Tout Paris au café
132 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Tout Paris au café , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
132 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Extrait : "Il me semble que, l'autre semaine, au plus loin, je voyais encore Henri Mürger entrer au café des Variétés. Quand le souvenir reste un peu vif, la distance des années est moins longue que celle d'une semaine. Voilà bientôt vingt ans, en effet ; le café des Variétés, un ancêtre parmi ceux du boulevard Montmartre, avait déjà vu blanchir toute une génération, qui avait mis du temps rien qu'à grisonner."

À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN :

Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants :

• Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.
• Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 17
EAN13 9782335097245
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0008€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

EAN : 9782335097245

 
©Ligaran 2015

AU MAÎTRE DE LA CHRONIQUE À EDMOND TEXIER
Souvenir et témoignage respectueux.

M. R.
Préface
SIMPLE AVIS
Depuis six mois, des amis, des confrères, des Parisiens, des provinciaux même me demandaient souvent :
– Quand allez-vous réunir en volume et compléter ces Études sur Paris au café, dont vous nous avez donné une partie dans le journal ?
C’est fait.
Voici un côté du Tableau de Paris pendant vingt ans. Je l’ai pris sur le vif ; je l’ai reproduit tel que je l’ai vu, fourmillant, houleux, capricieux, plein de migrations de tout un monde, d’un café à l’autre, qui restaient inexpliquées à plus d’un habitué du boulevard, saisissant d’oppositions, heurté des contrastes qu’on surprend surtout dans la Ville multiple qui a cent villes, comme Thèbes avait cent portes.
Figures et silhouettes y passent et y défilent : les unes célèbres, les autres au moins très connues ; toutes curieuses à regarder.
Au lecteur qui me demanderait pourquoi je ne me suis pas arrêté plus longtemps avec celles-ci ou avec celles-là ; pourquoi je n’ai pas montré, dans toute la bizarrerie de leur existence, les Pelloquet, les Delvau, les Desnoyers, pour ne citer que ces types de cafés et de brasseries ; pourquoi je n’ai pas un peu déshabillé, en traversant Madrid , les Gambetta, les Spuller et autres politiques d’actualité, je répondrai simplement :
– Lecteur, vous avez un grand tort : vous ne connaissez pas les Confidences d’un journaliste , que j’ai eu la courageuse fantaisie de publier il y a un an et demi déjà. Et pour moi, lorsque j’ai commencé à écrire le Tout-Paris au café , nul n’était censé les ignorer.
Je ne pouvais revenir, en effet, pour l’amusement et l’instruction de personne, aux portraits en pied et aux biographies. Cela existe ; cherchez-le ! Ici c’est la mêlée où un trait suffit, où un bout de nez dit beaucoup de choses. N’est-ce pas, ombre violette du nez de Guichardet ?
Voilà qui est entendu.
Qu’on se le répète.

M. R.
Paris, avril 1877.
I Café des Variétés
Il me semble que, l’autre semaine, au plus loin, je voyais encore Henri Mürger entrer au café des Variétés. Quand le souvenir reste un peu vif, la distance des années est moins longue que celle d’une semaine.
Voilà bientôt vingt ans, en effet ; le café des Variétés, un ancêtre parmi ceux du boulevard Montmartre, avait déjà vu blanchir toute une génération, qui avait mis du temps rien qu’à grisonner. Il avait sa légende gaie et folle comme un vaudeville, ou même comme une parade, bariolée d’aventures d’un autre temps, bigarrée de personnages presque fantastiques, dont les noms paraissaient quelquefois sur des affiches de théâtres, comme ceux de revenants. Des anecdotes couraient, qui étaient, dès cette époque, les anas de chroniqueurs en retard et de compilateurs joyeux. Je n’ai rien à en répéter pour ne pas compiler à mon tour. Je reviens à Mürger.
La Vie de Bohème , au théâtre, l’avait en apparence tiré de la bohème depuis plusieurs années. Il avait traversé la Revue des Deux Mondes  ; avec quels remaniements de manuscrit ? Peu importe ; mais on s’en souvient. Il écrivait, ou il était près d’écrire au Moniteur  ; il allait être, ou il était décoré. Il s’habillait de noir, comme un avoué, l’ancien locataire de l’hôtel Jules-César, et la calvitie prêtait à sa tête un air officiel, malgré la larme élégiaque qui lui pendait toujours au coin de l’œil.
C’est ce Mürger, arrivé où il n’avait pas toujours espéré parvenir, qui écrivait à sa dernière Musette, sur une table du café des Variétés : « Je retournerai à Marlotte dès que j’aurai trouvé un louis. »
Marlotte, c’est là qu’il habitait, à deux pas de la forêt de Fontainebleau.
Il disait autrefois qu’il y avait des années où l’on ne travaille pas ; il y avait, en ce temps, des semaines où il ne partait jamais. Était-ce seulement le louis à trouver qui l’arrêtait ? Il comptait tant d’amis ! Et quand on le croyait à Marlotte depuis la veille, il reparaissait aux Variétés.
Brun, plus que brun, comme s’il eût reçu les coups de feu du soleil d’Afrique, des charbons pour prunelles, les moustaches noires épaisses, les narines au vent, sec, nerveux, redingote et pantalon de coupe militaire, vous prendrez celui qui s’assied à côté de Murger pour un officier de zouaves ? Détrompez-vous : c’est Théodore Barrière qui, lui, ne rêve pas trop longtemps sur le velours. Il achève un cigare, il en allume un autre ; et le voilà parti.
Autour de qui s’empresse-t-on à la terrasse (nous sommes en 1859-60) ? On dirait encore une moustache militaire. Autour d’un heureux, qui vient d’inaugurer sa réputation avec les naïvetés du 101 e Régiment , et celles de la Bêtise humaine , le roman de Candide refait et accommodé aux mœurs et au goût du demi-monde parisien. J’ai nommé Jules Noriac, le boulevardier qui, à ma connaissance, a fait le succès du premier veston, et qui porte le dernier, à l’heure qu’il est.
Les poignées de mains distribuées, Noriac, le cigare aux lèvres (qui a vu Noriac sans cigare ?), traversait le rez-de-chaussée du café, de cette lanterne bourdonnante comme une ruche, et montait l’escalier tournant, où Paul Avenel avait déjà grimpé pour choisir sa queue de billard.
C’était entre cinq et sept heures du soir ; les autres habitués arrivaient. La plupart se tenaient en bas.
Ah ! le joyeux garçon, toujours riant, toujours causant, toujours remuant, très brun aussi, avec une moustache de lieutenant qui va passer capitaine. C’est Lambert Thiboust qui parle à Jules Moineaux, dont les moustaches cirées et aiguisées, le petit œil aigu, les lèvres minces, l’air froid, ne révèlent guère l’auteur des Deux Aveugles .
Et ce grand diable, à figure en lame de couteau, à mine patibulaire, on cravate blanche et en habit noir, avec un brin de feuillage à la boutonnière, ce fantôme qui a un tailleur et qui ne sait où fourrer ses longues jambes, que conte-t-il de si gai, sur un ton funèbre, au petit cercle d’auditeurs qui s’esclaffent de rire autour de lui ?
Ne vous étonnez pas trop : c’est Bache, l’acteur Bache, qui a fait subir au directeur de théâtre Ancelot tous les supplices de la mystification. Si nous l’écoutions, nous n’en aurions jamais fini.
Il ne manquait plus que Roger de Beauvoir : le voici qui entre, avec son éclatante gaieté brochant sur le tout. – Il revient de voir peut-être une paire d’avoués, une demi-douzaine d’huissiers, un juge, un procureur, toute la basoche dont il est la proie ; mais ne craignez rien : il ne vous assombrira pas de ses soucis. Interrogez-le, même, sur son dernier procès : il vous répondra par des couplets. Demandez-lui, par exemple, une monographie du café des Variétés, et vous dînerez, et vous souperez, et le lendemain, à la fin du déjeuner, après un fourmillement de portraits et d’anecdotes, il n’aura pas encore vidé sa mémoire et son esprit.
C’est aux Variétés que Roger improvisa, avec Thiboust, les amusants couplets sur Milon Thibaudeau, le directeur du Vaudeville :

Il avait des bottes vernies
Avec un pantalon collant.
Roger de Beauvoir, Lambert Thiboust, Murger, Bache… J’ai l’air de faire un tour de cimetière en compagnie de quelques survivants, et j’en passe, des morts ! Renard, qui, déjà malade, allait quitter l’Opéra et se traîner au café-concert avec de lamentables chansons. Et ce jeune homme, qui, en descendant du cabinet directorial de son père et de son oncle, était là comme chez lui et passait, le rire aux dents, les mains tendues à tous, léger, vif, pétulant : Léon Cogniard.
D’autres ont été plus heureux, dont je n’ai pas parlé, que l’on ne voit plus aux Variétés, mais que je retrouverai sans doute au courant de ces souvenirs : les rédacteurs du Diogène , qui eut son heure de succès vers 1858, et Carjat qui menait la bande. Un provincial égaré là, pendant ses vacances, devait en rêver au moins six mois. Je me rappelle un brave bonhomme qui, entendant sonner le dîner à l’

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents