Une enfance séquestrée
32 pages
Français

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Une enfance séquestrée , livre ebook

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Description

Ce livre relate les sévices brutaux vécus pendant l’enfance.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 24 octobre 2020
Nombre de lectures 10
EAN13 9782312074030
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0012€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Une enfance séquestrée
Abbès Sassoui
Une enfance séquestrée
LES ÉDITIONS DU NET
126, rue du Landy 93400 St Ouen
© Les Éditions du Net, 2020
ISBN : 978-2-312-07403-0
Tout en moi porte les traces du passé. Des plaies non cicatrisées évoquent tristement les horreurs vécues. La nuit, en s’adonnant au sommeil, je me vois Roi exilant les conseillers qui m’apparaissent attiseurs de mes douleurs ; évinçant les mauvais serviteurs qui complotent autour du trône. Puis une voix autoritaire me tire de ce rêve tissé sans l’aval de mes possesseurs. Je reviens tristement à ma dure réalité tout en jurant de ne plus s’orienter à ce genre de quiétude. La vie m’a appris malgré mon jeune âge que je dois, sans dire un mot, accepter les corrections injustes, les jurons et les humiliations arbitraires.
Que dire de ces nuits dont les lendemains je reçois des corrections de mon instituteur pour des leçons non apprises et des exercices non faits. Je quémande auprès des proches dans les cafés de la ville dans l’espoir d’offrir à mon frère ainé plutôt à mon maitre ce ticket de cinéma qui m’évite tant de supplices. L’attendre à une heure tardive de la nuit à l’extérieure de la salle de projection n’est rien avec ce que je dois supporter si ma quête ne lui permet pas de voir le film. Ce cauchemar omniprésent me ronge encore le cœur.
Je ne reprends gout à la vie qu’en salle de classe. Là je m’accroche aux lèvres de mon instit qui me plonge dans des rêves interdits. Entouré d’enfants de mon âge je réalise, ne serait-ce que pour un instant, que la vie appartient à celui qui sait savourer ses délices.
L’école est mon asile : J’y trouve la tendresse, la protection, la compréhension et la pitié. En dépit de ma passivité involontaire j’arrive toujours à retenir l’essentiel des cours. Mais une fois dehors mes peines ressurgissent et mon calvaire reprend forme au fur et à mesure que je m’approche de la maison. Fidèle à son école buissonnière et à ses apparitions rocambolesques, mon frère ainé, attend mon arrivée non loin de la maison. Ses menaces et ses jurons ne le quittent jamais ; sa force et sa fierté s’en nourrissent. En guise de récompense Je reçois une paire de gifle et comme châtiment un coup de pied pour ne pas avoir manqué l’école. Il me fait savoir toujours sans se lasser que la sanction se développe selon ma conduite, ma ponctualité et ma persévérance. L’école est son ennemi juré. A la maison, pour m’humilier devant les membres de la famille et parfois aussi les voisins, il m’ordonne de chanter, de danser, de se lever et de courir sans raison apparente. Un jour, les mains mouillées, il m’efforce d’enfoncer un clou dans une prise électrique dont je reçois une décharge électrique d’une grande intensité. Imaginez la douleur que ressent un enfant de huit ans. De nos jours, mes nuits sont hantées de cauchemars qui me font revivre cette scène inhumaine. Mes jours se consument machinalement de la sorte.
Je ne relate que les faits marquants qui ont contribué maladivement à la construction de ma personnalité. Je me suis épanoui dans un climat de peur et d’incertitude. Ma santé morale est touchée de plein fouet. Les affres de la maltraitance se lisent clairement sur mon visage. J’ai gardé jalousement ces horreurs, de peur de les perdre ; un sentiment profond m’apprend que ma survie en dépond. Le poids des années m’a encouragé à prendre le taureau par les cornes et de vider le sac. Ce cri de soulagement, certes, m’a fait dévoiler et divulguer le côté sombre de mon enfance mais peut-être il m’aidera à mieux supporter le reste des jours…
Ma mère, pour me protéger, elle m’inscrit dans un établissement conçu spécialement pour les fils de Chouhada (enfants dont le père est mort pour la patrie). Les pensionnaires sont venus majoritairement des communes limitrophes. Là on assure uniquement l’hébergement. Les études se font dans les écoles environnantes. Les encadreurs de cet internat se comportent durement avec des enfants de notre âge. Ils sont aussi méchants que mon frère. J’ai tenu une année dans ce milieu qui ressemble à une prison. On n’a pas le droit de sortir sauf pour aller à l’école tout en suivant fidèlement l’itinéraire tracé par l’administration. Les visites des parents ne sont autorisées qu’une fois par semaine et pour une durée bien déterminée. Au fil des jours la vie dans cet enclos m’est devenue insupportable et pour y mettre fin alors j’ai décidé de s’enfouir. Un jour en allant à l’école j’ai pris le chemin menant droit à la maison. Ma mère m’a reçu avec froideur et m’a reconduit sur le champ, les larmes aux yeux, en compagnie de mon oncle, à mon funeste établissement. Après la correction la vie reprend son cours.
A mesure que les jours passent la tentation de rompre définitivement les liens qui m’y attachent s’empare de moi. Chaque soir un plan de fuite se dessine devant moi, un correctif s’y impose, un rempart se dresse…
Mes réflexions se portent toujours sur le choix entre l’autorité administrative et la soumission fraternelle. Les deux voies mènent droit au mur. Finalement l’envie de quitter ce lieu macabre a pris le dessus. Alors, j’ai refait l’aventure mais cette fois-ci avec minutie et beaucoup de calcul. La stratégie a donné des résultats positifs. J’ai passé trois longues nuits à la belle étoile avant d’être repéré par ma mère. L’idée de me perdre l’a certainement assagie. Ses étreintes m’ont appris que dorénavant elle ne se séparerait plus de moi. Effectivement, elle a procédé à l’annulation du contrat qui me lie à cet établissement pénitencier.
Mes souffrances d’antan renaissent et reprennent forme rien qu’à la vue du vélo qui autrefois mon frère l’utilisait pour m’éloigner de la ville et me faire subir le pire des atrocités. Je me rappelle bien ce jour d’été où nous longeons l’oued, à la recherche, d’un étang poissonneux dans lequel il piège les poissons avec un drap qu’il utilise comme filet, il nage tout en essayant de me noyer puis par peur ou par pitié il en renonce. Son immense plaisir est de me tenir sous l’eau le plus longtemps possible et de me voir me débattre. Généralement je ne trouve le salut que grâce aux passants.
Je dois affronter cette dure réalité avec beaucoup de courage. Pour assouvir ses fantasmes mon frère ne s’attaque pas seulement à moi mais aussi à notre mère. Surtout quand elle n’arrive pas à exaucer ses vœux, il lance sur elle différents projectiles, lui casse les ustensiles, lui verse la soupe…
Pour mettre un terme à ses hostilités ma mère a décidé de l’envoyer à un internat similaire au mien. Celui -ci est distant de deux cent cinquante kilomètres de notre ville. Ce choix n’est pas fortuit. Après de mures réflexions, la localité de Benchikaou . Wilaya du Titteri (actuellement Médéa ) parait, aux yeux de ma mère, l’endroit idéal qui nous en libère. Les tentations de ma mère et les contraintes de mon oncle finissent par le convaincre. La description détaillée, par un proche, du site qui abritera mon frère m’a comblé de joie. Ma mère a l’air passif mais rien ne lui échappe. Ce village est situé dans une région montagneuse, ses hivers sont rigoureux, ses rues sont à longueur de journée désertes, un manteau blanc le couvre jalousement, une atmosphère de désolation y règne. Une bâtisse imposante se dessine au loin, à mesure que le visiteur s’en approche la peur et la crainte s’emparent de lui. Çà et là dans la cour clôturée de barbelé des touffes d’herbe s’exhibent en cachant mal la stérilité du sol ; au milieu, des enfants les yeux rivés vers l’extérieur semblent en quête d’un sauveur ou d’un nouveau débarqué, non loin d’eux, deux adultes, le regard pointé sur les internes, s’échangent des propos en gesticulant. D’une colline lugubre sise à un jet de pierre de l’école, les aboiements d’une meute de chien brisent le silence. Tout dans ce milieu de désolation vous plonge dans la tristesse. Pour moi, cette contrée lointaine, stérile et mélancolique est le lieu idéal qui pourrait fort bien rééduquer mon frère, l’assagir, le tirer de son égoïsme et surtout de son masochisme. Il doit de gré ou de force supporter ce climat. L’idée de reprendre ses

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