Grève des anges
42 pages
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Grève des anges , livre ebook

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Description

Comment décrire Noëlle, héroïne des nouvelles du recueil Grève des anges ? Sachez qu’elle entretient des relations étroites, mais conflictuelles, avec les pommes de laitue en plus de redouter que sa baignoire achève de la rendre agoraphobe.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 16 octobre 2019
Nombre de lectures 0
EAN13 9782896996704
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0650€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Grève des anges

Henri Lessard
 
 
 
 
 
 
 
 
Grève des anges
 
Nouvelles
 
 
 
 
 
 
 
 
Collection Vertiges
L’Interligne

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada
 
Titre: Grève des anges : nouvelles / Henri Lessard.
 
Noms: Lessard, Henri, 1959- auteur.
 
Collections: Collection Vertiges.
 
Description: Mention de collection: Collection Vertiges
 
Identifiants: Canadiana (livre imprimé) 20190155310 | Canadiana (livre numérique) 20190155604 |
 
ISBN 9782896996681 (couverture souple) | ISBN 9782896996698 (PDF) | ISBN 9782896996704 (EPUB)
 
Classification: LCC PS8623.E869 G74 2019 | CDD C843/.6—dc23
 
 
 
 
 
 
 
L’Interligne
435, rue Donald, bureau 337
Ottawa (Ontario) K1K 4X5
613 748-0850
communication@interligne.ca
interligne.ca
 
Distribution : Diffusion Prologue inc.
 
ISBN 978-2-89699-670-4
© Henri Lessard 2019
© Les Éditions L’Interligne 2019 pour la publication
Dépôt légal : 4 e trimestre de 2019
Bibliothèque et Archives Canada
Tous droits réservés pour tous pays



Le présent avertissement est réel. Tout ce qui suit est fictif. Toute ressemblance entre les personnages et les situations de ce recueil et des personnes réelles, vivantes ou ayant vécu, et des circonstances de leur vie ne saurait être que l’effet du hasard.


Noëlle : autoportrait en mode majeur







Les artistes sont de grands sots. La vérité se niche dans les détails, loin du vague et des cris. Ainsi mes yeux. Ils sont comme des grains de café. Prenez-en deux, choisis pour leur teinte sombre et leur fini luisant, placez-les au creux de votre paume puis haussez-les à la clarté pour voir s’allumer le point de lumière pareil à celui qui anime en permanence mon regard. Voilà une démonstration simple et vraie. Dernier détail : vous aurez l’air con avec vos grains de café.
Je vitupère contre les artistes, mais c’est surtout contre ma propre personne que j’en ai. Accorder sa confiance à une plumitive en herbe (moi, s’il faut tout vous expliquer) pour rédiger sa biographie, n’est-ce pas faire preuve de peu de bon sens ?
Je m’appelle Noëlle, sans doute à cause de ma naissance, un mois de juin, il y a dix-neuf ans. (Le vingt-cinq, évidemment, je fais tout à l’envers.)
J’aime la natation, l’eau qui apprend à être insaisissable, à virer tête en haut ou tête en bas. L’eau accueille et rejette ; elle ne s’oppose pas à notre intrusion dans sa substance et, en même temps, elle nous repousse, grâce à quoi plonger et flotter deviennent possibles. Son étreinte est glacée – il faut se jeter dans ses bras résolument – et douce à la fois : elle s’enroule autour de nous dans une caresse continue et totale. D’ailleurs, la vie est née dans l’eau, nous ne sommes que des poissons attardés trop longtemps sur la terre ferme ; le corps humain, dans chacune de ses cellules, contient un petit océan intime, reliquat jalousement préservé de la piscine originelle. Qu’on puisse encore se noyer après ça me remplit d’étonnement.
J’écris ces lignes dans un café. Suivre le dégoulis de la pluie sur la vitrine, prendre une gorgée de café, passer la langue sur les lèvres et zyeuter une seconde les gens et les environs. Réflexe d’amphibien de l’ère préhistorique : aspirer une lampée en tenant les yeux au-dessus de la surface du liquide (ou de la mousse du cappuccino), surveiller les alentours au cas où quelqu’un, quelque chose… Il existe deux sortes de gens, ceux qui lèvent leur tasse en abaissant leurs paupières et ceux qui sirotent leur café en regardant à droite, à gauche, attentifs à l’environnement. Bel exemple de persistance de l’adaptation à la vie aquatique.
Derrière les volutes du café brûlant qui embuent mes lunettes au passage, je dois faire un peu pythie. Pythie en attente d’un oracle.
À propos d’oracles : je vais réussir dans la vie. Journaliste ? Romancière ? Poète ? Bonne à rien ? Une rien du tout ? Faudra que je me branche un jour. Maman a tellement d’ambition pour sa fille, si nonchalante. J’ai plus d’affinités avec Peluche, notre chatte, l’experte en indolence.
Plus impatiente que sa progéniture, maman me pousse, me presse, me pointe du doigt les étals du succès, de la gloir e et de la richesse où tout est donné aux audacieuses, suffit de tendre le bras et de se servir. Au lieu, tournant le dos à ce gracieux festin, je cède à un inexplicable penchant qui me fait trouver ma délectation à fignoler sans fin mes jolies phrases sur la verte pelouse de la paresse.
Bon, maman ne parle pas comme ça, je la paraphrase, elle a un langage normal.
Elle travaille au ministère du Revenu et ses conseils valent leur pesant d’or. Question finances, elle est imbattable. Pour le reste, sa conversation consiste en enfilades de phrases surlignées en rose tirées des ouvrages de psycho-pop qu’elle affectionne. Son vocabulaire, je n’ose dire son intelligence, pâtit de cette littérature. Maman abonde en « pensons positif », « cheminement » et « lâcher-prise ». « Lâche prise et lâche-moi », que je lui réplique, fille ingrate, adepte de la pensée sans tact. Moins on en dit, plus on est clair.
Papa est sismologue à la Commission géologique du Canada. Par déformation professionnelle, il ne pose jamais de questions. Il enregistre : les signes, les indices, les frémissements. Inutile d’essayer de lui cacher quoi que ce soit. Un tressaillement, un cillement, et il localise l’épicentre, la profondeur et l’intensité du séisme, pose le doigt sur la faille qui a joué. C’est charmant, parfois ; assommant le reste du temps.
Dans les moments d’attente ou de désœuvrement, il m’arrive de croiser les bras derrière le dos. Mes mains reposent alors sur les rondeurs de mes fesses, ce qui me permet d’apprécier à mon tour ce que d’autres apprécient en elles. Ou alors, mes bras croisés sous ma poitrine soutiennent et soupèsent mes seins dont le poids et la fermeté me plaisent, à moi aussi.
Ce sont de petites expériences quotidiennes qui adoucissent la vie. J’ai toujours un objet sous la main ou sur les bras pour m’occuper et me rassurer.
Et quand, d’aventure, je porte les mains plus haut, force m’est de constater la dureté de mon crâne.
Je peine souvent à concilier les aspects de ma nature métissée ; mon père est un homme, ma mère une femme. Je dois tenir de ma mère de ce côté. Les humains ne se reproduisent pas, pas encore du moins. Ils créent des êtres inédits, mêlant leurs gènes au hasard, sans prévoir le résultat. Avec les progrès de la génétique et du clonage, ce genre de cocktail risqué sera proscrit. Si jamais j’ai la possibilité de me cloner, de me reproduire , donc, j’aimerais m’apporter quelques retouches, mineures, minimes, mais que ferai-je du prototype, du brouillon, c’est-à-dire de « moi » ? En arriverai-je à me snober moi-même ?
J’ai dix-neuf ans bien comptés, l’ai-je déjà dit ? Je ne les ai pas toujours eus ; la première aventure de ce recueil remonte à la fin de mon adolescence.
N’empêche, je suis majeure, la vie peut faire de moi ce qu’elle veut.


La beauté intérieure







Brouhaha, portes des cases qui claquent, barrissement des chaises sur le plancher, bousculades, jeux d’épaules et de hanches. La vie, dans une école secondaire, est pleine de bruits et de fureur.
Chaque élève reprend sa place, œuf pressé de gagner son alvéole dans son carton. Il est vrai que nous sommes encore en état de couvaison. La coquille gêne. Dans plusieurs cas, elle a déjà éclaté.
Je m’installe à une place libre, fais l’œuf discret, silencieux. Regards périscopiques. Sans provoquer les contacts, je ne les décourage pas non plus, prête à dire : « Merci de vous intéresser à moi. » Même proportion d’éteints et d’illuminés que partout ailleurs, me semble-t-il. Au fond, voilà une constatation rassurante. Je devrais, ici aussi, dénicher une ou deux personnes fréquentables. Attendre qu’elles me remarquent, que les affinités secrètes entre « gens de qualité » opèrent spontanément ? Prendre les devants ?
« Bonjour, je m’appelle Noëlle, excusez la moiteur de mes mains. Quand vous me connaîtrez mieux, vous me trouverez très sympathique. »
Il faudra tester cette approche un jour. Quel cobaye pas trop dégoûté m’offrira ses paumes en papier buvard ?
Le truc,

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