Cabaret, cabarets
320 pages
Français

Cabaret, cabarets , livre ebook

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Description

Le 18 novembre 1881, au pied de Montmartre, Rodolphe Salis fonde à Paris le Chat Noir, et l'épopée du cabaret commence. Partout en Europe, son exemple fait école. Comment est-on passé de la taverne au caf 'conc', puis au cabaret ? De quelle manière cette évolution s'est-elle illustrée ? Toute une époque nous est restituée ici, avec ses artistes, ses aspirations, ses programmes esthétiques. Ce qui s'en dégage clairement, c'est comment s'accomplit en Occident, du XIXe au XXe siècle, un tournant de civilisation.

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Date de parution 04 avril 2019
Nombre de lectures 0
EAN13 9782140118562
Langue Français
Poids de l'ouvrage 5 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1400€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Lionel Richard
Cabaret,C A BA R ETS De Paris à toute l’Europe, l’histoire d ’un lieu de spectacle
Cabaret, CABARETS
DU MÊME AUTEUR
La Voix des flammes, Paris, José Millas-Martin, coll. Paragraphes, 1957 [épuisé] ;Le Bois et la Cendre, Marseille/Paris, Action Poétique, coll. Alluvions, 1959 [Prix Coaraze, sous la présidence de Jean Cocteau, épuisé] ;Nazisme et littérature, Paris, François Maspero, 1971 [épuisé] ;Expressionnistes allemands. Panorama bilingue d’une génération, Paris, Maspero, 1974, réimpression aux éditions Complexe, 2000 ;D’une apocalypse à l’autre, Paris, coll. 10/18,1976, réédition complétée Bruxelles, Aden, 2016 ;Le nazisme et la culture, Paris, Maspero, 1978, réédition Complexe, 1988, et id. 2006 ;La Vie quotidienne sous la République de Weimar, Paris, Hachette, 1983, et id. 2001 ;L’art et la guerre : les artistes confrontés à la Seconde Guerre mondiale, Paris, Flammarion, 1995 [épuisé], réédition coll. Pluriel/Hachette, 2005 [épuisé] ;Marchandise non dédouanée, Bruxelles, Didier Devillez, 2001 [Prix François Coppée 2002, décerné par l’Académie française, épuisé] ;L’Aventure de l’art contemporain, Paris, Le Chêne/Hachette, 2002 [épuisé] ;Suites et séquelles de l’Allemagne nazie;, Paris, Syllepse, 2005 Arts premiers : l’évolution d’un regard, Paris, Le Chêne/Hachette, 2005 [épuisé] ;Nazisme et barbarie, Paris, Complexe, 2006 ;Terrain de manœuvres, Bruxelles, Didier Devillez Éditeur, 2008 [épuisé] ;Direction Berlin – Herwarth Walden et la revueDer Sturm, Bruxelles, Didier Devillez, 2008 [épuisé] ;Art et énergies, Paris, Cercle d’art, 2008 ; Joseph Goebbels, portrait d’un manipulateur, Bruxelles/Paris, éditions André Versaille, 2008 ;Comprendre le Bauhaus, Gollion/Suisse, Infolio, 2009 ;Roger Van Rogger dans les ombres d’Arlequin, Vallongues, Fondation Van Rogger, 2010 ; Comprendre l’Expressionnisme, Gollion/Suisse, Infolio, 2012 ; D’un art pour tous, et autres infortunes de l’éducation artistique, Bruxelles, La Lettre Volée, 2014 ;Malheureux le pays qui a besoin d’un héros - La fabrication d’Adolf Hitler, Paris, Autrement, 2014 ; De l’exotisme aux arts lointains, Gollion/Suisse, Infolio, 2017 ; Débris sur le rivage, Paris, éditions Pétra, 2018.
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Lionel RichardCabaret, CABARETS De Paris à toute l’Europe, l’histoire d’un lieu de spectacle
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© L’Harmattan, 2019 5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris www.editions-harmattan.fr
ISBN : 978-2-343-15973-7 EAN : 9782343159737
©Lionel Richard & les éditions L’Harmattan, Paris, 2019. La version originale de ce livre depuis longtemps épuisé a été publiée en 1991 aux éditions Plon. Une traduction existe en allemand,Cabaret Kabarett,Von Paris nach Europa, von Helgard Rost und Claudia Denzler übersetzt, Leipzig, Reclam, 1993. Sur la proposition de Christian Stalla de reprendre l’ouvrage dans la collection Cabaret qu’il dirige aux éditions L’Harmattan, l’auteur lui a apporté corrections et compléments. Par ailleurs, le sous-titre a été modifié. Il était initialementORIGINES ET DÉCADENCE. Illustration de couverture par Ordmüd
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AVANT-PROPOS En 1976, dans un volume réunissant un choix de ses textes de scène traduits 1 en français , une note biographique donne quelques informations sur Karl Valentin. À vingt ans, nous indique-t-on, cet amuseur ancré dans le milieu bavarois des années 1920s’est senti profondément « attiré par le cabaret ». Il s’est donc mis à fréquenter assidûment, à Munich, une « école de music-hall ». Il y a pratiqué les « variétés ». Ensuite, il s’est produit dans un « cabaret » de Nuremberg. L’assemblage des termes utilisés traduit bien le talent multiple du touche-à-tout qu’a été Valentin, à la fois auteur et acteur, clown, mime, musicien et chanteur, dans la tradition des saltimbanques. Ajoutons l’usage du dialecte, et tout cela, au fond, renvoie au spectacle populaire des baraques de foire. C’est ce qui, au lendemain de la Première Guerre mondiale, séduisit le jeune Bertolt Brecht, désireux d’échapper aux sphères du théâtre estampillé par les institutions bourgeoises. Malheureusement, ce mélange des mots “cabaret”, “variétés”, “music-hall” est hasardeux. Il laisse entendre, en un raccourci frappant, qu’en définitive il serait toujours question de la même chose. Confusion qui e correspond, en partie, à des habitudes allemandes depuis le début du XX siècle, et qui semble, à partir des années 1960, s’être répandue dans beaucoup d’autres pays que l’Allemagne, par le détour des États-Unis. Le succès de la comédie musicale Cabaret, produite à Broadway en 1966 par Harold Prince sur une chorégraphie de Ronald Field, n’y est pas pour rien. Cette adaptation de L’Adieu à Berlin de Christopher lsherwood, qui relate les expériences d’un jeune étudiant britannique lors d’un long séjour dans la capitale allemande juste avant l’arrivée au pouvoir d’Adolf Hitler, a franchi l’Atlantique en 1968, montée au Palace Theatre de Londres. Ensuite, le film tiré du même sujet et dans le même esprit par Bob Fosse, avec Liza Minnelli et non plus Judi Dench dans le rôle de Sally Bowles, a parachevé en 1972 la diffusion de scènes à la Broadway qui ont donné internationalement, sur fond de chansons américaines, l’illusion de ce que pouvait être un “cabaret” allemand de l’entre-deux-guerres, et, généralisation oblige, le “cabaret” tout court. Depuis, les émissions télévisées ne manquent pas, en France et ailleurs, qui, sous couvert de “cabaret”, présentent des enfilades, de sketches, de chansons, de numéros de cirque. La télévision tendant à supplanter de plus en plus et partout les autres institutions culturelles, ses images s’imposent massivement et prennent valeur de vérité.
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Ce qui s’efface des mémoires, par le biais du spectacle chez soi que banalise le poste de télévision, ce sont les lieux de rencontre, de communion, de réjouissance collective. Le “cabaret” n’était rien d’autre, d’abord, que e l’un de ces lieux. Le mot est attesté en français dès le XIII siècle. Pour les uns, il remonte à l’ancien picard camberete, “la petite chambre”. Pour les autres, plus douteusement, à l’arabe khamârât. Il désigne, en tout cas, un débit de boissons de basse catégorie. Parfois, les clients y trouvent aussi de quoi manger. e Au début du XIX siècle, Paris a des cabarets-guinguettes, où il est 2 possible de danser le dimanche. Un dictionnaire de 1975 cite le romancier réaliste Champfleury qui, dans ses Aventures de Mademoiselle Mariette, en 1853, évoque les soupers chez Joassant, « le dernier cabaret de la littérature », où se réunissaient « ceux qui revenaient tard des théâtres et des journaux ». Les auteurs de ce dictionnaire en déduisent que, par extension, le terme en est venu au sens de « petit établissement de spectacle où l’on peut parfois prendre des repas, consommer des boissons, danser ». Cette transformation du “cabaret” en lieu de spectacle, par quelles transitions sociales et sous quelles formes s’est-elle déroulée ? C’est ce que e j’ai tenté de déterminer en analysant comment, au XIX siècle, se révèle progressivement le besoin de distractions de masse, et comment change, dans ce processus, la fonction initiale de certains débits de boissons. En résulte la vogue des cafés-concerts, lesquels deviennent un phénomène européen. Par ailleurs, le développement industriel entraîne une industrialisation de la production culturelle elle-même, notamment des spectacles. Apparaissent l’imprésario, le culte de la vedette, la recherche de chansons à succès. Autant de prémices de nos sociétés modernes. Une bohème intellectuelle se forme à Paris, composée de jeunes gens qui, pour la plupart, sont montés de province en espérant réussir des carrières d’artistes en tout genre. En 1881, dans ces milieux qui distillent l’opposition à l’esprit bourgeois mercantile, naît à Montmartre un établissement de type nouveau, Le Chat Noir. C’est à partir de ce Chat Noir que le débit de boissons qu’était le cabaret se révèle autre chose. D’ailleurs, aucun dictionnaire français ne prête au mot “cabaret”, avant 1880, le sens d’un lieu de spectacle. Cette invention française s’exporte à l’étranger, peu à peu, non seulement avec l’ouverture d’établissements vaguement similaires, mais jusque dans les langues des pays où ils s’implantent. Ainsi le terme français de “cabaret” est-il repris tel quel en Allemagne : l’écrivain Hanns Heinz Ewers publie en 1904 un livre qui s’intitule Das Cabaret. Dans les pays de l’ancienne Autriche-Hongrie, en Italie, plus tard en Grande-Bretagne et aux États-Unis, il en va pareillement, même si en allemand comme dans les autres langues le mot a pu se trouver aussi “naturalisé”.
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L’amuseur allemand Karl Valentin et son fameux tricycle.
Mais en se multipliant dans la capitale française et dans quelques grandes villes étrangères, les établissements qui se nomment dorénavant “cabarets” demeurent-ils conformes à leurs origines ?...Le Chat Noir lui-même ne se dégrade-t-il pas rapidement ?...Dès 1896, le chroniqueur des spectacles Léo Claretie porte un diagnostic pessimiste sur la situation des 3 “cabarets” parisiens . Car le genre a éclaté en toutes sortes de variantes. L’art du “cabaret” « fait de boniment et de poésie », qui, par nature, a « besoin d’un milieu intellectuel » pour s’épanouir, est hélas, constate Claretie, en train de succomber à la prépondérance du commerce, aux affaires, à la concurrence.
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Sur l’espace d’un siècle, beaucoup de “cabarets” ont ainsi été amenés à disparaître. D’autres, pour devenir plus rentables, ont été livrés aux marchands de plaisirs. De nouveaux sont nés. Après 1945, quelques-uns furent, à Paris, à la source d’une chanson française de qualité. Reste à savoir, cependant, comment le temps, les modes, les mouvements artistiques ont profondément marqué ces lieux de spectacle tout à fait particuliers que sont les “cabarets”. Ou qu’ils furent..., car ils sont entrés dans l’Histoire. Malgré son caractère disparate, selon les pays notamment, le genre du “cabaret” relève, en effet, d’une esthétique. Du moins, quand il s’agit du “cabaret” dit “littéraire”, ou “artistique”, qui a donné naissance à certains espaces d’intervention, à un certain style d’artistes et de répertoire. Bref, il s’est imposé comme un phénomène de civilisation. Tel est ce que, pour l’essentiel, et en ne me limitant pas à la France, j’ai voulu montrer.
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I DE LA TAVERNE AU CAF’ CONC’ La nécessité de se nourrir, de se protéger contre les forces extérieures, a poussé les premiers hommes à se grouper et à vivre en communauté. Ces facteurs matériels imposent à leur tour à la vie sociale une organisation, des modes d’existence, des besoins collectifs. La religion devient un recours face à l’impuissance à dominer les manifestations de la nature. Avec la religion naissent alors des rites, des cérémonies, qu’accompagnent peu à peu des chants, des danses. Et bientôt, intégré au “sacré”, surgit le théâtre. Du “sacré” au divertissement, le chemin a été long. Il a été porté par le développement de la cité. Suite à la concentration humaine, le travail, qui n’était pas séparé des autres activités dans la société primitive, prend la forme d’une occupation quotidienne. Il réclame une spécialisation. Cette division des fonctions économiques et sociales conduit non seulement à une répartition de l’espace géographique à l’intérieur de l’agglomération, mais à l’instauration des métiers. La collectivité possède dorénavant des spécialistes pour ses besoins essentiels, et ils y consacrent l’essentiel de leur temps. La cité se révèle un lieu d’échanges, de relations sociales. À partir du e V siècle avant notre ère, les Grecs lui inventent un centre où s’effectuent les activités commerciales, et qui, pour l’Europe, va s’imposer comme le modèle d’un espace public de rencontre, de conversation. Tout autour de ce centre qui attire les foules, les marchands ouvrent boutique. Dans l’architecture de la cité s’élabore ainsi un organe vital qui polarise principalement la circulation des habitants et la communication entre eux. Un établissement s’y intègre avec succès : la taverne. Boire et manger appartenant aux nécessités premières, où trouver meilleure occasion de se rassembler ?... AUX ORIGINES DU CAFÉ Dans ce processus de civilisation, les tavernes remontent donc, sans doute, à la nuit des temps ou presque. Depuis l’Antiquité grecque, elles ont laissé des traces dans l’Europe entière. Hérodote prétend que la paternité doit en être attribuée aux Lydiens. On y consomme du vin. Et partout, à en croire les chroniqueurs, de Platon au romancier anglais Charles Dickens, elles sont un
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