Roméo en Juillet
45 pages
Français

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Roméo en Juillet , livre ebook

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Description

Les cinq nouvelles rassemblées dans ce recueil développent différents thèmes : le désir contrarié, l’échec amoureux, le jeu d’échecs, la mort. Elles feront voyager lecteurs et lectrices dans des récits où les personnages sont souvent attachants, et où l’émotion et la dimension tragique ne barrent jamais la route à l’humour et à l’exercice libérateur de l’imagination.
Dans Les Lapins, le narrateur, témoin à l'âge de dix ans d'un accident qui s'est produit sur un lac gelé, retrouve fortuitement la victime de ce drame, Laure Anh, vingt-cinq ans plus tard au cours d'un voyage en Ecosse. Ils font l’amour dans une chambre d’hôtel à Glasgow, vivent brièvement une relation tumultueuse en Allemagne, se séparent. Mais dix ans après, le narrateur apprend que son amante a eu de lui un enfant et qu'elle s'est donné la mort.
Le protagoniste d’un autre conte, de coloration fantastique, rencontre son père (mort depuis deux ans) dans un pub de Soho au milieu de la nuit. Le papa s'est entiché d'une fourmi érotique, à la plus grande honte de son fils.
Ce recueil inclut un récit érotique qui s'inscrit cependant dans un contexte plus sombre qui se révèle derrière « l'autre fenêtre ».
Juste avant de mourir de noyade dans une piscine Paule, qui vit à Londres, se souvient (Roméo en Juillet) de son cousin nantais, un gentil excentrique surnommé "l'illuminé continental".
Dans une ville d'Europe Centrale, des vieux professeurs se réunissent dans un parc pour jouer aux échecs. Deux nouveaux-venus, Birgitt, une jeune professeur, et Pavel, un aveugle, se joignent à leur club dans Echec à l'aveugle. Répugnant à s'intégrer à la routine des vieillards, ils font...cavalier seul.

Informations

Publié par
Date de parution 26 août 2019
Nombre de lectures 2
EAN13 9782379790843
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0016€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Roméo en Juillet
et autres nouvelles

Bernard Décembre

2019
Cet ebook a été réalisé avec IGGY FACTORY. Pour plus d'informations rendez-vous sur le site : www.iggybook.com
Roméo en Juillet
 

 
 
 
 
 
Il y a des jours où l’on a besoin de bleu et d’eau.
Piscine découverte dans le parc de Hamstead Heath. Londres. Juillet. Fraîcheur de l’eau. Soleil radieux sans nuages. Piaillements des mouettes. Cris des gamins venus en bandes du HLM voisin. 
Mais Paule ne les entend pas. Elle est sous l’eau. 
Par vives poussées des bras et des jambes elle propulse son corps mince et musclé de belette à travers la masse liquide. Elle essaie de tenir le plus longtemps possible sans remonter à la surface.
Elle n’est plus qu’à une dizaine de mètres de l’extrémité du bassin, là où il y a les plongeoirs. Soudain lui vient l’idée saugrenue de regarder sous elle. Cinq mètres d’eau. Conscience brutale de la profondeur. Elle voit avec netteté, à travers ses lunettes de plongée, les tuiles tremblotantes du plancher de la piscine renvoyer l’éclat du soleil. 
Prise de panique, elle remonte en catastrophe.
De retour à l’air libre, elle tousse comme une phtisique, crache l’eau par la bouche et par les narines. Elle cherche à rejoindre le bord de la piscine. Mais ses muscles, tétanisés, ne répondent plus… Ses jambes et ses bras la lâchent. Elle se sent couler…
 
Des profondeurs de la mémoire de Paule remonte alors Jacques-Louis.
Jacques-Louis! Que Marie appelait l’illuminé continental…
Qu’est-ce qui est le plus bleu? disait-il d’un air qui se voulait malin. Le bleu ou le blue ? Il vous sortait des trucs comme ça, sans queue ni tête. Des questions bêtasses qui se prenaient pour des devinettes rusées… N’empêche, il n’y a que les idioties pour vous coller à la mémoire. Comme le goémon au sable humide après le passage de la vague. 
Paule avait complètement oublié Jacques-Louis… 
Et c’est maintenant, justement maintenant, alors qu’elle se sent très lourde, coulant au fond de la piscine, qu’il revient…
Cinq ans déjà. Cinq ans qu’elle avait quitté Noirmoutier pour la capitale britannique, et le lycée de bonnes soeurs pour la Goldsmith University.
La mémoire, on dit qu’on en fait ce qu’on veut. Mais pas du tout, c’est elle qui décide. Quand s’éteindre et quand se rallumer. Comme les lampes après l’orage.
 
Sous son sac à dos de scout en toile kaki Jacques-Louis débarquait chaque été pour passer trois semaines de bon air marin  à la ferme de la grand-mère de Paule. 
 
 
Perchées sur la digue, les pieds tambourinant en mesure, Paule et sa copine Marie piochent tour à tour dans un cornet de frites. Le ciel fonce, la pluie s’annonce. C’est toujours comme ça dans les iles atlantiques, il faut s’attendre à être saucé même quand le soleil fait tout ce qu’il peut pour vous faire croire qu’il fait beau. 
Eh! vois-tu ce que je vois? s’exclame Marie en donnant un coup de coude dans les côtes de Paule. 
Quoi? fait Paule, un peu patraque après les mélanges de cidre, de 1664 et de Sauvignon la veille à la crêperie.
Ben, ton cousin du Continent … 
Le grand échalas qui s’avançait sur le passage du Gois avait les cheveux longs comme Antoine, le chanteur, longs mais surtout gras car à dix-neuf ans le temps est venu de dire adieu aux shampoings et de laisser faire la bienveillante nature. Les petits yeux bleu clair de Jacques-Louis semblaient égarés comme des noyaux de cerise au milieu de son visage tout en longueur qui finissait en menton mou et fuyant. On ne pouvait pas dire qu’il était beau garçon. Comme sa cousine Paule, il avait des mains graciles aux doigts osseux et une petite bouche en coeur. Il souffrait de sa taille d’homme du nord, qu’il tenait d’on ne savait où car chez lui tout le monde plafonnait à un mètre soixante. Une aïeule avait dû fauter lors du passage d’un Viking aux yeux d’azur… Sa hauteur aggravait sa maigreur, et celle-ci, en retour, confirmait l’anomalie de la taille. La tante de Paule, qui avait fait des études d’infirmière, diagnostiquait avec le petit gloussement de celle qui sait : si c’est pas endocrinien, ça …
Jacques-Louis était souvent perdu dans ses nuages personnels, ce qui, d’après Marie, s’expliquait aisément : sa tête, haut perchée comme elle l’était, ne pouvait qu’avoir une tendance naturelle à percer les nuages…
Le Nantais s’était entiché de la Noirmoutrine. Paule soupçonnait que les petits seins en trompette de Marie n’y étaient pas pour rien. La mode s’était répandue d’ôter le haut sur la plage, et Marie s’efforçait d’être une jeune fille moderne. Bien que brûlant jusqu’au point d’incandescence pour sa cadette de quatre ans, Jacques-Louis n’était jamais assez téméraire pour tenter la grande aventure . Peut-être était-il un adepte de l’amour courtois, comme l’affirmait Marie en pouffant. Marie qui, la méchante, se faisait chaque été une joie cruelle de le faire courir après l’espoir qu’un jour il allait enfin décrocher le gros lot, soit obtenir d’elle ce qu’il désirait d’autant plus ardemment qu’il était incapable de le formuler clairement. 
Les lettres qu’il lui envoyait avec une ponctualité de factures d’électricité faisaient régulièrement cinq à six pages. Espace à peine suffisant pour témoigner avec assez de conviction d’une passion aussi inexprimable que puérile. Paule et Marie les lisaient ensemble car elles partageaient tout : pulls, rouge à lèvre, cornets de glace… et, évidemment, littérature d’amoureux. C’est passionnant tout ce que les garçons peuvent imaginer pour faire les intéressants.
Comme Jacques-Louis trouvait le prénom de Marie trop banal, il lui en inventait d’autres, inspirés par des noms de fleurs ou d’animaux – manifestement pour flatter Marie, qui avait une passion intransigeante pour la nature – et qui n’existaient que le temps d’une correspondance. Chaque lettre était adressée à un nouveau prénom, ce qui prêtait le flanc à toutes les interprétations. Marie ne savait comment prendre cet usage excentrique : fallait-il s’en réjouir (parce que représenter, dans l’imagination exaltée de Jacques-Louis, une multitude de personnalités la gratifiait d’une capacité de séduction décuplée), ou au contraire se fâcher de cette inflation d’appellations, suspecte d’une prétention grotesque à un donjuanisme de pacotille? La liste des substantifs amoureux allait de Romarine à Léopardine, en passant par Alouettine, Héliotropine, Ménurine ou Angorine. 
Une fois, après s’être plongé dans un ouvrage sur la mythologie grecque, il s’était aventuré à appeler Marie sa gentille Ariane ingénieuse. Dans sa lettre, il était lui-même un Minotaure des plus singuliers, nanti d’un long cou de girafe – pour établir une relation de vraisemblance avec ses mensurations – d’une tête de licorne et d’un corps de lion féroce – et néanmoins tendre comme un agneau dans les très fonds de son coeur. Marie était donc Ariane, mais, par un renversement inattendu de la légende, une Ariane délivrant du Labyrinthe cet extravagant Minotaure et empoisonnant Thésée au moyen d’une mixture diabolique composée d’algues marines violemment venimeuses et, pour plus de sûreté, d’un poison plus conventionnel. 
Marie lui avait expédiée, dans une correspondance adressée à Jacques-Louis, le très minitore , un démenti formel lu et approuvé et, en post-scriptum, l’avait traité de minable petit intellectuel Nantais prétentieux. Ce qui n’avait pas dû lui plaire car il avait commencé sa lettre suivante par Ma Chère et Infiniment Galéodine – formule qui leur était tout de suite apparue un peu suspecte. Lorsqu’elles découvrirent dans le Larousse familial que la Galéode était un genre d’arachnide venimeuse, Marie blêmit. Elle n’avait jamais imaginé un instant Jacques-Louis assez sournois pour oser, sur un coup de colère, une épithète aussi plaisante à l’oreille, et insultante à l’entendement. 
Marie s’était fendue d’une nouvelle missive, féroce et impitoyablement précise quant à l

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