Purespace - L'Intégrale , livre ebook

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Reine du plus vaste clan d’Europe, Shereen est une vampire dont le but est d’offrir aux victimes une seconde chance, soit par la vengeance, soit par l’immortalité.


Elle tient plus que tout à son groupe, chaque membre étant quelqu’un qu’elle a sauvé des griffes de ses bourreaux.


Alors qu’elle vient de sauver une nouvelle victime de ses tortionnaires, son clan est attaqué par un véritable vaisseau spatial qui décime leurs rangs.


Cette invasion extra-terrestre semble viser uniquement les espèces surnaturelles. On les appelle les Purespaces...

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Nombre de lectures

31

EAN13

9782373420432

Langue

Français

Purespace
Version Intégrale Cécile Duquenne
Éditions du Petit Caveau - 100% numérique
Avertissement
Salutations sanguinaires à tous ! Je suis Van Crypting, la mascotte des éditions du Petit Caveau. Si vous lisez cette histoire avec un Kindle, n'hésitez pas à activer les polices/fontes de l'éditeur (dans le menu des polices). Si vous rencontrez un problème, et que vous ne pouv ez pas le résoudre par vos propres moyens, n’hésitez pas à no us contacter par mail (numerique@editionsdupetitcaveau.com) ou sur l e forum en indiquant le modèle de votre appareil. Nous nous ch argerons de trouver la solution pour vous, d'autant plus si vou s êtes AB-, un cru si rare !
PPrologue
Certains faits divers ne finissent pas dans la press e, car ils sont si monstrueux et si secrets qu’ils ne remontent jamais à la surface. Ils restent là, dans les ténèbres de l’inhumanité, où vivent les bourreaux et gisent les victimes. Ils ne parviennent jamais à la lumière de l’exposition médiatique. Ni les bourreaux. Ni les victimes. C’est pourquoinoussommes condamnées aux ténèbres. Ilsnous ont condamnées aux ténèbres.
Assise dans l’herbe fraîche sous les volets clos d’ une maison endormie, je pose la tête contre le mur et ferme le s yeux pour capter ses pensées. La jeune fille a froid, faim, peur, mais elle n’a rien pour se prémunir du premier, plus d’énergie pour réclamer l e deuxième, et aucun espoir de vaincre le dernier. J’ai besoin d’e n savoir plus si je veux pouvoir lui faire confiance. Mérite-t-elle d’être sauvée ? De faire partie de mon clan d’anciennes victimes et de nouveaux êtres libres ? Mon cœur l’en croit digne, cependant la raison me s ouffle de prendre garde. C’est pourquoi mon esprit part à la rencontre du sien et le frôle, comme l’abeille avant de se poser sur la fleur. Je n e voudrais pas la faire ployer, si léger que soit mon contact. Doucem ent, j’étends mes perceptions aux siennes et je l’en enveloppe. Elle dort. Son esprit devrait être grand ouvert au monde, mais elle est s i vulnérable qu’elle n’a plus que son âme pour se réchauffer. Son être semble recroquevillé autour de cette dernière parcelle de chaleur humaine. Lentement, je m’insinue en elle… en quête de ses souvenirs.
La dernière fois qu’elle a vu la lumière du soleil, elle défendait les couleurs du mariage pour tous sur le pavé parisien.Qu’elle est loin de chez elle, songé-je d’abord, avant de me laisser emporter par le flot. Si je pense ou si je lutte, je risque de perdre le fil de ses souvenirs. À Paris, donc, elle défendait les couleurs du mariage pour tous. Elle n’était pas lesbienne, mais certains de ses amis préféraient les gens de leur sexe et se battaient au nom de leurs droits. E lle souhaitait simplement manifester son soutien. Elle jugeait cel a d’autant plus important que le climat social et politique devenai t de plus en plus nauséabond en ce « printemps français » 2013. En so mme, il s’agissait pour elle d’un acte citoyen. Elle voulait que le mo t « égalité » de sa chère devise ait de nouveau un sens. Ainsi défilait- elle sous les bannières. Tout a basculé quand elle a voulu répondre au télép hone. Sa mère l’appelait : du haut de ses vingt ans, elle estimai t encore normal de la rassurer sur ses faits et gestes, même si elle avait techniquement passé l’âge de rendre des comptes. Au moment où elle a dé croché, elle n’entendait rien à cause des slogans, alors elle s’est dirigée vers le côté du défilé, sans trop s’éloigner, avançant au rythme où se déroulait le
lent serpent joyeux du peuple arc-en-ciel. Ilslui ont arraché le téléphone des mains. Ils lui ont mis la main sur la bouche. Ils lui ont enfilé un sac sur la tête.
La jeune femme gémit dans son sommeil. Mon explorat ion ravive ses souvenirs, peut-être nage-t-elle en plein cauch emar. Je capte une pensée.Non, non, pas encore. Le passé est revenu la hanter. Il me faut l’en délivrer. Pour cela, je dois comprendre les racines de son ma l. La transformation sera-t-elle une seconde chance pour elle ? Saura-t-elle se reconstruire ? Je plonge encore plus profond.
Ils ne l’ont pas frappée. Ils ne « frappent pas les femmes ». Ils ont voulu lui apprendre ce que c’était qu’un ho mme, un vrai. Alors ils ont agi en hommes, en vrais. Ils ont détruit la femme en elle. Ses espoirs. Son avenir. Sa confiance. Encore et encore. Cette nuit, ils vont revenir et elle ne sait pas qu oi faire. Elle appelle la mort de tous ses vœux, mais elle sait que rien ni personne ne viendra la sortir de cet enfer. Elle est morte aux yeux du monde, d’ores et déjà, alors pourquoi la Faucheuse s’intéresserait-elle de nouveau à son cas ?
Ils l’ont laissée nue sur le matelas de la pièce au x murs délabrés. Aucun mobilier, aucune fenêtre, juste cet escalier par lequel ils entrent, depuis une éternité, pour lui « redonner le goût des hommes ». Elle ne sait même pas à quoi ils ressemblent. Elle a fermé les yeux si fort, pour ne pas voir son viol en plus de le subir , qu’elle ignore jusqu’au visage de ses agresseurs. De toute manière, quand elle ouvre les yeux, elle est dans les ténèbres. Il n’y a pas de lampe. La seule lumière qui tombe ici est celle qui filtre parfois s ous la porte à l’étage. Le reste du monde n’existe plus. Elle est de retour à l’immonde. À l’informe. À la bête sauvage. Elle est un trou pour eux, où ils ensemencent leur haine, leur peur, leur ignorance. Bientôt, elle deviendra comme eux.
Je me demande combien de temps a passé depuis son e nlèvement. L’automne sera bientôt sur nous. Dans sa mémoire, au jour du défilé, je perçois clairement le froid piquant ainsi que le so leil blanc d’hiver. Cela fait plusieurs mois qu’elle subit ce calvaire. Elle a peur. Elle a mal. La graine de la haine a germé en elle. Il est peut-être trop tard pour la sauver. Je la sens grimper depuis le bas de son ventre. Depuis la matrice. Je soupire et rouvre les yeux. Il est temps pour elle de briser ses chaînes aux maillons de peur et
d’angoisse. Il est temps pour moi d’entrer dans son monde et de lui redonner une chance. Sa chance.
La jeune fille dormait toujours quand je me suis introduite dans son cachot. Je suis de nouveau dehors, au même endroit que tout à l’heure. Je ferme à nouveau les yeux. Cette fois, j’affermis mon contact avec son esprit. Il lui faut une impulsion, un apport de cou rage extérieur. L’étincelle qui enflammera sa rage et ses sens. Une petite poussée, ce presque rien nécessaire pour qu’elle devienne l’artisan de sa libération.
Quand elle rouvre les yeux, elle se sent invincible. Un feu étrange consume son corps de l’intérieur, une fièvre terrifia nte fait trembler tous ses membres. Elle a soif, si soif. La porte grince, la porte s’ouvre, l’un de ses bour reaux descend l’escalier. Elle n’a plus envie d’obéir.Plus jamais, insisté-je à travers son esprit. La voix de son bourreau est presque cor diale quand il remarque : « Tiens, t’es réveillée ? Tu nous as foutu les jeto ns, on a cru que t’étais morte. » Je suis morte au monde, a-t-elle envie de répondre. Au lieu de quoi, c’est un grondement qui jaillit de sa gorge, un son rauque dont elle ne se serait jamais crue capable. Il rit en la voyant se relever, pour la première fois depuis des mois passée à quatre patte s ou les jambes écartées : « On a même retrouvé la forme… Eh bien, ça, dis don c ! C’est une bonne nouvelle. » Il s’avance, lui prend le bras, pose son autre main sur sa hanche. « Il faudrait que tu manges un peu plus, par contre. » L’odeur de sa peau, toute proche, lui met justement l’eau à la bouche. Elle ne comprend pas cette soudaine attiran ce envers l’homme qui la séquestre depuis des lunes.Aie confiance, lui soufflé-je, comme le vent souffle aux feuilles qu’il est temps de quitter l’arbre. Que lui arrive-t-il ? Elle a l’impression d’entendre les battements de son cœur. Qui pulse. Qui pulse. Encore et encore. Elle passe sa langue sur ses dents. Ce qu’elle déco uvre au niveau de ses canines est si tranchant qu’elle s’y coupe. Des crocs. Longs, affilés, qui touchent le rebord ex terne de sa lèvre inférieure. Quand sont-ils apparus ? Pour la première fois, les hurlements qui suivent n e sont pas les siens. Enfin. Enfin. La vengeance a un goût délicieux.
I
Sourquoi nousix pieds sous terre, la nuit est éternelle. C’est p avons établi nos quartiers de jour dans le vide san itaire d’un ancien réseau d’égouts. Pour accéder au dernier niveau, il faut se jeter au fond d’un puits sans échelle. Naomie contemple le vide avec appréhension. Je ne lui parle pas de la corde enroulée au fond de mon sac à dos, prévue dans le cas où le courage lui manquerait. Au contraire, j’insiste sur la nécessité de tester l’étendue de ses pouvoirs : « Ton corps peut résister à toutes les chutes, même les pires. » Je n’ai pas eu besoin de lui faire de grand discour s pour la convaincre de la réalité de sa nouvelle condition : elle l’a sentie, vécue, goûtée. Elle a aussi plongé son regard dans le mien. Ce q u’elle y a entraperçu l’a fait ciller. Je sais ce qu’on y lit : souffrance et espoir tout à la fois, l’histoire de ma vie entière. Alors elle a préféré s’attarder sur le reste de mon physique : rapidement, son regard a caressé la ligne déterminée de mon menton toujours levé dans un défi lancé au monde, puis il a déposé un baiser furtif sur mes lèvres pl eines avant de remonter à mes épais cheveux noirs. Ce soir, je les ai réunis en une longue queue de cheval très haute, pareille à la co iffure qu’arborerait une guerrière amazone. Je ne les ai jamais coupés d epuis ma transformation et ils n’ont jamais cessé de pousser. Sur mon front brille un diadème, entrelacs de cuivr e autour d’un cabochon de pierre semi-précieuse. Il me couronne e t m’identifie aux yeux des autres vampires comme Shereen, la Reine Cu ivrée du Sud. Mon autorité est reconnue et acceptée sur le pourto ur nord-est du bassin méditerranéen. Je dois aussi bien ce surnom à ma couronne qu’à la couleur de ma peau, témoin de mes origines iraniennes. Naomie me regarde encore puis reporte son attention sur le trou béant à ses pieds. Les dernières étincelles de son humanité grésillent encore des avertissements inutiles à son oreille :c’est trop haut, dix mètres au moins, tu vas mourir. « Ensemble ? » murmure-t-elle avec un trémolo dans la voix. Je lui prends la main. « Trois, deux, un… » Nous sautons. La chute dure à peine autant que le d écompte. Hébétée, Naomie se réceptionne avec les genoux pliés au maximum. Je lui lâche la main, contemplant près de moi la jeune femme qui renaît en une version améliorée d’elle-même. Son regard vient de s’ouvrir. Je lui offre un sourire : « Le plus difficile ne sera pas d’apprendre à maîtri ser ce qui est nouveau mais de te débarrasser de ce qui est ancien. Les automatismes, notamment. — C’est incroyable, ce dont je suis capable… — Viens, c’est par là maintenant. » Une centaine de mètres plus loin, des barricades nous accueillent. À cheval sur l’une d’entre elles, Guilhem nous aperço it. Il saute à bas de
l’assemblage hétéroclite destiné à décourager les i ncursions des visiteurs humains indésirables, puis nous fait l’au mône de son extravagante bienvenue : « Revoilà la plus belle ! Shereen, ma Reine, j’ai c omposé pour toi une longue ballade… auras-tu le temps de l’écouter ce soir ? » Naomie dévisage le troubadour littéralement revenu d’entre les morts, issu des anciens temps. Afin de la familiaris er avec le premier vampire qu’elle rencontre mis à part moi, je m’occu pe des présentations : « Naomie, Guilhem d’Aquitaine. Guilhem, voici notre nouvelle recrue. » Le troubadour fait tomber plume et chapeau, se fend ant d’une révérence exagérée, et plante la graine d’un baiser sur la main de la jeune fille. Celle-ci recule avec brusquerie, électr ifiée par le contact. Rien d’étonnant après les derniers mois traversés. « Je suis tombée sur elle alors que je traquais de nouvelles proies. » précisé-je. Rapidement, je relate la soirée : mon errance dans les rues de la ville, la remarque racisteet machiste d’un homme éméché à mon propos – une histoire de belles orientales et de Ka ma Sutra. J’ai fait mine de l’ignorer mais, en fait, j’avais déjà chois i d’en faire mon repas. De fil en aiguille, je l’ai suivi jusque chez lui, m’attendant à tout sauf à ce que j’allais y trouver. Une petite parisienne si loin de chez elle. Un être brisé qu’il fallait aider à reconstruire… Je ne raconte pas les détails de notre rencontre. D e toute manière, ici, tous les vampires ont été les victimes de quelqu’un avant de passer à la Nuit. Nul n’est obligé de raconter son histoir e à moins de le vouloir. On se passe des mots et on se serre les co udes. Naomie ignore que je sais tout de son calvaire, que je l’ai revéc u à travers ses souvenirs. Ces terribles moments l’ont détruite. Je garderai son secret pour nous deux en attendant qu’elle se sente la for ce d’affronter de nouveau le monde et, surtout, les hommes qui l’habitent. « Guilhem est un itinérant, fais-je pour changer de sujet. Il ne fait pas vraiment partie de notre communauté mais il nous gratifie deux fois l’an de sa présence. — Je voyage à travers l’Europe entre les différentes cours vampiriques, et autres… — Et autres ? relève Naomie. — Une chose après l’autre, ma belle. » Le surnom n’aide pas Guilhem à gagner des points, m ais il ne pouvait pas savoir. Je prends la main de Naomie, co uverte de sang sec, pour la tirer de l’autre côté des barricades. Nous louvoyons encore plusieurs centaines de mètres avant de tomber sur u ne autre barrière. Tandis que nous la dépassons, une question me vient : « Que faisais-tu ici, Guilhem ? — Je t’attendais, ma Reine. — Vraiment ? — Bon, il se peut que j’évitasse aussi la compagnie de ton chancelier. Il ne ferait guère un bon vin : son car actère ne s’améliore pas avec l’âge. »
Je ne peux m’empêcher d’esquisser un sourire : le bel euphémisme ! La brouille entre Guilhem et Max remonte à la création de ce dernier, qui l’estime responsable de la mort de sa femme. Bi en entendu, Guilhem n’a pas participé à l’assassinat de Lorde, mais son intervention a malheureusement accéléré un processus inévitable. J’ai pu sauver Max grâce à Guilhem, mais pas Lorde. Au lieu de m’en vouloir, Max a décidé d’en vouloir au troubadour. Ni lui ni moi ne lui en tenons rigueur. Nous savons tous ce que c’est que d’être u ne victime, de se sentir impuissant et d’en vouloir au monde entier – bonnes gens y compris. Nous marchons, longtemps. Nous quittons les égouts de la ville pour pénétrer dans le réseau de souterrains qui quadrill e la campagne. Les couloirs sont parfois hauts et étroits, parfois larges et bas ; il s’agit du lit d’une rivière, la plupart du temps asséché, aux parois calcaires veinées de traînées noires et rouges. Une fois la d ernière barricade et ses nombreux pièges dépassés, nous parvenons dans u n couloir percé d’un nouveau puits qui, cette fois, se trouve au-dessus de nos têtes. « Il va falloir sauter. — Où cela mène-t-il ? s’étonne Naomie en se tordant le cou. — De jour, nous restons dans les souterrains mais, la nuit venue, nous nous réunissons dans un grand corps de ferme. Nous prenons des chemins détournés pour y parvenir car nous ne voudr ions par attirer l’attention des vivants par d’incessants va-et-vien t. C’est plus prudent ainsi. » Et nous sautons. J’aide Naomie à prendre son impuls ion puis vient mon tour. Je jaillis hors du puits sans margelles, bien au-dessus du sol, tel un oiseau sans ailes. Ma prouesse tire un soupi r ébahi à ma jeune recrue. Guilhem ferme la marche avec moins de succès auprès de notre nouveau public. Il fait mine de s’en émouvoir mais cela ne durera pas. Ses émotions sont aussi vives et soudaines que des orages d’été : promptes à s’emporter, promptes à s’évanouir. Le corps de ferme flanque les trois côtés d’une imme nse cour en terre battue au centre de laquelle se dresse un feu de joie. L’oriflamme orange, rouge et jaune crépite sur fond d’encre de nuit. C’est la seule source de lumière à des kilomètres à la ronde. J’observe les silhouettes en quête de chaleur qui se tiennent debout dans la vaste flaque de lumière, et elles m’observent en retour. Mes enfant s, mes protégés, mes sujets ; ceux que j’ai sauvés sans rien leur pr omettre d’autre qu’une seconde chance. La vengeance leur appartient. Mon arrivée déclenche le début des festivités ; elles ne commencent jamais sans moi, c’est une règle que mes sujets se sont d’eux-mêmes imposée. Guilhem s’en va retrouver sa chère guitare avec d’autres vampires mélomanes autour d’un feu de bois, tandis que je guide Naomie jusqu’à mon chancelier, Max. Ce dernier se trouve attablé dans la grande salle, où flotte une délicieuse odeur de c annelle. De l’encens brûle à tous les coins de la pièce. Max est occupé à tailler un bout de bois où je devine l’esquisse d’un visage. Lorde ? C e ne serait pas la première fois qu’il tente de se souvenir de son visage à travers les arts. Dès que j’arrive, il se lève et me salue. Son regard bleuté glisse vers
Naomie. Je n’ai pas besoin de m’immiscer dans ses p ensées pour deviner qu’il désapprouve cette nouvelle transformation. À son goût, nous sommes trop nombreux pour un seul groupe. Nous ne manquerons pas de nous faire remarquer très bientôt. Il a raison, bien évidemment, mais qu’y puis-je si les inclinaisons d e mon cœur me poussent à sauver chaque victime que je croise ? Tant pis si l’on nous remarque. Nous bougerons, voilà tout. Nous sommes b ien moins vulnérables en vampires, rien de plus grave ne pour rait nous arriver qu’une émigration forcée, d’autant plus que l’Accord n’est pas prêt de se rompre. Aucune guerre inter-espèces à l’horizon. Tant qu’Aramis est Alpha de la meute du Sud, je sais que nous pouvons dormir sur nos deux oreilles. « Tu lui fais faire le tour du propriétaire ? deman dé-je à Max afin qu’il prenne le relai. — Vous… vous me laissez ? » s’inquiète ma protégée. Je prends ses mains entre les miennes. Le contact s emble la rassurer suffisamment pour que je me passe de paroles vides de sens. Je lui transmets seulement l’essentiel : « Ici, pas de bourreaux. Que d’anciennes victimes, comme toi. — Même vous ? » Je cille sans répondre. Nul ne raconte son histoire , à moins de le vouloir… or, si j’ai partagé son calvaire avec Naom ie, je suis loin d’avoir envie de m’épancher auprès d’elle. Auprès de quiconque. Alors que je laisse ma protégée aux bons soins de m on chancelier pour me réfugier près du feu, l’évidence me frappe soudain : Aramis. S’il y a bien une personne à qui je pourrais parler de ce que j’ai vécu ou juste parler sans avoir besoin de louvoyer pour éviter le sujet de mon passé cahoteux, c’est lui. Après tout, une partie de ce passé nous est commune. Tout à coup, il me manque, à la manière dont ma sœu r jumelle m’a jadis manqué et, parfois, me manque encore. Dans ces moments-là, le monde devient inhabitable. La compagnie des autres, insupportable. Alors, au lieu de m’asse oir dans le cercle délimité par la lueur du feu de camp, où une demi-d ouzaine de musiciens se lance dans une reprise à la guitare sè che deSmell like teen spirit, je fais comme si je comptais dès le début plonger dans les ténèbres épaisses qui enfouissent le paysage sous e lles. Je m’éloigne dans la campagne environnante. La musique s’évanoui t. Le tapis d’aiguilles apicoles craque sous mes pas délicats, tandis que le chant des grillons m’encercle de son agréable symphonie. L’été indien se termine, et ils chantent encore leur envie de vivre… je les envie un peu pour la simplicité de leur existence. Dans l’arbre où je me perche, leur chant m’enveloppe l’esprit comme une carapace. Je f erme les yeux. Plonge en moi-même… je tombe dans un sommeil léger ou ce qui y ressemble le plus pour un vampire. Nous ne dormons pour ainsi dire jamais, nous dérivo ns sur le long fleuve de nos souvenirs. Ce soir, je retombe en enfe r, auprès de ma sœur jumelle Elham. Je revis la scène comme si c’ét ait la première fois… Sous moi, les ressors du lit grincent au rythme où je respire tant ils
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