Philippe H. dans l’angle mort
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Philippe H. dans l’angle mort , livre ebook

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Description

J’avais peur de tout, tout le temps. Peur, peur, peur. Le jour comme la nuit. Peur de prendre la route, peur de parler trop fort, peur de me mettre à pleurer sans jamais m’arrêter, peur de m’évanouir, peur de mes souvenirs, peur d’oublier, peur que mes parents meurent, peur que ma soeur ne revienne jamais du fin creux de l’Afrique, peur de me sentir envahie, peur de me sentir seule, peur d’être dépendante de mon ô combien désirable Philippe H., peur d’être nymphomane, peur d’être mythomane, peur d’être étiquetée dysfonctionnelle, peur de vivre un épisode psychotique, peur d’être anorexique, peur d’avoir des champignons sous les ongles, peur des poux, peur des vers, peur que l’envie de mourir ne me quitte jamais, peur, peur, peur.
Hélène est en couple avec l’homme de ses rêves, mais ça ne règle pas tout, au contraire. Malgré la psychanalyse et le yoga, quelque chose l’entraine vers des zones obscures. Et si cette folie rimait avec grandeur et beauté ?
En un mot, j’étais perpétuellement apeurée et, même si je ne me l’avouais qu’à demi-pensée, l’hypothèse selon laquelle mon caractère de plus en plus insupportable risquait de repousser l’Homme avec un grand H me terrorisait elle aussi. En même temps, si j’avais été honnête avec mon sentiment profond, j’aurais certainement remarqué que ma peur d’être abandonnée n’avait d’égale que mon envie de fuir à grandes enjambées en n’emportant que le strict nécessaire, c’est-à-dire un carnet de notes, un stylo-bille et un minimum de paires de chaussures, c’est-à-dire six ou sept. Bref, c’était compliqué, j’étais déchirée, horriblement tendue et incapable de m’enligner les chakras, pour parler comme Élise. Comment m’habituer à l’idée d’être la blonde de l’homme de mes rêves ? Se pouvait-il que moi, Hélène Marin, femme parfaitement ordinaire dans tous les domaines, je sois en couple avec Philippe H., professeur d’une intelligence remarquable, d’un humour vif et d’une beauté hors du commun?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2017
Nombre de lectures 3
EAN13 9782764433553
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0650€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

De la même auteure
Noir sur blanc. Guide d’improvisations littéraires , Québec Amérique, 2016.
Philippe H. ou La Malencontre , Québec Amérique, 2015.




Projet dirigé par Marie-Noëlle Gagnon, éditrice
Conception originale de la grille graphique : acapelladesign.com
Conception graphique : Anouk Noël et Claudia Mc Arthur
Mise en pages : Andréa Joseph [pagexpress@videotron.ca]
Révision linguistique : Sylvie Martin
Conversion en ePub : Nicolas Ménard
Ce roman tient compte de la nouvelle orthographe.
Québec Amérique 7240, rue Saint-Hubert
Montréal (Québec) H2R 2N1
Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010
Nous reconnaissons l'aide financière du gouvernement du Canada par l'entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d'édition.
Nous remercions le Conseil des Arts du Canada de son soutien. L'an dernier, le Conseil a investi 157 millions de dollars pour mettre de l'art dans la vie des Canadiennes et des Canadiens de tout le pays.
Nous tenons également à remercier la SODEC pour son appui financier. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d'impôt pour l'édition de livres – Gestion SODEC.



Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Fortin, Mylène Philippe H. dans l’angle mort (Littérature d’Amérique)
ISBN 978-2-7644-3353-9 (Version imprimée)
ISBN 978-2-7644-3354-6 (PDF)
ISBN 978-2-7644-3355-3 (ePub)
I. Titre. II. Collection : Collection Littérature d’Amérique.
PS8611.O777P442 2017 C843’.6 C2016-942116-3 PS9611.O777P442 2017
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2017
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives du Canada, 2017
Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés
© Éditions Québec Amérique inc., 2017.
quebec-amerique.com



À mes parents, pour la vie, et à mon médecin, qui était là.


[J’]évoluais – bien que réveillée, et même que perpétuellement surexcitée – dans un monde entièrement onirique (ou romanesque, ce qui revient au même) : un monde où aucune rencontre, aucune phrase ne se produisait « par hasard »…
Nancy Huston , Journal de la création
Car ce que je cherche à capter, c’est bien plus l’ambiguïté de la réalité que sa clarté donnée comme vérité.
Élise Turcotte, Le parfum de la tubéreuse


1
Assoiffée
Je dormais à peine et affreusement mal. Ça manquait d’espace dans ma vie, dans mon condo, dans le métro, dans mon linge et jusque sous ma peau, au creux de mes os. La peur était en train de m’asphyxier, de m’avaler. J’avais peur de tout, tout le temps. Peur, peur, peur. Le jour comme la nuit. Peur de prendre la route, peur de parler trop fort, peur de me mettre à pleurer sans jamais m’arrêter, peur de m’évanouir, peur de mes souvenirs, peur d’oublier, peur que mes parents meurent, peur que ma sœur ne revienne jamais du fin creux de l’Afrique, peur de me sentir envahie, peur de me sentir seule, peur d’être dépendante de mon ô combien désirable Philippe H., peur d’être nymphomane, peur d’être mythomane, peur d’être étiquetée comme dysfonctionnelle, peur de vivre un épisode psychotique, peur d’être anorexique, peur d’avoir des champignons sous les ongles, peur des poux, peur des vers, peur que l’envie de mourir ne me quitte jamais, peur, peur, peur, peur, peur, peur, peur, peur, peur, peur, peur, peur, peur, peur, peur, peur, peur, peur, peur, peur, peur, peur, peurpeurpeurpeurpeurpeurpeurpeurpeurpeurpeurpeurpeur.
Pour comble, l’idée de prendre les médicaments qu’on venait de me prescrire pour lutter contre mon trouble anxieux m’effrayait à peu près autant que celle de ne pas les prendre. Une vraie tête pas de poule , aurait commenté ma sœurette adorée si elle n’avait pas eu l’idée saugrenue de partir à l’autre bout du monde juste au moment où j’avais tant besoin de sa présence. La vache !
Énumérés comme ça, les symptômes liés à mon hypocondrie peuvent avoir l’air exagérés ou même carrément farfelus, mais j’ai vécu tout ça autrement. J’ai été happée par un seul tourbillon à la fois au cours des dernières semaines, depuis que mon histoire d’amour avec le fulgurant Philippe H. nourrit l’appétit vorace de mes peurs désormais impatientes de me bouffer tout entière. La peur des champignons, par exemple. La peau au bout de mon index droit s’est boursoufflée au point de freiner la pousse de l’ongle, ce qui a eu pour effet de causer une douloureuse infection. J’ai passé trois jours à imaginer le pire avant de me décider à téléphoner à Info-Santé. L’infirmière m’a proposé dans un premier temps un savonnage et une généreuse pommade d’onguent antibiotique. Un peu moins portée sur la dédramatisation, Élise m’aurait lancé quelque chose comme : Voyons, sapristoche (mon Élise chérie collectionne aussi les plus improbables blasphèmes), vas-tu arrêter de te ronger les ongles avant de te ramasser avec des moignons ? Par la suite, il s’est passé plusieurs heures, peut-être une journée entière sans la moindre manifestation pathologique. Mais bientôt, il y a eu les vers. Le délire a pris naissance à partir d’un commentaire sur mon poids. Un ami de Philippe avait balancé quelque chose du genre : « Ça se peut pas être petite de même, elle doit avoir un ver solitaire, c’est clair. » Un ver solitaire ! Franchement ! Non mais pour vrai, j’étais censée faire comme si de rien n’était et continuer de manger ma tonkinoise truffée de vermicelles blancs comme des asticots de toilette sèche ? C’est pas parce que la société valorise le rachitisme à grands coups de Photoshop qu’on peut se permettre de commenter l’apparence d’une maigre, en plus en supposant qu’elle est malade, en l’occurrence probablement envahie par un parasite ! Je suis un squelette ambulant, c’est pas ma faute, qu’on me laisse en paix avec ma peau et mes os ; mon corps, c’est mon corps.
En un mot, j’étais perpétuellement apeurée et, même si je ne me l’avouais qu’à demi-pensée, l’hypothèse selon laquelle mon caractère de plus en plus insupportable risquait de repousser l’Homme avec un grand H me terrorisait elle aussi. En même temps, si j’avais été honnête avec mon sentiment profond, j’aurais certainement remarqué que ma peur d’être abandonnée n’avait d’égale que mon envie de fuir à grandes enjambées en n’emportant que le strict nécessaire, c’est-à-dire un carnet de notes, un stylo-bille et un minimum de paires de chaussures, c’est-à-dire six ou sept. Bref, c’était compliqué, j’étais déchirée, horriblement tendue et incapable de m’enligner les chakras, pour parler comme Élise. Comment m’habituer à l’idée d’être la blonde de l’homme de mes rêves ? Se pouvait-il que moi, Hélène Marin, femme parfaitement ordinaire dans tous les domaines, je sois en couple avec Philippe H., professeur d’une intelligence remarquable, d’un humour vif et d’une beauté hors du commun ? Nous n’avions passé que quelques semaines ensemble, mais quelles semaines ! Quand il n’était pas en train de présenter un séminaire (il venait d’obtenir un poste au département d’études littéraires, ce qui impressionnait grandement ma fibre de fille avec un baccalauréat et pas l’ombre d’une idée de quoi faire avec), nous ne faisions rien d’autre que l’amour. Nous n’étions pas constamment en plein coït, bien entendu, mais nos échanges prenaient la forme de perpétuels préliminaires. Nos interminables conversations décorées de caresses complices et de regards embrumés ne s’interrompaient que lorsque l’un ou l’autre tombait littéralement de fatigue, souvent au milieu d’une phrase, d’un baiser ou d’une gorgée d’hydromel. Parfois, tandis que Philippe paraissait parfaitement endormi, que sa respiration était devenue plus longue et profonde et que son corps s’était entièrement abandonné au fauteuil, au tapis du salon ou à mon lit, sa main, comme mue par une force qui le dépassait, continuait sa délicieuse course sur mon ventre, ses doigts légers progressant autour de mon nombril ou à l’orée de mon pubis, qu’il n’avait de cesse de vénérer. Je prenais alors une pause de moi-même.
Un soir, pendant que Philippe assistait à une conférence à l’université et que je faisais le ménage comme une folle à lier – c’est-à-dire en faisant mille-et-une choses en même temps, tout en ayant l’esprit occupé à tout sauf aux tâches que j’étais en train d’accomplir –, je me suis entendue murmurer le mot « salope » ! Même ma sœur, la plus forte aux taquineries caustiques, n’aurait jamais osé me lancer un « salope » comme ça, apparemment venu de nulle part, sans préambule ni déterminant ni rien. Mon geste pour récurer la tache grisâtre que je venais de repérer sur le plancher du corridor – où je passais à toute vitesse pour ranger les serviettes propres dans l’armoire brune, lancer quelques guenilles dans la laveuse et revenir à temps dans la cuisine avant que l’évier ne déborde – s’est interrompu. Les bruits de la ville, les voix de la télé et la sonnerie du téléphone qui se magasinait un violent fracas contre le plancher ont percuté la paroi que la stupéfaction venait tout juste de dresser autour de moi. M’étais-je vraiment traitée de salope ?
Bien sûr, le terme était clairement exagéré et inapproprié. Mon cortex cérébral et moi le savions pertinemment, mais de toute évidence quelque ennemi sournois logé en mon for intérieur l’ignorait. Pour une trentenaire, j’étais certainement loin du nombre de partenaires sexuels requis pour être qualifiée de salope. T’as passé la trentaine, mais pas dans tous les sens, ha, ha, ha, ha, ha, ha ! J’étais même carrément épaisse d’être si prude et de ne pas profiter davantage de mon singulier sex appeal , comme disait ma sœur avec une affection toujours finement maintenue entre tendresse et ironie, entre respect et testage systématique de mes limites.
À partir de quel nombre de partenaires sexuels était-il raisonnable de considérer le terme « salope » comme approprié, au just

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