Néachronical, 2 , livre ebook

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Avoir découvert ce qu’il s’était passé pendant ces cinq années effacées de sa mémoire n’a pas aidé Néa à com-prendre ce qu’elle était devenue. Après une vengeance et une trahison, voilà qu’elle se retrouve abandonnée dans un cimetière, entourée de cadavres et de forces de l’ordre un rien agressives.

Beaucoup trop d’obstacles sur la route de cette jeune fille qui la ralentissent dans sa quête de vérité : découvrir enfin sa nature et pourquoi la Mort rôde ainsi autour d’elle.

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16

EAN13

9791090627642

Langue

Français

Jean Vigne Néachronical II Post mortem Editions du Chat Noir
« Chaque souffle nous rapproche de la mort... » Hazrat Ali
Année 1112, dans le Roussillon... La monture peine à grimper la rocaille de cette colline ardue, succession de roches et d’éboulis, encadrés d’une végétation épar se, brûlée par un soleil trop présent. Son cavalier, solide comme une montagne, frappe les flancs du cheval, seul moyen de le forcer à se dépasser. Deux mois d’ un voyage interminable sont une suffisante motivation pour martyriser la p auvre bête. De retour de la lointaine Jérusalem pour guerroyer afin de repousse r les musulmans de la terre sainte, Chevalier Guinard est épuisé, exténué. Deux années d’absence loin des siens, de sa patrie, de son royaume, mais il n’en m ontre rien. Un croisé se doit d’être exemplaire, sa mission envers Dieu l’impose. Facile à dire, c’est sans compter sur cette armée de puces qui ne cesse de lui ronger le cuir. Il est temps pour lui de quitter cette armure, de brûler ses hab its miteux et de profiter auprès de sa belle d’un doux moment d’amour, couché devant l’âtre rougeoyant. Le périple fut long et douloureux, Guinard se souvient encore des morts, souvent des innocents pris dans la tourmente d’un conflit d ont ils ignoraient le but. Tant de mutilations, de pauvreté rencontrée durant sa cr oisade, de violence gratuite. Combien de femmes ou d’enfants traversés d’une lame pour le simple fait d’être sur le chemin d’un guerrier ? Les vieillards piétin és sans vergogne, les faibles torturés, les jeunes filles abusées avant d’être ég orgées, des fautes impardonnables et pourtant, passées sous silence po ur ne pas ternir l’image de la Sainte Croisade. Tout un monde d’horreurs qu’il ne pourra jamais oublier, sinon dans les bras de son épouse. Son combat pour Dieu imposait-il de tels sacrifices ? Guinard rejette cette hérésie d’un signe chrétien, les doigts sur sa poitrine bardée de cette croix rouge cousue sur sa pèlerine. Dessous, son armure enfoncée en de nombreux points l’indispose. Il voud rait l’abandonner là, sur le bord de ce chemin tortueux, mais il s’y refuse, car elle témoigne du parcours ensanglanté contre des ennemis acharnés, chaque imp act faisant foi de son dénouement tout comme de sa victoire. Il a servi Di eu comme personne, le moment est venu pour lui de s’accorder un repos mér ité. Pourtant, une sourde intuition accompagne son périple, celle qu’un jour, ici aussi tout basculera. Le royaume a changé, l’Église qui, autrefois, les pous sait à combattre, paraît plonger dans de sombres préoccupations politicienne s. Un temps arrivera où les chevaliers de l’Ordre n’auront plus le soutien des hauts dignitaires du royaume. Ils se détourneront de ceux qui, de leur s ang, ont protégé leurs trônes, leurs femmes et leurs descendances, leurs terres. Il le sait, le pouvoir d’un jour n’est jamais le pouvoir de toujours. Ce qui est acq uis se veut éphémère, c’est pour cette simple raison qu’il faut profiter des bi enfaits de l’existence sans jamais rechigner devant l’âpreté de la vie. Qu’importe, l’essentiel est de retrouver son domain e, sa famille surtout. Agnès, sa bien-aimée dont il se souvient avec peine du visage fin et radieux, et son garçon âgé de deux ans seulement lorsqu’il quitta le fortin. L’unique héritier de la longue lignée familiale qui ne doit en aucun cas disparaître. Encore
quelques foulées, le voilà au sommet de la colline du Corbeau, monticule à l’herbe rase, point de vue idéal pour découvrir son patrimoine dans son ensemble. Oh, ce n’est certes pas le château de Blanquefort, juste une demeure encerclée d’une enceinte boisée, une tour, et une h abitation pour le moins spartiate. Si sa famille possède des terres, elle n ’a jamais brillé par ses richesses. Le vent s’engouffre dans la bâtisse, l’h iver, comme un dragon hargneux jouant de son souffle de givre pour glacer le cœur des hommes. Mais cela n’est pas dramatique, Dieu est porteur de mode stie, d’humilité et d’amour. Lui, son fidèle serviteur, peut-il faire moins que l’élu ? De sa voix rocailleuse – une mauvaise toux difficile à éteindre depuis son r etour des terres saintes – Guinard commande son destrier. nier effort et nousOmbre, nous sommes bientôt arrivés. Un der  Allons, pourrons prendre un repos amplement mérité. Tu aura s ta ration d’avoine, mon beau. Le cheval semble comprendre son maître, accélérant le pas pour franchir les ultimes obstacles du chemin caillouteux. Les fa laises d’ocre rouge dominent le cirque, un spectacle chaleureux offert au cheval ier, semblable à ce lointain désert autrefois foulé par le guerrier. Guinard s’é tonne de ne trouver personne sur sa route pour l’accueillir. Le soleil encore ha ut dans le ciel est propice au travail dans les champs. Où diable sont passés les paysans, les bœufs, les moutons, et les enfants coursant les volailles dans les prairies avoisinantes ? L’herbe dressée mériterait amplement d’être fauchée . Les bêtes, l’hiver venu, ne se nourriront pas de vent et de neige. Et les la vandières, près du cours d’eau, pourquoi ne lavent-elles pas le linge ? Un c ertain relâchement semble s’être installé depuis son départ. Quelle importanc e, il n’est point homme à s’offusquer d’un tel désordre. L’essentiel est de r etrouver les siens et de savourer les derniers jours d’un été consommé. Ensu ite, il reprendra les rênes de son domaine. Son cheval stoppe sa course devant la double porte en rondins massifs, protection sommaire contre d’éventuelles invasions barbaresques. Aucun garde, pas même le vieux Albert, maréchal ferrant e n son temps et privé de l’usage de ses mains par une mauvaise maladie. L’ho mme, pourtant, passait ses journées sur ce banc ancien, installé près de l ’entrée. Serait-il mort ? Possible, la rudesse des saisons n’épargne personne , principalement les plus âgés. Guinard descend, frappe la surface de son poing ganté. C’est le moment pour lui de se débarrasser de son armure, de nettoy er cette crasse trop épaisse et de faire l’amour à son épouse. La réponse tarde à venir, de quoi l’agacer. Un si long voyage mérite tout de même meilleur accueil. Corne de bouc, allez-vous ouvrir, tudieu ! Enfin, le grincement des gonds signe la dérobade de l’ultime barrage. Guinard y reconnaît la vieille cour, le puits en so n centre, les bâtiments aux murs solides. Pourtant, un élément dans cette tapis serie maintes fois arpentée dénote. Instinctivement, la main de Guinard se pose sur le pommeau de son épée. Trop calme, aucune agitation, pas l’ombre d’u n cri ou pleur qui rythme le cours des journées de cette communauté autrefois vi vante. D’un pas lent, le chevalier pénètre dans l’enceinte et cherche le res ponsable de l’ouverture des
portes. Personne, l’endroit semble désert. C’est à ne rien y comprendre, auraient-ils tous fui un quelconque spectre ? L’ang oisse s’insinue lentement dans ses veines, mauvais poison pour offrir cette s ourde sensation d’un événement fâcheux. Le voilà au centre de la place, près du puits. Il jette un regard à l’intérieur... Nous n’attendions que vous, seigneur Guinard ! La voix résonne dans la cour, déplaisante surprise qui pousse le chevalier à dégainer son arme et se retourner. Tout doux, répond l’inconnu. D’un coup d’œil, Guinard aperçoit son interlocuteur , haut perché sur l’une des fortifications adjacentes à l’entrée. Le soleil masque ses traits, mais Guinard n’a aucun mal à identifier le rôle des individus postés à ses côtés. Des archers ! Bien mauvaise nouvelle. Un regard à l’opposé de la porte pour découvrir trois autres guerriers, Guinard est renseigné sur l’origine du trouble qui traverse son domaine. Que voulez-vous, manant ? Ne savez-vous pas qui je suis ? Son interlocuteur ricane. Voyons, seigneur Guinard, si je ne connaissais pas votre noble héritage, comment aurais-je pu citer par deux fois votre nom ? En fait, votre épouse a complété mon savoir déjà grand vous concernant. Cette phrase lentement prononcée présage du pire. Que lui avez-vous fait, maudit ? Où est-elle ? e vous aurait-il pasde cris, seigneur Guinard. Un si long voyage n  Que enseigné la patience, vertu de tout homme de foi ? Suffit là les sermons ! Venez-en au fait, vous qui masquez votre courage derrière l’astre de lumière. L’intéressé se retourne pour constater la véracité des propos de son adversaire. D’un geste, il commande les archers don t les flèches ne quittent pas de leur pointe acérée le chevalier. Lentement, l’in connu emprunte l’échelle de bois et de cordages pour gagner le sol, non sans co nserver une distance confortable avec l’épée du chevalier. Devant la déc ouverte de son visage, Guinard reste sans voix. Un moment de doute rapidem ent remplacé par l’irritation, car l’identité de l’homme ne peut que le pousser à l’emportement : Arnaud ? Eh oui, Arnaud Gausfred, ton frère. Quelle est cette duperie, vil usurpateur ? Aurais-tu perdu la raison ? Allons, tout doux mon ami. Ta légendaire colère dans notre famille ne m’a jamais impressionné, tu es bien placé pour le savoir. Et ta légendaire jalousie n’est plus à démontrer, frère maudit. Dis-moi ce que toute cette folie signifie, je te l’ordonne. L’homme ricane, avant de rétorquer : Te crois-tu encore en position de donner des ordre s, Guinard ? Tu n’es plus à Jérusalem, entouré d’une armée de fidèles po ur te défendre. Ici, les rôles sont inversés, tu es le mouton et je suis le loup. Cesse tes bravades inutiles, Arnaud, et réponds à ma question ! C’est simple, mon frère. Tu es parti depuis tant d ’années, des années où
ton épouse s’est prise pour la régente. itime pour diriger lel’est, grogne Guinard. Agnès est la seule lég  Elle comté en mon absence. Arnaud Gausfred agite un index amusé. Une femme ? Tu oses donner le pouvoir à une femme, au détriment de ton propre sang ? Est-ce là ta conception de la fam ille ? Tu t’es absenté fort longtemps, trop sans doute. Depuis, bien des choses ont changé. L’argent vient à manquer, et sans argent, la loyauté de tes vassaux s’effrite. Guinard fait un pas vers le félon, bien décidé à le contraindre à de meilleurs sentiments à son égard. Aussitôt, Arnaud l’avertit. Arrête là, mon frère, sinon je n’hésiterai pas à te faire abattre comme un chien. Mes archers à moi sont grassement payés, suf fisamment pour planter leurs flèches dans ton cuir. Forcé à l’obéissance, Guinard serre la poignée de s on épée. Il peut sentir son pouls pulser contre le cuir noué autour de l’ac ier, une invitation à prendre le sang de ces infidèles. Qu’attends-tu de moi ? Arnaud sort un parchemin, ôte lentement le lacet de chanvre qui l’entoure et le déplie.  Tu me cèdes la gestion du comté, Guinard, et je te laisse la vie sauve. Appose ton sceau en bas de ce document, c’est simpl e, et nous repartirons chacun dans une direction différente. Et si je refuse ?  Alors, je ne pourrai garantir ta sécurité... mon frère. Mes hommes sont des mercenaires. Tu sais combien il est difficile de contrôler une telle engeance. Maudit... je veux d’abord voir Agnès. Où est-elle, félon ? , une fois l’acte signé. ÀEn sûreté. Elle te sera rendue, ainsi que ton fils genoux, Guinard, et prête-moi allégeance. Ne sois pas idiot, mon ami. Il ne s’agit que de quelques terres, habitées par des paysans sa ns valeur. Je te laisse le domaine près de Lescar. Tu pourras y finir tes vieux jours. Un domaine, cette vieille masure et ces trois lopins de terres incultes ? C’est toujours mieux qu’une tombe en guise d’héritage, mon frère. Le chevalier serre les dents. Jamais il n’a connu tel affront, lui qui, de son épée, a défendu le royaume en pourfendant les impie s à Jérusalem la flamboyante. Comment pourrait-il plier devant un être de si mauvaise foi ? e te répudie en tantArnaud Gausfred. Tu n’es plus mon frère, j  Jamais, que tel et je vais me charger de te remettre dans l e droit chemin. Tes biens deviendront miens, ton titre te sera ôté, j’en fais le serment. suis plus ton frère ?Tant de grands mots pour un si petit homme. Je ne Voilà qui m’arrange. Guinard sort son épée, le temps de voir Arnaud bais ser le bras. Aussitôt, les flèches fendent l’air. La première le rate, pas la seconde qui se fige dans son biceps. Douleur fulgurante, il recule, percute le r ebord du puits, agite les mains alors que son arme tombe au sol. Et voilà qu’il plonge dans les tréfonds du point d’eau, sensation de fraîcheur, ce souffle qui siffle à ses oreilles, le choc contre la pierre, un deuxième, le goût du sang et il s’enfonc e dans l’eau ténébreuse.
Aussitôt, son frère court, bientôt rejoint par ses hommes. Les archers tendent leur arc, à la recherche d’un signe de vie. Arnaud, fou de rage, hurle : acée, bande Vous ne pouviez pas l’abattre d’une flèche bien pl d’incapables ? il n’a aucune chance de survivre. Nous veille rons à ce qu’il n’en Sir, réchappe pas. Jamais il ne ressortira de ce puits s inon mort, vous avez notre parole, messire.  Je l’espère pour vous, les coquins, sinon, il vous en cuira. Guinard doit rester un sombre souvenir, rien de plus. Amenez-moi donc de quoi éclairer ce trou à rats ! L’un des guerriers lui tend une torche promptement allumée. Arnaud l’agite dans la masse obscure, à la recherche d’un souffle de vie. Seule l’eau troublée par le plongeon du chevalier s’affiche, ridules à la surface ombrée. Un iris noir, plus sombre qu’une tombe, une sépulture digne de so n frère ennemi. Satisfait, Arnaud jette la torche dans le puits. Une brève des cente pour le morceau de bois lumineux, avant de s’éteindre au contact de l’eau. deux, restez ici et surveillez-moi ce trou à rats. Rien ne doit en Vous sortir, de vivant j’entends, compris ? Et Arnaud s’éloigne, rattrapé par un sentiment trou ble, celui d’avoir commandité l’assassinat de son propre frère. Du san g sur les mains qu’il sera difficile d’effacer, c’est certain. Mais de cette réalité comme tant d’autres, Arnaud s’en remettra, car l’obtention du pouvoir n’admet aucun compromis.
Maintenant, dans un cimetière... Je me relève, un goût de sang en bouche. Pourtant, je ne saigne pas. Voilà bien longtemps que je ne saigne plus. Depuis cette nuit où, sans savoir comment, je me suis réveillée au bord d’un étang pu tride, dépourvue de souvenirs sinon celui de mon nom, Néa Ledestin et d e mes quinze premières années d’existence. Une douce période, protégée par mes parents et engoncée dans mes occupations tranquilles d’adolescente, pav illon de banlieue, scolarité normale sans être exemplaire, une flopée de copines et mieux encore, de copains, étant servie par un physique plutôt sympa. La vie de rêve de toute fille de mon âge. Problème... de retour chez moi, j’ai tr ès vite compris qu’un détail clochait – plusieurs, en fait. Cinq années avaient passé depuis ma disparition, un soir d’été, alors que j’avais fugué pour rejoind re mon petit ami de l’époque. Cinq ans dont je ne conservais aucun souvenir... C’ était avant de rencontrer Bezan, truand notoire et ravisseur de jeunes femmes , de gamines devrais-je dire, pour nourrir son trafic : vente de chair fraîche pour vieux vicieux friqués. Tout est revenu d’un coup, raz-de-marée écœurant do nt je n’arrive pas encore à digérer l’infamie. Le rapt, les viols à répétition, les tentatives d’homicide sur ma personne... et je dis bien, tentatives, car voilà le deuxième détail pour le moins singulier : depuis mon réveil, je ne peux mourir. Immortelle... oui, c’est bien le mot, je suis devenue immortelle. Pourquoi, comment ? Je pensais Bezan en mesure de me répondre, mais l’homme fût tout autant surpris que moi, preuve de son incapacité à résoudre cette énigme. Pour ça et pour bien d’autres raisons, il est mort entre mes mains, subissant la sentence de mon pouvoir, aussi étrange que lugubre. Je ne sais par quel anathème, mais je suis investie de la capacité à absorber la vitalité d’autrui. Une sorte de liposuccion accélérée, dont le résultat est une momification instantanée d e mes victimes. Et des liposuccions, j’en ai effectuées pas mal ces dernie rs temps, un peu trop même, poussée par l’agressivité des personnes croisées. Q ue dire de mes autres dons, comme celui de voir les revenants, d’en appeler aux forces de la nature voire de ranimer les morts pour m’en servir comme armée de fortune ? C’est d’ailleurs ce point qui me choque le plus. Il me suffit d’observer les centaines de cadavres sous mes ordres en ce moment même, barrage vivant pour lutter contre mon arrestation programmée. Les policiers tentent vainement de repousser cette marée d’os et de chair en décomp osition, mais comment tuer ce qui l’est déjà ? La folie s’empare de ce li eu, cimetière pourtant paisible une heure auparavant. Mais voilà, j’ai rencontré To d, un drôle de type à l’allure de bûcheron – ce qu’il prétendait être – et qui n’a cessé de me mentir pour me piéger ici finalement. Dans quel but ? Aucune idée, et pour dire vrai, c’est bien le cadet de mes soucis. Je dois d’abord me débarrasser de la police, ensuite, je partirai à la recherche de Tod. Mon regard tombe sur Juliette. Une boule d’angoisse se forme dans ma gorge. Elle est là, à mes pieds, tout du moins, ce qu’il en reste. Elle aussi je l’ai momifiée, comme Brian à une autre époque, Frédéric, madame Ruchot... Je
cesse ce sinistre décompte, lâchant à voix haute : Je suis désolée, Juliette. J’aurais tant aimé t’aider... pas comme ça. C’était une promesse de ma part, alors que nous éti ons enfermées toutes les deux dans les geôles de Bezan. Une promesse que je n’ai pas pu tenir, comme tant d’autres. Le mensonge guide mes pas depu is mon retour de cet étang, voilà deux mois. Juliette est morte, blessée par la police, achevée par mes soins. Tout cela pour aspirer une once de pouvo ir nécessaire pour me débarrasser de mes adversaires. Je suis une meurtrière, ni plus, ni moins, et la faute revient à Bezan, au docteur Rosière, mais aus si à ces sales flics. Une rage incontrôlable gagne mes veines, alors qu’un ag ent croise ma route dans l’espoir d’échapper à sa poursuivante, le squelette d’une femme, à en juger par cette robe déchirée, digne voilage lui offrant l’allure d’un spectre écossais. J’agrippe le cou de l’homme d’une main ferme et asp ire sa vie, telle une seringue plongée dans un liquide. L’individu m’offre un regard empli d’effroi, tant la sensation est horrible. Des taches brunâtres app araissent sur son visage, signe de sa fin prochaine. D’un effort coûteux, je le relâche. Le malheureux tombe au sol, pris de convulsions, mais bel et bien vivant. Pas question de le tuer, ni lui, ni aucun de ces flics. Mes soldats zo mbis obéissent à mes ordres silencieux, désarmant mes adversaires, les plaquant à terre, les frappant si nécessaire, sans jamais attenter à leur existence. Je n’ai nulle envie de poursuivre sur la voie macabre empruntée ces dernie rs jours. Juliette est la victime de trop, celle qui m’a fait prendre conscie nce de l’innommable de ma situation. Toutefois, diriger cette armée exige une telle éner gie ! Chaque seconde qui passe, je faiblis un peu plus, sentant l’inéluctabl e arriver. Il me faut fuir, sous peine d’être arrêtée et jetée une fois encore dans un cachot. Un second policier tombe à terre sous le coup d’un squelette d’enfant, vision horrible dont je suis la seule responsable. Sans attendre, je me sers à la s ource, profitant de lui comme d’un frigo bien pourvu. L’origine même de sa force pénètre mes doigts posés sur son avant-bras, un délice qu’il m’est difficile d’interrompre. Pour en avoir fait l’expérience maintes fois, c’est sur le seuil de la mort que le transfert de puissance atteint son apogée. La dernière étincelle d’énergie supérieure à toutes les autres, une éruption jouissive qu’il me faut refuser, sous peine d’exploser mon record de victimes. Alors, tout en p renant la tangente à ce combat dantesque, je profite de chaque être humain à ma portée pour me rassasier d’une lichette de vitalité, suffisante po ur maintenir en activité mes vaillants soldats : Tas d’os et compagnie. Je parviens devant la sortie où règne le même chaos , les forces de l’ordre étant débordées par l’horreur d’une situation qui l es dépasse. J’aperçois une trouée entre les voitures, chemin d’une liberté don t je ne refuse pas l’aubaine. Je me faufile et cours, encore, toujours, à en perdre haleine. Et autour de moi, les policiers hurlent leur peur... Et autour de moi, mon armée de l’impossible se déchaîne... Et derrière moi, les cris s’estompent, pour finir par disparaître. *
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