J irai voter pour Bourbaki
88 pages
Français

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J'irai voter pour Bourbaki , livre ebook

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Description

J’irai voter pour Bourbaki est d’abord un roman.
C’est aussi l’actualité.
C’est un roman qui fictionne et frictionne la réalité.
C’est surtout le cri d’une génération et c’est tout un programme.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 27 octobre 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782363156105
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

J irai voter pour Bourbaki


M. TUTTLE

2016
ISBN:9782363156105
Cet ebook a été réalisé avec IGGY FACTORY. Pour plus d'informations rendez-vous sur le site : www.iggybook.com
 
 
 
 
 
 
Deux de mes amis sont morts il y a trois mois et j’ai toujours du mal à remonter à la surface.
 
Pourtant, j’ai déjà vécu ce sentiment de tristesse et d’impuissance quand mon père est décédé brutalement, en tombant d’un échafaudage, le samedi 26 février 2000 alors que j’avais 13 ans. J’ai déjà vécu ce plein de vide et j’ai survécu à l’absence, mais cette fois je sais que le temps n’y fera rien. Il faut que ça sorte par mes doigts autrement qu’en grattant des cordes, il faut que tu saches qui étaient mes deux amis, Lana Bourbakis et Aurélien Nguyen.
 
Aurélien, tu n’en as jamais entendu parler, pourtant l’idée de départ d’AGORA, c’était lui. C’était surtout mon meilleur ami, mon ami de toujours, mon frère de pas-sang.
Lana c’est déjà plus probable que cela te dise quelque chose, ou au moins Bourbaki 2017. Tu te souviens peut-être aussi ce qu’en disaient les médias le 25 décembre 2016 ? « Le porte-parole de l’hôpital Georges Pompidou a annoncé ce matin le décès de Lana Bourbaki, la révolutionnaire grecque plus connue sous l’avatar de Bourbaki 2017… », « Lana Bourbaki, la Che Gevara 2.0 a succombé des suites d’une longue maladie à l’hôpital Georges Pompidou… »
#mortlanabourbaki #finbourbaki2017
Ce jour-là, sa disparition occupe une partie de l’espace médiatique, non pas de l’espace, c’est trop vaste, disons la communauté médiatique, c’est plus juste. Il faut dire que le jour de Noël, l’actualité n’a pas grand-chose à se mettre sous la dent. Les politiques profitent de leur famille, les journalistes aussi, parfois ensemble, et même les news économiques sont en congés. Alors, avec la mort de Lana, l’actu est un peu moins seule. C’est surtout un beau cadeau pour la classe politique, disons, pour la faune politique, c’est plus raccord avec la réalité.
#faitescommeavant #votezpournous #enfinsurtoutpourmoi
C’est que Bourbaki 2017 commençait à prendre un peu trop de place dans le paysage politique français, je veux dire, sur l’échiquier politique français.
Un sondage internet sauvage l’avait même crédité de 24 % d’intentions de vote aux présidentielles chez les 18–30 ans. Coluche et Deez Nuts pouvaient être fiers. Par contre, ça devait piquer dans les partis. Un avatar numérique devant leurs champions made in médias de France, ça fait désordre.
 
Je ne sais pas si tu as remarqué mais à chaque fois qu’on parlait de Lana, on utilisait les termes “révolutionnaire”, “Che Gevara 2.0”, “ennemie de la démocratie” ou mot compte triple “terroriste de la démocratie”. Ok, il faut bien la situer elle et son Bourbaki 2017 qui débarquent de nulle part, mais dans ce cas, il y avait d’autres adjectifs comme néo-démocrate, hyper-démocrate, démocrate radicale.
C’est important les mots. Communauté n’est pas espace, faune n’est pas classe, échiquier n’est pas paysage. C’est si important qu’il y a un terme pour ces mots spéciaux qu’on utilise pour communiquer en politique : les “éléments de langage” ou EDL. Il y a même des spécialistes dénicheurs de ces mots, les communicants, dont le métier consiste à raconter une histoire avec ces EDL qu’on appelle le storytelling. Quand ces fameux EDL sont bien emballés dans du storytelling et que le tout est répété, rabâché, matraqué, repris, partagé, #tweeté, ##retweeté ; et que cette vérité en remplace une autre qui les arrangeait moins, on dit alors qu’ils ont bien communiqué.
Sur le cas Lana, la sphère politico-médiatique, non, le milieu politico-médiatique a oscillé entre « Elle veut venger son arrière-grand-père et en veut à la France », « La révolutionnaire grecque veut venger son peuple de l’Europe » et « Cette Che Gevara 2.0 désespérée cherche à détruire notre démocratie ».
Quelques-uns ont bien essayé de défendre une autre version, mais il y avait toujours l’argument imparable, la quinte flush du débat « Si vous la défendez, vous êtes comme elle, contre la démocratie et vous ne valez pas mieux que cette terroriste ». Échec et mat.
 
Heureusement pour notre civilisation, Lana est décédée et Bourbaki 2017 n’est plus. Le 7 mai, un des champions de parti sera forcément élu Président de la République.
 
Pourtant, en faisant du “fact-checking” qui est le mot pour dire qu’on vérifie ce qu’on dit ou écrit, on aurait facilement découvert qu’elle n’avait rien à voir avec Charles-Denis Bourbaki ou Constantin-Denis Bourbaki, les aïeux qu’elle était censée venger. En y regardant de plus près, on se serait aussi aperçu qu’elle s’appelait Lana Bourbakis et non pas Bourbaki.
On aurait également découvert que ses parents, Nikolaos Bourbakis et Athena Papadopoulos étaient bien Grecs, mais ils avaient fui la dictature des colonels dans les années 70, donc bien avant la crise grecque. Lana, leur première fille, née à Chicago en 1977 était donc au moins autant américaine que grecque, si ce n’est plus.
Enfin, on se serait surtout rendu compte que Lana n’avait rien de la personne aigrie sans avenir. Elle avait fait Stanford, puis un an à Sciences Po avant de s’installer à Paris car elle adorait la France. Si elle était effectivement désespérée de la désespérante situation de notre pays et plus généralement du monde, elle n’était pas désespérée par la nature humaine, bien au contraire. Après avoir travaillé plus de quinze ans dans une agence de communication, elle s’était même lancée dans un projet politique au sens noble du terme.
Et, c’est cela que je dois partager avec toi si je veux remonter à la surface.
 
 
 
 
 
 
Si je dois trouver un commencement à tout cela, cela serait un beau, enfin moche, samedi de septembre 2016, le jour où Patricia m’a dit « c’est pas possible » sous un porche.
 
La première fois que j’ai vu Patricia, j’avais 13 ans. Elle avait accompagné sa mère, Mme Da Cunha qui était venue discuter avec la mienne quelques jours après la mort de mon père. Patricia avait ce regard bienveillant et triste qui avait l’air de me dire « Je suis désolée pour ton père et pour toi ».
Je l’ai ensuite revue de temps en temps quand sa mère venait nous rendre visite à Paris, puis plus rien d’elle pendant des années.
Patricia avait resurgi comme un ballon qui sort de l’eau en novembre 2015. Nous nous étions retrouvés côte à côte à allumer des bougies sur la Place de la République. Cette Patricia était différente bien sûr, mais elle avait toujours ses beaux yeux noirs qui prennent le temps de regarder.
Je me souviens encore de ce moment étrange où j’étais évidemment triste de ce qui s’était passé quelques jours auparavant et à la fois heureux de la retrouver. En se quittant, nous nous sommes promis de nous revoir. On s’est revus la semaine suivante, une autre fois, puis de plus en plus souvent, jusqu’à ne plus nous quitter, sauf quand on y était obligé.
 
Je travaillais à la Défense et j’habitais à Boulogne-Billancourt, Patricia était Institutrice à Lognes et habitait à Bussy-Saint-Georges. Nous étions donc à 45 km l’un de l’autre, c’est-à-dire plus d’une heure porte à porte en référentiel RATP, autant dire un autre fuseau horaire. Alors, en attendant sa mutation, elle avait pris l’habitude de me rejoindre dans mon studio le mardi et le vendredi soir.
En août 2016, nous avions passé quelques jours dans sa famille au Portugal et l’on comptait rajouter une couche de bonheur en 2017, en passant devant le maire et le curé. Elle tenait à ce que tout soit fait dans les règles de l’art catholique. Cela présentait aussi l’avantage d’accélérer notre regroupement vis-à-vis de l’Éducation Nationale.
À la fin de l’été, nous étions al

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