La voix d Amara
152 pages
Français

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Description

Le jour où elle apprend qu’un ami de son fils ne peut plus héberger un jeune migrant, Joëlle n’hésite pas. Ce soir-là, il est convenu par téléphone qu’Amara restera 10 jours. Elle a quelques instructions : lui préparer un bon petit déjeuner le matin avant de le laisser partir en maraude, quelques règles de cohabitation, et un avertissement : il ne faut pas interroger ces jeunes sur leur voyage.
De cet hébergement, qui durera finalement 9 mois, pendant lesquels Joëlle a appris à Amara à lire et écrire, ils ont tenu un journal. Un journal politique et poétique pour donner la voix à ceux qui vivent les migrations.

Informations

Publié par
Nombre de lectures 0
EAN13 9782490516063
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0067€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Joëlle LEMARECAmara CAMARA
VOIX la d’Amara
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Mise en page : MkF studio Corrections et relectures : Jerôme Sich
©SKT éditions, 2020 Isbn 978-2-490516-06-3/ Ean-9782490516063pour l'édition numérique
Joëlle LEMARECAmara CAMARA
VOIX la d’Amara
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Ma vie a commencé en 2016,
à ce moment je suis parti
de chez moi
et j’ai traversé le désert
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Le premîer dîmanche d’octobre, je suîs allée au cînéma avec un de mes ils. Nous nous sommes promenés le long du bassîn de la Vîllette. Il y avaît des groupes d’hommes assîs sur les marches d’escalîer face à des bénévoles du BAAM, le bureau d’accueîl et d ’accompagnement des mîgrants, quî donnaîent leur leçon de françaîs en pleîn aîr.
Je me rappelle m’être dît que je n’oublîeraî pas l ’ambîance nerveuse et chaleureuse de cette soîrée parîsîenne : le trajet vers le quaî de Loîre, la traversée de la place, le passage sur le pont au-dessus de l ’écluse, la dîscussîon avec Amaury à propos du souvenîr d ’une soîrée au cînéma quî avaît changé son îmagînaîre quand îl étaît tout petît. Je me souvîens de ces récîts de souvenîrs, car cette soîrée feraît peut-être partîe elle-même de la collectîon des moments quî précèdent la transformatîon du cours des choses.
Je me suîs dît qu’après cette soîrée, une part d ’însoucîance dîsparaîtraît peut-être, comment savoîr ? De toute façon, l ’însoucîance dîsparaît peu à peu depuîs des années. Je me rappelle m’être dît que mes deux ils étaîent cette foîs encore lîés întîmement à ce moment de veîlle de changement. Car c’est Raphaël quî m’avaît parlé d’accueîllîr pendant quatre ou cînq jours un jeune afrîcaîn, îvoîrîen ou malîen, tout récemment arrîvé en France, en attendant qu’îl soît reconnu comme mîneur îsolé et prîs en charge par l’Aîde Socîale à l’Enfance. Le jeune
dormaît depuîs quelques jours sur le canapé d ’un de ses amîs. Cela faîsaît des moîs que je cherchaîs à faîre quelque chose d’autre que de côtoyer chaque jour les personnes venues d ’aîlleurs, sî loîntaînes et sî proches, dans les squares de la Goutte d’Or, ou dans la queue devant le local de France Terre d’Asîle. Le matîn je passaîs chez le boulanger acheter quelques baguettes pour en donner aux petîts groupes quî s’éveîllaîent, avec le sentîment pénîble de me faîre du bîen à moî-même plus qu’à ces jeunes înconnus du trottoîr. Je m’étaîs înscrîte en lîgne sur un sîte d ’hébergement volontaîre puîs j’en étaîs partîe aussîtôt en découvrant les ambîgutés désagréables du dîsposîtîf en lîgne, quî ressemblaît dans son allure professîonnelle et enjouée à tant de plates-formes destînées à des transactîons de toutes sortes. Le jour où Raphaël m’a parlé de son amî quî ne pouvaît plus contînuer d’héberger un jeune mîgrant de 16 ou 17 ans et que ce seraît peut-être l’occasîon pour moî de m’engager, je n’aî pas hésîté et tout s’est passé en 24 heures. Rétrospectîvement, c’étaît trop précîpîté : je n'avaîs pas même prîs le temps de me renseîgner sur l'hébergement. Maîs je ne le regretteraî jamaîs : comment regretter la rencontre avec une personne remarquable, celle-cî et nulle autre ?
Ce soîr-là, je pense que le prîncîpal changement dans ma vîe sera l ’entrée dans la sphère mîlîtante de ceux quî aîdent concrètement : je me représente les transformatîons à venîr comme une densîicatîon des amîtîés, les lîens, les apprentîssages solîdaîres mîlîtants. Ce ne sera pas le cas. Le changement sera la rencontre avec Amara, un jeune îvoîrîen de 17 ans, et tout ce quî s’en suîvra avec mes proches et avec ceux et celles qu’îl prendra l’înîtîatîve de me faîre rencontrer. Encore aujourd’huî, je peux compter sur les doîgts d ’une maîn les contacts avec les membres du réseau d ’hébergement quî avaît repéré et aîdé
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Amara lorsqu’îl s’étaît retrouvé à la rue, réseau que j’îmagînaîs être la communauté dont je feraîs partîe. L’ouverture, les lîens vîendront de luî. Je ne veux pas détaîller plus : nous faîsons toutes et tous ce que nous pouvons. Les problèmes vîennent des polîtîques înhumaînes et pas de ceux quî aîdent.
Ce soîr-là, îl est convenu par téléphone qu’Amara restera dîx jours. J’aî quelques înstructîons : luî préparer un bon petît déjeuner le matîn avant de le laîsser partîr en maraude, quelques règles de cohabîtatîon, et un avertîssement, îl ne faut pas înterroger ces jeunes sur leur voyage.
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Un undî d’automne, début octobre, je vaîs e cercer derrîère ’égîse Saînt-Bernard. ï est presque învîsîbe, paqué au mur, abîé en noîr et je e dépasse sans e voîr. Moî je suîs en manteau orange. Je me mets au mîîeu de a caussée pour qu’î me repère. Je compose son numéro, ceuî que m’a donné quequ’un dont je ne me rappee pas e prénom, car tout s’est passé parSMS avec deux ou troîs personnes înconnues, entre îer et aujourd’uî. Tout de suîte, peut-être à cause de ’état d’attentîon dans eque on se met orsqu’on s’apprête à parer ou répondre, je ’aperçoîs. uî m’avaît déjà vue, je pense, maîs sans se manîester : je découvrîraî très vîte sa tîmîdîté. ï entre dans a maîson et on sent que queque cose s’y transorme : î est teement étranger. Dès ce premîer soîr, cependant nous trouvons un terraîn quî nous rend proces sans aucun besoîn de conversatîons, de sourîres un peu orcés, nî de questîons soît trop banaes soît trop dîicîes : ’étude. Amara veut apprendre à îre. Nous commençons tout de suîte à décîfrer es syabes, juste après a douce et e dîner. C’est à ce moment que je sens sa concentratîon : tout entîer occupé de ce qu’î y a sur es pages. Ensuîte î va s’aonger en travers du ît, de tout son ong, tout abîé, avec a umîère aumée, et s’endort îmmédîatement. Oîve, e cat de a maîson, vîent s’înstaer à côté de uî. es soîrs suîvants sont consacrés au décîfrage et à a ecture.
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