Salut Delcano !
234 pages
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Salut Delcano ! , livre ebook

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Description

Jamais la guerre n'a été aussi imminente entre la Confédération Terrienne et la Ligue, que conduit le puissant Daktar de Song...

C'est dans ce contexte explosif que Delcano débarque sur Longuevie, afin d'y enquêter sur les attentats meurtriers qui viennent de réduire à néant les efforts diplomatiques, de part et d'autre.

Aidé de son redoutable acolyte Shimro, Delcano doit se montrer plus obstiné que ses supérieurs, plus sournois que ses adversaires, afin d'arracher au sort contraire deux résultats qui lui tiennent à cœur : préserver la paix dans la Galaxie et – surtout ! – sauver sa peau.

Objectifs aussi déraisonnables l'un que l'autre...

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 13
EAN13 9791090931053
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Raymond MILÉSI
SALUT DELCANO !
Delcano – 1
(extrait)
Éditions ARMADA www.editions-armada.com
1 - Les charmes de Longuevie
« Beauté bleue ! m'exclamé-je : vous êtes exactemen t le genre de pièce montée que je rêvais d'admirer ici ! » De toute sa hauteur, l'élégante me gratifie d'un ex amen express, réussit à me toiser à peu près comme si j'étais une tête de pois son dans le caniveau, puis reprend son déhanchement à bonne allure. Fasciné, j e m'installe dans son sillage. À Wangtzi, tout le monde ou presque a la peau jaune et le geste effacé. Une lointaine origine terrienne asiatique, allez savoir ! Ma géante, elle, a la peau vif azur et l'insolence des femmes de Song. C'est dire si elle ne risque guère de passer inaperçue ! Moi non plus d'ailleurs, avec mo n visage pâle et mon mètre quatre-vingts… Deux bonnes têtes au-dessus des promeneurs, elle en taille la foule chamarrée de ses luxueuses foulées, attentive à esq uiver les sébiles des mendiants. Je me frotte les mains : à peine réglé l e parking deLady Jane,cette figurante au jeu de jambes hors du commun m'offre s ur un plateau la preuve que j'ai eu le nez creux de démarrer mon enquête par Lo nguevie. À ma connaissance – vaste, merci – les natifs de Song, c eux du peuple du moins, quittent rarement leur caillou. Sauf s'ils font partie de la suite du Daktar ! Le but de sa croisière ne fait bientôt plus de dout e : j'en vois les tours d'angle se découper avec netteté par-dessus les toits. Du c oup, je marque une pause, m'interrogeant sur la conduite à adopter. Mauvaise idée, car au même instant une vive douleur à l'arrière du crâne m'arrache à m es calculs. Je trébuche, évitant in extremis de m'étaler, ce qui déclenche l 'hilarité d'un badaud au sens de l'humour discutable. Je contiens mon envie de lu i enfoncer ses dents dans la gorge… Une pomme. J'aurais dû m'en douter. Blanche-Neige e t moi, outre un intérêt particulier pour les nains, nous partageons un sent iment d'une grande profondeur : nous ne supportons pas les pommes. Irr ités que je les laisse tomber, ces fruits sans humour auraient-ils décidé de se venger et de passer à l'action ? Ils organisent la résistance active, ave c mon crâne pour cible. Je me masse la protubérance, lève les yeux. Rien de spécial en altitude. Il y a bien une fenêtre qui bâille au troisième… Peut-êt re que le projectile végétal vient de là ? Méprisons. Je vais pour m'emmener plu s loin, les nerfs à vif car cet incident m'a fait perdre de vue la divine à la peau turquoise, lorsque la scène recommence, avec le son en prime. Un deuxième fruit contondant déboule soudain par l'ouverture que je viens de repérer, attestant l'origine du premier. Cette fois sur le qui-vive, je bondis de côté. Inut ile car la nouvelle pomme s'écrase dans un bruit mat à quelques pas de ma per sonne. Quant au son dont je parlais, il ne s'agit pas de l'impact mais d'un cri surgi des hauteurs, un cri de femme, qu'on peut traduire à vue d'oreille par :« Oomîî ! » À une lettre près, ça donnait mon doux prénom numér o un dans cet univers. Je déniche sans tarder l'accès de l'immeuble, par l equel je m'engouffre aussitôt. Étrange, mais j'ai dans l'idée que la voix à peine entendue ne m'est pas inconnue… Me voici dans un couloir mal éclairé qui sent l'urine et la graisse froide, effluves du peuple laborieux qui se remplit et qui se vide. Un escalier se
propose, je l'adopte. Les marches branlent à plaisi r mais il en faut plus pour me dissuader. Je me tape les trois étages, trop curieu x d'apprendre quel est le farceur qui épuise son compotier en mon honneur ! Dès le palier, ce qui me tarabuste, c'est l'odeur, les odeurs plutôt. La joue collée contre le battant, je discerne un premier pa rfum puissant et discret, privilège des dames de la haute ! Je frappe histoir e de me dédouaner, puis je tourne la poignée sans trop y croire. Pleine de bon ne volonté, la porte s'écarte. C'est là que, pour changer de fruit, je prends en p leine poire l'autre odeur. Très reconnaissable celle-là : le fumet doucereux, fade et dégueulasse du sang chaud… Je risque deux pas, l'œil fureteur. La fenêtre est restée largement ouverte, relevée sur son axe pour être exact. Je m' avance jusqu'à l'appui, me penche un bref instant. En bas, le morceau de pomme écrabouillé tient toujours le haut du pavé. Un quidam pressé et déguisé en Arl equin qui discutaille en jouant des bras avec son voisin pose justement le p ied dessus : il se paie une glissade d'envergure et pousse un juron que je me r efuse à transcrire. Je me marre une seconde en regagnant l'ombre du local. C' est bref, mais j'en ai besoin. Sur une table basse trône le panier à fruits, à por tée de main de la locataire qui me les a offerts à sa manière. Juste au-dessus de la belle endormie, une série de huit coupes à vin en verre ou en cristal, curieusement dissymétriques, s'aligne avec un soin méticuleux sur une étagère, c hacune dans son box aux parois rembourrées d'une mousse épaisse ; deux nich es sont orphelines. Je me demande ce qu'on peut boire de si précieux dans ces gobelets ! De son fauteuil, la jeune femme a dû enregistrer mo n reflet dans le miroir en biais formé par la baie vitrée, ce qui l'a conduit à tenter de m'avertir. Exercice difficile du fait qu'elle est ligotée serré à son s iège, même si elle a réussi à se libérer le bras gauche. À force de me bombarder, pe ut-être serait-elle parvenue à ses fins si elle n'avait jugé bon d'accompagner s a tentative de la voix. Sûrement ce qui a causé sa perte. Enfin, moi, c'est dans ce style que je vois le scénario.Quelqu'unegarderse trouver en compagnie de la lanceuse, à r  devait ailleurs peut-être. L'appel aura été de trop. J'oubliais de mentionner que la dame en question vi ent d'avoir la gorge tranchée de part en part d'un maître coup de rasoir . Son sang se déverse en glougloutant sur sa robe largement échancrée et dég ouline jusqu'au plancher où une vilaine flaque est en train de prendre ses aise s. Je m'efforce de ne pas y coller mes semelles. Un détail me chiffonne : si le mystérieuxquelqu'un s'était sauvé d'ici, je l'aurais vu sortir en bas ou rencon tré dans l'escalier, non ? Le troisième, c'est le terminus de ce clapier. Triple idiot ! Alors seulement je remarque une autr e porte, de la même couleur que le mur, mais tout de même ! Vous parlez d'un enquêteur ! Je sors mon laserjet, retiens mon souffle et me glisse cont re la paroi, afin d'atteindre de biais l'ouverture si discrète. À force de tendre l' oreille, je finis par percevoir au-delà du cadre une espèce d'embryon de gémissement. Répétitif. Un temps d'arrêt : l'option la plus raisonnable serait de la isser tomber l'expédition et de m'emmener du côté d'ailleurs, mais comme souvent je choisis le parti inverse. La nature ! Je shoote un superbe coup franc dans le battant, qu i gicle « tambour lui-même » et, dans la foulée, me précipite dans la cha mbre attenante, l'arme
haute. Range ton épée Bayard ! L'occupant des lieux n'a pa s les dents longues. Je le surprends recroquevillé sur un lit de dimensions imposantes où il ronfle avec conviction, en émettant çà et là entre les lèvres u n petit cri avorté. L'arme remisée dans une poche de mon blouson, je marche su r l'alité : il est maigre, plus que maigre, fagoté dans cette espèce de pyjama de cérémonie qui fait florès dans le quartier, les cheveux noirs, abondan ts et luisants, taillés au cordeau, le teint glauque et maladif, la bouille te llement hideuse qu'elle en paraît artificielle. Le bas du corps enfoui sous une couve rture à la propreté douteuse, il exhale un drôle d'arôme qui me rappelle celui des v énérables bibliothèques ou des parquets cirés chez moi, quand les mères se tap aient encore ce genre de corvée. Pour l'heure, la corvée, c'est de réveiller le bel endormi. Il présente sur la tempe une bosse de première catégorie qui ne lui a pas été livrée par un moustique, je vous le garantis. C'est peut-être sui te à ce traitement de faveur qu'il a contracté la – comment dire ? –bleuissene peux pas parler de (je jaunisse dans un coin où les types ont l'éclat du c itron au naturel), sous l'effet de la trouille ou de la douleur. Ou des deux. Un lavabo décoré par d'élégantes traînées calcaires agrémente la misère du local. J'y puise un godet d'eau que je vais gentime nt lui flanquer dans la figure. Thérapie couronnée de succès. Le gisant bosselé se redresse, bat des paupières, m'avise, se recule aussitôt de dix centi mètres – soit le maximum – et commence à claquer des dents. Je me décide à ouvrir les débats sur le mode plaisant : — Salut la compagnie ! Bien dormi ? Un peu frais po ur la saison, non ? — … Pas réveillé. Pourtant mon implant-trado est branch é et le sien également : la façon dont il roule les yeux m'apprend qu'il a reçu mon message. Une solide baffe adulte constitue un remède souverain en parei l cas : je lève la main pour donner suite, mais le maigrichon me fait signe de s urseoir. Voilà qu'il se tapote le visage d'une manche puis s'empare d'un miroir à main posé sur une tablette à sa portée, jugeant prioritaire d'examiner ses trait s avec soin. Un maniaque sans doute. En tout cas, il a l'air satisfait de ses obs ervations. J'aurais pu lui confirmer que son hématome ne l'a pas rendu plus moche : la c hose me paraît impossible. Il finit par reposer l'ustensile et, d'un geste fri leux, ramène la couverture plus haut, sur sa poitrine. — Qui êtes-vous ? Bravo, il parle ! Sans barguigner davantage, je le rejoins et lui colle enfin la bonne et grande baffe qui me démangeait et que tout e sa personne réclamait avec insistance. Lui je ne saurais l'affirmer, mais à moi ça me fait du bien ! Le scrupuleux à la triste figure encaisse et s'appuie au bois de lit. — Reprenons, dis-je. Les rôles sont les suivants : les questions c'est moi ; toi, tu réponds ! Pas d'objections ? Signe de la tête, marquant une approbation sans joi e. — Tu t'appelles comment, si je ne suis pas indiscre t ? — Goda Lon. — Il n'y a pas de sot métier. La fille à côté, c'es t bien Luana la Puta si je ne m'abuse ? Il branle le chef en signe d'assentiment universel.
— C'est toi qui lui as fait ça ? — Qui lui a fait « quoi » ? Logique, s'il dit la vérité… Vu que la porte est re stée ouverte, je l'empoigne par le col et lui tourne la tête de cent quatre vin gt degrés, en direction de la pièce voisine où il y a spectacle. Effet garanti : le camarade affolé claque des dents, se dilue sous ma main, se penche de côté et vomit tout ce qu'il peut. Je le regarde s'essuyer les lèvres avec un coin de sa cou verture et domine ma répulsion. — On dirait que tu as raté le meilleur, l'ami ! Ne prétends pas que tu n'as rien vu, rien entendu : à côté de moi, Saint Thomas étai t le pape de la naïveté. Le pauvre bougre gémit plutôt qu'il ne parle, crach otant des reliefs de repas après chaque bout de phrase. Franchement, il fait p itié. — Ils étaient deux… Ils se sont jetés sur nous… — Admettons. Où étiez-vous à ce moment-là ? — Ici, au lit. Ils disaient à Luana « Tu parleras ! Tu parleras ! » Elle, elle jouait celle qui ne comprenait rien, mais j'ai l'impressio n qu'elle savait ce qu'ils lui voulaient. Moi, il y en a un qui m'a saisi par le c ou, et il m'a cogné la tête contre le mur… Voyez : là ! En effet, il y a une trace de sang. — À quoi ressemblaient-ils, tes deux athlètes ? Ses yeux s'égarent sur une image intérieure, brumeu se à souhait. Il me présente ses mains, paumes en l'air en signe d'igno rance, ce qui me permet de constater qu'il a les doigts ridiculement fins : on dirait deux bouquets de frites. Pas gâté. Entre nous, elle hébergeait un drôle de p aroissien, la Luana ! Pendant que j'y pense, qui était-il pour elle ? Je le lui d emande. — On vivait ensemble depuis quelque temps. On s'entendait bien… Vu les activités de sa dulcinée, il ne devait pas m anquer de concurrence. — Te fatigue pas avec ton roman rose : tu prenais t on tour comme tout le monde, je suppose… ? Il baisse en même temps la tête et le coin des lèvr es. Diagnostic : un frustré, un adepte du renoncement. Que je pense ceci ou cela , il n'en a rien à foutre, opinion qui se lit sur ses traits. Dans un sens… Je reviens à la charge : — Pour tes deux agresseurs, je voulais dire : est-c e qu'ils sont du coin ? De la planète Longuevie ? — Forcément. D'où voudriez-vous qu'ils viennent ? À mon tour d'observer une minute de silence. Peut-ê tre que c'est un brave type au fond. On vient de lui saigner sa duchesse à deux pas. Avec un gnon en Technicolor sur le crâne pour faire bonne mesure. I l y a des après-midi où rien ne va… Un détail qui me revient soudain me coupe l' attendrissement sous les pieds. — Je n'ai croisé personne en montant ! Est-ce que t u te ficherais de moi par hasard ? — Il y a une sortie qui donne sur la cour, derrière l'escalier. Peut-être que… Vu. Trop tard pour lancer la chasse. Laissons le ci toyen blême à ses tourments et à son lit maculé qu'il ne donne pas mi ne de vouloir déserter, bien que j'aie le vague sentiment qu'il s'est payé ma fi ole avec son air « Moi qui héberge toute la misère du monde !… » Après tout, j e ne suis pas là pour me taper le boulot des archers du coin ! Retour au salon. La fille n'est pas belle à contempler, je vous l'an nonce, maintenant que les
neuf dixièmes de son sang l'ont quittée. Machinalem ent, je redresse sa main gauche qui pendouille par-dessus l'accoudoir. Dans le mouvement, je remarque un objet brillant qu'elle tient serré très fort entre ses doigts et qui avait échappé à mon examen tout à l'heure. Ma répulsion en sommeil, je récupère une étrange sphère plus ou moins transparente, que je lève à ha uteur de mes yeux et… Une espèce de gorille jaillit soudain qui brandit s ous mon nez un véritable canon avec une ouverture plus large qu'un tunnel. A vant que j'aie le temps de battre un cil,BRAOUM !il me fait exploser la poitrine dans un hurlement d'enfer. Je hurle à mon tour en semant mes abattis tel un ge yser dans tous les coins. Tiens, j'avise au large mon ami Goda Lon qui pousse la sollicitude jusqu'à se dresser sur un coude… Je me dis alors que s'il m'es t donné d'évaluer son profil de belette, c'est que je suis toujours en vie, n'es t-ce pas ? De sa couche, le maigrelet se permet de m'adresser un sourire mépris ant, ce qui achève de me remettre sur pied. Compris : il s'agit d'une de ces saletés d'holo-mes sages avec scénario interactif, qui se met en action dès qu'on y touche . J'attends la suite : elle ne tarde pas. Un visage idéal pour guérir le hoquet pr end forme à mi-hauteur devant moi, pratiquement entre les seins de la mort e, ce qui constitue un tableau des plus jouissifs. Le visage s'anime, perd sa façade avenante, et ses lèvres virtuelles prononcent, en détachant bien les syllabes des fois que je sois dur d'oreille après le traitement subi : « Ceci est un avertissement. Nous connaissons votre réputation de fouineur patenté, Lomi Jon Delcano. Cette petite boule ne co ntenait qu'un explosif factice. S'il avait été réel, vous ne seriez plus d e ce monde. Ni d'aucun autre. Ne nous faites pas regretter notre bienveillance : ce genre de faveur n'a qu'un temps. Passez votre chemin et n'hésitez pas à rappo rter à vos employeurs que tout va pour le mieux sur Longuevie. Bonne route lo in d'ici, Delcano ! » Je m'ébroue. J'ai déjà reçu des mises en garde, mai s celle-là mérite trois étoiles au guide ! Goda Lon me fixe du fond de ses orbites et de sa chambre comme s'il attendait que je m'écroule en pièces détachées. — Hors de ma vue ! lui crié-je. Le mal bâti doit réaliser que j'ai les nerfs à vif car il tend le bras et repousse la porte, m'épargnant le spectacle de sa navrante p ersonne. Avant que le battant n'achève de le masquer, il me jette toutefois un sa le regard de vicieux qui n'a pas eu sa vacherie quotidienne à accomplir. J'exécute ma ronde d'adieu autour de la morte, faço n vautour. Un peu de sang goutte encore de son horrible blessure. Et pui s bon, n'ayant pas que ça sur le feu, je me retire. Que le décharné d'à côté aill e finir sa sieste où bon lui semble ! Le couloir et ses remugles m'ont l'air plu s doux qu'une glace à la vanille après la symphonie putride que je viens de récolter dans les narines. Dix secondes et me voilà qui débouche sur le trottoir, brûlant d'un désir de savoir aussi vif qu'auparavant.Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Encore heureux que Shimro ne traîne pas dans les pa rages ! Car c'est bien en sa compagnie que je l'avais rencontrée voici que lques mois, la superbe prostituée. Si ma mémoire est bonne, elle revenait d'une virée à l'extérieur de Wangtzi. Cuisse légère, bouche suave et voix crista lline. Et la dernière fois qu'elle s'en est servie, de sa voix, c'est pour m'a ppeler il y a une dizaine de minutes, car elle m'avait reconnu, c'est sûr ! Que diable avait-elle à m'apprendre la pauvre gamine ? Peut-être espérait-elle seulemen t que j'allais la délivrer de
ses tortionnaires ? Sur ce plan, c'est raté. Et ça ne me dit pas ce qu'ils lui voulaient, les vi rtuoses du coupe-chou.
2 - Salade de nuit
Un autojet passe à toute vitesse, dans un silence s urprenant. Les véhicules sont rares à Wangtzi : ils appartiennent tous au pa lais. Le peuple, lui, se déplace à pied. Ayant donc soulevé la poussière de mes seme lles dans le plus pur style local, la matière grise en ébullition, j'avise une de ces tavernes où l'alcool vous arrache les tripes plus sûrement qu'un percepteur. J'avoue une tendresse pour ces bouges sombres et crasseux. On en dégote, tirés au moule, dans tous les ports galactiques. Leur omniprésence me permet de v érifier que la vie se développe partout – et toujours – de la même façon, qu'importent les parsecs qu'on aligne entre soi et soi. Bien calé dans mon coin, sur une banquette libre – une clientèle respectable s'humecte déjà le gosier mais la meute authentique ne rappliquera qu'en soirée – je sirote ma chope en laissant les derniers soubr esauts s'enfiler perle à perle sous mon crâne. À l'instar des pommes, mon interlud e chez Luana me pèse sur l'estomac. Plus j'y songe, plus je trouve que l'épi sode fleure bon le carton-pâte et le coup monté. Monté par qui ? Pas par la fille puisqu'elle a abandonné ses plumes dans la corbeille !… Je n'aime pas du tout. À peine débarqué, un cadavre sur les bras ! On guettait ma venue ou quoi ? Ce serait lié au vrai m otif de ma visite ? Si j'en crois le message-holo, c'est l'évidence même… Soudain je me dépêche de plonger en avant pour esqu iver un tabouret qui se fracasse à grand bruit dans mon dos. Fin de l'entra cte. C'est l'ennui avec ce genre d'estaminet : l'animation se relâche rarement . Dans l'angle opposé, un attroupement s'est déjà formé. Bon, j'ai payé, je s uppose que l'attraction était comprise ! Alors je me lève et m'approche, ma chope au poing. Un buveur que les remous des spectateurs me cachent en partie est en train de s'expliquer dans le genre vigoureux avec le caba retier, ses deux garçons et le costaud de service. Après les avoir injuriés en des termes fins, choisis et de bon goût, l'irascible tente d'appuyer ses dires en raflant tout ce qui traîne dans le voisinage pour le balancer dans les bouilles safran ées de ses interlocuteurs. Entre-temps, j'ai atteint le premier rang. L'affaire tourne court pour les deux serveurs qui e mbrassent une table avec énergie et déclarent forfait en s'épanchant sur le sol. Le patron, prudent malgré la pointure modeste du consommateur ombrageux, noti fie à son appariteur musclé de monter au filet. Le mercenaire n'attendai t que cette invite : il retrousse les manches et les babines, enfonce encore un peu p lus ses yeux dans leurs orbites, adresse à la cantonade une grimace de suffisance et, sûr de ses biceps, tend la main pour agripper le petit homme, dans l'i ntention affichée de l'expédier jusqu'au trottoir d'en face. Las ! La partie advers e, plus coriace qu'il n'y paraît, lui glisse en traître un tabouret dans les jambes, suit e à quoi le videur a la douleur de se retrouver au sol en compagnie du personnel. Piqué au vif, le naseau fumant, monsieur Muscles dé jà sur pieds puise à hauteur de son mollet un couteau de cérémonie dont il fait jaillir la lame étincelante d'un coup de pouce. Il lève son bras, v ise l'importun un instant désarçonné et… prend ma chope en plein dans la temp e. Même à sec, le lourd récipient remplit son office : le colosse outragé l ouche au ralenti, puis s'abat sur le plancher lavé lors de la dernière éclipse. Fin d u match. On redresse tréteaux
et tabourets en commentant les phases de jeu. Afin de tempérer les ardeurs du tavernier qui vocif ère en s'essuyant les pieds sur les reins de son athlète, je sème une poignée d 'écus sur le comptoir. On se calme vite dans sa profession. Puis je retourne m'a sseoir à ma table où le petit convive, source de ce joyeux remue-ménage, me rejoi nt en s'esclaffant. On se fixe droit dans les yeux. Du moins tant qu'il est d ebout et moi assis. — Eh bien, rigolé-je après avoir renouvelé les cons ommations, pas moyen de te laisser seul un instant ! — Eux me demander double tarif. — C'est pour compenser ta taille, rase-mottes. Qu'e st-ce que tu viens fabriquer sur Longuevie ? — Attendre toi. À quoi d'autre pouvoir jouer dans trou pourri ? J'en déduis que De Decker a apprécié nos précédents ouvrages en duo : il tente de nouveau l'expérience. À gestes mesurés, Sh imro vérifie que l'algarade n'a pas endommagé ses « bagages ». Un sac du genre fourre-tout et une boîte circulaire, percée de trous minuscules… — Depuis quand sèmes-tu la pagaille dans le quartie r ? — Ce matin. Vol régulier depuis Upshada. Chercher a uberge, manger, boire et… Lui et ses – rares – congénères sont quasiment les seuls dans l'univers connu à refuser la greffe d'implant-trado. Une inve ntion du tonnerre ! Je l'ai découverte dès que j'ai posé ma brosse à dents à ce tte époque : elle permet de se faire comprendre de tout le monde, en comprenant tout le monde ! Ainsi des volumes, poids et durées relatives – années, heures , minutes… – que vous entendez instantanément dans vos unités à vous ! En tout cas, même si ça fait petit-nègre, Shimro se débrouille tout seul sur les neuf dixièmes des planètes. Un mystère pour moi. — Et… ? j'insiste avec un reste d'espoir : côté rep os du guerrier ? — Pas encore. Moi aller en sortant d'ici. Toi conna ître ! Je pousse un soupir, qui résonne dans ma chope vide . Pas de chance. J'espérais qu'il serait déjà allé se mettre à jour… C'est pour moi la petite annonce ! — Luana la Puta hein ? — Toi souvenir ? Elle beau morceau ! — Sans conteste, fiston. Très beau morceau, mais un peu froid à mon gré… — Toi sûr de toi ? grogne Shimro, des pulsions de m eurtre au ras du cerveau, c'est-à-dire à hauteur de mon nombril. Son regard s'attarde sur l'altière façade crénelée, que précède une cour intérieure entourée de hautes grilles. Je lui explique la belle démesurée à la présence in solite, celle dont j'ai suivi le panache bleu avant de me faire à moitié estourbi r… — La céleste enfant, poursuis-je, fonçait tout droi t vers le palais. Or, si le Daktar de Song a transporté ses deux mètres de vian de avec os à Wangtzi, ce n'est pas pour descendre à l'hôtel de la Poste, d'a ccord ? Ce gros tas est l'invité de Zenobi, c'est fatal !  La mine sombre, le nain opine. Personne ne garanti t que le Daktar est mouillé dans le meurtre de Luana, mais il y a forcé ment un lien… Une bonne heure se dévide de la sorte. À se geler p our des nèfles. De temps
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