Mémoires d'une gardienne de prison

Marie-Renée Côté

Description

C’est pas un film.
C’est pas une série télé.
C’est la vérité pure, la vérité dure.
C’est la vie.
Ex-gardienne de prison, Marie-Renée Côté raconte sans détour ce qui fut son quotidien pendant 20 ans. Ses mots incisifs, son ton mordant, mais aussi son grand sens de l’humour, brasseront les âmes sensibles, les bien-pensants et les autruches chroniques.
Au fil de la lecture, un festival d’émotions : on étouffe, on verse une larme, on lâche un juron, on se fâche, on s’esclaffe... Dans un témoignage livré sans pudeur et sans compromis, l’auteure nous fait la preuve par mille que l’humain est capable du pire et, du même souffle, rappelle qu’il vaut mieux en rire…

Informations

• Publié par: Guy Saint-Jean Editeur
• Date de parution: 21 septembre 2016
• Nombre de lectures: 6
• EAN13: 9782897581862
• Langue: Français

Extrait

MARIE-REN E C T
M MOIRES D UNE GARDIENNE DE PRISON
Guy Saint-Jean diteur 3440, boul. Industriel Laval (Qu bec) Canada H7L 4R9 450 663-1777 [e-mail] www.saint-jeanediteur.com

Donn es de catalogage avant publication disponibles Biblioth que et Archives nationales du Qu bec et Biblioth que et Archives Canada

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Gouvernement du Qu bec - Programme de cr dit d imp t pour l dition de livres - Gestion SODEC
Guy Saint-Jean diteur inc., 2016
R vision: Marie Desjardins Correction d preuves: milie Leclerc Conception graphique de l int rieur: Rod o Atelier cr atif Conception graphique de la page couverture: Dorian Danielson Photographie de la couverture: Michel Paquet
D p t l gal - Biblioth que et Archives nationales du Qu bec, Biblioth que et Archives Canada, 2016 ISBN: 978-2-89758-185-5 ISBN EPUB: 978-2-89758-186-2 ISBN PDF: 978-2-89758-187-9
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Imprim et reli au Canada 1 re impression, septembre 2016
Guy Saint-Jean diteur est membre de l Association nationale des diteurs de livres (ANEL).
MARION ET NOS ENFANTS, QUI ME FONT AIMER LA VIE.
KINGSTON, LE D BUT?
PARTIE 1 - MES ANN ES AU MAXIMUM
PARTIE 2 - PROMOTION
PARTIE 3 - TRANSFERT AU M DIUM
PARTIE 4 - MES ANN ES AU TROU
PARTIE 5 - GRAVIR LES CHELONS
TOURN E D ADIEU
KINGSTON, LE D BUT?
AUTOMNE 2015, KINGSTON, ONTARIO
Apr s avoir quitt le Coll ge militaire royal du Canada, mon mari et moi feuilletons le d pliant des attraits touristiques de cette belle ville que nous d couvrons aujourd hui. Nous avons du temps.
- Pourquoi ne pas aller au Mus e du Service correctionnel du Canada? me propose-t-il.
Pas certaine que cela m int resse. Je passe ma vie en prison depuis presque 20 ans. Mais je peux faire a pour mon mari. Il aura ainsi une id e de mon milieu de travail. Tout compte fait, sa proposition n est pas mauvaise.
- Allons-y!
Le mus e est situ devant l tablissement de Kingston, au bord du lac Ontario. Ce vieux p nitencier mythique a t ferm en 2012, il y a quelques ann es peine. Un b timent impressionnant. Magnifique! Il ressemble celui de Saint-Vincent-de-Paul, que je longe tous les matins pour aller travailler. M me si je suis loin de Laval en cet apr s-midi ensoleill , je me sens chez moi ici, entour e de b ton, de murs de pierre et de drapeaux du Canada flottant au vent.
Les autres visiteurs semblent craintifs l id e d entrer dans le mus e. Ils ont l air effray s lorsqu ils ouvrent la porte. ce moment-l , je constate que, en ce qui me concerne, j y suis entr e comme dans une picerie. On s habitue tout! voir ce qui est expos - boulets, armes artisanales, caches, instruments de torture du si cle dernier -, je parie que les visiteurs continueront d avoir peur du milieu carc ral canadien.
Mon mari est n anmoins impressionn . Pour ma part, je trouve, comme toujours d ailleurs, que le monde des gardiens est pass sous silence. Ils sont oubli s. Seuls leurs menottes, garcettes 1 ou autres b tons servant ch tier les d tenus sont montr s au public. Or, je ne me reconnais pas dans ces objets. Comme si nous, gardiens, n tions l que pour effectuer le supplice de la goutte ou enfermer les d tenus dans la tombe verticale selon la punition inflig e par la loi. Je ne suis pas d accord avec cette fa on d illustrer le r le des gardiens dans un lieu o doivent tre gard es les personnes qui enfreignent les lois et commettent des crimes graves.
Un silence presque total r gne dans cette grande maison reconvertie en mus e, qui, une poque pas si lointaine, tait r serv e au directeur du p nitencier de Kingston. Les visiteurs murmurent peine. Tout semble fig dans le temps. Nous pouvons suivre l volution du syst me carc ral au fil des ans. Mais sans le vivre, car ici il n y a pas de vie. C est a! Il manque la vie de ceux qui habitent en prison et de ceux qui y travaillent.
Je me rends compte que mon mari en a assez. Avant de sortir, il me demande:
- Comment tu fais pour travailler l -dedans?
Je r fl chis.
Je choisis de lui r pondre que j ai tout de m me du plaisir de temps en temps. Lui raconter ce que je vis r ellement, au quotidien, ne ferait que lui faire craindre le pire quand je pars le matin pour aller gagner ma vie. Je ne voudrais surtout pas qu il croie que j exag re. Je suis trop fi re pour accepter qu il doute de ce que je lui raconterais.
Comme les crits restent, j ai souhait rassembler dans ce livre les moments cocasses et hors de l ordinaire que j ai v cus au cours des 20 derni res ann es l int rieur des murs C est parfois dr le et surprenant, par moments triste et d rangeant, mais toujours vrai.

1 Petite matraque souple.
Partie 1


MES ANN ES AU MAXIMUM
1

FORMATION: JOUR 1


P NITENCIER F D RAL S CURIT MAXIMALE, 7 H 30
Je suis tellement f brile. Mon stage commence. Formation avec un agent de correction exp riment . J entre dans ce qui sera mon lieu de travail aujourd hui avec cinq minutes d avance. G rer les op rations d un contr le arm est ce que je dois apprendre en cette premi re journ e.
Je me fais discr te, m me si je sais tr s bien que je ne passe pas souvent inaper ue. Le gardien qui me formera entre tout de suite apr s moi dans le contr le. L agent au poste pendant le quart de nuit est pr t partir.
Je recevrai une formation pour devenir une bonne agente. Cela veut aussi dire que je suis sur le point de r ussir ma formation correctionnelle que je fais temps plein depuis trois mois, loin de chez moi. Pour dire vrai, m me si j ai choisi de faire ce m tier d s l ge de 16 ans, que j ai pris soin de d crocher un dipl me de technicienne en intervention en d linquance l ann e pr c dente Qu bec, ce p nitencier est loin d tre un endroit chaleureux comme l est mon merveilleux village natal de la belle Gasp sie. Je l aime, mon village.
Bref, pas le temps de r ver ici ou de se poser des questions. Il faut profiter de chaque minute, de chaque enseignement, de chaque geste de gentillesse des agents avec lesquels nous sommes jumel s. Les formateurs du coll ge du personnel nous l ont conseill !
Dans la r alit carc rale, aucun agent n est pay pour former des recrues. Cette t che ne figure nulle part, sauf dans les grandes priorit s du Service correctionnel du Canada (SCC) qui assure la rel ve. Quand tu en es l tape de prouver que tu es pr t travailler dans ce milieu, tu re ois la formation de l agent qui occupe le poste qui sera le tien ventuellement. Point final! Alors je dois me faire oublier. Les gardiens de prison sont sympathiques, mais a d pend du moment et du gardien! Je suis fascin e par ce milieu, j obtiens d excellents r sultats scolaires et j ai quelques habilet s sociales! Si mon "mentor me trouve agr able, pas trop tannante, je ne dois pas m inqui ter pour mon sort. Quand tu es en formation, comme on dit, tu dois te tenir entre le mur et la peinture!
Au moment de commencer, je ne savais pas si, dans cet univers masculin, le fait d tre une jeune femme, blonde, pas trop mal, serait un plus ou un moins pour mon apprentissage Quoi qu il en soit, j tais s rement tr s divertissante pour certains, sinon plusieurs!
Mon "mentor , en ce premier jour d une s rie de 10, pourrait tre mon p re. Il a pris l air qu il lui fallait apr s toutes ces ann es travailler dans un p nitencier s curit maximale. Je le trouve calme, concentr sur ses t ches. Il le faut: nous sommes en plein d but de la routine de jour de semaine dans un contr le arm d un pavillon cellulaire. Il fait sombre dans les contr les. Presque toujours, des messages sont mis sur les ondes radio. Les boutons servant ouvrir et fermer les portes lectriques des cellules s allument comme sur le tableau de bord d un Boeing. Elles sont toutes rouges Rouge veut dire danger, car les cellules sont ouvertes.
Les d tenus sont d sormais tous en contact les uns avec les autres. Ils ont acc s des recoins o ils peuvent cacher des armes, se battre, se doper, d placer leur broue 2 . Et a se passe vite! Ils n ont que quelques minutes avant que les portes ne se referment! On relaxera quand les lumi res passeront au vert. C est- -dire quand les portes seront ferm es! Les portes ne demeureront ouvertes que 10 minutes avant le prochain mouvement qui se fera au d ner. Ensuite, pour le compte de 16 h, le souper, le compte officiel en soir e, le retour aux activit s et la fermeture 23 h. Cette journ e sera alors termin e et la routine de nuit commencera. C est ce que je comprends de ce qui est crit sur le mur faisant face la chaise du CX du contr le. Ma d brouillardise m aide beaucoup en ce moment
CX est notre classification au sein de la fonction publique canadienne, et elle est exclusive aux gardiens des p nitenciers. Aucun autre fonctionnaire n est class ainsi, m me de nos jours. Au cours de la d cennie pr c dant mon embauche, il y avait des CX-2, des CX-4, des CX-6 et un CX-8 dans tous les tablissements carc raux du pays. Leur uniforme tait kaki et le port de la casquette, obligatoire. Des insignes de grade aux paules distinguaient le personnel en autorit et des pinglettes de tireurs d lite ou autres distinctions pouvaient orner l uniforme.
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