La valse des nantis
213 pages
Français

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La valse des nantis , livre ebook

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Description

Un braquage qui tourne mal et des années de prison à ruminer sa vengeance. Jean-Philippe Valon parsèmera son périple européen de cadavres sanguinolents à la recherche de celui qu'il tient pour responsable de la mort de son meilleur ami.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2011
Nombre de lectures 0
EAN13 9782363154446
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0010€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La valse des nantis
(sur un guéridon en bois)

Christophe TABARD

2011
Cet ebook a été réalisé avec IGGY FACTORY, un outils de production simple pour créer des ebook aux formats epub et mobi Pour plus d'information rendez-vous sur le site: www.iggybook.com
1
 
«C’est hasarder notre vengeance que de la reculer.» Molière, Don Juan
 
Et voilà.
Ça y est. Je suis dehors. Six heures du mat’, on est en plein hiver et j’me les gèle. Quand je suis rentré c’était en été. Il faisait beau. J’avais six ans de moins. Aujourd’hui, j’en ai vingt-neuf,
on paye en euros et personne ne m’attend devant les portes de la prison de la Santé.
J’ai fait six ans pour rien. J’avais beau dire que j’étais innocent, personne ne voulait me croire, à part en taule. Mais, vous savez, les prisons sont remplies d’innocents alors…
Je m’appelle Jean-Philippe Valon et j’ai pris huit ans pour meurtre et vol avec violence, j’en ai fait six et j’ai eu une remise de peine pour bonne conduite. Les psy pensent que j’ai de bonnes chances de me réinsérer ; conneries. Moi, la réinsertion, je m’en fout, ce que je veux, c’est buter le fils de pute qui m’a envoyé en taule.
Parce que je suis innocent, vous m’entendez !?
IN-NO-CENT !
 
Je remonte le Boulevard Arago jusqu’à la place Denfert-Rochereau et son lion. J’en reste sur le cul, comme si je le voyais pour la première fois. Le froid caresse durement mon crâne rasé et je m’engouffre dans un rade, le Denfert, le seul ouvert à cette heure-là, juste à côté de l’entrée du RER.
Je m’assois en terrasse sous la véranda, à côté des flippers. Les gens commencent à sortir ; travailler pour certains, rentrer se coucher pour d’autres. Le serveur, en livrée blanche impeccable, me sort de ma torpeur :
– Qu’est-ce que je lui sers au monsieur ?
– Son enthousiasme matinal me met mal à l’aise.
– Un café.
– Y veut des croissants ou des tartines ?
– Non merci.
– … du jus d’orange ? un œuf coque ? on a aussi une excellente tarte aux pommes maison…
– NON MERCI !
Il commence à me saouler celui-là, trop de bruit d’un coup, trop d’agressivité. Il faut que je me casse de là, que j’aille au calme. « C’est bien la peine d’être gentil avec les gens » dit le serveur à un de ses collègues alors que je franchis la porte et traverse la place en courant pour m’engouffrer dans le métro.
 
Arrivé sur le quai, le va-et-vient des gens m’étourdit encore plus.  « N’importe quoi, tu veux du calme et tu te jettes dans la gueule du lion (c’était le cas de le dire !)… » Je m’assois sur un strapontin : « Tu vas t’y habituer, vieux, tu vas t’y habituer… de toute façon, t’as pas le choix, sinon c’est retour à la case départ… »
La prison est, de ce point de vue là, rassurante. Il n’y a pratiquement pas de visages inconnus, une certaine harmonie y règne et j’avais réussi à me concocter un petit chez moi, partagé entre la lecture et la muscu. Et c’est ça qui m’a sauvé. J’aurais pu facilement me laisser aller à boire, me défoncer, chercher l’embrouille ou trafiquer pour faire un peu de thune. Mais je voyais pas les choses comme ça. Je savais qu’un jour je sortirai et ce jour-là, il fallait que je sois au top, physiquement, mentalement et intellectuellement. J’ai mis plus de deux ans à me sevrer des cochonneries que je m’enfilais dans les veines depuis l’âge de seize ans. Deux ans de véritable souffrance, à penser à la mort, à la dope. J’ai eu plus d’une fois envie de vendre mes fesses pour me payer un fix, retrouver le plaisir de la pompe. Mais j’ai pas craqué, non, mon désir de vengeance était trop fort et c’est lui qui m’a aidé à tenir.
Mais là, sur le quai, au milieu de tous ces gens, je me rends compte que je ne m’étais pas préparé à ça :  « Moi, m’avais dit Oswaldo, un vieux compagnon de cellule, j’ai pas pu m’y faire ! Tous ces cons qui couraient gagner leur croûte, qui me marchaient dessus, j’ai eu envie de me cacher, de retrouver mes habitudes »
– Et qu’est-ce que t’as fait ? je lui ai demandé.
– Bah, le premier flic que j’ai croisé, je lui ai cogné dessus. Trois côtes qu’il a eu de cassées, plus la mâchoire ! j’ai pris six piges pour ça. Faudra que je recommence quand je sortirai… »
Il était comme ça, Oswaldo. Mais lui, rien ni personne ne l’attendais dehors, tandis que moi…
 
Je devais aller chez Lydie. En fait elle s’appelait Lydia mais elle n’aimait pas son prénom alors tout le monde l’appelait Lydie. C’était la copine de Freddy à l’époque, mon meilleur pote, celui qu’on m’avait accusé d’avoir buté. Elle savait bien, Lydie, que j’avais pas pu faire une chose pareille, elle l’avait dit au procès. Mais qui écoute une junkie… Au début, elle m’avait écrit des lettres, une, des fois deux par jour, où elle me disait de tenir bon, de pas me laisser aller : je lui ai jamais répondu. Ça me faisait trop mal et puis, sans dope, avec seulement du subutex et mes couilles pour tenir le coup, j’avais pas la tête à entretenir une conversation sensée. J’avais eu l’idée de lui écrire après mais j’ai jamais osé. Je sais pas pourquoi : peur de replonger dans le passé, la honte, peut-être, de ne lui avoir jamais répondu, je sais pas… mais, en tout cas, ce matin j’étais bien décidé à aller chez elle, remuer la merde et retrouver ce fils de pute qui m’avait fait porter le chapeau !
Lydie habitait le 19ème arrondissement, près des Buttes-Chaumont. Je prend le métro, direction Porte de Clignancourt, changement à Châtelet, ligne 11, descente à Pyrénées : j’y suis.
Son studio se trouvait pratiquement au bout de la rue Botzaris. Je regarde les boites aux lettres. Pas de Lydie. Merde. J’y vais quand même. Je traverse la petite cour intérieure et plein de souvenirs se bousculent dans ma tête. Je grimpe les marches une à une, lentement, presque à reculons. Mon cœur bat la chamade. Je me demande même s’il n’a pas loué un marteau-piqueur pour soutenir un rythme si violent. Pourtant, en arrivant au deuxième, une odeur d’herbe me rassure aussitôt : elle est toujours là.
Son studio est situé au fond du couloir, au troisième étage. En m’approchant de la porte, l’odeur se fait plus forte, plus soutenue. Des bruits de voix raisonnent mollement chez elle. Je frappe.
Un gars vient m’ouvrir. Il est vêtu d’un tee-shirt qui avait été blanc autrefois. Il a un pétard au bec et son visage émacié est livide.
– Oui ?
– Est-ce que Lydie est là ?
– Lydie ! Y a un type pour toi !
Puis il retourne dans l’unique pièce du studio sans plus s’occuper de moi. Je rentre, ferme la porte et y pénètre à mon tour : deux mecs, dont celui qui m’avait ouvert, sont vautrés par terre, ainsi qu’une nana. Ils ont pas plus de vingt-cinq ans. Ils sont tous aussi blancs les uns que les autres et ne prêtent pas plus attention à moi qu’ils ne l’auraient fait avec une mouche à merde. Descente de trip je me dis. Une autre nana que je connais pas sort de la cuisine, suivie de Lydie.
Lydie.
Elle a vraiment changé. Elle a grossi, déjà, ce qui n’est pas un mal parce qu’à l’époque où on se défonçaient, elle n’avait que la peau sur les os. Par contre, son visage a durci, accentuant son regard noir. Un petit diamant orne sa narine gauche et ses cheveux ont une couleur violet délavé.
En la regardant, je me dis que moi aussi j’ai dû changer.
Lorsqu’elle me voit, son visage exprime une douleur qui remonte du fond de ses entrailles :
– Jean… Jean-Phi ? c’est… c’est bien toi ?
Des larmes commencent à rouler sur ses joues.
– Ben oui, c’est moi. Je suis sorti ce matin.
Elle se jette à mon cou en renversant le narguilé que les deux gars étaient en train de préparer.
– Jean-Phi… c’est pas possible… c’est bien toi… ?
Elle pleure à chaudes larmes pendant une minute alors que je la serre dans mes bras devant le regard

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