Sault-au-Galant
136 pages
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Sault-au-Galant , livre ebook

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Description

L'arrivée de douze familles de réfugiés colombiens bouleverse la vie d'un petit village québécois, Sault-au-Galant. Quelques mois plus tard, la disparition d'Emilio Mondragon, un petit Colombien âgé de 10 ans, avive les tensions entre les villageois et les nouveaux venus, tout en attisant de vieilles rancoeurs.
Accident ? Fugue ? Enlèvement ? Qu'est-il arrivé à cet enfant ? D'inquiétantes lettres anonymes brouillent les pistes. Au village, chacun a quelque chose à se reprocher et tout le monde finit par être suspect. Quant aux réfugiés, ils traînent un lourd bagage : victimes de la guérilla communiste, de groupes paramilitaires d'extrême droite... Et s'ils avaient affaire à d'anciens bourreaux ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 04 mars 2014
Nombre de lectures 2
EAN13 9782764426845
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Québec Amérique est fière d’offrir un espace de création aux auteurs émergents ; avec la mention « Première Impression », elle souligne la parution de leur premier livre.

Projet dirigé par Pierre Cayouette, éditeur
Adjointe éditoriale : Raphaelle D’Amours
Conception graphique : acapelladesign.com
Mise en pages : Andréa Joseph [ pagexpress@videotron.ca ]
Révision linguistique : Diane-Monique Daviau et Élyse-Andrée Héroux
Conversion au format ePub : Studio C1C4

Québec Amérique
329, rue de la Commune Ouest, 3 e étage
Montréal (Québec) Canada H2Y 2E1
Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010

Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d’édition.
Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien. L’an dernier, le Conseil a investi 157 millions de dollars pour mettre de l’art dans la vie des Canadiennes et des Canadiens de tout le pays.
Nous tenons également à remercier la SODEC pour son appui financier. Gouvernement du Québec — Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres — Gestion SODEC.



Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nation ales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Grégoire, Isabelle
Sault-au-Galant
(Collection Littérature d’Amérique)
ISBN 978-2-7644-1227-5 (Version imprimée)
ISBN 978-2-7644-2683-8 (PDF)
ISBN 978-2-7644-2684-5 (ePub)
I. Titre. II. Collection : Collection Littérature d’Amérique.
PS8613.R445S28 2014 C843’.6 C2013-942231-5
PS9613.R445S28 2014

Dépôt légal : 1 er trimestre 2014
Bibliothèque nationale du Québec
Bibliothèque nationale du Canada

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés

© Éditions Québec Amérique inc., 2014.
quebec-amerique.com

Pour Francis, Julien et Malika
« Aucune faute n’est oubliée tant que la conscience s’en souvient. »
Stefan Zweig, La Pitié dangereuse , 1939.
CHAPITRE 1
Victor Mondragon
Je sens encore l’odeur de chair grillée qui flottait au creux de la vallée. Ni les larmes, ni les années, ni les kilomètres n’ont jamais pu l’effacer de ma mémoire. Si j’en parle aujourd’hui pour la première fois, c’est dans l’espoir de me débarrasser enfin du relent poisseux de ces trois jours de cauchemar. Et de la culpabilité qui me colle au ventre mais que ni ma femme, ni mes enfants ne soupçonnent.
Moi, Victor Mondragon, trente-neuf ans, originaire de la Colombie et réfugié au Québec depuis presque un an, je jure n’avoir aucune goutte de sang sur les mains. Mais j’avoue que ce à quoi j’ai participé, en ce terrible mois de février 1998, dans le village de Las Piedras me rend tout aussi coupable.
Bien sûr, je pourrais dire que j’ai agi contre mon gré, qu’on ne m’a pas laissé le choix. J’ai d’ailleurs tenté de m’en convaincre pour me donner bonne conscience, mais ça n’a fonctionné qu’un temps. La violence qui sévit depuis trop d’années dans mon pays natal n’excuse en rien mes gestes. C’est dans les circonstances exceptionnelles que les hommes se révèlent tels qu’ils sont : courageux ou lâches. Et je fais partie de la deuxième catégorie.
Je viens de l’une des familles les plus riches de Colombie. Mon grand-père exploitait des champs de coton, que mon père a transformés avec succès en bananeraies, tout en devenant le premier éleveur de bétail de sa région. Or, malgré notre aisance matérielle, notre existence était loin d’être sereine. Notre richesse suscitait la convoitise des guérilleros des Forces armées révolutionnaires de Colombie — les FARC — qui harcelaient mon père et l’obligeaient à verser la vacuna , comme ils appellent leur impôt révolutionnaire. Sous la menace d’incendier l’exploitation, de réquisitionner le bétail, voire de tuer un membre de la famille. Ils finançaient ainsi leur cause et leurs armes, grâce à nous et à tous les autres hacendados , grands propriétaires terriens eux aussi rackettés.
Un jour, mon père en a eu assez. Après des années à se soumettre à la loi de la guérilla, il a décidé d’arrêter de payer. Je suis responsable de ce changement chez lui. J’avais vingt-deux ans à l’époque et nous avions eu bien des discussions à ce sujet — j’avais même osé le traiter de lâche, l’accusant de se laisser manipuler sans protester. Et j’avais tenté une nouvelle fois de le convaincre d’accepter l’offre du groupe d’autodéfense local de protéger nos vies et nos biens.
Hélas ! les guérilleros ont été plus rapides. J’avais convenu avec mon père de leur dire que nos affaires avaient ralenti et que nous devions cesser les paiements afin de pouvoir continuer à rétribuer convenablement nos employés. Un argument qui, l’espérais-je, pourrait convaincre ces hommes qui s’affirmaient de gauche et dévoués à la cause des travailleurs.
Quand ils ont débarqué au bureau du domaine, comme chaque mois, pour réclamer la vacuna , c’est moi qui les ai reçus — leur indiquant que mon père était en déplacement.
— Je vais voir ça avec votre banque, m’a répondu l’un des deux hommes, Fercho, que j’ai reconnu pour l’avoir vu chez nous à quelques reprises — un grand type mal rasé avec de petits yeux noirs glaçants. Tu sais que cet argent est nécessaire pour soutenir la cause. Mais n’oublie pas qu’il sert aussi à acheter la paix et la tranquillité de ta famille.
Sur le coup, je n’ai su que répondre. Oubliés, les beaux discours dont j’abreuvais mon père depuis des semaines ! J’ai tâché de dissimuler mon malaise, mais tout tremblait à l’intérieur de moi.
— Dis à ton père qu’il aura de nos nouvelles bientôt, niño , a poursuivi Fercho de sa voix rauque, me signifiant qu’il ne traiterait pas avec moi, le jeunot, mais seulement avec mon paternel.
— Et essuie ton nez, gamin, t’as de la morve qui coule ! a ajouté son acolyte, plus petit d’au moins deux têtes mais plus enrobé. Ton père t’a pas torché avant de partir ?
Machinalement, j’ai passé le revers de ma main sous mon nez. Les deux gars se sont esclaffés, puis ils ont tourné les talons.
Fercho a téléphoné deux jours plus tard. C’est moi qui ai répondu, le coup de fil a été bref. Les FARC avaient un informateur à notre banque, qui leur avait révélé que j’avais menti.
— Encore toi, le morveux ! m’a lancé Fercho, dont j’ai aussitôt replacé la voix. Écoute-moi bien parce que je te le répéterai pas. Cette fois, on se déplacera pas : c’est toi qui vas nous apporter le fric. Et ne t’avise pas d’oublier un peso .
J’ai protesté, arguant que la banque avait dit n’importe quoi, que nous n’avions pas l’argent plus que la veille, mais il n’a rien écouté.
— Cesse de te moquer de moi, gamin ! Les comptes de ton père sont pleins et on sait qu’il en a d’autres en dehors du pays. On se demande d’ailleurs pourquoi il est aussi chiche avec les ouvriers : il pourrait les payer beaucoup mieux !
Fercho m’a fixé rendez-vous pour l’après-midi même à une trentaine de kilomètres de notre domaine. J’étais résolu à ne pas m’y rendre. Mes sœurs cadettes, Leonara et Claudia, des jumelles, étaient parties depuis la veille avec ma mère, non loin de Cartagena de Indias, où des amis de la famille avaient une villa. Mon père et moi avions promis de les rejoindre dès que possible ; nous n’avions pas voulu les effrayer, leur donnant un minimum de détails.
Cette nuit-là, je n’ai pas dormi. J’étais encore au lit, tentant de trouver un peu de repos, quand j’ai entendu le grondement d’une moto juste sous la fenêtre de ma chambre. J’ai tiré le rideau et, dans le jour qui se levait, j’ai vu la silhouette d’un motard qui a coupé le moteur et m’a fait signe de descendre, une enveloppe à la main. J’ai enfilé en vitesse mon pantalon de la veille et suis descendu le retrouver. L’homme était vêtu de noir et un foulard de la même couleur couvrait le bas de son visage. Il m’a tendu une enveloppe blanche, encadrée de noir, elle aussi, adressée à mon nom. Puis il est reparti sans avoir prononcé un mot.

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