Je ne te renierai pas
227 pages
Français

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Je ne te renierai pas , livre ebook

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Description

Quand il réalisa qu'il avait été enterré vivant, le prince Bogdan s'efforca de contrôler la panique qui l'envahissait, mais sans réellement y parvenir. Immobilisé dans sa gangue de sapin, il pouvait à peine bouger les bras et les jambes, tandis que les battements de son coeur affolé ne lui parvenaient même plus...

Quand Radu Dracula meurt en Octobre 1476, il ne sait pas que sa vie ne fait que commencer. Le Diable lui confie une quête qui justifie sa condition de non-mort.

Dans ce cinquième Opus, Radu se rapproche de sa proie. De son côté, affaibli, Judas Iscariote veille et, malgré Mina, parvient à prévenir le dernier descendant du Christ du danger qui le guette. Alors que dans son monastère pyrénéen, Torquemada attend patiemment que son piège se referme sur le vampire, la poursuite continue...

Après Prenez et buvez, ceci est mon sang, Que cette coupe s'éloigne de moi, L'un de vous me livrera ! et Jesus, Fils de David, aie pitié de moi! Philippe Lemaire continue à réécrire le mythe du vampire et sa quête du Graal. Une nouvelle vision de Dracula.

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Nombre de lectures 4
EAN13 9782369762409
Langue Français

Extrait

Mentions légales CHAPITRE 1 CHAPITRE 2 CHAPITRE 3 CHAPITRE 4 CHAPITRE 5 CHAPITRE 6 CHAPITRE 7 CHAPITRE 8 CHAPITRE 9 CHAPITRE 10 CHAPITRE 11 CHAPITRE 12 CHAPITRE 13 CHAPITRE 14 CHAPITRE 15 EPILOGUE
Table des matières
Philippe Lemaire  Radu DRACULA Tome 5 Je ne te renierai pas (Marc 14 –31)
Mentions légales
©2016 § Philippe Lemaire.Illustration:©2016 Philippe Lemaire. Édité par Lune-Écarlate 66 rue Gustave Flaubert 03100 Montluçon, France. Tous droits réservés dans tous pays. ISBN :978-2-36976-240-9
. Le code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou représentation intégrale ou partielle faite par quelques procédés que ce soit, sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit, est illicite et constitue une contrefaçon au terme des articles L,122,-5 et L,335-2 et suivant du code la propriété intellectuelle.
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CHAPITRE 1
Kinlochleven, Ecosse, décembre 2009.
Le concert de bêlements habituel accueillit Jason q uand il atteignit l’enclos d’hivernage. Sans tenir compte des chiens qui s’agitaient tout autour du tracteur, il stationna le vieux Massey Ferguson parallèlement au muret de granit et grimpa dans la remorque. A grands coups de fourc he, il commença à décharger le foin sur lequel se jetèrent les Blackfaces dans la plus parfaite confusion. Son labeur terminé, il sauta de la remorque et se dirigea vers la barrière constituant l’unique accès à l’enclos, précédé par les trois chiens. Les deux Border Collies attendirent sagement qu’il les ait rejoints tandis que le Beauceron manifestai t son impatience en donnant de grands coups de patt e dans le grossier portail de bois. Jason laissa les chiens s ’engouffrer dans la parcelle et après s’être assuré qu’ils n’avaient pas l’intention de s’amuser avec les moutons, trave rsa l’enclos enneigé pour aller contrôler l’abri de son troupeau. Après un bref coup d’œil, il fut rassuré quant à l’ état du baraquement. La dernière tempête n’avait provoqué aucun dégât majeur, du moins en apparence. Il brisa la fine pellicule de glace qui s’était formée en surface de l’abreuvoir, purgea la tuyauterie de la pompe à bras en l’actionnant à plusieurs reprises et regagna son tracteur. Il avait presque atteint la barrière quand le choc survint. Le décor enneigé qui l’entourait bascula tout à coup et il se retrouva sur le dos dans la poudreuse. Le souffle coupé, il mit quelques secondes à se reprendre, puis constata que le Beauceron le contemplait à moins d’un mètre, l’observant de son regard enjoué, la langue pendante. Les deux Border Collies, légèrement en retrait, ne semblaient pas comprendre ce qui était arrivé à leur maître et jappaient, co mme pour l’inciter à se relever. — Toi le frenchie, il va falloir que je t’apprenne les bonnes manières un de ces jours ! Jason se releva en s’assurant que le berger de Beau ce n’avait pas d’autre intention malicieuse et fit signe aux trois chiens de sortir de l’enclos. Il massa ses reins endoloris avant de grimper dans la cabine du Massey Ferguson et commença à redescendre vers la bergerie en contreba s. Après avoir négocié en souplesse un virage où le caoutchouc de ses énormes pneus adhérait mal à la g lace, il s’arrêta un instant pour contempler le pay sage. Un véritable décor de carte postale dont il ne se lass ait pas. Les montagnes enneigées semblaient protége r le Loch Leven qui pour sa part, donnait la nette impression de s’être approprié la vallée. Le Loch de mer avait tracé sa route à travers les monts des Highlands jusqu’au petit village de Kinlochleven, s’arrêtant là comme si le village lui interdisait de poursuivre sa route. Quand le soleil d’hiver dis parut derrière la montagne, la température déjà gla ciale tomba encore de quelques degrés et Jason poursuivit son chemin jusqu’à la bergerie qui dominait d’une bonne centaine de mètres les premières maisons du village en contreba s. Une fois le tracteur stationné, il se dirigea ve rs l’appentis protégeant son stock de bois et dut à nouveau faire face à l’impétuosité du berger français. Le « Bas- rouges » -comme disaient les français - ne semblait pas décidé à le laisser remplir sa brouette de bûches. — Ca suffit Eliot ! Calme-toi ! Le grand chien manifesta ce qui ressemblait à de l’étonnement en inclinant la tête de côté, mais finit par consentir à le laisser manœuvrer sa brouette jusqu’au seuil d e la bergerie. La porte s’ouvrit au moment au Jason arrivait les bras chargés de rondins fendus et Kate apparut sur le seuil. — Donne-moi ça et va vite chercher le reste. Pas qu estion de laisser la porte ouverte ne serait-ce que deux minutes avec ce froid glacial. Eliot et les deux Border Collies s’engouffrèrent dans la maison sans manquer de bousculer Jason au moment où il confiait son fardeau à sa femme. — Holly Shit ! Ce chien finira par réussir à me casser une côte un de ces jours ! Kate réceptionna les bûches en évitant les trois bergers et adressa un sourire moqueur à son homme. — Je crois me souvenir que c’est toi qui as insisté pour acheter ce chien, non ? — Je sais, je sais… Mais personne ne m’a prévenu que ces bergers français étaient de telles brutes. — Pourquoi crois-tu qu’on les utilise aussi bien pour les moutons que pour les vaches, hein ? Allez, d épêche-toi de rentrer ce bois au lieu de ronchonner après cette pauvre bête.
Jason calla consciencieusement les rondins de bouleau dans l’espace aménagé à cet effet sous la chemin ée et alla se servir une solide rasade de Loch Lomond. Armé de son verre de whisky, il s’attabla en soupiran t devant les courriers étalés sur la rustique table de chêne massif. — Qu’avons-nous comme mauvaises nouvelles aujourd’h ui ? Le propriétaire veut encore qu’on vende quelqu es agneaux, j’imagine ? — Tu imagines bien, hélas. Ce croft est une véritab le arnaque en fait. A bien y regarder, nous ne géro ns absolument rien. La vérité est que nous sommes just e là pour entretenir le cheptel du propriétaire tou t en l’enrichissant de loyers abusifs avec la bénédiction d’Edimbourg. Notre soi-disant liberté d’exploitants a fait de nous des cerfs au service d’un Seigneur du vingt et uniè me siècle, voilà la vérité. Il ne porte plus l’épée parce qu’une ceinture apparente dévoilerait sa brioche de bourgeois mais ce Mac Cavendish est un authentique Seigneur, il suffit d’avoir des yeux et une cervelle pour s’en rendre c ompte. Ah tiens, nous avons aussi reçu un courrier d’un autre Seigneur : le Directeur des Affaires Maritimes. Figure-toi que la Capitainerie de Port Appin a décidé d’augmenter le tarif de ses mouillages. Jason refreina une grimace et vida la moitié de son verre d’un trait. — Combien ?
— Lis toi-même… Jason se saisit du courrier à en-tête de la Direction des Affaires Maritimes et, après un bref coup d’ œil sur son contenu, rejeta le pli sur la table comme s’il lui salissait les doigts. — Cinquante cinq livres ? Ils finiront par allier mendier en kilt pour que des crevards comme nous entretiennent le château d’Edimbourg si ça continue ! Je ne payerai pas cinquante cinq livres de plus pour avoir le dro it d’amarrer mon bateau à une bouée, pas question. Je vais me dé goter une remorque pour le trimballer puisqu’on ne peut le laisser dans un port sans payer un prix prohibitif, voilà tout. Et cette lettre-là, c’est quoi ? — Eh bien j’attendais ton retour pour que tu me l’expliques, justement ! — Ah… Une de mes anciennes petites amies peut-être, c’est ça ? — Pas vraiment non.
Passablement intrigué, Jason s’assura qu’aucune ironie ne perçait dans le regard de sa compagne et dép loya le courrier devant lui. La lettre imprimée sur du papier de bonne qualité était signée « Judas Iscariot » et à la vue de ce nom manuscrit, il ne put s’empêcher de questionner sa femme du regard une deuxième fois. Kate lui rend it son sourcillement interrogateur, ne lui laissant d’autre choix que de lire la courte missive.
« Mon cher Jason, J’ai tout à fait conscience que vous considérez ma mission et mon identité comme relevant de la fable, mais des évènements survenus récemment ont considérablement affecté mes capacités à vous protéger et je ne puis désormais poursuivre ma tâche avec efficacité sans votre concours. Si vous persistez à ne pas vous soucier de votre âme, sachez que votre vie - et bien entendu celle d e vos proches – est désormais en danger comme elle ne l’a jamais été. Je continuerai à vous protéger, fut-ce contre votre gré puisque telle est ma mission, mais votre concours m’est désormais nécessaire pour conserver une chance de contrecarrer les desseins de la Bête. Merci de prendre ce courrier avec la considération qu’il mérite, je reviendrai vers vous sous peu. Votre bien dévoué, Judas Iscariot. PS : Si vous vous décidez à me répondre, utilisez u n recommandé car un courrier classique ne me parvie ndrait probablement pas sans avoir été lu par nos ennemis»
Jason reposa précautionneusement la lettre sur la table et finit son verre de Loch Lomond en s’efforça nt de ne pas laisser paraitre l’embarras que lui provoquait le regard soutenu de sa femme. Elle se leva alors s oudainement, manquant de renverser sa chaise de chêne massif, et agrippa la bouteille de whisky pour s’en remplir un demi-verre qu’elle éclusa cul-sec. — C’est qui ce mec ? Ton dealer n’est-ce pas ? Ne me ment pas Jason. — Ecoute Kate, ça n’a rien à voir. Ce mec est simplement en train de… — Simplement en train de te dire qu’il va te tuer e t tuer tous tes proches ! Jolie perspective, n’est-ce pas ? Je croyais que tu ne traficotais plus pour eux, Jason. C’est ce que tu m’avais dit, non ? C’est quoi ton plan au juste ? Qu’on s’escrime à bosser ici pour des exploiteurs o fficiels tout en en engraissant d’autres aux ambiti ons moins dissimulées ? C’est pour ça qu’on est venus s’enterrer dans les Highlands ?! Kate claqua son verre vide sur la table en réussissant l’exploit de ne pas l’éclater et, tandis que le bleu acier de ses yeux ne lâchait pas Jason, il tenta de trouver une issue à l’invraisemblable situation qui lui tombait dessus. — Ce mec n’est pas mon dealer, Kate. Il ne l’a jamais été. — Me voilà ravie de l’apprendre. Oserais-je demander pourquoi il veut te tuer dans ce cas ? — Mais il ne veut pas me tuer voyons ! Tu as mal co mpris, il veut me protéger au contraire. C’est une histoire à dormir debout en fait. Le genre d’histoire que ma famille affectionne et qui m’a poussé à m’éloigner d’eux et de leurs lubies paranoïaques. — Serait-ce trop demander que d’avoir connaissance de cette histoire ? — Ok, ok. Tu pourras ainsi mesurer à quel point ils sont illuminés. Alors voilà : avec la modestie qui la caractérise, ma famille est persuadée que nous sommes des descen dants du roi David et du Christ. Or, afin de protég er leur patrimoine et leurs comptes en banque – du moins c’ est ce que j’imagine - ils se sont persuadés depuis des générations qu’une créature démoniaque poursuivait notre lignée aux quatre coins de la planète, et ceci depuis des siècles. Les yeux de Kate qui ne lâchaient pas ceux de Jason brillèrent d’un éclat annonciateur de tempête. — Tu ne te moques pas de moi, j’espère ? Je te prév iens, Jason Schirt, que si tu essayes de me monter une histoire abracadabrante pour me dissimuler tes dernières magouilles, je retourne là où tu m’as trouvée et te laisse te débrouiller seul avec ce croft ! — Crois-tu vraiment que j’irais inventer une histoire aussi invraisemblable si je voulais vraiment te cacher quelque chose ? — Continue, je t’écoute. — Le type qui a signé ce courrier se fait passer pour l’apôtre Judas, et ma famille fait mine de croire que c’est bien lui. Ca signifie que ce gars protègerait notre royale lignée depuis plus de deux mille ans, tu me suis ? On est en plein conte des mille et une nuits quoi… — Ca en a tout l’air, en effet. J’imagine donc que ce n’est pas la première fois qu’il t’envoie ce gen re de lettre, n’est-ce pas ?
— Eh bien si, figure-toi. Il sait très bien ce que je pense de leurs lubies, il sait que je refuse tout contact avec eux et c’est bien la première fois qu’il ose me contacter directement. Kate caressa la tête d’un des Border Collies qui, s entant la nervosité croissante de sa maitresse, ten tait de l’apaiser en posant son museau sur ses genoux. — Et qui est cette « Bête » contre laquelle il est sensé te défendre ? — Un monstre monté de toutes pièces par leur paranoïa, bien entendu. Une sorte de vampire ou de loup-garou, tu vois le genre ? — On est en plein délire effectivement. Qu’est-ce que tout cela laisse présager d’après toi ? — Je n’en sais rien mais les connaissant, c’est certainement une histoire de gros sous. Après le suicide de mes parents, je n’ai presque rien récupéré car mon père était un si bon investisseur qu’il a fini ruiné. Enfin, c’est la version officielle en tout cas. Peut-être ont-ils retrouvé un magot planqué quelque part et ont-ils besoin de moi pour pouvoir le récupérer. Ca leur ressemblerait bien. — Si tel était le cas, que ferais-tu ? — La sourde oreille bien sûr. Je ne veux rien avoir à faire avec eux, fut-ce pour récupérer une petite fortune. Avec des sangsues pareilles sur le dos, tu n’es même plus maître de tes propres chiens, crois-moi. — Ok Jason, je veux bien croire à ton histoire. Je sais que tu as de l’imagination mais je ne crois pas que tu sois assez tordu pour me monter un scénario aussi fantasque. Que vas-tu faire ? Lui répondre ou l’ignorer ?
Jason alla s’octroyer une deuxième rasade de Loch Lomond et s’arrêta devant le fourneau où mijotait un porridge parfumé. Il touilla la bouillie de flocons d’avoine , libérant des effluves qui attirèrent immédiatemen t Eliot et les deux Border Collies. Il caressa pensivement la grosse tête du beauceron qui lui adressait un regard suppliant. — Qu’est-ce que tu ferais à ma place, le frenchie ? Tu lui répondrais pour l’envoyer balader je parie, hein ? Je crois que c’est ce que je vais faire, Kate. Si je ne lui réponds pas, je pense que ce type va insister et peut-être même qu’on le verra débarquer ici un de ces jours. Et ça, je n’y tiens pas du tout. Kate se saisit des courriers, les replia avant de l es ranger dans un tiroir du buffet et commença à dr esser le couvert. Elle rejoignit ensuite son homme près du porridge fumant et, après avoir contemplé Jason quelques instants, déposa un baiser furtif sur ses lèvres. — Jason Schirt, un authentique descendant du Christ. Il faut vraiment habiter au pays de Nessie et des châteaux hantés pour avaler une chose pareille !
CHAPITRE 2
Londres, Angleterre, décembre 2009.
Lansdowne Road était parfaitement déserte quand l’a utobus déposa le fils de l’Iscariot à quelques diza ines de mètres de sa somptueuse propriété. Il ne put s’empê cher de jeter un coup d’œil aux alentours avant de pousser le portail, tout en prenant conscience une énième fois de la futilité d’une telle précaution. Qu’est-ce q ue ça aurait changé qu’il aperçoive un visage blafard en train d e l’épier ? Absolument rien. Il déposa ses deux cab as remplis de provisions au pied du perron avant d’en extraire des petits filets remplis de friandises pour oiseaux. Son regard, bien malgré lui, inspecta une fois de plus les abords de la villa, puis il finit par se décider à la contourner pour rejoindre les jardins. Un silence total y régnait, un silence com me ceux qui envahissent les zones oubliées de certa ins vieux cimetières. Après avoir décroché des arbres les sac hets de graines intacts qui les garnissaient, il le s remplaça par ceux qu’il venait d’acheter. Des « friandises irrésistibles pour toute créature du Bon Dieu munie d’une paire d’ailes » avait dit le responsable de la graineterie de Notting Hill. Plus que dubitatif sur le succès éventuel de ces nouvelles gâteries, mais conscient d’avoir une nouvelle fois tout essayé, Judas s’éclipsa de ce jardin désormai s honnis des oiseaux.
Il récupéra ses deux sacs, gravit le perron et déverrouilla la porte d’entrée de la résidence. Le silence de sépulture qui régnait désormais dans la grande bâtisse avait quelque chose de profondément déprimant mais il s’e fforça de l’ignorer. Il entassa ses provisions pèle mêle dans le réfrigérateur et dans les placards de la cuisine aménagée avant de regagner son bureau. L’ordinateur qui était rest é en veille mit un temps considérable à s’ouvrir su r la page d’accueil. Il fallut ensuite patienter encore pendant de longues minutes pour que les derniers message s de sa boite mail au nom de Mark Westmoreland daignent apparaitre. Il ne releva rien de bien intéressant. Ses principaux contacts ayant presque tous cessé de communiquer avec lui depuis que sa ligne était sous le contrôle des vampires. Il ouvrit cependant un courriel de son fournisseur d’accès à internet et s’amusa presque de la lenteur avec laqu elle le message s’affichait. Une lenteur stipulant clairement que son PC n’était pas le seul à ouvrir cet innocent courrier.
Judas quitta son siège pivotant, laissant aux morts-vivants le soin de prendre connaissance de l’état de ses dettes chez BT Internet, et alla se servir un Brandy dans le Salon. Il porta un toast muet à d’éventuels observateurs aux yeux rougeoyants et alla se planter devant la grande bai e vitrée donnant sur les jardins. Visiblement, les « friandises irrésistibles pour toute créature du Bon Dieu munie d’une paire d’ailes » n’avaient pas plus de succès que les autres aliments pour volatiles qu’il testait depuis bientô t sept mois. Le coquet petit parc restait dépourvu de toute vie animale, semblant irrémédiablement assujetti à la m alédiction qui le frappait. Un instant, il crut apercevoir un visage émerger de derrière la haie de sombres thuyas. Se sachant observé nuit et jour, quelle importance cependant qu’un non-mort commette de temps en temps la maladresse d e se laisser repérer ? Aucune, de toute évidence. Il scruta cependant les abords de la haie pour tenter d’apercevoir à nouveau la face de carême qu’il avait cru distinguer. Après une observation soutenue, il dut cependant se rendr e à l’évidence que si un vampire se cachait là, le monstre ne semblait plus disposé à se laisser voir de nouveau.
Le fils de l’Iscariot songea alors que quelques moi s plus tôt, une autre vampire s’était trouvée dans ce même jardin. Une vampire qu’il avait invitée à rentrer c hez lui en toute connaissance de cause, une vampire comme le Gardien du Sang du Christ ne savait pas qu’il puiss e en exister. Par quelque invraisemblance de Sa Cré ation, Dieu avait permis qu’une âme aussi pure que celle de la fille de Dracula anime désormais le corps d’un monstre semblable à ce qu’était devenu son père. Comment, en Sa grand e bonté, le Créateur avait-Il pu permettre qu’une telle horreur puisse se réaliser ? Judas en venait parfois à se d emander si Jésus lui-même aurait eu une réponse à c ette aberration. Cette princesse du moyen-âge slave, récemment réincarnée dans un corps ni mort ni vivant, n’avait de démoniaque que sa terrible filiation. C’était peut- être même une authentique sainte en fait. Après tou t, qui d’autre qu’une sainte aurait eu le courage, à peine ressusc itée à cette ignoble non-mort, de s’opposer au Maît re des vampires, fut-il son propre père ? Un père qui, en fin de compte, avait eu le dernier mot en enlevant sa fille après l’avoir utilisée avec toute l’ingéniosité diabolique dont il était capable. Non content d’avoir pu ide ntifier le Gardien du Sang du Sauveur dissimulé sous l’identité de Mark W estmoreland, le vampire était indéniablement parvenu à réduire sa marge de manœuvre de façon considérable. Un reve rs comme Judas n’en avait jamais connu en plus de d eux mille ans.
Le carillon de la porte d’entrée l’arracha soudainement à ses pensées. Il finit son verre de Brandy d’un trait et le posa sur un coin de la table du salon avant d’aller s’enquérir de son visiteur. Depuis qu’il se savait surveillé vingt quatre heures sur vingt quatre par les vampires, Judas s’était attendu à maintes reprises à en voir un venir frapper à sa porte. Bien que ça ne se soit pas encore produit, il y était préparé en permanence. Son immunité divine contre les pouvoirs des créatures de l’Ange Déchu l’avait long temps persuadé qu’il n’avait rien à craindre d’eux, mais sa dernière entrevue avec Dracula avait mis à mal cett e conviction. Sans se montrer plus capable que ses prédécesseurs de le mordre, Radu Dracula était cepe ndant entré dans une rage folle et avait déchiqueté de ses propres mains tout un pan de mur du cimetière d’Highgate. Que serait-il arrivé si un des énormes blocs de pierre qu’il projetait en tous sens lui était arrivé en pleine figure ? Etait-il immunisé contre ce genre d’attaque ? Pour autant qu’il
sache, son corps immortel n’était pas à l’abri des atteintes de la matière et il lui arrivait encore de se couper avec un couteau. C’est donc en serrant fortement un crucifix et animé de sa foi à toute épreuve que l’ancien apôtre alla ouvrir la porte de la résidence. La factrice se tenait là, souriante et brandissant une lettre recommandée. — Bonsoir Monsieur Westmoreland. J’ai encore une lettre recommandée pour vous. Vous avez pris des actions à la Poste ou quoi ? — Bonsoir Meg. Vous en plaindriez-vous ? — Certes non ! Si la Royal Mail n’avait que des cli ents comme vous, elle serait obligée d’embaucher à tour de bras et par les temps qui courent, faut pas refuser le boulot, hein ? Signez ici s’il vous plait. Judas signa le récépissé de livraison et salua avec courtoisie la fonctionnaire qui s’empressa d’aller ré enfourcher son scooter. Tandis qu’elle s’éloignait sur le deux roues, il lui adressa un salut de la main tout en scrutant Lansdowne Road. S’il avait décelé le moindre visage blafard d issimulé derrière un taillis à ce moment, il lui au rait probablement agité le courrier sous le nez pour lui signifier clairement « en voilà un où tu n’iras pas fourrer tes yeux de sangsue ! ». Retournant l’enveloppe, il prit connaissance de l’i dentité de l’expéditeur, c’était celle qu’il n’osai t espérer : Jason Schirt.
« Monsieur, Quel que soit le rôle que vous jouez pour le compte de ma famille, je vous demande d’y renoncer immédiatement. J’ai depuis longtemps renoncé à tout contact avec le simulacre de mafia instauré depuis des temps immémoriaux par mes aïeux et j’entends bien que mon souhait de me t enir à l’écart de tout cela soit respecté. Je serai s en danger selon vous ? J’aurais besoin de votre protection ? Dites-vous bien, cher Monsieur Judas, que si vous tentez de m’approcher par quelque moyen que ce soit, c’est vous qui serez en danger car je n’accepterai pas qu’une pseudo-mafia de financiers ratés s’approche du troupeau de brebis que je gère à la sueur de mon front. Ici, d ans les Highlands, les cravatés qui lorgnent sur nos moutons, on leur tire dessus. Vu ? Alors si vous avez deux sous de bon sens, signifiez à ceux qui vous envoient qu’il n’y a rien à traiter avec moi. Jason Schirt »
Judas ne put s’empêcher de lire le courrier une deuxième fois en songeant qu’un vampire dissimulé sur le toit de la maison en profitait peut-être pour le lire aussi . Un sourire ressemblant à une grimace apparut dans sa barbe épaisse tandis qu’il s’enfermait dans la propriété en se grattant la tête. Si ce Jason Schirt avait au tant de caractère que son aïeul connu sous le nom de Jésus de Nazareth, l’affaire était loin d’être entendue.
Parvenu dans le salon, il déplia soigneusement le courrier sur la table basse et en étudia minutieusement tous les aspects. Le papier comme l’enveloppe étaient de qualité grossière, tachés par endroits, confirmant que Jason l’avait bien rédigé au coin d’une table de bergerie crasseu se. L’écriture était quant à elle nerveuse, les bar res des « t » exprimant clairement une volonté inébranlable, de même que les points en forme de tirets. Il s’attarda un moment sur la signature où seuls le « J » du prénom et le « S » du nom étaient lisibles. Jason avait-il jamais eu conscience que son nom de famille était une anagramme de « Christ » ? Peu probable au vu de la signature. Quoi qu’il en soit, l’ancien apôtre allait devoir répondre à ce lointain descendant de celui qui avait été son maître et a mi. Un deuxième verre de Brandy lui sembla absolument indispensable avant de se lancer dans de plus amples explication s. Jason allait-il croire, ne serait-ce qu’en partie, ce qu’il avait l’intention de lui raconter ? Rien n’était moins probable.
«Mon cher Jason, Je vous remercie d’avoir pris la peine de me répond re. J’ai donc bien pris note de votre souhait de vo us tenir à l’écart des soucis qui affectent votre famille. Vou s ne voyez dans leurs agissements que pures spécula tions financières et quelque part, je vous comprends. En fait, j’irais même jusqu’à dire qu’à votre place, il est vraisemblable que j’eusse pu, par le passé, avoir la même réaction que vous. Seulement voilà, je ne suis pas à votre place. Que vous l’admettiez ou non, je suis né avant que le calendrier dont vous vous servez ne soit créé. Vo s doutes légitimes quant à mon existence ne la remettent en cause que de votre point de vue car, pour ma part, j’ai encore toute ma raison et sais très bien qui je suis ou ne suis pas. Je sais que vous n’allez vraisemblablement accorder aucun crédit à ce qui va suivre. C’est dans votre façon d’appréhender les choses après tout, et croyez-bien que j’ai le plus profond respect pour les libres penseurs de votre acabit. Je déplore même qu’ils se fassent de plus en plus rares, voyez-vous, car les êtres authentiques comme vous l’êtes sont souvent à même d’exercer un jugement éc lairé. Quand vous aurez pris connaissance de ce qui suit, je vous serais d’ailleurs gré de reconnaître, malgré toute la méfiance que je vous inspire, le mérite qui est le mien. Un mérite qui, à mon sens, tient à l’accomplissement d’une mission à nulle autre semblable. Lorsque votre glorieux aïeul a accompli sur cette terre ce qui devait l’être, croyez bien que j’eusse de loin préféré le suivre dans l’autre monde. Pour être tout à fait honnête, j’ai même tenté de me soustraire à ce qu’ il attendait de moi en ayant recours au suicide, mais je ne suis pas parvenu à inverser le cours de la Providence. Le seul qui en soit capable avait déjà commencé à œuvrer et je ne tarda i pas à m’en rendre compte, tout en réalisant la dimension de ma tâche. Jésus de Nazareth avait parfaitement bouclé son ministère, mais son œuvre contraignit le Malin à œuvrer comme jamais pour en contrecarrer la portée. Le Mes sie devait son succès aux prodiges qu’il avait acco mplis bien sûr, mais aussi et surtout à l’immense ascendant moral qu’il avait exercé sur les foules ; un ascendant lui garantissant la transmission de son enseignement pour les siècles des siècles. L’Ange Déchu estima alors que le moy en le plus
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