Vous avez voulu vous effacer, les filles; moi, j'ai besoin de vous restituer. Par les mots d'abord. Limités, donc insuffisants. Les drames exacerbent l'émotion et la sensibilité. Mon coeur est au bord des larmes, souvent. Une note de musique, une odeur, une silhouette furtive, et l'épais livre des souvenirs me rappelle à l'ordre du chapitre, de la page, où la moindre sensation vécue avec vous est définitivement consignée. En même temps, je crains de trahir l'exactitude des faits par un mot en deçà, par des souvenirs mouillés, des pensées embrumées. Plus la situation est paroxystique, plus le mot doit être autopsié. Sinon, tu. Faisant suite à "Dans la peau d'Anne", "L'Âme à l'envers" poursuit l'entreprise de deuil d'une mère qui a vu ses deux filles décéder dans des circonstances à la fois insoutenables et incompréhensibles. Toute la tâche de B. Gardin consiste ainsi à tenter de donner sens à deux destinées féminines rongées et annihilées par la destruction, la désespérance, le mal de vivre... Démarche qui passe ici par un double voyage vers les lieux de souvenirs et de douleurs, vécu dans cette atmosphère sourde et ouateuse que connaissent les endeuillés, et où s'exprime une réflexion douce-amère sur la maternité, la survivance et la maladie.
Voir