Le jardin 1
131 pages
Français

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Le jardin 1 , livre ebook

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Description

Dystopie - 280 pages



Kiaya mène une vie paisible au paradis, le jardin, où seules les femmes s’épanouissent et profitent de la protection divine tandis que les hommes démoniaques vivent sur Terre. Mais alors qu’elle fête ses vingt ans, la jeune élue est appelée à participer à la Récolte, une cérémonie sacrée qui s’organise autour d’un accouplement hebdomadaire avec un mâle prédéfini. Les femmes ne peuvent prospérer sans la gent masculine, telle est la terrible leçon qu’elle doit apprendre dans son box de reproduction.


Pourtant, les choses ne se passent pas comme prévu. Kiaya et le géniteur supposé la féconder se retrouvent soudain piégés dans de troublants événements qui n’ont rien du paradis, mais tout de l’enfer.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 24 novembre 2021
Nombre de lectures 2
EAN13 9782379613746
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le jardin – Tome 1

AUDREY ROUSSELIN
AUDREY ROUSSELIN

Mentions légales
Éditions Élixyria
http://www.editionselixyria.com
https://www.facebook.com/Editions.Elixyria/
ISBN : 978-2-37961-374-6
Concept de couverture : Didier de Vaujany
Chapitre 1

Le Transfert

J’avais entendu des bébés pleurer un million de fois. Au Jardin, il n’y avait rien de plus naturel. Notre mission consistait à engendrer les créatures de Dieu, et notre Seigneur bénissait chaque naissance, quelle qu’elle soit. Mais, ce soir-là, alors que Marie venait d’accoucher dans d’atroces souffrances, les chevilles et les poignets coincés dans des étriers, je n’avais pas le cœur de lui apprendre que le petit être vagissant, au creux de mes bras, allait disparaître pour toujours de sa vie.
Enveloppé dans une couverture en laine, douce et chaude comme sa peau, il peinait à ouvrir les yeux sur ce monde dont il ne connaissait rien. Je tenais sa minuscule tête déjà couverte d’une fine toison blonde. Marie, elle, était brune, preuve irréfutable que le sang d’un monstre coulait dans les veines de cet enfant. À sucer son pouce comme il le faisait d’un air si charmeur, on aurait pu s’y méprendre, mais il ne s’agissait pas d’un ange, loin de là. J’avais la créature du diable tout contre moi.
Jamais je n’avais vu de mâle d’aussi près. Jusqu’ici, les accouchements auxquels j’avais assisté avaient été bienheureux. Il arrivait néanmoins que Dieu place en notre sein l’un de ces monstres damnés qui nous fécondaient toutes les semaines. Nous ne les fréquentions qu’à cette occasion, dans un box de reproduction.
Au Commencement, Dieu avait souhaité que nous nous complétions. Nous avions chacun un sexe différent, mais pendant l’acte, nous ne faisions qu’un. Est-ce qu’Il avait planifié la trahison de notre homologue masculin ? Je n’en avais aucune idée. Tout ce que je savais, c’était qu’il fallait honorer les femmes et sacrifier les hommes.
— Le sexe, haleta Marie, en sueur. Dis-moi le sexe.
Mes muscles se tendirent tandis que je pesais le pour et le contre. Marie avait-elle vraiment besoin que je le lui dise ? J’étais certaine qu’elle l’avait senti au plus profond de ses entrailles. Les dernières semaines avaient été particulièrement pénibles pour elle. Le démon voulait sortir et ne lui laissait aucun répit. La plupart des filles du Jardin faisaient le signe de croix à son passage, de la même façon qu’elles se signaient lorsque ma mère osait leur adresser la parole. Elles avaient peur. Elles avaient raison.
J’interrogeai Sophie du regard. La sage-femme secoua discrètement la tête avant d’éponger le front de Marie. Les deux autres femmes présentes préparaient le bain de purification. Notre sœur ne pouvait pas regagner le Jardin souillée comme elle l’était. Je reportai mon attention sur elle sans savoir comment lui annoncer la nouvelle. De toute évidence, c’était à moi qu’il incombait de lui retirer son petit. J’avais très peu d’amies au Jardin et Marie était l’une des rares à me sourire. Après ça, elle allait me détester et je n’aurais plus personne, je me sentirais de nouveau affreusement seule. Je n’avais pas envie de m’y coller, mais les autres baissaient la tête, imperturbables.
L’enfant s’agita contre moi. Il gémit, à croire qu’il réclamait sa véritable mère. Marie pleurait tout autant que lui. Elle le réclamait entre deux sanglots et plus j’hésitais à prendre une décision, plus mon cœur se déchirait à l’intérieur de ma poitrine. Confuse et troublée par sa détresse, je reculai de plusieurs pas. Marie redoubla de larmes.
— Pitié ! C’est mon enfant ! m’implora-t-elle.
On ne m’avait pas préparée à ça. J’étais supposée observer la procédure, pas arracher un bébé aux bras de sa mère.
— Remets-le au Sanctuaire, m’ordonna Sophie tout en s’activant pour calmer Marie. Ne tarde pas, tu ne fais qu’empirer les choses.
— Non, Kiaya, s’il te plaît ! Laisse-le-moi un peu. Rien qu’un instant ! Pitié…
Les lampes à huile qui éclairaient la tente semblaient embraser son visage désemparé. Elle brûlait de le toucher et je me demandais ce qu’il y avait de mal à cela. Après tout, Marie ne demandait pas grand-chose, elle voulait juste lui dire au revoir.
— On pourrait peut-être…, suggérai-je.
— Pas question ! m’interrompit Sophie. Tu connais le protocole : aucun contact avec les mâles.
Elle me fit les gros yeux. Je ne comprenais pas pourquoi nous faisions tant de cérémonies. Certes, Marie avait accouché d’une créature terrestre mais, à l’heure actuelle, il ne s’agissait que d’un bébé, un adorable et innocent bébé.
Pendant une seconde, le temps sembla se suspendre. Je m’imaginai sur cette table de travail, allongée et ligotée, à l’image de ma consœur. Pourquoi désirait-elle tant le voir ? Les accouchements rendaient folles certaines d’entre nous, si bien qu’il fallait parfois les enfermer plusieurs semaines avant qu’elles ne retrouvent leurs esprits. Le bain de purification ne suffisait pas toujours. Elles avaient porté le Mal pendant neuf mois, il n’y avait rien de plus normal que d’en conserver des séquelles. Mais je connaissais Marie, nous avions grandi ensemble, à quelques tentes l’une de l’autre. Elle n’avait qu’un an de plus que moi et, à ma connaissance, elle avait toute sa raison. Est-ce que le démon avait définitivement corrompu son âme ? Est-ce qu’elle était perdue ? Maudite ?
Les filles risquaient de le croire si elle continuait ainsi. Moi-même, je me mettais en danger à tergiverser sur la chose à faire. Je devais confier le mâle à nos supérieurs, point final. Je n’avais pas envie qu’on lance de nouvelles rumeurs au sujet de ma famille et, surtout, je n’avais pas envie que ma mère rejette encore la faute sur moi. C’était son truc à elle, pour se sentir mieux sans doute, pour se déculpabiliser, car tout était parti d’elle.
Quelques années auparavant, alors que j’avais à peine treize ans, elle avait accouché d’un mort-né du mauvais sexe. De quoi donner des sueurs froides à tout le monde. Depuis, la famille Clark ne traversait plus le Jardin sans susciter des regards méprisants ou des remarques désobligeantes. On ne cessait de chuchoter sur notre passage. Nous étions les concubines de Satan, les putains des démons, les âmes viles qu’il fallait chasser à tout prix. Notre place au Jardin ne tenait qu’à un fil. Nous n’étions plus les bienvenues et, comme pour leur donner raison, après cette malheureuse histoire, ma mère ne fut plus jamais fécondée. Je n’avais donc pas de sœurs, ce qui était surréaliste au paradis, où les femmes engendraient au moins cinq enfants avant leur retraite.
Cette pitié que j’éprouvais pour cette créature terrestre dans mes bras avait quelque chose d’anormal. Je ne pouvais m’empêcher de me demander si j’avais hérité du mauvais sort de ma mère. Ici, une lignée qui n’enfantait pas ou qui n’enfantait que des mâles était une lignée du diable. Je valais mieux que cela.
Je tournai le dos à Marie. Elle hurla de désespoir en comprenant que j’avais pris ma décision. Les étriers la retenaient à la table et lui lacéraient la peau. Elle essayait de toutes ses forces, de toute son âme, de bouger, sans succès. Ses cris me glaçaient le sang. Je restai tétanisée par la peur devant l’entrée de la tente.
Mes collègues avaient cessé leurs mouvements et m’adressaient leurs habituels regards condescendants qui avaient le don de m’agacer. Elles attendaient une erreur de ma part, que je m’incline face à la difficulté, leur prouve que je n’étais pas digne du paradis, comme ma mère. Mais je me repris en mains avant d’avoir pu les satisfaire et me hâtai de sortir de la tente malgré les hurlements stridents de mon amie.
Sans réfléchir davantage, je courus à toute vitesse dans les allées du Jardin. Des élues piquées de curiosité s’alignaient les unes à côté des autres dans un silence pesant, formant une haie d’honneur qui n’avait rien d’illustre sous les plaintes déchirantes d’une jeune mère ayant perdu son enfant. Les flambeaux aux alentours leur conféraient des teintes crépusculaires, presque apocalyptiques. J’avais l’impression de descendre en enfer, avec le diable en personne et toute sa procession.
Le souffle court, j’arrivai au Sanctuaire, où la reine et Erika, la gardienne du temple, devaient probablement passer la soirée. Le Sanctuaire était l’un des rares bâtiments de pierre que nous possédions au Jardin. Il surplombait le Vieux Saule sacré où nous nous recueillions lors des cérémonies et se dressait sur deux étages, dissimulant un interminable sous-sol qui nous reliait à la Terre.
La reine avait ses quartiers au deuxième étage. En plus de gérer le Jardin, elle avait pour mission de veiller au bon déroulement des accouchements et au transfert des mâles dès leur naissance. Cependant, sa plus grande responsabilité résidait dans l’organisation très méticuleuse des « Récoltes », ces rituels sacrés auxquels femmes et hommes se livraient une fois par semaine, selon un protocole strict, pour assurer la sauvegarde de l’espèce. Dieu le voulait ainsi.
J’avais encore du mal à croire qu’autrefois, nous vivions ensemble. On m’avait raconté tellement de choses au sujet des hommes. Je connaissais beaucoup d’histoires, mais celle du Jugement dernier était de loin ma préférée, car elle retraçait notre passé et expliquait comment Dieu nous avait sauvés du vice répandu par ces êtres profanes.
Lorsque survint la fin des temps, une pluie battante écrasa l’humanité et la réduisit à une poignée de spécimens. Dieu, dans son infinie bonté, protégea ses élus. Il les conduisit au Jardin en leur confiant la tâche de le garder et d’y vivre heureux, en parfaite harmonie. Il y avait alors des hommes et des femmes et la paix dura un temps.
Mais un jour, l’âme corrompue de certains hommes resurgit tout à coup et ravagea le paradis comme une épidémie de peste. Leur noirceur souilla les ailes blanches des douces colombes, gangrena les cœurs des plus purs. Les femmes furent violées et maltraitées par les hommes qui défiaient l’autorité divine. Ils voulaient les soumet

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