Un piton séparé du reste du monde
305 pages
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Description

Claude Georges Picard apporte ici le témoignage d’un soldat « appelé », chasseur alpin, envoyé, en 1961, lors des «événements d’Algérie» sur un piton de Kabylie, dans un poste militaire isolé au coeur de la zone rebelle, à 1200 m d’altitude dans la neige hivernale et sous le soleil accablant de l’été, remplissant à la fois son devoir de soldat et celui d’instituteur-infirmier-écrivain public improvisé dans un village kabyle entièrement acquis à la rebellion. « Encore un accrochage dans le village avec les fells. Leur pouvoir d’évanouissement est magique. Ne dit-on pas disparaître par enchantement. A la première rafale ils se fondent dans la nuit, se volatilisent et nous restons comme des cons, seuls et désemparés sur le terrain. Ils doivent bien rire, planqués dans la forêt, enterrés dans leurs caches invisibles... Les lendemains d’accrochage, toujours beaucoup d’appréhension en descendant dans le village. Entre le soldat de nuit, qui n’hésiterait pas à tirer et le gentil soldat qui soigne, apprend à lire et compter, je m’y perds. Lequel est le vrai ? » Un témoignage unique, sans la moindre concession sur les faits et une interrogation profonde sur le drame de conscience qui fut celui de la jeunesse de l’époque. Témoignage qui a fait l’objet en avril 1984 , de cinq émissions à France-inter : « Le Passé singulier », de Michel Winock et en 1992 d’une lecture de certains passage par Richard Berry sur France 2 dans « Envoyé Spécial ». « Ce manuscrit édité par les EDITIONS DU NET est unique en son genre. J’ai déja publié trois de ses prédécésseurs au CNRS. À ma connaissance il est un des rares à dire ce qu’il tente de faire pour saisir sa hiérarchie contre l’abus des tortures et autres exactions. » Jean-Charles Jauffret

Informations

Publié par
Date de parution 31 octobre 2013
Nombre de lectures 2
EAN13 9782312020044
Langue Français

Extrait

Un piton séparé du reste du monde
Claude Georges Picard
Un piton séparé du reste du monde
Ma guerre en Kabylie

Journal d’un appelé en Algérie
1961 - 1962

Préface de Jean-Charles Jauffret Directeur du département d’histoire et du master de recherches d’histoire militaire comparée, géostratégie, défense et sécurité de Sciences PO Aix.



LES ÉDITIONS DU NET
22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes
© Les Éditions du Net, 2013
ISBN : 978-2-312-02004-4
À mes parents,
À mes enfants Christophe, Stéphane, Laure
À mes petits-enfants Vincent, Victor, Marie, Thomas…
Avertissement de l’auteur
Ces pages ne sont pas pamphlétaires, elles ne prennent parti historiquement pour aucun des belligérants. Faire la guerre est toujours une erreur et une défaite, un échec de la parole humaine. Chacun joue son rôle individuellement, le soldat, le politique et nul n’est juge de l’honnêteté de chacun.
« Est-ce qu’on peut faire le parti de ceux qui ne sont pas sûrs d’avoir raison ? Ce serait le mien. Dans tous les cas je n’insulte pas ceux qui ne sont pas avec moi. »
Albert Camus
« Il y a un temps pour vivre et un temps pour témoigner de vivre. »
Albert Camus
« Je n’ignore point qu’eussé-je hérité un autre tissu nerveux et d’autres glandes à sécrétion interne, qu’eussé-je vécu dans un autre milieu, entendu d’autres paroles, lu d’autres livres, aimé d’autres personnes, je pourrais être tout autre que je ne suis et confondu à ceux qui me paraissent si éloignés de moi. »
Jean Rostand
« Je venais d’avoir 21 ans et j’avais honte. »
Michel Winock

Préface
Né en 1937 dans le Haut-Doubs, devenu par la suite kinésithérapeute à Châteaurenard dans les Bouches-du- Rhône, Claude Picard tient tous les jours son carnet personnel sur le piton 11/39 (altitude), le plus haut de la région de l’Akfadou, en Kabylie. De janvier 1961 à la fin février 1962, période qui souffre d’une pénurie de témoignages, il relate sa guerre d’Algérie, celle d’un sursitaire affecté au 28ième Bataillon de chasseurs alpins, au-dessus du village d’Imaghdacene. Il est à la fois soldat-instituteur-infirmier-écrivain public improvisé. Ce village est très particulier. Il est non rallié et les rapports à la petite garnison du poste (une vingtaine d’hommes) sont des plus complexes. Ce cas particulier est aussi une découverte pour l’historien.
Ce manuscrit édité par les Éditions du Net est unique en son genre. J’ai déja publié trois de ses prédécesseurs au CNRS (quand mon équipe de recherches avait des fonds…) 1997-2001, dont le journal de marche du sergent Paul Fauchon, Juillet 1956, mars1957, mais celui-ci n’a pas d’équivalent. L’auteur est tout d’abord d’une honnêteté intéllectuelle rare, il dit vraiment ce qu’il pense, raconte ce qu’il voit. Confronté aux réalités d’une vraie guerre, il évolue (sentiment chrétien, par exemple, jusqu’à le perdre) tout comme certains acteurs de ce drame à huis clos sur un piton perdu dont, par précaution, pour ne pas froisser des vivants ou leurs descendants, il ne donne pas la véritable identité. Sursitaire et bien informé grace à son transistor, il suit aussi l’actualité franco-algérienne, commente les discours du général de Gaulle.
A ma connaissance, il est un des très rares à dire ce qu’il tente de faire, simple appelé, pour saisir sa hiérarchie contre l’abus des tortures et autres exactions dont se rendent responsables ses supérieurs… Son chef de poste est un ancien légionnaire d’origine roumaine. Il en fait un portrait nuancé, et cela est aussi fort rare dans un témoignage. Il décrit aussi, hors clichés habituels, les relations très particulières avec les harkis. Pages, aussi, superbes sur les paysages, les saisons, les femmes et les enfants du village, l’ennemi invisible mais toujours présent, sa chienne "Pax" indispensable confidente qu’il amène en France… Il porte aussi témoignage, et un des rares dans un carnet personnel, à évoquer l’onanisme, le besoin de sexe, mais aussi par quels artifices il détourne la censure en envoyant à son père par voie postale, les feuillets de son journal personnel… En ressort le sentiment de croiser un humaniste, un juste. Ses photos dont quelques-unes accompagnent la présente édition, sont aussi très riches d’enseignement.
Deux détails ne trompent pas : quand il quitte Imaghdacene, les femmes et les enfants lui baisent les mains en signe de respect. Quand il est revenu en Kabylie en 1975, accueil très émouvant très chaleureux (Claude Picard joint le récit de ce voyage en fin de carnet, c’est essentiel pour aller dans le sens de la réconciliation entre nos deux peuples).
Sur le plan de la forme elle est exceptionnelle ! Ce sursitaire est pétri de culture, il a lu Camus, Saint-Exupéry, Céline, Hemingway… Auteurs qu’il cite fréquemment et dont les maximes lui permettent d’affronter l’adversité. En trente ans de recherche sur l’Algérie, je n’ai jamais vu un style dépouillé d’une telle qualité. Nous sommes bien en présence, tant pour le fond que pour la forme, d’un texte majeur de la guerre d’Algérie.
A chaud, ce carnet, en 1962, avait de quoi inquiéter car il ne travestissait rien des vicissitudes de la guerre camouflée alors par l’appellation officielle d’"opération de maintien de l’ordre" ? En décembre 1962, le Parisien libéré refuse le manuscrit pour l’obtention du « grand prix vérité », car à cette époque le conflit algérien est ostracisé, mais la très grande qualité du manuscrit est cependant reconnue : du 16 avril 1984 au 21 mai, cinq émissions à la radio, « Le Passé Singulier » de Michel Winock qui lit à France Inter quelques extraits de ce carnet à propos de la guerre en Kabylie.
Le 2 juillet 1983, FR3, émission" Envoyé Spécial", qui lui a pillé sans jamais les lui rendre ses films 8 mm, donne un extrait de film sur le piton 11/39 et Richard Berry lit quelques extraits du manuscrit.
Après avoir contacté mon collègue et ami Guy Pervillé, Claude Picard entre en relation avec moi. Il finit même par intervenir comme grand témoin au sein de mon master de recherches. Discret et serein, Claude Picard ne porte aucune mémoire revendicative. En ce sens il dénote par rapport à certains anciens combattants. C’est ce que de grands éditeurs nationaux, bien timorés, n’ont pas compris, sans doute effrayés par le brut de coulée de ce récit. Il reste à souhaiter à ce carnet personnel, enfin publié, une belle revanche, grâce à cet instrument de communication du XXI e siècle que constitue internet. En effet, si l’édition française, dès cette fin de 2013 est submergée par les ouvrages relatifs à 1914, il ne faut pas oublier, outre la commémoration prochaine de 1944, que l’année 2014 sera aussi celle du début de la guerre d’Algérie proprement dite, un certain 1er Novembre 1954 qui allait précipiter la dernière génération du feu dans un des conflits des plus sordides de la décolonisation. Puisse ce récit aider à mieux le comprendre.

Jean-Charles Jauffret
Aix, le 14 novembre 2013
Marseille 10 janvier 1961
Jeune homme de la France jurassienne, je ne suis jamais venu à Marseille. J’y arrive clandestinement en soldat honteux. Nous sommes partis hier de Granville, en Normandie. Le train a traversé la France de nuit sans se faire remarquer. Braves gens, dormez tranquilles. Vos enfants, déguisés en soldat, ne veulent pas vous réveiller. Voyage long et pénible. Odeur de sueur, paillardises, saucissonades, pets et rots sonores et moi, tassé dans mon coin de compartiment avec "Voyage au bout de la nuit". "Ça a commencé comme ça… ". Je ne me prends pas pour Bardamu. Ce n’est qu’un très lointain cousin. Mais un jour moi aussi j’irai à New-York dans dix ans, vingt ans avec celle que j’aimerai. Bien sûr, ce n’est pas la guerre de Céline dans la boue et les tranchées. C’est la mienne. Pas une « Grande Guerre », une guerre pour rire, une « guéguérilla ». On l’appelle "pacification" ! Merveilleux paradoxe ! Quel génie a eu l’idée d’appeler une guerre "pacification" ? Allons à la « pacification » puisqu’il est interdit d’aller "à la guerre" ! La tentation de ne "pas y aller" m’a

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