As-tu fait bon voyage ?
93 pages
Français

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As-tu fait bon voyage ? , livre ebook

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Description

Dans les rapides du Zaïre


En 1986, après les tentatives de quatre précédentes expéditions, dont celle menée par Philippe de Dieuleveult, dix français réussissent à franchir les rapides du « Zaïre ».
Dans « As-tu fait Bon Voyage ? », Monique Buchalet retrace, avec son regard de seule fille de l’équipe, ces deux mois de découvertes, de risques, d’enthousiasmes vécus sur ce gigantesque fleuve d’Afrique.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 29 janvier 2019
Nombre de lectures 0
EAN13 9782368326046
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

As-tufait bon voyage ?
LaSAS 2C4L — NOMBRE7, ainsi que tous les prestataires deproduction participant à la réalisation de cet ouvragene sauraient être tenus pour responsables de quelque manièreque ce soit, du contenu en général, de la portéedu contenu du texte, ni de la teneur de certains propos enparticulier, contenus dans cet ouvrage ni dans quelque ouvrage qu'ilsproduisent à la demande et pour le compte d'un auteur ou d'unéditeur tiers, qui en endosse la pleine et entièreresponsabilité
Monique BUCHALET


As-tufait bon voyage ?
L’expédition« Zaïre 86 » était composée de neufgarçons et d’une jeune femme, l’auteur de cettehistoire.
Pourécrire le récit de ses deux mois vécus sur cedangereux fleuve d’Afrique et l’épopée deSwabongo, un sorcier qui serait parti sur ses traces, elle prêtesa plume à un journaliste dénommé Jérémie.

«Chimbiliqui » …


… ainsim’appelait Swabongo.
Lapremière fois je ne me vexai pas. Ne lui ayant pas encore ditmon prénom « Jérémie », je supposaique dans sa tribu ce mot désignait tous les étrangers.En réalité « chimbiliqui » était lenom local de l’agouti, une espèce comestible de gros ratdes champs. Quand je l’appris, je compris que le petit hommes’était moqué de ma forte corpulence et de mapilosité abondante. Aussi je décidai, pour le priver duplaisir de m’en voir fâché, de toujours feindreignorer sa désobligeante comparaison.
Notrerencontre eut lieu en novembre de l’année 1986, dans sonvillage situé au Sud-Est de la future RépubliqueDémocratique du Congo. Cet État et son grand fleuveétaient, à cette époque, l’un et l’autredénommés « Zaïre ».
L’occasionde parcourir ce pays m’avait été donnéepar le responsable de la rubrique pharmaceutique du journal oùj’étais pigiste. Début septembre, il m’avaitdemandé de m’y arrêter en revenant d’unreportage dans le sud du continent et d’y répertorierles herbes utilisées dans la médecine traditionnelle.
Sanshésiter, j’avais accepté de faire ce détourcar il m’offrait la possibilité de découvrir labrousse africaine.
J’ignoraisque, suite à un des caprices du hasard, j’y connaîtraisaussi un étonnant sorcier.


Finnovembre 1986…


… lelendemain de mon dernier jour de reportage à Johannesburg, jepris, comme il avait été prévu, un vol pourKinshasa. Aussitôt débarqué à l’aéroport,je contactai un confrère zaïrois. J’avais besoinqu’il m’aide à tracer sur la carte le meilleuritinéraire à travers la région reculée du« Shaba » où je devais me rendre. Quand nous eûmesterminé, il m’avertit : « A la sortie de laville, les voies principales sont encore goudronnées et lesmoyens de transports réguliers. Sur les routes secondaires tutrouveras des fullas-fullas, ces mini bus locaux fréquemmentbondés. Puis, tu devras te débrouiller sur les pistes.Elles sont parfois impraticables aux véhicules. Contrequelques pièces ou des cigarettes tu continueras en charrette.Il y en a toujours sur ces chemins. Mais prépare-toi àmarcher. Dans les campagnes c’est souvent l’uniquemanière de se déplacer. »
Ama demande, il griffonna sur un papier la traduction en Swahili d’unedizaine de mots que je lui dictai. A la suite il transcrivit, enphonétique, les plus courantes formules de politesses, cespréambules obligés à toute entrevue.

L’après-midi,je quittai la capitale. Quand je fus dans le secteur de mesinvestigations, je le sillonnai. Dans tous les villages leshabitants, après leur première méfiance enversun étranger, m’accueillirent avec une généreusehospitalité.
Depalabre en palabre je parvins à convaincre un grand nombre deguérisseurs de me livrer la composition de leurs médications.Un matin, je crus avoir consigné sur mon carnet la totalitédes plantes qu’ils utilisaient. Je me trompais. La liste étaitloin d’être exhaustive. Je l’appris d’unvieil homme.
Cesoir-là, venu s’asseoir devant mon feu, il me confia :« Une décoction ne devient « magique » quesi elle est préparée avec des herbes très raresque seuls les grands sorciers les connaissent. »
Intrigué,je retournai les jours suivants dans plusieurs des hameaux oùj’avais précédemment fait une halte. Malgréleur réticence certains sorciers, déjàinterrogés, acceptèrent de me révélerleurs formules secrètes. Je jugeai ma mission enfin accomplie.Mais une fois encore, je fus tenté de différer monretour en France, lorsque l’un d’eux piqua monincorrigible curiosité : « Je comprends que taroute ne t’a pas conduit chez le plus vénérabled’entre nous. Tu dois aussi le visiter ! »

Supposantqu’aller voir ce fameux personnage ne prendrait pas plus dedeux ou trois jours, je lui demandai où vivait cettecélébrité. Il m’expliqua le plus courtchemin à suivre pour la trouver. « Tu auras besoin deça ! » affirma-t-il en me donnant une petite fioleremplie d’un liquide verdâtre. En la prenant jem’enquerrai de son usage. Il répondit : «C’est pour avoir la patience. Il t’en faudra beaucoup !» Je le remerciai de son cadeau sans même douter de sonefficacité. Tout ce que j’avais eu l’occasion devoir et d’entendre depuis mon arrivée en Afrique avaiteu raison de mes certitudes d’européen et j’avaispris le parti de ne plus m’étonner.

***

Aprèsun pénible trajet à bord de toutes sortes de véhiculesinconfortables et d’interminables distances parcourues àpied, j’arrivai où habitait le dénomméSwabongo.
Suivantl’usage je me présentai au chef du village. Mon souhaitde m’entretenir avec son sorcier le surprit. Il me prévint.

— Depuisqu’il est revenu de son lointain voyage, il a un peu perdu latête. Méfie-toi surtout de ses paroles.

Commej’insistai, sans tenir compte de son avertissement, il pointaun doigt en direction d’une case isolée des autres.

— Alorsmonte là-haut puisque tu parais avoir beaucoup de courage !

Commentaurais-je pu savoir que le courage dont j’avais besoin n’étaitpas uniquement pour grimper un long et raide sentier.
Ami-chemin je repris mon souffle. En levant la tête, j’aperçusSwabongo assis devant sa porte. Il semblait m’attendre. Avec degrands gestes il me faisait signe d’approcher. Visiblementimpatient de me parler, il écourta l’échange denos salutations. J’en profitai et lui posai les mêmesquestions qu’à ses congénères. Il s’enétonna.

— Quoi !Tu n’as pas tant marché pour m’entendre raconterpourquoi et jusqu’où je les ai suivis, « Eux »,qui allaient si vite entre ciel et terre ?
— Quieux ? demandai-je à mon tour déconcerté.
— Cesblancs pressés de goûter la saveur d’un fruitrare.

Intrigué,je voulus savoir lequel.
Swabongos’adressa plus à lui-même qu’à moi.

— Celuiqui mûrit aux sommets d’arbres invisibles, murmura-t-il,le regard fixé sur l’horizon.

Jetentai, en scrutant le même point de la forêt, d’ydécouvrir un spécimen de cette espèce botaniquesi extraordinaire. Évidemment, je n’en vis aucun. J’enconclus que le chef pensait juste ; Swabongo n’avait plustoute sa raison.
Afinde ne pas le fâcher je me retins de relever l’incongruitéde ses propos.
S’ensuivit un long et pesant silence.
Jem’apprêtai à repartir, furieux de m’êtredéplacé inutilement, lorsque Swabongo prétendit,non sans une pointe de fierté.

— Moiaussi, j’en ai mangé !

Jene saurais dire si ce fut à cause du ton sincère et émude sa voix, mais j’eus l’impression qu’il medonnait la primeur de la confidence. J’étais convaincude l’improbabilité de sa rencontre avec des étrangers.
Pourtant,par réflexe professionnel à vérifier avecobjectivité un fait, je lui demandai de précisercomment et où elle avait eu lieu.

— Parlelà-dedans, lui indiquai-je en plantant le support du micro àcôté de l’enregistreur posé entre nospieds.
— Disd’abord à quoi sert cette machine.

J’expliquaison utilisation d’un raccourci.

— Aconserver les mots et…

Swabongohaussa les épaules.

— Vraimenttu es… un Chimbiliqui. Tu as un gros corps avec un petitcrâne, et puisque dedans mes paroles n’auront pas assezde place, mets-les où tu veux.

D’unair désabusé, il fixa les deux bobines et, à lacadence de leurs rotations, fit rouler ses yeux dans leurs orbites.

— Qu’attends-tu ?m’impatientai-je en voyant la bande magnétique défilerinutilement.

Aussitôtje regrettai de l’avoir brusqué, car, de sa vie, iln’avait jamais dû voir un tel appareil.
Quand,plus calmement, je tentai de lui en décrire le fonctionnement,il décréta que même si j’étais unchimbiliqui savant je ne savais pas tout sur tout. Je m’excusaide ma maladresse.

Ravide l’effet qu’avait produit sur moi sa judicieuseremarque, il cacha sa satisfaction en faisant les cent pas. Il tournasur lui-même, agita ses maigres jambes, secoua ses habitspoussiéreux et passa ses mains sur ses joues ridées.
Avecapplication il lissa, de ses doigts crasseux, son bâton, un desemblèmes de sa fonction. Enfin, fatigué d’unetelle agitation, il s’assit. Il se gratta la tête de sonpouce bien enfoncé dans ses cheveux crépus et déjàgrisonnants. Je l’observai mais j’étais incapablede lui donner un âge. Physiquement le petit homme paraissaitencore très alerte et, de toute évidence, avait gardéune grande vivacité d’esprit. Agacé d’êtreregardé si peu discrètement, il affirma sans le moindreégard.

— Toiaussi tu es ignorant de certaines choses. Tu ne sais donc pas que lessouvenirs sont des heures endormies ! Je dois souffler dessus,les réveiller doucement. Sinon ils vont sauter dans ta boîten’importe comment et tu devras la remuer dans tous les sensavant de pouvoir les entendre dans le bon ordre. Au cours de monpériple j’avais remarqué le penchant des hommeset des femmes, surtout de la campagne, à illustrer d’imagesleur parler.

Swabongoen usait, même en abusait. J’étais fascinépar son habilité à maîtriser cet art del’allégorie. Tel un insecte pris au piège d’unearaignée, plus je luttais pour libérer mes pensées,plus elles s’engluaient dans sa toile tissée demétaphores. Alors que le matin encore je n’avais qu’uneenvie, rentrer au plus tôt chez moi, je n’y songeaisplus.

— J’aitout mon temps, concédai-je en remettant en marche le magnéto.

Dèsce premier face à face, Swabongo avait

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