Monstres et fantômes : 15 auteures  15 nouvelles d’horreur
160 pages
Français

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Description

Un collectif où quinze écrivaines ont relevé le défi d’écrire une nouvelle dans un genre qui ne leur est pas habituel : l’horreur.
Stéphanie Boulay / Le Poids
Fanie Demeule / St Kilda
Laurence Gough / Agnelets
Marie Demers / Love will tear us apart
Geneviève Jannelle / Et le Mal, et la mère
Mikella Nicol / Let me out now
Véronique Marcotte / Dearlake
Maude Nepveu-Villeneuve / Le chat noir et autres contes
Fanny Bloom / Quatre morts dans le temps courbé
Erika Soucy / Amigore express
Mélissa Verreault / Paréidolies
Mélikah Abdelmoumen / Montréal brûle
Jade Bérubé / Les rénégates
Marie-Hélène Larochelle / Crudité
Catherine Côté / Quel beau chalet, hein

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 24 septembre 2018
Nombre de lectures 4
EAN13 9782764436622
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0650€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Projet dirigé par Stéphane Dompierre, directeur littéraire

Conception graphique : Nathalie Caron
Miseen pages : Pige communication
Révision linguistique : Marie-Hélène Sarrasin et Julie Therrien
En couverture : fxxu/photocase.com, typographie de Nouvelle Administration
Conversion en ePub : Marylène Plante-Germain

Ouvrage composé en Minion Pro, un caractère originalement créé par Robert Slimbach en 1990.

Monstres et fantômes a été achevé d’imprimer au Canada sur papier « Enviro 100 » en août 2018 sur les presses de Marquis imprimeur à Louiseville, Québec, pour le compte des Éditions Québec Amérique.

Cette première impression a été tirée à 2000 exemplaires.

Québec Amérique
7240, rue Saint-Hubert
Montréal (Québec) Canada H2R 2N1
Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010

Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada.
Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien. L’an dernier, le Conseil a investi 157 millions de dollars pour mettre de l’art dans la vie des Canadiennes et des Canadiens de tout le pays.
Nous tenons également à remercier la SODEC pour son appui financier. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.



Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Monstres et fantômes : 15 auteures, 15 nouvelles d’horreur / sous la direction de Stéphane Dompierre.
(La shop)
ISBN 978-2-7644-3660-8 (Version imprimée)
ISBN 978-2-7644-3661-5 (PDF)
ISBN 978-2-7644-3662-2 (ePub)
1. Récits d’horreur québécois. 2. Nouvelles québécoises - 21e siècle. I. Dompierre, Stéphane, éditeur intellectuel. II. Collection : Shop (Québec Amérique).
PS8323.H67M66 2018 C843’.087380806 C2018-941865-6 PS9323.H67M66 2018

Dépôt légal, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2018
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives du Canada, 2018

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés

© Éditions Québec Amérique inc., 2018.
quebec-amerique.com




Il y a des hommes plutôt faits pour la cueillette, la décoration d’intérieur et les enfants au parc, et des femmes bâties pour aller trépaner le mammouth, faire du bruit et des embuscades.
Virginie Despentes, King Kong théorie


See it coming At my head I’m not running I’m not scared Big black monsoon Take me with you I’m not jerking I won’t hide Yeah, I’m ready Meet ze monsta tonight
PJ Harvey, Meet ze monsta


LE POIDS
Stéphanie Boulay
Je me souviens bien de la première fois où j’ai vu la maison. J’y suis entrée. Elle était envahie de lumière. Elle sentait bon et était bien décorée, de bois de grange et de petites céramiques délicates. Les grandes fenêtres dévoilaient tout du dehors, et de l’autre côté, la forêt, secrète et dense, dévorait le ciel. La maison était, pour ainsi dire, ouverte au dehors. Désinhibée. Il n’y avait pas de voisins à la vue. Un ruisseau, tout en bas du ravin – vers lequel quelqu’un qui le voudrait pourrait, un jour, installer un petit escalier – passait sur le lot.
Il faisait beau, c’était l’automne, le temps était encore bon ; pourtant, il faisait un froid glacial dans la maison. On m’a dit : « Ne porte pas attention à la température, c’est la faute aux fenêtres ; elles ne sont pas étanches, le froid les traverse, mais elles seront calfeutrées à temps pour ton emménagement, si tu veux la maison. »
Je voulais la maison.
Je m’y suis tout de suite imaginée prendre un café, écrire, lire un roman, dormir longtemps, le matin. Y passer l’hiver. Faire un sapin de Noël. Inviter des amis à y boire, y manger.
À l’inspection, j’ai eu peur. On m’a expliqué que la maison avait beaucoup de défauts. Que le mur de fenêtres n’aurait jamais dû être construit sur la face nord, que le froid gagnerait toujours. Qu’il manquait de calorifères. Que l’eau potable était contaminée. Que le puits n’était pas sécuritaire, que quelqu’un, un enfant peut-être, pourrait un jour y trébucher, y tomber. On avait des doutes sur l’isolation, la fondation, sur la composition et la solidité du sol. On ne pouvait pas me promettre que c’était une bonne maison. Tout le monde voulait que je l’oublie, surtout ceux qui étaient venus la voir avec moi. On me disait : « J’ai un mauvais pressentiment. »
Mais j’étais attirée par elle comme par un désir douloureux et interdit. Je ne pensais qu’à la lumière, aux poutres et aux planchers de lattes de bois, au plafond cathédrale, je ne voyais que l’âme vibrante de cette maison. Je voulais qu’elle m’appartienne. Je l’ai achetée.
J’ai signé tous les papiers le premier jour du mois de novembre et m’y suis rendue le lendemain, pour la remise des clés. C’était la tombée de la nuit, il pleuvait et j’ai vu les lumières d’une voiture d’urgence, un peu plus loin, sur la route. L’ancienne propriétaire, une femme du même âge que moi mais beaucoup plus fatiguée, m’a annoncé nonchalamment que l’autre versant de la montagne venait de « partir ». Qu’il y avait eu un glissement de terrain, emportant la propriété voisine comme un bateau dans la tempête. Il n’y avait pas de mort, personne n’était dedans au moment de la débâcle. Elle essayait de sourire à travers sa petite bouche serrée, de me dire que rien n’était grave. Et elle m’a prévenue du même ton, avant de partir, qu’il ne fallait pas trop tourner autour du terrain voisin de l’autre côté : le propriétaire – un ermite octogénaire – souhaitait que personne ne pose jamais les yeux sur son fils, autiste et défiguré (à ce qu’on disait, mais personne ne l’avait jamais vu). J’ai avalé difficilement ma salive et j’ai pensé : ai-je déjà autant souhaité revenir en arrière ?
C’est là que j’ai commencé à le sentir. Le Poids. Un tout petit poids, d’abord. Entre les omoplates. Une pression. Un point. Une froideur. Je ne l’ai pas appelé comme ça tout de suite : « le Poids ». Ça m’a pris du temps. Au début, ce n’était presque rien. Un cauchemar, parfois : la maison disparue dans la terre, la maison froide et seule, pendant la nuit. La maison à la porte grande ouverte au beau milieu de l’hiver. La maison envahie par des animaux sauvages. Ou souvent, une impression d’être regardée, ou habitée, même ailleurs que dans la maison. Une angoisse.
La deuxième fois que j’y suis allée, une semaine après l’achat, j’étais toute seule et je me suis rendu compte, à la tombée du jour, que ces fenêtres, si nombreuses et grandes et gourmandes de lumière quand le soleil brillait, étaient aussi des fenêtres sur la nuit. Je me déplaçais dans la maison, je mangeais, me lavais le visage et je me disais : quelqu’un, quelque chose, peut me regarder, là, maintenant, sans que je ne le voie jamais . Alors j’ai commencé à être mal dans mon corps, à sentir l’envie irrépressible de me cacher. Quand mon regard était attiré vers les lueurs de la forêt, plongée dans la noirceur, et que je me mettais à fixer un point, au loin, je croyais que j’allais, d’une seconde à l’autre, apercevoir un œil brillant, animal ou humain, ou le scintillement d’un bijou, d’une montre, d’une bouche ouverte. Et j’ai compris que j’allais devoir poser, dès que possible, des rideaux sur chacune de ces fenêtres-là.
Au réveil, le lendemain, j’ai eu l’impression de retrouver mes affaires ailleurs que là où je les avais laissées la veille. Mon marteau était dans le lavabo de la salle de bain. Je cherchais mes clous en vain. Les draps et couvertures, que j’avais dispersés en attendant de les plier ou de les poser, étaient froissés. J’ai pensé : il y a quelqu’un ici. Il s’est amusé à me faire peur pendant la nuit . Puis j’ai réalisé le ridicule de mon imagination et me suis remise au travail. Mais toute la journée, je continuais d’égarer mes choses. La perceuse, n’était-elle pas sur le sofa, cinq minutes plus tôt ? Et le pot de plâtre ? Ma tasse de café ?

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