Tempêtes
165 pages
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Description

Sur les deux versants du Massif bleu, la nature se déchaîne. D’un côté, Marie Saintonge. Isolée au cœur de la forêt, dans une maison secouée par le blizzard, elle doit faire face à l’hostilité des lieux, aux voix sourdes de la peur et aux ombres inquiétantes qui viennent tour à tour frapper à sa porte. De l’autre côté, Ric Dubois. Confronté lui aussi à la fureur de la montagne lorsque les orages de juillet éclatent, il doit lutter pour sauver sa peau pendant que les morts suspectes se multiplient autour de lui. Spectres et forces telluriques s’unissent pour une danse macabre dans Tempêtes, le roman le plus noir, le plus fort d’Andrée A. Michaud.
J’ai éteint la seule lampe allumée dans le salon et me suis approchée de la baie vitrée donnant sur le Massif. À travers la neige brouillant l’obscurité, je ne percevais que l’à-pic de la falaise, au sommet de la montagne, se découpant sur le ciel chargé. La falaise du Loup, ai-je murmuré, distinguant dans les ombres de la pierre la gueule entrouverte du loup qui s’y profilait et lançait au ciel son hurlement. C’est de cette falaise que s’était apparemment jeté Adrien, et c’était pour la gravir à mon tour et mesurer la force d’attraction du vide que j’avais abouti aux pieds de Cold Mountain, car je ne croyais pas vraiment au suicide de cet oncle étrange qui aimait trop la terre pour quitter le monde en s’envolant.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 09 août 2019
Nombre de lectures 4
EAN13 9782764438657
Langue Français
Poids de l'ouvrage 10 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

De la même auteure
Routes secondaires , Québec Amérique, coll. Tous Continents, 2017.
Bondrée , Québec Amérique, coll. Tous Continents, 2014. Nouvelle édition en format de poche, coll. Nomades, 2016.
• Prix littéraire du Gouverneur général 2014, catégorie « romans et nouvelles »
• Prix Saint-Pacôme du roman policier 2014
• Prix Arthur-Ellis 2015 du roman policier en langue française
• Prix du CALQ 2015 – Œuvre de l’année en Estrie
• Prix des lecteurs Quais du polar / 20 minutes 2017
• Prix Rivages des libraires 2018
• Prix SNCF du Polar 2019
Rivière Tremblante , Québec Amérique, coll. Littérature d’Amérique, 2011. Nouvelle édition en format de poche, coll. Nomades, 2017.
Lazy Bird , Québec Amérique, coll. Tous Continents, 2009. Nouvelle édition en format de poche, coll. Nomades, 2016.
Mirror Lake , Québec Amérique, coll. Littérature d’Amérique, 2006. Nouvelle édition, coll. QA compact, 2013.
• Prix Ringuet de l’Académie des lettres du Québec
Le Pendu de Trempes , Québec Amérique, coll. Littérature d’Amérique, 2004.
Projections (en collaboration avec la photographe Angela Grauerholz), J’ai vu, coll. L’image amie, 2003, photos.
Le Ravissement , L’instant même, 2001.
• Prix littéraire du Gouverneur général 2001, catégorie « romans et nouvelles »
• Prix littéraire des collégiennes et des collégiens 2002 (Collège de Sherbrooke)
Les derniers jours de Noah Eisenbaum , L’instant même, 1998.
Alias Charlie , Leméac, 1994.
Portraits d’après modèles , Leméac, 1991.
La Femme de Sath , Québec Amérique, coll. Littérature d’Amérique, 1987. Nouvelle édition, coll. QA compact, 2012.


Projet dirigé par Danielle Laurin, éditrice

Conception graphique : Nathalie Caron
Mise en pages : Pige communication
Révision linguistique : Isabelle Roland et Flore Boucher
En couverture : Marc Séguin, Forêt lune , 2018 © Marc Séguin / Socan (2019)
Conversion en ePub : Marylène Plante-Germain

Québec Amérique
7240, rue Saint-Hubert
Montréal (Québec) Canada H2R 2N1
Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010

Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada.
Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien. We acknowledge the support of the Canada Council for the Arts.
Nous tenons également à remercier la SODEC pour son appui financier. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.
L’auteure remercie le Conseil des arts et des lettres du Québec pour son soutien financier.



Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Titre : Tempêtes / Andrée A. Michaud.
Noms : Michaud, Andrée A., auteur.
Collections : Collection Littérature d’Amérique.
Description : Mention de collection : Littérature d’Amérique
Identifiants : Canadiana 20190024631 | ISBN 9782764438633
Classification : LCC PS8576.I217 T46 2019 | CDD C843/.54—dc23
ISBN 978-2-7644-3864-0 (PDF)
ISBN 978-2-7644-3865-7 (ePub)

Dépôt légal, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2019
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives du Canada, 2019

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés

© Éditions Québec Amérique inc. et Andrée A. Michaud, 2019.
quebec-amerique.com




Pour tous ceux et celles qui, comme moi, ont vu l’orage et la montagne.


I Blizzard


La nuit était tombée et les ténèbres se glissaient le long des murs, pourvues de leurs propres armes, la solitude et le silence, entre autres, qu’elles pointaient sur moi de tous les coins au même moment.
Gerard Donovan, Julius Winsome


L’homme était là, debout derrière la maison, qui m’épiait depuis trois jours, ou peut-être n’était-ce qu’une ombre, un arbre figé dans la tempête auquel mon épuisement donnait forme humaine. J’avais pourtant la certitude qu’il se rapprochait, que chaque nuit il faisait quelques pas de plus, quittant peu à peu le couvert de la forêt pour l’espace dégagé qui s’ouvrait devant le hangar.
Une autre que moi aurait peut-être tenté d’aller à sa rencontre, mais j’étais tétanisée par son immobilité, par son immuable silence, un homme de pierre ou de bois qui demeurait indifférent à mes supplications et à mes injures, aux cris que je lançais depuis le pas de la porte pour lui demander de s’en aller, de sacrer son camp, de me ficher la paix : va donc chez le diable, hostie de malade !
Quand mes hurlements frôlaient ainsi l’hystérie, j’étais persuadée qu’il s’amusait, que son visage masqué par l’obscurité s’éclairait du sourire de l’homme qui vous sait prise au piège et qui prend tout son temps, pas à pas, pour vous rendre folle. Sitôt la porte refermée, je la bloquais avec un fauteuil, le fauteuil de Franck, et m’assoyais près de la baie vitrée, une hache à mes pieds, sur la lame de laquelle je voyais son sourire se refléter, un homme de pierre ou de bois qui voulait ma perte, ou la sienne, lorsque mes nerfs lâcheraient et que j’abattrais la hache sur son crâne enneigé.


Chaque fois que je tente de décrire ce lieu, c’est une musique que j’entends, un grondement d’orgue dévalant la montagne telle une avalanche, un éboulis de pierres enveloppant les arbres d’un brouillard qui s’écroule en volutes et accentue la gravité de la musique. Cold Mountain, c’est le nom que j’ai immédiatement donné à cette montagne de laquelle se dégage une impénétrable froideur. Les gens de la région l’appellent toutefois le Massif bleu, à cause des nuances bleutées qui irisent ses flancs, mais la montagne est plutôt noire, noire et de ce vert profond que même l’hiver ne ternit pas. Ici et là, la compacité de la forêt y crée des ombres que l’on peut confondre avec celles d’un amas de nuages stagnant dans l’air lourd. Cela n’est pourtant qu’illusion, car les ombres viennent de l’intérieur, du repliement de la montagne sur ses possibles lumières.
J’y suis arrivée à la mi-mars, quelques heures avant la tempête qui allait bloquer les routes et isoler les rares habitants du Massif pour ce qui m’a paru un siècle. Prisonnière d’une maison de plus en plus hostile et ne connaissant personne dans la région, j’attendrais avec une anxiété grandissante l’arrivée des redoux d’avril, allant d’une fenêtre à l’autre, tapant en vain sur les touches d’un téléphone muet et prenant la mesure de mon isolement et de l’effroi qui peut en résulter quand des visages surgis de la tempête viennent frapper à votre porte.
Je n’avais entendu parler du Massif bleu qu’à travers les histoires que mon père m’avait racontées, et même s’il m’avait parlé du charme hypnotique de l’endroit, j’étais à des lieues de soupçonner l’effet qu’il produirait sur moi. Sa beauté, ai-je constaté lorsque j’ai aperçu ce bloc de roc qui écrasait la vallée, ne tenait pas à l’harmonie du paysage, mais à son impérieuse obscurité. Cold Mountain était une veuve, une stèle érodée par des millénaires de deuil.
Quand j’ai quitté la rue principale de Fall-Jonction pour m’engager sur le chemin de l’ancienne mine de zinc, le décor était d’une platitude sans nom, des arbres chétifs, des bâtiments abandonnés, des champs gelés, rien pour m’indiquer qu’à peine deux kilomètres plus loin, l’élévation de la route me donnerait l’impression de foncer dans la montagne et, une centaine de mètres plus bas, d’être avalée par elle, happée par la force magnétique de sa masse. Au sommet de la côte, près d’un garage désaffecté dont les pompes rouillées accentuaient la désolation du lieu, je me suis sentie glisser, lentement glisser vers la vallée où coulait la rivière de la Craque, et j’ai eu le sentiment, dans le grondement des orgues qui m’accompagnaient, que je venais d’atteindre ma dernière destination, ce point de non-retour où tout ce qui avait constitué mon existence trouverait son sens et sa conclusion.
Bouleversée à l’idée que je n’aurais peut-être d’autre avenir que l’ombre de Cold Mountain, je me suis garée sur l’accotement, où s’amoncelaient des plaques de neige durcie, et j’ai ouvert ma vitre pour laisser entrer dans la voiture l’air vif cristallisant la brume accrochée aux flancs du Massif. Mon père m’avait pourtant avisée, quand il m’avait décrit la vallée, qu’on s’y enfonçait comme dans une eau traversée d’invisibles courants, de marées sournoises qui vous rejetaient nu sur la plage, perdu devant la futilité de vos rêves. Ces marées m’emportaient déjà et je me suis secouée avant que la mélancolie de Cold Mountain me dénude aussi.
J’ai repoussé les images que m’inspirait l’aura de mystère qui assombrissait la montagne et me suis allumé une cigarette en tâchant de me concentrer sur les cercles de fumée qui se perdaient dans la grisaille du temps. J’ai ensuite consulté le plan que mon père avait dessiné des années auparavant, j’ai roulé jusqu’au pied du Massif et j’ai pris l’embranchement menant à droite. La maison dont j’avais hérité se dressait au bout de la route, voilée par les premiers flocons annonçant la tempête.

J’ai toujours cru que les peurs qui ne se rattachent à aucun objet visible sont les plus subtiles et les plus tenaces. J’avais expérimenté ces peurs souterraines lorsque j’étais enfant et que les bruits ténus de la maison se métamorphosaient en souffles à peine audibles dans le fond de ma chambre. J’éprouvais le même type d’an goisse en me dirigeant vers le Massif bleu. Or ce n’est pas la lente respiration de la nuit qui m’oppressait, mais l’intuition que j’étais poursuivie par des chimères s’agrippant à un passé qui ne m’appartenait pas. Je savais depuis longtemps comment nous créons nos propres fantômes, comment ceux-ci nous hantent et nous pourrissent la vie jusqu’à ce que nous ayons le courage de retirer leurs voiles pour constater qu’il n’y a rien dessous, sinon notre propre visage. Cette fois, cependant, je craignais d’y apercevoir un autre visage, celui qui justifierait tou

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