MESSAGE IN A BOTTLE - Histoires et témoignages de jeunes Tunisiens dix ans après la révolution
220 pages
Français

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MESSAGE IN A BOTTLE - Histoires et témoignages de jeunes Tunisiens dix ans après la révolution , livre ebook

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Description

Publié en Italie en 2019, ce livre voulait montrer au public italien, souvent imprégné de racisme ou d'islamophobie, que les jeunes tunisiens vivent les mêmes sentiments de frustration ou d'apathie, le même désir de partir, la même désaffection pour la politique ou le même discrédit vis-à-vis des institutions publiques qui affectent les jeunes italiens et que la cause de ce mal-être générationnel est à chercher dans les dynamiques économiques et politiques globales qui gouvernent notre monde.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2021
Nombre de lectures 1
EAN13 9789938075014
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Mario Sei Traduit de l’italien parNadia TebbiniMESSAGE IN A BOTTLE (Histoires et témoignages de jeunes Tunisiens dix ans après la révolution) Arabesques 2021
Livre : MESSAGE IN A BOTTLE. Auteur : Mario Sei. Publié en italien chez les éditions Agenzia X, Milan,2019. Traduit de l’italien par : Nadia Tebbini. ISBN : 978-9938-07-501-4 er 5,rue 20 Mars 1956,1 étage bureau n°3, Bab Saâdoun, 1005 www.editions-arabesques.tn E-mail :editionsarabesques.tunis@gmail.com
Préface
LA VÉRITÉ VOUS RENDRA LIBRES
Par Raimondo Fassa L'idée de ce livre a vu le jour il y a trois ans lors d’un après-midi chaud du mois d'août pendant un entretien entre amis à la Marsa. Il est vrai qu’au début j’étais plutôt sceptique quant à ce projet. Je craignais que l'infatigable fouille de Mario Sei dans le ‘‘vécu’’ des étudiants n’aboutisse à rien d'autre qu'à des auto-exaltations narcissiques ou aux plaintes de belles âmes. Mais je dois reconnaitre que dès que j'ai eu l'original en Italien entre les mains, j'ai changé d'avis. Je l'ai lu d'une seule traite, avec la passion de celui qui dévore un roman policier et je me suis demandé à quel genre littéraire pouvaient appartenir ces douze entretiens réflexifs. Ils ne peuvent être classés dans la catégorie de la pure non-fiction, parce qu’ancrés dans l'individualité des protagonistes-narrateurs, ni dans celle de la pure fiction car ils racontent des histoires vraies.
Message in the Bottle appartient à un genre littéraire de plus en plus populaire aujourd'hui et qui en Anglais s'appelle nonfiction novel. Nous pourrions le traduire par
"roman documentaire". En l'occurrence, il s’agit d’une série de ‘‘récits’’, au sens propre du terme, comme le souligne l' ‘‘intonation littéraire’’ propre à chacun d’entre eux et dont le contenu narratif est tiré de l’expérience des jeunes qui se racontent.
C'est donc l'intrigue du livre, qui avec un langage toujours simple, clair, immédiat, direct, met à nu plus d'une ‘‘corde sensible’’ de la Tunisie contemporaine, révélant des dérangeantes vérités connues de tout le monde, mais dont on évite souvent de parler.
En tout premier lieu, s'effondre le mythe de ‘‘l'exceptionnalité’’ de ce que l'on appelle encore la ‘‘révolution tunisienne’’ de 2011. De ces récits, émerge en effet le sentiment profond que pour ces jeunes aucune révolution ne s'est réellement produite et que le terme ne peut traduire qu'un changement de façade, visant à maintenir et non à remettre en cause, l'état préexistant des choses. Lescoauteurs-narrateurs sont éminemment conscients qu’en Tunisie les différences entre les classes sociales comptent plus que jamais. Cette certitude se perçoit, par exemple, au niveau de la difficulté de la migration pour la grande majorité des Tunisiens (jeunes et non) que plusieurs d’entre eux évoquent longuement. La Tunisie est devenue en quelque sorte un ‘‘pays prison’’ : l'émigration n'étant réservée qu'à ceux qui appartiennent au petit monde de la bourgeoisie la plus riche et la plus puissante. Ce qui semble prévaloir, c'est un fort sentiment de précarité et de manque de perspectives.
La plupart de ces jeunes se disent déçus par leurs études universitaires, jugées peu formatives et peu qualifiantes, ainsi que par l'expérience de la vie dans les foyers universitaires, marquée non seulement par la misère et la privation, mais aussi par l'absence de communication. En effet, une méfiance mutuelle et un sentiment d'hypocrisie généralisée sont pointés par les narrateurs.
Les opportunités d'emploi pour ceux qui terminent leurs études sont limitées, le plus souvent, aux centres d'appels qui ne peuvent guère constituer des projets d’avenir. Seuls ceux qui ont fait, non sans risque, des choix absolument atypiques et à contre-courant ont pu trouver une certaine satisfaction dans la vie.
Le ‘‘bricolage existentiel’’ semble être la seule ‘‘issue de secours’’. Ni la religion ni la politique ne semblent offrir des perspectives de s’en sortir. Et ceci n’est pas vrai seulement en Tunisie. L'Europe, et en particulier l'Italie, sont considérées souvent comme des planches de salut, mais là aussi, c’est la déception et les Italiens y sont pour beaucoup. Ce fut le cas pour ce jeune qui accepta avec enthousiasme de participer à un programme de Rai 3 (même sans être payé) ... pour ensuite avoir le sentiment d'avoir été manipulé ! Bref, le livre démonte une certaine ‘‘rhétorique de la jeunesse’’, celle d’une jeunesse qui représenteraient ‘‘l'avenir’’, toujours perçu comme radieux. Il serait facile d'objecter qu'il est impossible et illégitime de généraliser à partir de douze «auto-récits» comme ceux-ci. Mais je crois que tout aussi facilement -et de manière beaucoup moins générique - on pourrait répondre que ce qui ressort de ces narrations
correspond à la condition de très nombreux jeunes comme on la constate également en Italie et dans de nombreuses autres régions d'Europe.
C’est sans doute là une des dimensions où la Tunisie rejoint réellement l'Occident en présentant (je serais tenté de dire ‘‘à l'état pur’’) des contradictions qui peuvent être trouvées même dans des sociétés qui ne sont qu'en apparence plus avancées. De ce point de vue, on peut vraiment parler de ‘‘laboratoire politique’’. Les sceptiques (comme je l'ai été au début) diront qu'un livre ne suffira pas à changer les choses. Je suis incapable de partager ou de réfuter cette affirmation mais, si la situation décrite ici est même seulement en partie vraie, au moins deux choses peuvent être raisonnablement sûres. La première est que ne pas y faire face c’est devoir affronter alors une période de grave instabilité et d'incertitude pour la Tunisie. La seconde est que la reconnaître est une condition nécessaire (quoique non suffisante) pour que les choses changent et s'améliorent. Cette dernière perspective est le projet revendiqué fièrement par cet ouvrage de Mario Sei et de ces douze jeunes qui se sont confiés à lui.
Introduction
Esquisser, à travers des récits de vie réelles racontées à la première personne par certains de mes étudiants et étudiantes, le portrait de la nouvelle génération tunisienne afin de faire savoir au public italien, trop souvent imprégné de racisme et de préjugés, que les sentiments de frustration, d’amertume ou d’apathie, éprouvés par une bonne partie de cette jeunesse du sud de la Méditerrané, ne diffèrent pas de ceux qui affectent les jeunes italiens et que les causes de ce mal-être sont à chercher dans les mêmes dynamiques globales. Telle était ma principale ambition lorsque j’ai accepté la proposition d’un éditeur italien d’écrire ce livre, qui a été publié, dans sa version italienne, en septembre 2019. Au-delà de ce mal-être générationnel commun qui émerge avec force de ces récits, je voulais que le lecteur italien comprenne aussi comment, pour la majorité des jeunes tunisiens, au sentiment de ne pas pouvoir se projeter dans le futur et de planifier leur propre vie, s’ajoute la quasi l’interdiction qui leur est faite de traverser les frontières de leur propre pays, alors que pour tout jeune européen il s’agit d’un droit naturel, inscrit dans leur citoyenneté. La disparité est frappante, et pourtant en Europe cette différence est très souvent perçue, elle aussi, comme un fait naturel, et non pour
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ce qu’elle est en réalité, à savoir l’expression d’un pouvoir discriminatoire qui choisit, sur la base d’un critère purement économique, à qui accorder ce droit de circuler au-delà des frontières et à qui le refuser.
Pour tous ces jeunes qui vivent ce refus à priori, gravé dans leurs pièces d’identité, le sentiment de subir une grande injustice est profond. Il suffirait d’ailleurs d’un minimum d’empathie pour le saisir, en imaginant comment leurs pairs européens pourraient réagir si une loi leur interdisait de voyager. Une telle loi serait aussi sans doute déterminante pour un pays comme l’Italie, par exemple, où les jeunes qui émigrent à la recherche d’un emploi ou en vue de poursuivre leurs études se comptent, chaque année, par dizaines de milliers. La Tunisie, où je vis depuis 25 ans, est ma patrie d’adoption, et je suis moi-même un émigré qui a profité des privilèges accordés aux européens. Cette inégalité dans les droits me semble donc inacceptable.
Avec un objectif que je dirais pédagogique, dans l’introduction à l’édition italienne je faisais aussi référence à la grande histoire commune qui lie l’Italie à la Tunisie, et que très souvent les Italiens ont tendance à oublier ou plutôt à refouler. Je rappelais, en particulier, que jusqu’à la moitié du siècle dernier, le flux migratoire se faisait en sens inverse et que c’est par grandes vagues de centaines de milliers d’individus que les italiens sont venus en Tunisie pour y chercher de meilleures conditions de vie.
En m’adressant au public italien, j’avais également cru utile de revenir, même si brièvement, sur l’histoire plus récente, en passant par l’époque de Ben Ali, la chute de son régime en 2011 et les évènements
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