Sur Malraux : Celui qui aimait les chats
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Description

Qui était André Malraux ? Grand séducteur, superbe orateur, metteur en scène de sa propre épopée, il fut surtout un ambitieux démesuré. Comme les chats qu’il aimait tant et dont la légende veut qu’ils aient sept vies, Malraux était aussi un homme qui se séparait des ses proches avec brutalité, sans explications. Émile Biasini en fit l’amère expérience en 1966. Plus de trente ans après, il brosse de l’auteur de « L’Espoir » un portrait sans concession.Émile Biasini participa activement à la création du ministère de la Culture sous de Gaulle et fut, sous Mitterrand, secrétaire d’ État aux Grands Travaux et cheville ouvrière du projet du Grand Louvre. Il a notamment publié « Grands Travaux ».

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 1999
Nombre de lectures 0
EAN13 9782738163790
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

OUVRAGE PUBLIÉ AVEC L’AIDE DU CENTRE NATIONAL DU LIVRE
©  O DILE J ACOB , SEPTEMBRE 1999 15, RUE SOUFFLOT , 75005 PARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-6379-0
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
www.centrenationaldulivre.fr
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
Pour Marité, qui est partie avant la fin
PROLOGUE

Ce livre n’est pas une biographie de plus sur André Malraux.
C’est le récit d’une aventure dans un domaine où les aventuriers n’abondent pas, celui de l’Administration, auprès d’un aventurier devenu le Premier ministre de la Culture de son pays.
Je l’ai vécue avec Gaëtan Picon, et elle a tourné après sept ans en navrante mésaventure. J’ai voulu en découvrir la raison dans la personnalité même de Malraux en m’essayant à comprendre cet homme, à la fois public et profondément secret, pour éclairer certains de ses comportements.
J’ai pu répondre ainsi à une interrogation restée blessante au fond de moi pendant plus de trente années.
É. B.
PREMIÈRE PARTIE
André Malraux que j’ai connu
CHAPITRE PREMIER
NOTRE RENCONTRE

Si la découverte de l’écrivain aventurier avait été importante pour l’adolescent que j’étais avant la guerre, la rencontre avec André Malraux, devenu ministre, a été décisive dans ma vie professionnelle, puisque c’est pour travailler à son cabinet au ministère des Affaires culturelles qu’il venait de créer que j’ai, en 1959, abandonné prématurément l’Afrique où j’étais administrateur depuis la fin de la guerre. Je m’y étais beaucoup occupé de décolonisation et surtout spécialisé dans l’établissement des rapports culturels avec les territoires destinés à devenir indépendants : partout où je suis passé, j’ai créé des centres culturels, des lieux de rencontre et d’échange entre les expressions culturelles autochtones et notre propre apport, contribué aussi à la mise en place des premières stations de radio, à Porto-Novo et à Conakry 1 . Cette préoccupation m’avait valu d’être appelé au cabinet du ministre de la France d’outre-mer, Bernard Cornut-Gentille, dans le gouvernement provisoire du général de Gaulle, en 1958, pour y être chargé des questions d’information et principalement de la campagne de communication pour le référendum du 28 septembre, d’où devaient sortir la V e République, et une Communauté d’États autonomes avec nos anciennes colonies – une sorte de Commonwealth à la française. Mais notre communauté fut d’existence éphémère puisqu’elle vécut moins de deux ans : la France n’a jamais su se montrer pragmatique 2 .
J’ai rencontré pour la première fois André Malraux en août 1958 alors qu’il contrôlait avec Jacques Soustelle la campagne d’information référendaire de chaque ministère. Le fait que nous ayons choisi, pour l’outre-mer, de concentrer la nôtre sur deux disques destinés aux « bals doudous » nous avait facilement mis en évidence au milieu d’une accumulation de circulaires, tracts, affiches que chaque ministère avait classiquement préparés. Malraux s’en était beaucoup amusé. J’avais aussi été chargé des problèmes de jeunesse outre-mer, en symétrie de ceux de la jeunesse métropolitaine, dont il avait la compétence – et dont il avait auprès de lui confié la responsabilité à Maurice Herzog. D’où l’occasion de plusieurs réunions, et d’une rencontre particulière dont les conséquences se révélèrent importantes pour moi.
Bernard Cornut-Gentille avait convié Malraux et Herzog à un déjeuner dont j’étais naturellement le quatrième convive. C’était dans la salle à manger de la rue Oudinot, aux murs tendus de soie rouge, cimaise pour une collection de masques africains et polynésiens qui furent le prétexte d’un numéro éblouissant du ministre d’État.
J’ai eu là, pour la première fois, la révélation du discours de Malraux, vertigineux, d’une érudition torrentielle qui laissait pantois : tellement d’images, de digressions, de rappels d’histoire, de formules insolites, comme un film qui se déroule trop vite… Seul à avoir vécu en brousse d’Afrique à cette table, j’ai eu droit à des apostrophes particulières. Il me prenait à témoin comme s’il avait besoin d’être approuvé alors qu’il n’exprimait que ses propres certitudes. J’ai acquis aussi le droit, sinon de l’interrompre, mais d’intervenir brièvement dans son monologue, suscitant son étonnement intéressé et consentant : je revois son sourcil levé sur un œil à la fois interrogateur, bienveillant et amusé, premier éclair de connivence que j’ai reçu de lui.
Ce moment a certainement eu sa part dans la décision qu’il m’annonça sans préavis quelques mois plus tard, et à brûle-pourpoint – c’était sa manière – alors que j’étais venu à son cabinet pour m’occuper des affaires d’outre-mer, de me confier la conduite de l’action culturelle en métropole, qu’avait dû abandonner mon ami Pierre Moinot, qui avait contribué efficacement à mon entrée dans l’équipe. « Ce que vous avez fait en Afrique, vous allez me le faire en France… »
En 1960, je fus ainsi le premier administrateur de la France d’outre-mer à participer directement à l’organisation du nouveau ministère de la Culture, où je m’honore d’avoir fait venir bon nombre de mes camarades « décolonisés » qui ont pris une part majeure à la réussite de cette nouvelle administration : Guy Brajot, Michel Sellier, Félix Giacomoni, Jean Autin, Pierre Isaac entre autres 3 .
C’est dans l’enthousiasme d’une collaboration complice que j’ai alors engagé ma mission métropolitaine : construire dans tout le pays les premières maisons de la culture, grâce à une action qui ressemblait fort, dans sa conduite, à ce que j’avais fait en Afrique, découvrir le pays (hormis mon passage au cabinet de la France d’outre-mer en 1958, je n’avais pas travaillé en France depuis la guerre), convaincre les maires et les responsables politiques et culturels, bâtir des établissements nouveaux destinés à rendre les trésors culturels « accessibles au plus grand nombre » – c’est-à-dire briser le privilège social du divertissement bourgeois et entreprendre la décentralisation des lieux culturels.
J’ai pleinement consacré sept années – et avec quelle intensité – à cette entreprise dont de nombreux témoins affirment qu’elle a été la préoccupation principale d’André Malraux 4 . Je l’ai abordée, et je crois pouvoir le dire, réussie, avec la méthode du broussard : la tournée, la palabre, le contact permanent avec le pays profond et ses représentants. Je ne crois pas qu’il existe une autre méthode pour gérer les affaires publiques, donc collectives. Les décideurs autocrates lointains n’y ont que peu de chance. L’histoire récente nous en a apporté la démonstration.
J’ai eu la chance, pour cette mission, de bénéficier du conseil, du soutien et bientôt de l’amitié de Gaëtan Picon, qui est devenu pour moi le plus précieux et le plus fidèle des compagnons. Nous avons ensemble travaillé à ce que nous considérions comme une tâche majeure. Elle était entièrement accaparante, et nous l’accomplissions dans une telle allégresse et une telle certitude du soutien, et même de la connivence du ministre, que nous n’avons pas vu se développer le complot fomenté au cabinet après le départ d’André Holleaux, qui l’avait dirigé avec habileté et honnêteté, complot qui devait aboutir fin 1966 à ma révocation, et à la démission de Picon.
La chute fut brutale – et si piètrement provoquée –, que je ne sais si la blessure principale nous est venue de l’injustice ou bien de son exécution, car elle a été suivie contre moi d’une exclusive malveillante et même administrativement illicite. Qu’était devenu alors le ministre-ami, invisible pour nous pendant cette période ? Ni Picon ni moi ne l’avons plus jamais revu. Le coup a été rude, au-delà d’un préjudice matériel immédiat : c’était l’image d’un homme que nous admirions qui se brisait. Pour Picon, il s’agissait au surplus d’une amitié plus que trentenaire.
Pendant des années j’en ai chassé le souvenir, avant de réintégrer peu à peu ces événements dans une mémoire qui se dépassionnait, et d’en rationaliser objectivement les circonstances, en recherchant honnêtement quelle avait pu être notre part fautive dans le processus de notre éviction. La seule que j’aie pu trouver réside dans la confiance que nous faisions à André Malraux, et à sa capacité de surmonter les médiocres et ordinaires complots des cabinets.
La blessure que j’ai éprouvée est restée profonde, et il m’a fallu beaucoup de temps pour que, peu à peu, elle se range raisonnablement dans mon souvenir. J’ai fini par bien me rendre compte que ma propre affaire n’avait été qu’une péripétie pour Malraux, et que, envenimée par d’inévitables jalousies, elle avait été surtout le fait du cabinet et de certain collègue ambitieux. Le ministre avait laissé faire, et elle s’était alors inscrite dans un comportement d’ensemble conforme à sa personnalité et à sa nature même. Elle a participé à une mutation de son existence, et à la recherche de son authenticité du moment.
Il lui était indispensable alors de mettre sa vie en conformité avec une évolution marquée par des drames intimes, une évidente lassitude physique et psychique : sa loyauté à l’égard de De Gaulle a même probablement retardé l’éclatement de la crise, qui s’est quand même finalement produit, quel qu’en fût le prix pour les autres.
Avec une extrême délicatesse, de Gaulle en a d’ailleurs aidé le dénouement, en confiant à Malraux une mission de pure forme en Chine

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