grand- mamans, à leurs filles, aux filles de leurs filles


Quand t’es ben tranquille chez vous Assis à compter les hivers Pis à t’mêler d’tes affaires J’ai d’quoi su’l’cœur Mais j’ai pas l’cœur À te l’dire
Gaston Mandeville, Le vieux du bas du fleuve


Possibly there are few imaginative writers who have not a leaning, secret or avowed, to the occult. The creative gift is in very close relationship with the Great Force behind the universe; for aught we know, may be an atom thereof. It is not strange, therefore, that the lesser and closer of the unseen forces should send their vibrations to it occasionally; or, at all events, that the imagination should incline its ear to the most mysterious and picturesque of all beliefs
Gertrude Atherton , The Bell in the fog & other stories


LES BARBUS
Je veux partir à toute vitesse, un départ parfait. Quand je me pratique dans mes rêves, je suis efficace au point où je réussis à voler. Je suis persuadée de connaître la sensation exacte de mon poids dans les airs. Avant de dé coller, il faut d’abord repérer sa cible et ensuite évaluer la poussée, la distance, la courbe et l’attitude avec laquelle il faut entamer l’envol. La force s’exerce sur le dessus des cuisses, le coccyx pousse vers le sol et le sommet de la tête bien droit vers la cible. L’élan se fait sur le bout des pieds et le long du nerf sciatique, il étire toujours les articulations et les muscles à leur maximum à cause de la gravité. Quelque chose comme l’estomac remonte alors dans la gorge et passe un certain temps à bien vouloir redescendre à sa place.
J’évalue la distance entre la porte de chez memère, le 139 du rang 28, et celle de ma maison, le 143 : environ 50 mètres. Je suis partie un peu plus tard que prévu ; il est 6 h 50 du soir. Je repoussais ma traversée parce que le vin me fait parfois prendre de mauvaises décisions. Memère avait tourné autour des ronds toute la journée, elle commençait aux pâleurs du matin. Je la retrouvais parfois à l’aube, les bigoudis sur la tête, qui courait d’un bout à l’autre de la cuisine de ses petits pas pressés en pantoufles. On la perdait souvent dans la boucane et la brume, la fumée du hareng ou du pâté, comme si tous les ronds étaient à hi , vestige du temps où elle n’avait que le feu de foyer. Quand elle ne cuisinait pas, elle nous racontait des histoires, souvent des histoires épeurantes parce qu’elle avait une foncière peur qu’il nous arrive des choses terribles. De ces dangers qu’elle nous racontait, un seul me fait encore mal dans les tripes, c’est l’histoire des barbus. On ne sait pas trop ce qu’ils sont à part d’énormes sauvages trapus avec de longues capes pour capturer les enfants. Des voleurs de filles, principalement. J’ai toujours eu l’impression que si ma sœur et moi on n’écoutait pas les terreurs anxieuses de ma grand- mère pis qu’on traversait entre chez elle et notre maison quand il commence à faire noir et surtout, surtout, l’hiver, les barbus allaient nous attraper, nous enlever, nous faire des choses terribles. En vieillissant, ces hantises suscitées par l’inquiétant terrain bordé d’arbres deviennent des supplices secondaires. On y verrait là de quoi se trouver chanceux, quand on connaît mieux la mesure des sévices cruels que l’on peut infliger à une femme seule dans le noir.
Parfois, on traversait tellement vite qu’on se pétait la gueule. J’ai déjà flippé en rentrant dans une corde à linge et ma sœur a scrappé une paire de jeans blanche dans la bouette. Cette fois- là, puisqu’il était déjà 7 heures et qu’elle avait dû revenir sur ses pas pour demander à memère de détacher le tissu avec ses mains magiques, du savon à vaisselle et du sel, il n’était pas question de rentrer une fois les pantalons propres. Elle a préféré rester chez memère dormir et l’aider à cuisiner le souper, un ragoût de tête de morue grisâtre et collant dont toutes les grand- mères de la péninsule gaspésienne avaient leur propre recette.
+++
Vendredi saint, 20 avril 1906 dans le 28 e rang de Grande- Rivière, porte 139
Il venait de craquer 7 heures dans les rouages usés de l’horloge, et la famille se préparait à souper. Léonie, la plus vieille, dressait la table avec l’aide de la jeune Odette qui déposait les assiettes avec une finesse unique que les gens du rang connaissaient. Ses petits doigts blancs satinés manipulaient la vaisselle avec soin, comme un pétale qui tombe sur une étendue d’eau fraîche. Odette vérifiait toujours une deuxième fois le montage de Léonie. C’est que la cadette accordait une importance particulière à la distance entre les ustensiles, à la disposition des plats, et à ce que les bols de porcelaine qui accueilleraient l’épaisse soupe aux pois soient bien au centre des assiettes. Pas de couenne de porc, pas de graisse, pas de beurre sur le pain. Puisque c’était soir de carême, les filles choisissaient les pièces les plus modestes du vaisselier. Léonie faisait aussi fondre, à la chaleur d’une mèche, des boules de cire qu’elle payait très cher au magasin général. Elle les déposait au bord des fenêtres, habitude issue d’une vieille croyance qui dit que les âmes perdues dans les limbes, le temps de retrouver leur chemin, trouvent refuge en les flammes des maisons bien entretenues. Les trois bûches du foyer vrombissaient au rythme de la chorégraphie ménagère d’Odette, qui s’affairait à brasser l’épais fumet fade. Elle en profitait pour se répéter l’autre recette de soupe aux pois, celle qu’il faut cuisiner normalement, mais pas pour le carême. Il faut des pois séchés de la dernière récolte, les restants de l’hiver, avec le gras de porc submergé dans le sel, les carottes et les oignons du caveau, ceux de la rangée du bord, pas au fond, il faut faire la rotation des rations. Surtout, il faut cuire la soupe longtemps et la laisser épaissir d’elle- même.
Léonie avait brassé son bouillon réconfortant toute la journée, elle l’avait humé entre deux besognes, y ajoutant du sel ou des feuillages de fantaisie qu’elle troquait parfois au magasin contre des betteraves en pot. Leur terre était fertile, très bien placée, ils avaient une charrette pour se rendre à l’église, les filles avaient parfois des dentelles, la dot était très enviable, tout était à sa place et la plus jeune serait bientôt la femme de la maison. C’est pourquoi Odette s’appliquait autant à assister sa sœur plutôt que de jouer dans le shed avec les chats. Léonie, à l’aube de ses 19 ans, allait se marier à un gars du village ; Odette n’avait que 14 ans. Le père Honor

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