La lecture à portée de main
97
pages
Français
Ebooks
2018
Écrit par
Emma Raude
Publié par
Iggybook
Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus
Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement
Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement
97
pages
Français
Ebook
2018
Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus
Publié par
Date de parution
01 janvier 2018
Nombre de lectures
0
EAN13
9782363157492
Langue
Français
Publié par
Date de parution
01 janvier 2018
Nombre de lectures
0
EAN13
9782363157492
Langue
Français
Un traître dans ma tête
Ou les errements d un psychanaliste
Emma Raude
2017
ISBN:9782363157058
Cet ebook a été réalisé avec IGGY FACTORY. Pour plus d'informations rendez-vous sur le site : www.iggybook.com
Première partie
*
Pamela marchait lentement dans le couloir de l’hôpital.
Sa mère lui avait apporté une chemise de nuit et une robe de chambre et ainsi vêtue elle déambulait. Il n’y avait rien à faire ici. On était dimanche et le docteur allait venir le lendemain lundi. Elle allait enfin connaître quelqu’un. Les filles de l’hôpital lui en avaient parlé. Elles parlaient de lui, à moitié amoureuses, à moitié révoltées. Il était le patron.
La veille au soir ses parents étaient venus la voir. Ils lui avaient laissé cette robe de chambre, cette chemise de nuit, sa brosse à dents et des affaires de toilette. Elle était semi-consciente et tout à coup elle les avait vus, au bout de son lit d’hôpital, dans cette salle commune. Quel cauchemar… Elle leur avait fait du mal en voulant mourir. Mais avait-elle vraiment voulu mourir en avalant ces cachets après avoir bu plein de whisky ? Du whisky pour ne pas avoir peur de la mort, pour se donner du courage, de l’inconscience, des cachets d’anxiolytiques pour s’éteindre doucement, pour ne plus avoir à affronter ces terribles moments où ils venaient détruire son être intérieur. Elle était si fragile ! Ils en profitaient et détenaient un pouvoir de lui nuire. C’est pour cela qu’elle avait voulu mourir. Ils la regardaient et soudain, son cerveau se disloquait sous leurs regards. Elle n’était plus maîtresse d’elle-même. Elle était persécutée par eux, mais elle ne pouvait parler de cela à personne car c’est certain, on l’aurait envoyée quelque part, en psychiatrie et c’est ce qu’elle redoutait plus que tout : finir en psychiatrie. Et comment avouer qu’elle se décomposait de l’intérieur ? Aux moments mêmes où cela arrivait, la parole n’existait plus, ne signifiait plus rien.
Mais ça n’était que des moments : elle ne parvenait plus à rassembler ses forces, à affronter son ennemi. Il triomphait en la détruisant de l’intérieur. Et tout cela était indicible, il n’y avait aucun mot qui pouvait exprimer cela. Il y avait une Pamela qui existait mais bien au-delà des mots, de leur logique.
Elle ne voulait plus subir cela : la mort pour leur échapper. Mais ça n’était pas qu’elle ne voulait pas vivre. C’est que la vie pour elle était impossible. Et ça n’était pas un état d’âme ni une réflexion métaphysique comme en faisait son amie Marina. C’était une réalité physique.
Voilà pourquoi, ce samedi après-midi d’octobre, elle avait ingurgité une grande quantité de whisky et avalé peu à peu tous ces cachets et puis, dans son ivresse, elle avait jugé que c’était triste de mourir seule : elle avait décroché le téléphone et appelé chez une amie de sa sœur Claire : manque de chance, Claire n’y était pas pour la sauver. C’est le petit frère de l’amie qui avait décroché :
— Et bien, André, dis à ma sœur que je vais mourir et que je ne veux pas mourir seule, s’était-elle entendue dire au téléphone, avant de raccrocher complètement ivre.
Et Claire, prévenue, était accourue à la maison. Elle avait trouvé sa petite sœur inconsciente. Le masque que les pompiers lui avaient posé sur le visage l’avait réveillée dans un gémissement dans lequel expirait toute la tristesse du monde. Pamela criait à sa sœur de ne pas la laisser seule, alors que les pompiers l’amenaient à l’hôpital.
— Où m’emmenez-vous ?
— À l’hôpital Chaînes.
— Chaînes, qu’est-ce que c’est que cet hôpital ?
— Non, pas à Chaînes je veux aller à Ambroise Paré, proteste-elle du fond de sa semi-conscience.
Mais ils ne l’écoutaient pas.
Chaînes, ce nom ne lui disait rien. C’était loin de chez elle, de son quartier. Chaînes, un mauvais pressentiment se glissait en elle, tandis que, à demi consciente sur le brancard, les pompiers l’installaient dans le camion.
À l’hôpital elle était dans un grand dortoir. Claire était arrivée qui avait suivi la voiture de pompiers en taxi.
— Ne t’en va pas, cache-toi sous le lit, lui avait crié Pamela. Elle voyait le visage de Claire, bouleversé mais soulagé tout de même car Pamela ayant vomi, elle n’était pas en danger de mort. Mais les autorités voulaient que Claire s’en aille car les visites n’étaient pas autorisées à cette heure. Et Claire était partie, la laissant seule dans la nuit.
Puis elle avait vu soudain ses parents au bout de son lit et un froid de glace s’était emparé d’elle. Sa mère lui avait laissé une robe de chambre et quelques affaires de toilette. Ils avaient des visages outrés. Ils ne lui dirent rien : ils avaient juste fait leur devoir en venant et en lui portant ces quelques affaires. Quelque chose était comme en suspens. Pour l’instant, ils étaient venus comme bienveillants, mais elle les connaissait, cela n’allait pas durer. À leur vue, quelque chose en elle s’était glacé, s’était tu.
Les mots lui étaient étrangers. Parfois elle avait pris une feuille de papier pour écrire, mais la réalité qu’elle vivait n’avait aucun rapport avec les mots. Les autres s’inventaient leurs personnalités à l’aide des mots, mais elle, elle en était incapable : aucun mot ne pouvait l’inventer.
Le lendemain, dimanche, une jeune femme vint lui parler, jeune comme elle, 17 ans. Au milieu de ses phrases, elle citait son ami de cœur et elle aussi avait voulu mourir. Toutes ici avaient tenté de se suicider. Pamela ne comprenait rien de ce qu’elle lui racontait, mais pourtant elle lui parlait, elle voyait son visage et ses lèvres se mouvoir avec véhémence, mais bien que saisissant les mots, elle ne parvenait pas à faire le lien entre eux. Son discours était trop décousu : « me mettre sur le trottoir » saisit-elle et la jeune femme de continuer de parler de son ami contre lequel elle semblait révoltée.
Il vint la voir le dimanche après-midi, son ami en question. Il portait une petite veste en cuir marron clair, de mauvaise facture, ses cheveux blondasses étaient tout fins. Il avait la peau blanchâtre avec des vaisseaux rouges qui sillonnaient son cou (qui ressemblait à un cou de poulet). La jeune fille semblait toute douce avec lui, toute amoureuse. C’est quand il était absent que grondait la révolte.
Pamela, elle, n’avait pas d’ami de cœur, du reste, elle était vierge.
Tout cela pour elle c’était un autre monde. Le monde dans lequel elle n’avait pas sa place, le monde dans lequel elle n’avait pas d’image d’elle, où elle ne pouvait pas vivre.
Elle avait conscience que les gens ne pouvaient pas savoir ce qui lui arrivait. Ils voyaient eux, une personne entière, une adulte désormais qui se déplaçait, parlait, répondait aux questions. Ils ne savaient pas ce qui se passait en elle, sauf dans les moments où elle était attaquée de l’intérieur. Là elle se trouvait absolument sans aucune défense, ses pensées, ses sensations étaient apparentes et elle ne pouvait plus contenir comme un débordement, une explosion silencieuse et muette. Elle devait toujours éviter de se retrouver dans ces situations. Mais comme personne ne lui parlait jamais de ces moments, elle savait cependant qu’en fait ils n’existaient que pour elle-même. C’était une menace toujours suspendue au-dessus de sa tête.
La salle commune de l’hôpital où elle se trouvait se composait de deux rangées d’une dizaine de lits chacune, placées de chaque côté et perpendiculairement à la porte d’entrée. Elle occupait le premier lit à droite de la porte d’entrée. C’est par là qu’elle le vit entrer le lundi matin, vers 10 heures. Il portait une blouse blanche et s’arrêta net, une fois la porte franchie. Il posa son regard sur une dame de la rangée de gauche, mais tout son côté droit se sentit happé par une nouvelle venue qui le dévorait des yeux, dans le lit à sa droite. Il ne la regarda pas et réfléchit : il n’était pas allé voir les entrées du week-end et, avant de faire sa connaissance, il voulut aller voir à qui il avait affaire. Il ressortit donc aussitôt et revint 10 minutes après.