Un voyage involontaire
123 pages
Français

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Un voyage involontaire , livre ebook

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Description

Extrait : " À ta santé, mon pauvre Boisjoli ! — À la tienne, mon brave Pinson ! Les deux convives, assis dans la salle à manger d'un appartement de la rue Nollet, burent avec lenteur; leurs verres, à demi vidés seulement, furent replacés sur la table. On était en avril; une pluie fine tombait au dehors, trois bûches crépitaient et sifflaient dans la cheminée..." À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN : Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares. Beaucoup de soins sont apportés à ces versions ebook pour éviter les fautes que l'on trouve trop souvent dans des versions numériques de ces textes. 

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Informations

Publié par
Nombre de lectures 18
EAN13 9782335050493
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0006€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

EAN : 9782335050493

 
©Ligaran 2015

À Mademoiselle
MARIE DES ESSARTS-BOBLET
l’Auteur reconnaissant .
CHAPITRE PREMIER Aux Batignolles
« À la santé, mon pauvre Boisjoli !
– À la tienne, mon brave Pinson ! »
Les deux convives, assis dans la salle à manger d’un appartement de la rue Nollet, burent avec lenteur ; leurs verres, à demi vidés seulement, furent replacés sur la table. On était en avril ; une pluie fine tombait au dehors, trois bûches crépitaient et si filaient dans la cheminée. M. Pinson, l’amphitryon, était un homme de moyenne taille, vigoureux, au regard vif, à la chevelure bouclée, aux traits intelligents, à la bouche souriante ; son invité, Boisjoli, le dépassait de toute la tête, et ses traits, plus accentués, plus sévères que ceux de M. Pinson, étaient néanmoins empreints de la même franchise, de la même bonté. Les deux amis, à en juger par l’extérieur, semblaient dans la force de l’âge ; on eût hésité à donner, soit à Boisjoli, soit à Pinson, la quarantaine.
Ils avaient posé leurs verres sur la table, et chacun d’eux, comme absorbé, regardait silencieusement le fond de son assiette.
« Tu ne manges pas ? dit M. Pinson.
– Non, l’appétit me manque, je l’avoue,
– Que la peste t’étouffe, Boisjoli !
– Merci, mon ami ; mais à quel propos vient ton souhait ?
– Si je ne me trompe, reprit M. Pinson, il y a aujourd’hui trente-deux ans, ou à peu près, que ma pauvre mère, presque aussi éplorée que moi-même, me conduisit à Sainte-Barbe.
– Trente-deux ans ! répéta Boisjoli ; comme le temps passe !
– Je n’étais pas fier ce jour reprit-là, M. Pinson. J’avais toujours vécu près de ma mère, et, brusquement, je me voyais transporté dans une salle pleine de collégiens qui, tous, me regardaient avec malice.
– Pas tous, dit Boisjoli.
– C’est vrai, tu te trouvais là. À l’heure de la récréation, j’allai, le cœur gros, rôder près de la porte par laquelle ma mère avait disparu. On me suivait, on chuchotait, on m’examinait ; je devais ressembler à un oiseau effarouché. Les plus hardis de mes futurs camarades m’accablaient de questions, et je me taisais. Je sentais que ma contenance gauche, inquiète, embarrassée, provoquait les sourires. Un grand garçon me poussa, après m’avoir fait un pied de nez, pour me tâter, selon l’expression en usage. Ma poigne valait la sienne ; mais je me sentais isolé, dépaysé, et plus anxieux de m’en aller que de me battre. Il y avait trois mois que tu étais à Sainte-Barbe, Boisjoli ; tu comptais déjà, parmi les anciens. Tu accours, tu disperses mes tourmenteurs, tu me prends sous la protection, et… Tiens, à ta santé, mon vieux Boisjoli !

I À LA TIENNE !
– À la tienne, mon cher Pinson ! »
Après ce second toast, les amis demeurèrent de nouveau silencieux et absorbés.
« C’est à des heures pareilles, reprit M. Pinson, lorsqu’un chagrin vous serre le cœur, qu’on aime à parler du passé. Pauvre vieux collège ! nous y avons vécu neuf années, Boisjoli, nous suivant classe par classe, nous disputant les premiers prix, jusqu’au jour où la composition générale le les faisait adjuger.
– Affaire de chance, Pinson.
– Et aussi d’intelligence et d’application, mon ami. La fortune peut venir à ceux qui dorment ; le savoir, c’est autre chose : on ne le conquiert que par le travail, l’assiduité, les veilles. Te rappelles-tu le jour de notre sortie de Sainte-Barbe ?
– Oui, nous sommes bravement allés nous faire raser, afin de nous présenter plus convenablement à l’École centrale.
– D’où tu es sorti le premier.
– Et toi second, ce qui est la même chose.
– À la sortie de l’École centrale, reprit M. Pinson, le directeur nous plaça dans les bureaux du chemin de fer de l’Est, avec promesse d’avancement rapide. Nous nous jurâmes alors de ne jamais nous quitter…
– Tu venais de perdre ta mère, Pinson, tu avais besoin de mon amitié. Deux ans plus tard, ma mère mourut à son tour, et ton affection me rendit alors avec usure ce que la mienne t’avait prêté. »
Pour le coup, une larme perla dans les yeux des deux amis ; ils se levèrent brusquement et gagnèrent un petit salon où une vieille servante achevait d’attiser un feu brillant. Là, ils s’assirent près d’un guéridon sur lequel reposait une cafetière. M. Pinson, continuant la conversation comme si elle n’eût pas été interrompue, reprit :
« Nous nous étions promis de ne jamais nous quitter, Boisjoli, et tu vas partir.
– Il le faut, Pinson ; et toi-même, souviens-t’en, chaque fois que nous avons discuté cette question, tu as fini par m’approuver.
– C’est que l’heure du départ était éloignée, c’est qu’il me semblait qu’elle n’arriverait jamais.
– Il y a quinze ans, reprit Boisjoli, que je végète dans la modeste place qui, je le crus à mes débuts, devait me servir de marchepied pour me conduire aux plus hauts emplois.
– On ne t’a jamais rendu justice.
– Eh si ! mon ami ; mais les capacités courent les rues, dans notre cher pays, et les premières places sont comptées. Il m’a manqué, et c’est aussi ton histoire, un protecteur qui, placé en haut de l’échelle, me facilitât l’ascension et me mît à même de montrer ce dont je suis capable. Néanmoins, si, comme toi, je possédais une petite fortune…
– Lorsque j’ai hérité de mes cinq mille livres de rente, Boisjoli, je t’ai déclaré ce que je déclare encore, c’est que la moitié de ce bien t’appartient.
– Sois tranquille, Pinson, cette moitié, je l’ai acceptée, et je viendrai peut-être te la réclamer un jour. En attendant, je veux tâcher de conquérir celle indépendance qui t’a permis de travailler à tes heures, de te produire enfin. Chez nous, encore une fois, les avenues sont encombrées ; il y a plus d’appelés que d’élus. La guerre qui vient d’éclater aux États-Unis fait la part belle aux hommes de notre profession ; je veux aller là-bas tenter la fortune. Je me suis donné dix ans pour devenir rentier ; au bout de ce temps, riche ou pauvre, je reviendrai.
– Et ces dix années, que tu me prends, me les rapporteras-tu ? Nous reverrons-nous jamais ? Suis-je immortel ? l’es-tu toi-même ?
– Il avait été convenu, Pinson, que nous dînerions ensemble, pour la dernière fois, joyeusement. Faisons-nous une raison, il est trop tard pour reculer. Je dois partir demain, et je partirai. Allons, remplis mon verre de ton vieux cognac. À la santé ! »
Cette fois, les petits verres furent vidés prestement. M. Pinson, en dépit de sa sobriété ordinaire, voulut boire au bon voyage de son ami, à sa réussite, à son prompt retour. Les deux convives, dont le caractère, au fond, était jovial, retrouvèrent peu à peu leur entrain, et ce fut le côté heureux de leur jeunesse qui les occupa. Les t’en souviens-tu ? se Croisèrent ; on sourit d’abord, puis on finit par rire bruyamment. Les trois ou quatre petits verres absorbés, pour se porter à tour de rôle de nouvelles santés, contribuèrent sans doute, autant que leurs gais souvenirs, à dérider les deux anciens condisciples.
« Si tu étais le véritable ami que tu prétends être, dit tout à coup Boisjoli en plaçant son verre entre la lampe et son œil, comme pour admirer la limpidité du liquide qui le remplissait, tu m’accompagnerais demain…
– À la gare ? s’écria M. Pinson. As-tu pu croire un seul instant que je manquerais à ce devoir ?
– Non, certes ; mais quand je dis que tu devrais m’accompagner…
– Songerais-tu à m’emmener à New-York ?
– In medio veritas , comme nous disions à Sainte-Barbe, reprit sentencieusement Boisjoli. Voyons, Pinson, tu es libre, tu n’as ni place, ni femme, ni enfants, rien qui le retienne au logis, et Calais n’est qu’à sept heures de Paris.
– Hum ! dit M. Pinson, tu me voles mon dénouement ; ce que tu désires est depuis longtemps décidé dans mon esprit,

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