LE Langage de la meute , livre ebook

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Traduction du plus récent gagnant du prestigieux prix Giller, ce roman à saveur de fable nous entraîne sur les traces d’une bande de quinze chiens qu’une paire de dieux olympiens à jugée amusant de doter de l’intelligence humaine. Un pari sous-tend la chose : y en aura-t-il un dans le nombre pour qui ce cadeau aura été bénéfique, un qui, au moment de sa mort, aura connu le bonheur? À travers les réflexions et péripéties de ces animaux dénaturés, l’auteur, d’une plume aiguisée, nous propose de redécouvrir les grands principes de la philosophie occidentale.
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Publié par

Date de parution

06 novembre 2019

Nombre de lectures

0

EAN13

9782764440391

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

3 Mo

Du même auteur
Romans
En français :
L’Exil (traduction de Émile Martel et Nicole Perron-Martel), Fides, 2009.
Enfance : roman (traduction de Émile Martel et Nicole Perron-Martel), Fides, 1998.
En anglais :
Fifteen Dogs: An Apologue , Coach House Books, 2015.
• LAURÉAT, PRIX GILLER, 20 15
• LAURÉAT, ROGER’S WRITERS’ TRUST FICTION PRIZE, 2015
• Lauréat, Canada Reads, 2017
Pastoral , Coach House Books, 2014.
Asylum , McClelland and Stewart, 2008.
Ingrid and the Wolf , Tundra Books, 2005.
• FINALISTE, PRIX DU GOUVERNEUR GÉNÉRAL - LITTÉRATURE JEUNESSE
Childhood , McClelland and Stewart, 1998 ; Henry Holt, 1999 ; Bloomsbury, 1999.
• LAURÉAT, SMITHBOOKS/BOOKS IN CANADA FIRST NOVEL AWARD 1999 ET CO-LAURÉAT, 1999 TRILLIUM AWARD
• FINALISTE, PRIX GILLER 1998 ET ROGER’S COMMUNICATION PRIZE 1998
Nouvelles
A , Bookthug, 2013.
Beauty and Sadness , House of Anansi, 2010.
• FINALISTE, PRIX OCM BOCAS PRIZE DE LA MEILLEURE ŒUVRE ÉMANANT D’UN AUTEUR CARIBÉEN
Despair and Other Stories of Ottawa , Coach House Press, 1994 ; McClelland and Stewart, 2000 ; Bloomsbury, 2000.
• FINALISTE, COMMONWEALTH PRIZE
Essai
Beauty and Sadness , House of Anansi Press, 2010.
• FINALISTE, PRIX OCM BOCAS PRIZE DE LA MEILLEURE ŒUVRE ÉMANANT D’UN AUTEUR CARIBÉEN









Projet dirigé par Myriam Caron Belzile, éditrice

Conception graphique : Nathalie Caron
Mise en pages : Andréa Joseph [pagexpress@videotron.ca]
Révision linguistique : David Clerson et Chantale Landry
En couverture : Conception originale d’Ingrid Paulson
Cartes : Conception originale d’Evan Munday
Conversion en ePub : Fedoua El Koudri

Québec Amérique
7240, rue Saint-Hubert
Montréal (Québec) Canada H2R 2N1
Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010

Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada.

Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien. We acknowledge the support of the Canada Council for the Arts.

Nous tenons également à remercier la SODEC pour son appui financier. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.



Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Titre : Le langage de la meute : apologue / André Alexis ; traduit par Michel Saint-Germain.
Autres titres : Fifteen dogs. Français
Noms : Alexis, André, auteur. | Saint-Germain, Michel, traducteur.
Collections : qa (2019).
Description : Nouvelle édition. | Mention de collection : qa |
Traduction de : Fifteen dogs.
Identifiants : Canadiana 20190032286 | ISBN 9782764440216
Classification : LCC PS8551.L474 F5374 2019 | CDD C813/.54—dc23
ISBN 978-2-7644-4038-4 (PDF)
ISBN 978-2-7644-4039-1 (ePub)

Dépôt légal, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2019
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives du Canada, 2019

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés

Première édition publiée en anglais sous le titre : Fifteen Dogs : © 2015, Coach House Books.
© Éditions Québec Amérique inc., 2019.
quebec-amerique.com




À Linda Watson




por qué es de dia, por qué vendra la noche…
Pablo Neruda, Oda al perro

pourquoi le jour, pourquoi la nuit…
Pablo Neruda, Ode à un chien
Personnages canins
Agatha
labradoodle âgée
Athena
laniche teacup
Atticus
imposant mastiff napolitain
Bella
grand danois, plus proche compagne de meute d’Athena
Benjy
beagle ingénieux et rusé
Bobbie
duck toller malchanceuse
Dougie
schnauzer, ami de Benjy
Frick
labrador retriever
Frack
labrador retriever, de la même portée
Lydia
croisement de lévrier whippet et de braque de Weimar, nerveuse et tourmentée
Majnun
caniche noir, appelé par moments « Lord Jim » ou seulement « Jim »
Max
bâtard détestant la poésie
Prince
bâtard composant de la poésie, également appelé « Russell » ou « Elvis »
Ronaldinho
bâtard déplorant la condescendance des humains
Rosie
berger allemand, proche d’Atticus






1 Un pari
Un soir, à Toronto, Apollon et Hermès étaient attablés à la Wheat Sheaf Tavern. Apollon arborait une barbe qui lui descendait jusqu’à la clavicule. Plus soigné, Hermès était rasé de près, et son allure vestimentaire était résolument terrienne : jean noir, blouson de cuir noir, chemise bleue.
Ils avaient bu, mais ce qui les enivrait n’était pas l’alcool. C’était plutôt le culte que suscitait leur présence. Une ambiance de temple régnait dans la taverne Wheat Sheaf, et les dieux étaient comblés. Aux toilettes des hommes, Apollon laissa un homme d’un certain âge et vêtu d’un complet toucher certaines parties de son corps. Ce plaisir, le plus intense que l’homme connaîtrait jamais, allait lui coûter huit ans de sa vie.
Les dieux attablés se lancèrent dans une conversation à bâtons rompus sur la nature de l’humanité. Pour le plaisir, ils discouraient en grec ancien. Selon Apollon, les mortels n’étaient ni meilleurs ni pires que les autres créatures, comme les puces ou les éléphants. Les hommes, disait-il, n’ont aucun mérite particulier, même s’ils se croient supérieurs. D’avis contraire, Hermès trouvait notamment les symboles employés par les hommes plus intéressants que, par exemple, la danse complexe des abeilles.
— Les langues humaines sont trop vagues, objecta Apollon.
— Peut-être, reconnut Hermès, mais l’espèce n’en est que plus drôle. Tu n’as qu’à écouter ces gens. On jurerait qu’ils se comprennent, même si aucun d’entre eux n’a la moindre idée de ce que ses paroles signifient vraiment pour un autre. Comment peux-tu résister à une telle comédie ?
— Je n’ai pas dit qu’ils n’étaient pas drôles, répliqua Apollon. Mais les grenouilles et les puces nous amusent aussi.
— Rien ne sert de comparer les humains aux puces. Tu le sais bien.
Dans un anglais parfait, bien que teinté d’un accent divin – c’est-à-dire un anglais que chaque client de la taverne pouvait entendre avec son propre accent –, Apollon lança
— Qui va régler nos consommations ?
— Moi, proposa un étudiant pauvre. Je vous en prie.
Apollon posa une main sur l’épaule du jeune homme.
— Mon frère et moi te sommes reconnaissants, dit-il. Comme nous avons bu chacun cinq Sleeman, tu ne connaîtras ni la faim ni le besoin pendant dix ans.
L’étudiant s’agenouilla pour baiser la main d’Apollon, et lorsque les dieux furent partis, il découvrit des centaines de dollars dans ses poches. De fait, tant qu’il posséda le pan talon porté ce soir-là, il eut dans ses poches plus d’argent qu’il ne pouvait en dépenser, et exactement dix ans plus tard, son velours côtelé finirait en lambeaux.
Une fois sortis de la taverne, les dieux suivirent la rue King vers l’ouest.
— Je me demande, avança Hermès, ce qui se passerait si les animaux avaient l’intelligence des humains.
— Je me demande, moi, s’ils seraient aussi malheureux que les humains, répondit Apollon.
— Certains humains le sont, d’autres pas. Leur intelligence est un don complexe.
— Je te parie un an de servitude, ajouta Apollon, que s’il avait l’intelligence humaine, l’animal – choisis la bête que tu voudras – serait encore plus malheureux que l’humain.
— Une année terrestre ? J’accepte ce défi, rétorqua Hermès, mais à une condition : si, à la fin de sa vie, ne serait-ce qu’une seule des bêtes que nous aurons choisies est heureuse, c’est moi qui gagne.
— Mais c’est une question de hasard, opina Apollon. Les meilleures vies se terminent parfois mal, et les pires, parfois bien.
— C’est vrai, admit Hermès, mais ce qu’a été une vie, on ne le sait qu’à la fin.
— Parlons-nous d’êtres heureux ou de vies heureuses ? Bon, peu importe. De toute façon, j’accepte tes conditions. L’intelligence humaine n’est pas un don. C’est un fléau parfois utile. Quels animaux choisis-tu ?
Les dieux étaient justement à proximité de la clinique vétérinaire située au coin de la rue Shaw. En y entrant, invisibles et imperceptibles, ils trouvèrent surtout des chiens : des animaux de compagnie que, pour une raison ou pour une autre, leurs maîtres avaient laissés sur place pour la nuit. Ce seraient donc des chiens.
— Dois-je garder leur mémoire intacte ? demanda Apollon.
— Oui, répondit Hermès.
Là-dessus, le dieu de la lumière accorda l’« intelligence humaine » aux quinze chiens qui occupaient le chenil, au fond de la clinique.

Vers minuit, Rosie, un berger allemand femelle, arrêta de se lécher la vulve et se demanda combien de temps elle passerait là. Puis, elle voulut savoir ce qu’était devenue sa dernière portée. Soudainement, elle trouva tout à fait injuste de se donner la peine d’avoir des chiots si c’était pour les perdre de vue.
Elle se leva pour boire un peu d’eau et flairer les croquettes qu’on lui avait données à manger. En remuant la nourriture dans son bol peu profond, elle découvrit avec perplexité que ce dernier n’était pas de couleur sombre, comme d’habitude, mais plutôt d’une teinte étrange. Ce bol était stupéfiant. Il était rose bonbon, mais comme Rosie n’avait jamais perçu cette couleur, elle lui parut magnifique. Aucune autre ne la surpasserait plus.
Dans la cellule voisine de celle de Rosie, un mastiff napolitain gris nommé Atticus rêvait d’un pré envahi, à son grand plaisir, par des milliers de petits animaux à fourrure – des rats, des chats, des lapins et des écureuils – qui couraient sur l’herbe, si près mais inatteignables, comme un bord de robe qui remonte. C’était le rêve préféré d’Atticus, un plaisir récurrent qui se terminait toujours de la même façon : tout heureux, il rapportait à son maître une bestiole remuante. Son maître prenait la chose, la cognait contre une pierre, puis passait la main sur le dos d’Atticus en disant son nom. Le rêve finissait toujours ainsi. Sauf ce

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