Valère Novarina
428 pages
Français

Valère Novarina , livre ebook

-

428 pages
Français

Description

L'oeuvre de Valère Novarina constitue un objet littéraire énigmatique, qui surprend, inquiète et fait rire. Désarticulées, sans fable, saturées de paroles souvent obscures, les pièces novariennes développent une dramaturgie de l'excès, qui cultive le non-sens, l'incongru et le loufoque. Sur la scène ouverte, la philosophie fait circuler les questions métaphysiques sur des airs d'opérette, la théologie est transformée en bavardages dérisoires. De cette oscillation naît un comique grotesque, qui n'hésite pas à recycler les vieilles recettes carnavalesques pour proposer ce que l'auteur nomme une cure d'idiotie.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2009
Nombre de lectures 325
EAN13 9782296228832
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Remerciements

Le présent ouvrage fit d’abord l’objet d’une thèse de Doctorat soutenue à
l’Université Stendhal de Grenoble 3, le 19 novembre 2007.
Que les membres du jury soient ici chaleureusement remerciés:Claude
Coste (Université Grenoble3), Jean-Marie Thomasseau(Université Paris8),
Marco Baschera (Université de Zurich) etPierre Jourde (Université Grenoble3)
qui a dirigé cetravail.
Quesoientaussiremerciésceuxetcellesqui m’ontaccompagnéetoutau
long desaréalisation. Mareconnaissanceva d’abord à Valère Novarina qui, de
multiplesmanières, a donné ducœuretde l’écho à marecherche.
Quesoientenfintrèsamicalement salués, Antoine Pothier, Isabelle Rosty,
Anik Sourdon, Michèle Lespinasse pourleur regard perçantetleurattention
avisée ainsi quetousmesprochesdontla patience, lesoutien etla complicité
ontnourri chacune de ceslignes.

Introduction

A Chloé etJulie

L’œuvre de V. Novarina faitl’effetd’une drôle de météorite. Enigmatique,
ellesurprend, inquiète etfait rire. C’est une œuvre polymorphe quitransgresse
lesfrontièresgénériques. Elle estpourtant, commetientà lesoulignerl’auteur,
toujours«tournéeverslethéâtre ».Lespremiers textes trouventen effetleur
terrain de prédilectionsurlascène, maisc’estpourlarendre, dèsla parution du
Babil des classes dangereuses,totalementimpraticable. Lescatégories
dramaturgiques traditionnelles sontdevenuesde piètresaccessoires.Le
Discours aux animauxetLa Chair de l’hommeserontpubliés sansindication de
genre, maisilsconnaîtrontdesadaptationspourlascène. Auxpiècesplus
courtescomme,Vous qui habitez le temps,L’Opérette imaginaire, L’Origine
rouge, La Scène et l’Acte inconnuquisontécritesdirectementpourles
planches,s’ajoutentdes textes théoriques,Le Théâtre des paroles,Pendant la
matière,Devant la parole,Lumières ducorps,quatrerecueilsdetextesqui
éclairentla création de l’œuvre etqui peuvent, euxaussi, donnerlieuà des
misesenvoix.
L’écriture, chezNovarina estessentiellement théâtrale. Pourtant, jamaisle
théâtre n’aura été aussi déjoué. Désarticulées,sansfable,saturéesde paroles
souventobscures, lespiècesnovariniennesmêlentdans unvastetohu-bohules
cultures savantesetpopulaires, mixtentle comique etletragique, le divin etle
contingent, letrivial etla métaphysique. Le matériaule pluséruditetle plus
cryptique,travaillé parlesmutationslinguistiques,setrouve brusquement
transformé en chansonnettes, proverbes,slogansetbavardagesdérisoires. La
théologie de maître Eckhart, celle desaintAugustin, la mystique de Mme
Guyon circulent surlascène ouverte pourcotoyerlesformespopulairesde
l’opérette etles rengainesde caf’conc’.
Lasingularité de l’œuvrerepose en effet surlatension de composantes
jugéesordinairementcontradictoires: l’avant-garde etla littérature populaire, la
théologie etl’invention dansl’absurde, la prière etle cabaret. D’un côté V.
Novarina inventeunthéâtre expérimental qui excède lescodes
représentationnels. Ses textesjugés souventillisibles s’ingénientà produire
toutesles variantespossiblesd’aberrationslinguistiquesdontonsouligne

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l’extrême inventivitéverbale. De l’autre, il exacerbeune dimension
théologique,réactive lescadresdu verbe biblique, érige la parole au rang d’un
mystère incompréhensible.
De cette oscillation naît un comiquegrotesquequi n’hésite pasàrecyclerles
vieilles recettescarnavalesquespourproposerce que l’auteurnomme «une cure
d’idiotie »savammentinsignifiante etdrôle.
Maiscette étrange gaîté ne doitpasleurrer. Iconoclaste, le comique
novarinienréinvestitleterrain de cesacré impurque promouvaitBataille pour
reconquérir, au- delà des religions, le mystère de la parole démoli parles
idiomes technicistesde la communication.
Lerire n’estpaspourautantimpie oumécréant. Loin des’inscrire dansla
veine destructrice de la dérision moderne, V. Novarina développe aucontraire
unethéomania bouffonne quiréconcilie, de manièresingulière, l’athée etle
mystique, lesPèresde l’Eglise etlespataphysicienspourexalter, en négatif, la
puissance poétique de la Parole.
A l’époque des utopieslaïquesethumanitairesce j, «udaïsme poétique
devenufou», comme le nomme l’auteur, faitfigure d’incongruité
anachronique. Ilranime la lecture du texte biblique dont s’accroîtaujourd’hui
l’étrangetévoire l’indifférence culturelle. Pourtantlethéâtre novarinien n’est
pas unthéâtrereligieuxau sensoùils’interdit toute fonction édifiante ou
position dogmatique. Il n’entend pas sesituerau-dessusde la mêlée, nivenir
prophétiser une quelconquevérité. Aucontraire, ilvientcasserlatyrannie du
sérieuxen matière dereligieuxetla prétentiontotalitaire du sens. En lecteuret
fin connaisseurde la Bible, V. Novarina puise dansl’arsenal de la bonne
humeur théologique. Celle duMoyen âge avecsa fête desfous,sa Bible en
bonnetde fête et sonrisuspascalis,sermon pour rire dujourde Pâquesqui
nourritlesgrands rieursde la Renaissance.
Trop desièclesd’Eglise, de Synagogue, dereligion d’Etatnousontfait
oublierqu’il existeunrire biblique à la limite de l’incrédulité etde la croyance
comblée, qui produit untélescopage du tragique etducomique, du trivial etdu
sublime introduisantdansle discours totalisantde la foi la faille, l’énigme, le
trouble. Le grotesque novarinien estde cetteveine là.
Entraitantl’histoiresaintesurle mode burlesque, lethéâtre de V. Novarina
modifie de manière particulièrementprobante la nature ducomique en lui
donnant une forme proche de l’énigme etde l’ineffable. Inversement, quand il
christianise la bouffonnerie, ilrenoue avec cette part rabelaisienne, énorme,
sensuelle, profondément terrienne etmatérialiste, qu’estla liturgie gourmande
etjubilatoire duBanquetde la Cène etde latraditionsymposiaque.
Lethéâtre novarinien brouille lespistes,subvertitlescodesetleshiérarchies
en associantàune formule du rire « populaire » desproductions« hénaurmes»
et sibyllinesquisesituentà la limite, entre la blague etlesublime.

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L’auteurébauche alors unesorte derire cruciforme quisetrouve à la jonction
desantipodes, celui d’une joie débridée opposée àuntragique qui ne l’estpas
moins. Sa force, c’est son ambivalence, caril jouesur tousles tableaux.
D’un côté, ilsinge lasublimehumilitas,surle mode de la cacophonie etde
l’idiotie délirante. De l’autre, il pousse la folie de la croixàson paroxysme
comique.
Quelsensattribuerà cetraitementloufoque du substrat religieux? Comment
interprétercettethéomania bouffonne ?V. Novarina est-il le prophète d’un
christianisme comique oul’apôtre facétieuxd’une a-théologie iconoclaste ?
Est-ilun foude Dieu, qui comme cesmoinesd’Orient, anachorètesou
cénobites, pratiquaientl’infamie comme hommage le plusgrand à l’égard de
Dieu? Commentdégagerdu sensdanscette œuvre alorsmême quetoutestfait
pourque l’interprétations’y trouve barrée ? Inversement, commentluirestituer
son caractère indécidable alorsque l’objetmême de l’herméneutique en général
estde donner unsensau texte littéraire ?Pourquoirit-on dans une œuvre qui
porte la parole àseslimitesextrêmes? Généralementhermétisme etcomique ne
fontpasbon ménage.D’où vientcetexcèsde joie quise fixe auxlimitesdu
sens?
Cetéquilibre instable entrespiritualité etbouffonnerie, nous voudrions
l’éclairerà la lumière dugrotesque, qui offreunspectre pluslarge que le
comique. Allantde la cocasserie insolite à la francherigolade, en passantpar
l’inquiétudespirituelle etl’angoisse métaphysique, le grotesque, catégorie
polymorphe,semble fécond pourcaractériserl’étonnantevitalité d’une
esthétique quiredonneune actualitévivante auxformesanciennesduCarnaval
etdumonde à l’enversetfait une large place auchaos, à la génération età
l’expérimentation desformes.
Ennemi desjustesproportions, V. Novarina inventeune dramaturgie de
l’

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