Les chants de Thanatos
410 pages
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Description

Dans son appartement accroché à la Butte Montmartre, Dolorès George, 24 ans, top-modèle de renommée mondiale, est en passe de sombrer dans une dépression suicidaire qui va faire basculer son fragile équilibre mental. Malgré l’amour de son amie Ruth, elle ne supportera pas ce cauchemar où une armée d’ombres terrifiantes vient lui arracher le bébé qu’elle porte. Elle se jettera dans le vide dans l’espoir de voler de ses propres ailes à la recherche de son enfant, et sera plongée dans des univers parallèles séparant le monde des vivants de celui des morts. Elle découvrira que l’enfer n’est pas ce que l’on croit. Un monde existe où nul ne peut aller sans y perdre la raison et sans espoir de retour. La porte sur ce monde ne s’ouvre que quelques heures chaque année. Dolorès, trouvera-t-elle cette porte ? Reviendra-t-elle de ce voyage initiatique hallucinant ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 21 décembre 2015
Nombre de lectures 0
EAN13 9782312024936
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0017€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Les Chants de Thanatos
Jacques Le Carpentier
Les Chants de Thanatos













LES ÉDITIONS DU NET 22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes
© Les Éditions du Net, 2015 ISBN : 978-2-312-02493-6
La Porte Ou « Vole de tes propres ailes »
L’été venait de s’installer à Paris. La nuit déjà très avancée perdait de sa splendeur. L’éclairage de la terrasse tamisait l’immense salon en un clair-obscur, créant une atmosphère fantasmagorique et romanesque. Le silence était épais et désagréable, mélancolique et oppressant. Dans le lointain, les bruits feutrés de la capitale s’effilochaient dans la nuit. Ce calme morne m’inclinait à penser que l’éternité existait bien.
Mon appartement était accroché sur les contreforts de la Butte Montmartre, à proximité de la place du Tertre et de ses petits bistrots. Il avait quatre chambres, desservies par un long couloir.
Assise en tailleur au milieu du salon, verre et bouteille de whisky à mes côtés, mon image m’était renvoyée par une glace gigantesque. Ruth rêvassait dans le canapé et contemplait Paris endormi. Elle me tournait le dos. Sa nuisette transparente mettait en valeur l’étincelant velours de sa peau mate. Avec ses cheveux frisés, ambre et méchés de blond, avec ses vingt et un ans et son joli minois, elle me faisait penser à ces jolies poupées potelées que j’aimais tant regarder dans les vitrines de Barcelone quand j’étais petite. Plongée dans ses fantasmes, elle fixait la ville scintillante de ses milliers de petites lumières. Certaines se tenaient immobiles semblables à des lucioles. D’autres fuyaient dans la nuit, telles des étoiles filantes. Ruth s’amusait à dire que Paris, la nuit, lui faisait penser à un gros gâteau au chocolat noir décoré de mille bougies multicolores. Et ça la faisait rire.
Ruth était un bonheur. Toujours gaie, pétillante, enjouée, elle était dotée d’une grande intelligence et d’une sensibilité touchant à l’extrême. Bref, je l’aimais.
Je me versai un nouveau whisky que j’avalais d’une traite, puis j’essayai de me remettre debout. Tâche difficile. J’avais trop bu et trop tiré sur ma pipe à crack. J’étais épuisée, désenchantée et surtout désespérée. Seule, Ruth me retenait à la vie. Pour combien de temps ?
Debout, j’enlevai ma robe. J’étais nue. Face à moi-même. C’était pitoyable. Je m’approchai du miroir, rongée par la fièvre et le manque de crack et me collai à ma propre image…Je voulais passer de l’autre côté du miroir ; je voulais dire à ces yeux noirs et farouches qui me regardaient, de ne pas me considérer avec tant de dégoût. Mais rien n’y faisait. Ils ricanaient. Ils semblaient me dire :
« Regarde ce que tu es devenue. Tu n’es qu’une loque. Depuis un an, tu t’apitoies sur ta petite personne. Mais il y a pire sur cette terre ; tu es riche ! Tu veux que je te dise à quoi tu me fais penser : à un fantôme. T’es devenue un fantôme ; un fantôme burlesque ; tu me fais pitié. Tu as vu tes seins ? Vas-y, touche-les !… Triste, hein ; ils sont vides et mous. Tous les mecs bavaient devant toi, en te regardant. Maintenant, tu leur files du fric, ils se barrent en courant. Tu n’es qu’une grande bringue maigre et flasque. Tu n’es plus rien… Et ta chatte ! A quoi elle te sert, tu peux me dire ?... Descends ta main. Descends ta main, je te dis ! Touche-la ! Tu as peur, hein ? Peur de ce que tu vas trouver ! Voilà, c’est ça. Touche-la bien ! HA ! HA ! Tu vois, je rigole. On dirait une vieille figue desséchée. Et ça ne te sert plus qu’à faire pipi, c’est tout… Mais réveille-toi, bon dieu ! Sors de ton cauchemar ! Vis ! Vis de toutes tes forces. Vis pour tous ceux qui t’aiment »
Un klaxon hurla dans la nuit… Je me laissai glisser contre la glace. Ma peau, mouillée de sueur, y imprima comme une trainée de bave. J’étais devenue de la bave. Recroquevillée sur le sol, je n’entendais que mon souffle puant qui rebondissait comme un écho malsain. Alors, de toutes mes forces, je me fracassai la tête sur le miroir. Une fois, deux fois, trois fois. Encore et encore. Jusqu’à l’épuisement. J’étais comme une bête qu’il fallait abattre. Mon crâne me faisait mal.
– Arrête Do ! Arrête, je t’en supplie ! Arrête ! hurla Ruth.
Elle me saisit par les épaules, me colla contre elle mais je ne voulais rien entendre. Avec mes pieds, je tapai sur l’immondice renvoyé par le miroir. Et il y eut, dans ma tête, comme un grand trou noir enveloppé dans un silence assourdissant. Je regardai Ruth.
Mes yeux se perdirent dans l’amour de son regard. Je me blottis contre sa nuisette et m’imprégnai de sa chaleur. Son corps sentait le jasmin. Je m’en imprégnai aussi.
– Regarde, Ruth. Tu as vu ce que je suis devenue ? Regarde dans quel état je suis. Je t’aime ; mon Dieu que je t’aime ! Mais Kurt me manque. J’étais sa princesse, sa reine et pourtant, nous nous sommes déchirés. J’ai voulu le tuer.
Ruth savait ce que je cherchais dans ses yeux et que je n’osais pas formuler. L’image de mon enfant. Savoir ce qu’il était devenu. Il avait vécu dans mon ventre. Il s’était nourri de moi et tout avait été effacé en une nuit. Il avait disparu comme un rêve. Je ressentais encore la morsure de ses gencives sur la pointe de mes seins.
Ruth me laissa pleurer. Parfois, elle recueillait une larme sur son index et la portait à ses lèvres.
– Elle est salée, murmurait-t-elle. Comme la mer.
Sa bouche se posa sur mes lèvres. Nos langues se caressèrent. Sa salive fondait dans ma bouche.
Me prenant par la main, elle m’entraina sur le canapé. Je me lovai contre elle. Et nous restâmes ainsi à écouter le silence de la nuit.
Ruth adorait la nuit. Moi, j’en avais toujours eu peur. Mes malheurs s’étaient toujours déroulés la nuit ou dans l’obscurité.
Je posai mes mains sur mon ventre et fredonnai cet air que j’aimais depuis mon enfance. Il revenait chaque fois qu’une tempête saccageait tout dans ma tête. C’était la musique d’un film que j’avais vu à Barcelone avec mes parents. J’avais beaucoup pleuré. Ma mère me disait que j’étais trop sensible et trop romanesque.
Mon père, au contraire, me comprenait. Il m’avait dit qu’Orphéo-Négro était une merveilleuse histoire d’amour mais que c’était du cinéma et qu’il ne fallait pas pleurer.
– Oui mais, la musique, papa, comme elle est belle ! Belle et triste à la fois. Toute ma vie, je m’en souviendrai.
Depuis, elle était restée gravée à jamais dans ma mémoire et elle ressurgissait chaque fois dans les moments difficiles.
– Tu te souviens, Ruth ? Mon bébé adorait cette chanson quand il était dans mon ventre.
– Oui. Quand tu la fredonnais, il te donnait plein de petits coups de pieds. Cela faisait des bosses partout.
– Qu’est-ce que je pouvais me trouver moche. Mais Kurt et toi, vous me trouviez toujours aussi belle. Où il est mon bébé maintenant ? Je t’en supplie, dis le moi. Que s’est-il passé cette fameuse nuit ? Une partie de ma vie ne peut pas s’être envolée comme ça.
Je savais qu’elle ne pouvait pas répondre à ma question mais il me fallait la poser. Inlassablement. Jusqu’à ce que je sache.
Ses larmes redoublèrent. Les miennes étaient taries. Mon corps se desséchait. Je n’étais plus qu’un désert. La douleur, seule, demeurait. Pauvre Ruth. Le vent se levait et nous l’écoutions.
– Pourquoi tu restes avec moi, Ruth ? Tu es si jeune. Il faut que tu vives, maintenant. Que tu vives une vie de jeune fille de ton âge.
– Et c’est quoi, vivre une vie de jeune fille de mon âge ?
– Je ne sais pas moi ? Sortir, danser, aller en boîte, aimer, être aimée, courir les garçons. Retourne à Fès pour gérer tes affaires. Ne laisse pas tout cet empire dans les mains d’un seul homme. C’est ton pays ; tu pourrais y trouver un beau jeune homme, te marier, avoir des enfants.
Ruth bouillait intérieurement. Une moue boudeuse s’esquissa sur son joli minois. Elle allait exploser et c’était ce que je voulais ; l’entendre dire qu’elle ne pouvait pas vivre sans moi.
– Arrête, Do ! Arrête ! Je vais te taper si tu continues. Je t’aime. Je veux rester avec toi. Aller partout où tu iras. Vivre ce que tu vis. Aimer ce que tu aimes. Rire de ton rire. Pleurer de tes larmes. C’est si difficile à comprendre ? Je

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